476 [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1791. sont nécessaires, forme des vœux particuliers pour qu’oo adopte son plan de municipalités par canton, et qu’elles soient établies au mois de novembre de cette année; alors l’organisation du royaume ne préseniera plus de lacune, et l’unité parfaite des principes et des établissements secondant la sagesse des lois, les habitants des campagnes pourront enfin goûter le bonheur et la paix (1). Avant de passer à la lecture des articles de notre projet de décret, je propose à l’Assemblée de discuter et de résoudre les deux questions suivantes : 1° Laissera -t-on à chaque municipalité le jugement du contentieux en matière de police? 2° Laissera-t-on à chacune d’elles la réquisition et l’emploi de la force publique, ou les lui ôtera-t-on pour les donner à une municipalité centrale? L’accord une fois établi sur ces deux points, le projet de décret ne présentera pas de difficultés majeures. M. Rewbell. Le projet de décret de votre comité présente les plus grands dangers. Les mesures qu’il vous propose sont des mesures versatiles qui détruisent tout l’ouvrage de l’Assemblée et qui, sous prétexte d’empêcher l’anarchie, ne font que l’entretenir davantage. On convient que les municipalités, telles qu’eUes ont été constituées, ont été fort utiles à la Révolution par la manière dont elles ont entretenu l’esprit public. 11 est vrai que quelques-unes d’elles n’ont point encore acquis toute la force et toute l’autorité dont elles sont susceptibles, mais chaque ’our ces inconvénients se font moins sentir; tous es paysans se sont attachés à ces établissements, et ils ne les verraient pas réduire sans les plus grands regrets. Ne donnons pas nous-mêmes l’exemple de ces versatilités ; laissons nos successeurs réformer, dans les lois réglementaires, ce qui leur paraîtra renfermer de trop grands inconvénients. M. Mougins de Koquefort. En général, les campagnes ont été très contentes d’avoir obtenu des municipalités. A présent si vous allez soumettre ces municipalités à .une administration centrale, il serait possible qu’elles s’alarmassent de ce changement. Il est très intéressant, soit pour le maintien de la Constitution, soit pour le bien général de la patrie, de laisser mûrir les choses et les objets : je crains qu’une petite municipalité qui jouit dans toute son intégrité du bienfait de votre Constitution, ne se trouve infiniment lésée de cette subordination à laquelle vous voulez l’astreindre. Je crois, en conséquence, qu’il serait prudent de renvoyer ce qu’on demande à la prochaine législature. ( Murmures et applaudissements.) M. l’abbé Grégoire. Messieurs, dans le moment actuel, vos officiers municipaux connaissent à peine les lois auxquelles ils doivent se soumettre; vous croiseriez inutilement leurs idées, en cherchant à leur en donner de nouvelles auxquelles ils n’entendront rien. J’ajoute que c’est compliquer la marche du gouvernement et il pourrait y avoir danger d’établir un rouage de plus dans une machine qui est peut-être déjà compliquée. (1) Voy. ci-après le projet de décret du comité, aux annexes de la séance. Une dernière observation : Les municipalités centrales seront payées ou ne le seront pas. Dans le premier cas, ce sera une charge nouvelle pour le peuple; dans le second, on ne trouvera personne qui veuille se transporter souvent hors de son domicile pour remplir gratuitement ces fonctions. M. Démeunier, rapporteur. Cette question n’est pas aussi simple qu’elle le paraît. Ce serait en vaiu que vous vous flatteriez d’établir l’ordre public dans le royaume, si vous n’avisez point, je ne dis pas aujourd’hui, car mon avis aurait été que l’on ne mît point actuellement ce travail à l’ordre du jour ; mais seulement lorsque le comité de révision vous présentera l’ensemble de vos décrets; si, dis-je, vous n’avisez point au danger de laisser 44,000 communautés indépendantes dans le royaume et prononçant en matière de police. J’ajoute qu’on a oublié complètement les diverses parties du plan que nous proposons. En effet, nous laissons d’une part à toutes les communautés réunies soit par vos précédents décrets, soit volontairement, la faculté de demeurer dans le même étai, non seulement pour la répartition de leurs contributions, mais pour la gestion de leurs propriétés de famille, si je puis m’exprimer ainsi. Nous n’avons pas cru non plus qu’il fût nécessaire de donner des officiers municipaux à cette municipalité centrale. Chacun des officiers municipaux des municipalités se rendraient tour à tour au chef-lieu du canton. Là et concurremment ils prononceraient en matière de police. J’observe enfin que cette mesure est commandée par la nécessité. 