349 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 octobre 1789.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER. Séance du mardi 6 octobre 1789, au matin (1). Dès neuf heures du matin, de nombreux députés se trouvaient dans la salle. Les uns voulaient que l’on se rendît au château en disant que le président s’y était rendu cette nuit et qu’il avait indiqué la séance dans la galerie pour satisfaire aux désirs du Roi. Les autres s’élevaient contre cette proposition. A onze heures, M. Je président arrive et ouvre la séance, en faisant donner lecture du procès-verbal de celle de la veille. M. le Président annonce que le Roi réclame les conseils des représentants de la nation dans les circonstances actuelles. L’Assemblée charge deux de ses membres, MM. le marquis de Blacons et le comte de Serans, d’aller vérifier quelles sont les véritables intentions de Sa Majesté. La question de savoir si l’Assemblée entière se rendra au château est mise en délibération. M. le comte de Mirabeau propose d’entretenir entre l’Assemblée et le Roi une correspondance perpétuelle par l’entremise de commissaires. Vous devez, dit-il, mûrement et sérieusement délibérer, avant de décider que l’Assemblée doit se déplacer du lieu ordinaire de ses séances ; l’Assemblée doit toujours être tenante. qu’une saine politique doit la déterminer à faire librement un acte d’une si grande importance. M. Barnave. Vous allez avoir à conseiller le Roi sur la translation de sa personne ; vous aurez également à délibérer sur votre propre translation, savoir : si le Roi et l’Assemblée demeureront ici, s’ils iront à Paris, s’ils se transféreront ailleurs; c’est ce qui ne peut être décidé que par les circonstances et après une mûre réflexion , mais il est certain que, dans tous les cas, ils ne doivent point se séparer; le salut et la paix du royaume, l’unité de la puissance publique et l’inviolable fidélité que nous devons au Roi nous le prescrivent également ; cette résolution qu’aucune circonstance ne peut changer, et que toutes , au contraire, nous prescrivent, ne saurait être prononcée trop tôt ; je propose donc à l’Assemblée de délibérer sur-le-champ et d’adopter la motion deM. le comte de Mirabeau. Un membre propose d’ajouter : pendant la session actuelle. La motion et l’amendement sont mis aux voix et adoptés à l’unanimité. En conséquence, l’arrêté suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète : « Le Roi et l’Assemblée nationale sont inséparables pendant la session actuelle. » Les commissaires, qui avaient reçu mission de s’informer des intentions précises du Roi, rentrent dans la salle et disent que Sa Majesté a témoigné une grande sensibilité en apprenant que l’Assemblée se disposait à lui envoyer une députation. En conséquence, un de MM. les secrétaires lit la liste des membres qui doivent se transporter auprès du Roi, savoir : M. Démeunler est d’avis que, pour ramener le calme dans des circonstances aussi difficiles, il ne faut s’inspirer que de son devoir, et que les principes qui retiennent l’Assemblée dans le lieu ordinaire de ses séances sont inapplicables à l’état actuel. Le Roi demande des conseils, c’est la mission des députés de satisfaire à sa demande. M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angely. Nous devons entretenir le feu du patriotisme et nous concerter avec le restaurateur de la liberté française pour la sûreté de l’Etal. Je pense qu’une partie de l’Assemblée doit tenir la séance et que rautre doit demeurer chez le Roi avec une correspondance prompte. Cette dernière proposition est adoptée en partie et l’Assemblée décrète qu’on enverra à Sa Majesté une députation de trente-six personnes. Au dehors,’ on entend le bruit de la mousque-terie et on annonce, en môme temps, que le Roi va se rendre au sein de l’Assemblée. M. Target est envoyé auprès de Sa Majesté pour connaître ses intentions. M. le comte de Mirabeau. Je pense toujours que nous devons être rapprochés du monarque, pour l’accélération de notre ouvrage. Je demande qu’il soit décrété que le Roi et l’Assemblée nationale seront inséparables, et j’observe MM. Renaud, député d’Agen. Barnave. Target. Vicomte de Mirabeau. D’Anteroche , évêque de Condom. Baron de Marguerittes. Marquis de Lusignan. Comte de la Villarmois. Comte de Custine. Le Sergeant-d’Isbergues. Bouche. Liliaz de Croze. L’abbé Duplaquet. Vernier. Marquis de Loras. Brassart. Martineau. Barré re de Vieuzac. MM. Dillon, curé. De Boislandry. Hennet. Camus. Abbé d’Eymar. Rabaud de Saint-Etienne. Garat, l’aîné. Aubry du Bouchet. Tronchet. De Ballidard-Rochefonlaine. La Ville-Leroux. Petion. Populus. Schwendt. Champion de Cicé, évêque d’Auxerre. Landreau, curé. Baron de Carondelet. Le Tellier, curé. M. Target annonce à l’Assemblée nationale que l’intention du Roi est de se transporter, non pas à la séance, mais à Paris. La députation se rend au château. M. Démeunier propose de nommer une seconde députation pour accompagner le Roi à Paris ; l’Assemblée en nomma dans des temps bien moins difficiles ; elle ne peut se dispenser de le faire aujourd’hui. Cette proposition est adoptée à l’unanimité. La députation qui avait été envoyée au Roi étant de retour rend compte de ce qui s’est passé. M. l’abbé d’Eymar, portant la parole, a dit : (1) Cette séance est fort incomplète au Moniteur. 