728 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791. j La municipalité de Nancy a arrêté que le portrait de M. Mirabeau serait placé dans la grande salle de l’hô'.el de ville. Adresse de M. Forest, colonel de la garde nationale de Canvilie, près de Toulouse, qui fait hommage à l’Assemblée nationale d’un discours palriotique qu’il a prononcé pour rassurer le peuple conire les alarmes que les ennemis de la Constitution jettent dans le fond des consciences. M. Beauvalet est admis à la barre et présente le modèle d’un monument à élever à l’honneur de M. Mirabeau. Il offre ses talents pour l’exécution, et regrette de 11’être pas assez fortuné pour ire Thon image du marbre. (L’Assemblée ordonne le dépôt de ce modèle aux archives, et accorde à l’artiste l’honneur de la séance.) MM. Milaînet Drouhin sont admis à la barre et font hommage à l’Assemblée de la neuvième livraison des antiquités nationales. (L’Assemblée leur accorde l’honneur de la séance.) M. Boissy-d’Anglas, secrétaire , fait lecture des adresses suivantes : Lettre de M. Rocher , sapeur du bataillon de Saint-Lazare, au nom de ses frères d'armes : ils ont élevé un monument noble et simple à la gloire de M. Mirabeau, en faisant graver son nom en lettres d’or sur une pierre arrachée des fondements de la Bastille, et qui sera placée au coin de la rue où il habitait. Adresses de la garde nationale de Chaumont, département de la Haute-Marne ; de la société des amis de la Constitution de Bellesme , qui annoncent les plus vifs regrets de la perte de M. Mirabeau. Lettre des nouveaux officiers municipaux de Nimes : ils offrent à l’Assemblée l’hommage de la reconnaissance que lui doivent tous les Français, et protestent de leur zèle pour rétablir la paix dans un pays trop longtemps déchiré par les troubles et les factions. Gette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Les nouveaux officiers municipaux do la ville de Nîmes s’empressent de remplir leur premier devoir en vous offrant l’hommage de vénération et de reconnaissance que vous doivent tous les Français. « Le choix "libre de tous nos concitoyens vient de nous confier les fonctions les plus importantes; nous savons que cette confiance nous impose de grands devoirs et un dévouement sans bornes, et par là une confiance muette; nous osons l’espérer de la pureté de nos intentions et la sincérité de notre zèle. Sûrs de nos principes, qui sont puisés dans le livre de la Constitution, nous chercherons à affermir de toutes nos forces les fondements de la félicité publique posée par vos mains. Ah! sans doute, nos efforts ne seront oint vains. Nous aimons à penser qu'une paix urable, présage heureux d’une parfaite union, réparera bientôt les pertes d’une cité que de longs malheurs ont affligés. « Rapprochés souvent de ce bon peuple que nous chérissons et qui, en nous chargeant de ses plus chers intérêts, nous a donné une preuve éclatante de son am ur, nous lui parlerons le langage simple de la vérité, el la vérité sera entendue; nous lui ferons connaître l’étendue de vos bienfaits, et il chérira ses bienfaiteurs; nous lui apprendrons enfin que la liberté, pour assurer le bonheur, doit être sous la sauvegarde de la loi, et il respectera la loi, devenue le garant de sa liberté. Voir les citoyens unis par la plus grande fraternitée st notre vœu le plus ardent: la sûreté du peuple et votre estime sont la récompense la plus douce que nous puissions mériter. « Nous sommes, etc. Lettre des sieurs Layrac , Puget et Boire qui expriment leurs sentiments de respect et de gratitude envers l’Assemblée, qui les a dégagés, par décret du 2 avril, des liens de l’interdiction provisoire dont ils ôtaient frappés depuis 9 mois. M. le Président annonce que la section de la Grange-Batelière fait hommage à l’Assemblée de l’éloge funèbre de M. Mirabeau, prononcé en son nom à Saint-Eustache, par M. Cérutti (1). (L’Assemblée ordonne le dépôt de ce document aux archives.) M. Boissy-d’Jtnglas, secrétaire. M. Mailhe, procureur général syndic du département de la Haute-Garonne, a cru devoir rédiger une adresse à tous les curés, vicaires, desservants et au bon peuple de son département, relativement à la constitution civile du clergé. Des lettres reçues de ce pays nous annoncent que celte adresse a eu les effets les plus heureux ; qu’une foule de prêtres factieux ont été intimidés par le seul ouvrage du procureur général et que la paix est due à ses talents. Il a l’honneur d en envoyer un exemplaire à M. le Président. 