350 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 octobre 1789.] Sire, « J’ai l’honneur de remettre entre les mains de Votre Majesté le décret par lequel l’Assemblée nationale vient de déclarer unanimement la personne de son Tloi inséparable des représentants de la nation, pendant la session actuelle ; elle croit manifester un vœu digne du cœur de Votre Majesté, et consolant pour elle dans toutes les circonstances. » Le Roi a répondu : « Je reçois avec une vive sensibilité les nouveaux témoignages de l'attachement de l’Assemblée. Le vœu de mon cœur est, vous le savez, de ne jamais me séparer d’elle. Je vais me rendre à Paris avec la Reine et mes enfants ; je donnerai tous les ordres nécessaires pour que l’Assemblée nationale puisse y continuer ses travaux. » De nombreux applaudissements accueillent cette réponse. Un de MM. les secrétaires donne lecture de la liste des membres qui doivent accompagner le Roi à Paris, ce sont : MM. La Poule. Comte de Castellane. Comte de Montmorency. De Taileyrand , évêque d’Autun. Cardinal de La Rochefoucauld. D’Argentré, évêque de Limoges. Duc de Iliron. Ricard, député de Castres. D’Ailly. Ricard de Séalt. De Ménonville de Villiers. Martin, député de Béziers. Salomon de la Saugerie. Lombard de Taradeau. Emmery. Le Chapelier. Dubois de Crancé. Arnoult. Merlin. Marquis de Biancourt. Vicomte de Toulongeon. Dufraisse-Duchey. Marquis de Langon. Goupil de Préfeln. Lebrun, curé. Long. Comte d’Estagniol. Duc de Croi d’Havre. Duc de Praslin. Aubry, curé. Leclerc de Juigné, archevêque de Paris. Abbé de Montesquiou. Abbé Chevreuil. Gros, curé. Dom Chevreux. Dumouchel, recteur de l’Université de Paris. Legros, curé. Abbé de Bonneval. Veytard, curé. Abbé de Barmond. Comte de Clermont-Tonnerre. Chevalier, député de Paris. Target. MM. Duc de la Rochefoucauld. Comte de Lally-Tolendal. Comte de Rochechouart. Marquis de Lusignan. Dionis du Séjour. Duport. Le président Le Pelletier de Saint-Fargeau. Comte de Mirepoix. Marquis de Montesquiou-Fezensac. Bailly. Camus. Vignon. Bevière. Poignot. Tronchet. Debourgp. Martineau. Germain. Guillotin. Treilhard. Berthereau. Démeunier. Garnier, député de Paris. Leclerc, député de Paris. Hutteau. Dosfant. Anson. Lemoine, l’ainé. L’abbé Sieyès. Durand, député du Quercy. Pellerin, député de Nantes. De Lachèze. Comte d’Helmstat. Melon de Pradoux. De Beauvais, ancien évêque de Senez. De Coulmiers, abbé d’Ab-becourt. Papin. Duval D’Eprémesnil. Duc de Castries. Le président d’Ormesson. Le bailli de Crussol. Afforty. Duvivier. Glezen. Billette. MM. Ducellier. De Boislandry. Lenoir de la Roche. Guillaume. Rivière, député de Mende. Devoisins, député de Toulouse. MM. Marquis de Gouy-d’Arsy. Comte de Plas de Tane. Leymarie, curé. Crenière. De Cocherel. Duc de Liancourt. Prince de Broglie. M. le comte de Mirabeau. Pour faire voir que le vaisseau de l’Etat n’est pas eu danger, pour signaler à jamais cette journée mémorablie de la concorde, je pense qu’il faut délibérer sur-lp-champ sur le décret des impositions présenté par le ministre des finances, et sur l’adresse à envoyer aux commettants. Cette motion a été adoptée et la discussion a été immédiatement ouverte. Divers amendements ont été proposés sur quelques articles du projet de décret du comité des finances, relatif au plan du premier ministre de ce département. Un premier amendement à l’article 8 a été admis. On en avait proposé deux à l’article 10. La priorité ayant été réclamée et accordée en faveur du second, il a été discuté, soumis aux voix et admis. Un troisième amendement, relatif à l’article 18, a été aussi adopté. L’Assemblée délibérant sur un quatrième amendement présenté sous deux formes différentes, a admis l’amendement et la première des deux rédactions proposées. Enfin, la totalité du projet d’arrêté, avec les amendements antérieurement délibérés, ayant été mise aux voix, l’Assemblée les a adoptés sous la forme et dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir pris en considération le compte qui lui a été rendu par le premier ministre des finances, de la situation du Trésor public, des besoins ordinaires et extraordinaires de cette année et de l’année prochaine, pour fournir à toutes les dépenses courantes,1 èt pour satisfaire à tous les engagements de l’Etat ; « Considérant que le premier objet qui doit occuper l’Assemblée est de rassurer les peuples sur la crainte de voir augmenter leurs charges, et les créanciers de l’Etat sur la fidélité avec laquelle tous les engagements seront désormais remplis, et que ces deux avantages résulteront nécessairement du parti qu’elle a pris d’anéantir, par des réductions sur les dépenses, ou par des bonifications de recettes, toute différence entre les recettes et les dépenses fixes ; « Ayant en conséquence pris la détermination positive d’opérer dès à présent, d’ici au premier janvier prochain, et préalablement à un travail plus approfondi, les réductions suivantes sur les dépenses montant à 35,814,000 livres, « Savoir : « Sur la dépense du département de la guerre ......... « Sur celui des affaires étrangères ................. « Sur la maison du Roi et des princes ses frères ....... « Sur les pensions, indépendamment des réductions ordonnées en 1788.... ....... « La dépense entière des haras ..................... 20,000,000 livres. 1,000,000 8,000,000 6,000,000 814,00.0 « Total ........... 35,814,000 livres.