11 demande que l’Assemblée nationale veuille bien en recevoir l’hommage ; c’est celui d’un bon citoyen. ( Applaudissements .) M. Roche fait hommage à l’Assemblée d’un mémoire sur la poste aux lettres elles assignats. Enfin, voici un prospectus d’un établissement destiné à servir de retraite aux personnes des deux sexes. M. Voulland. Je dois prévenir l’Assemblée que les élections dans la ville de Nîmes, malgré les écrits, se sont faites avec la plus grande tranquillité. M. Ilerlin. L’Assemblée a excepté de son décret d’accusation contre la municipalité de Douai M. Piquet, officier municipal, absent par commission lors des troubles de cette ville. Les motifs qui vous ont porté à en excepter cet officier, connu par son patriotisme, doivent vous engager à le réintégrer dans ses fonctions et je demande qu’il soit adjoint aux huit commissaires qui remplaceront la municipalité. Je dois apprendre, aux amis du bien et de l’ordre que, à peine ces commissaires ont été en fonctions que les 6 bateaux de grains qui étaient restés arrêiés sous l’ancienne municipalité, ont été relâchés, que les diligences ont repris leur libre cours, et que l’argent qui avait été saisi a été conduit par les citoyens eux-mêmes à sa destination ; ce qui prouve l’influence heureuse du patriotisme des administrateurs sur le peuple qu’ils dirigent. (. Applaudissements .) Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète qu’au décret d’hier, par lequel le sieur Piquet, officier muni-(1) Voyez ci-dessus ce document, séance du 4 avril au soir p. 557. Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.] cipal de Douai, est excepté de la disposition de l’article premier du décret du 19 mars dernier, il sera ajouté que ledit sieur Piquet est réintégré dans ses fonctions d’ofticier municipal et qu’il les exercera conjointement avec les huit commissaires nommés en vertu dudit décret du 19 mars, pour remplacer la municipalité de ladite ville. » {Adopté.) M. Merlin. Par suite des malheureux événement qui ont affligé la ville de Douai, les 15, 16, et 17 mars, le directoire du département du Nord se trouve, depuis quelques jours, réduit à six membres, et il est infiniment à craindre qu’ils n’en perdent encore bientôt quelques-uns qui ont déjà manifesté l’intention de donner leur démission. G mme le bien de la chose publique semble nécessiter des mesures extraordinaires, surtout dans cette première année où les affaires sont immenses, j’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée de décréter que, jusqu’à la prochaine assemblée du directoire du Nord, les places qui sont devenues ou deviendront vacantes dans le directoire de ce département seront remplies par ceux des membres desdits conseils qui seront nommés à cet effet par ledit directoire. M. Le Chapelier. Tous les départements sont exposés au même inconvénient, il faut rendre un décret général. M. Merlin. Si l’Assemblée veut rendre un décret à cet égard, j’ai l’honneur de lui proposer celui-ci : « L’Assemblée nationale décrète que jusqu’aux prochaines assemblées des conseils de départements et de districts, les places qui sont actuellement ou qui deviendront vacantes par mort, démission ou autrement dans leurs directoires respectifs, seront remplies par ceux des membres desdits conseils, qui seront nommés à cet effet par les membres restants des directoires. » {Adopté.) M. le Président. Je reçois de M. de Montmo-rin, ministre des affaires étrangères la note suivante : « Paris, le 12 avril 1791. « M. de Montmorin a l’honneur d’envoyer à M. le Président de l’Assemblée nationale trois actes de prestations de serment civique. Le premier souscrit par l’ambassadeur à la porte ottomane, le s crétaire et les officiers de cette ambassade; le deuxième par M. de Scitre de Gaumont, chargé des affaires de France à Malte, et par M. Harasson, son chancelier; le troisième par M. le chargé des affaires de France à Moscou. Les actes forment le complément de ceux qui ont été demandés à toutes les personnes employées par le roi dans les cours étrangères. » {Murmures prolongés.) Plusieurs membres : Pourquoi une note, pourquoi un hillet ? M. lue Chapelier. La dignité du Corps législatif, le respect qui lui est dû, ne permettent pas que les ministres, ou tous autres fonctionnaires publics, lui donnent connaissance des act�s officiels de leurs départements par un simplebillet. Je demande que le billet de M. de Montmorin lui soit renvoyé, avec une note du Président, portant 729 la déclaration que l’Assemblée ne reçoit point de billets. {Applaudissements.) (Cette motion est adoptée.) M. Morin, au nom du comité des rapports. Messieurs, Saint-Chiniau, petite ville du district de Saint-Pons, au département de l’Hérault, dans la ci-devant province de Languedoc, est depuis longtemps le théâtre de divisions qui pourraient entraîner les suites les plus fâcheuses, si vous ne preniez de promptes mesu es pour les faire cesser. Je mets vos moments à trop grand prix pour me permettre un exorde inutile ; j’observerai seulement que l’opposition des intérêts et des sentiments sur la Constitution, qui a été dans d’autres villes le sujet des désordres dont vous avez gémi, n’est entré pour rien dans ceux qui agitent Saint-Ghinian; ils ont pris la source da s l’amour-propre de quelques chefs et dans la rivalité de deux légions qui s’étaient formées sur la fin de Fannée 1789, sous les dénominations de légion verte volontaire et de légion b'eue patriotique. La municipalité était parvenue, au moins en apparence, à détruire les deux partis, en les incorporant dans la garde nationale : l’un deux sous le nom de légion verte a recommencé le trouble; en se reproduisant, il a déployé tant de vivacité, et de moyens pour soutenir ses prétentions, qu’il a contribué à mettre la municipalité et les gardes nationales aux prises avec le directoire du département : il a obtenu de ce dernier plusieurs arrêtés, notamment celui du 23 novembre 1790, qui blesse également la disposition formelle de vos décrets, et les règles les plus ordinaires de la prudence : la cassation de cet arrêté est demandée par le? gardes nationales, attendu, disent-elles, que son exécution s uait injuste et dangereuse: le directoire, au contraire, prétend que son arrêté est conforme à vos principes, et il en demande le maintien. Je passe au récit des faits, et à l’examen des mémoires respectifs qui doivent fixer votre opinion. La légion bleue, n’ayant pu amener la verte à une réunion, à ce qu’elle assure, délibéra de se former en compagnie; elle nomma ses chefs et lit viser cette délibération par la municipalité le 18 avril 1790. Le 24 suivant, elle se rendit à la maison commune, où elle déclara qu’elle s’était organisée en légion divisée en plusieurs compagnies; le conseil général lui donna acte de cette déclaration, et reçut le serment qu’elle prê’a d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi. La légion verte voulut, à l’exemple de la bleue, s’organiser dans une forme régulière. Elle se présenta le lendemain 25 à la maison commune; elle déclara qu’elle s’était formée, sous le nom de légion verte, par une délibération prise la veille, et elle prêia son s rmeut.. L’honneur de la préséance, si ridicule lorsque c’est la vanité et non le zèle qui le réclame, pouvait entraîner des contestations; la municipalité les prévint par une délibération du 4 mai, où elle accorda cette prérogative à la légion bleue, sur le motif que sa formation régulière et sa prestation de serment avaient précé ié celles de lu légion volontaire. Le 25 mai, la légion bleue fit une adresse à l’Assemblée nationale, qu’elle renouvela le 8 juin, pour se plaindre des désordres que commettait la légion verte, et pour demander qu’il fût ordonné que les deux légions seraient réunies