11 est impossible de la renvoyer à la législature prochaine. Je conclus donc, Monsieur le Président, à ce que le projet de décret soit ajourné jusqu’au moment où le comité de révision présentera i’ensemble des travaux que vous avez faits, et la révision des décrets que vous avez rendus. M. de Toulongeon. Messieurs, le projet qui vous est présenté n’a pas seulement en vue un objet de police; mais il est encore le seul moyen de sauver les campagnes de la suprématie inévitable des villes, en autorisant les municipalités à se corporiser entre elles : autrement, il vous arrivera ce qui est arrivé en Suisse où les municipalités des villes ont concentré en elles toute l’autorité et où elles exercent une telle suprématie sur celles de la campagne que les membres des premières disent scandaleusement en parlant de celles-ci : nos sujets des campagnes. Les grandes villes possèdent déjà les directoires de district et de département, la plupart, des tribunaux les plus importants et des sociétés particulières très influentes. Si les campagnes ne mettent pas un obstacle à cela, si elles ne peuvent former des corporations de municipalités qui contrebalancent toute autre autorité de même nature, vous entendrez aussi les villes dire : nos sujets , en parlant des habitants des campagnes. ( Applaudissements .) Je ne demande donc ni le renvoi à la prochaine législature, ni l'ajournement jusqu'au moment où le comité de révision nous fera son rapport : le rapport est fait, les idées sont préparées ; je demande que la discussion soit ouverte. M. Bonsslon. Le décret qui nous est proposé, s’il était adopté, ne tendrait qu’à établir le dé- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1791.] sordre et la division dans le royaume, au moment même où la tranquillité commence à peine à s’y établir. Je demande que l’Assemblée décrète l’ajournement de cette question à la prochaine législature : ceux qui nous succéderont sauront aussi bien que nous ce qui conviendra aux intérêts du royaume. M. Rœderer. Je crois, Messieurs, que, dans ce moment, il y aurait peut être un grand danger à adopter le projet du comité, parce qu’on courrait le risque de désorganiser les municipalités existantes dont nous avons besoin, au moins pour le moment actuel... M. Démeunier, rapporteur. Il n’est pas question de faire procéder actuellement aux élections ; je vous prie de vous souvenir que ce n’est que pour le mois de novembre, et non pas à présent. M. Rœderer. Sans désorganiser les munici-lités, il serait possible aussi que l’on mît un rouage de trop dans la machine qui est déjà assez surchargée ; mais je ne suis pas pour cela de l’avis de ceux qui demandent purement et simplement le renvoi à la législature prochaine, et je crois qu’il y aurait du danger à prendre un pareil parti. De quoi s’agit-il en effet en ce moment? De départir réellement un pouvoir politique; de donner aux municipalités qui existent une forme nouvelle, de faire des municipalités agrégatives au lieu des municipalités individuelles qui existent actuellement : cela ne peut être fixé que par le corps constituant. En conséquence, m’opposant au renvoi pur et simple au Corps législatif prochain, je demande que l’Assemblée décrète au moins le principe et dise qu’il pourrait être des municipalités collectives ou par canton pour exercer toutes les fonctions administratives et déléguées par les lois aux municipalités actuelles, et, à cet effet, que les corps administratifs pourront proposer aux subséquentes législatures les témoins qu’ils jugeront convenables. Vous voyez que, de cette façon, le principe une fois décrété çar vous, vous pourrez en renvoyer l’exécution à la prochaine législature, sans vous départir pour cela d’un pouvoir du corps constituan t qui ne doit pas être exercé par elle. Plusieurs membres : C’est cela. M. Salle. Je suis loin de vouloir vous prouver que les mesures que vous propose votre comité ne soient pas bonnes. L’Assemblée nationale elle-même a déjà déclaré qu’elle désirait des municipalités collectives, car elle a invité les municipalités des campagnes à se réunir le plus qu’il leur serait possible; mais je crois qu’il serait funeste de décréter un pareil projet dans ce moment-ci; et je me fonde sur un fait dont je vais vous donner connaissance. Dans mon département, notre évêque n’est pas encore en place ; nous avons beaucoup de prêtres réfractaires, et dans ce moment-ci on abuse des circonstances pour persuader aux communautés que l’intention de l’Assemblée nationale est de n’avoir plus qu’une paroisse par canton. Si le projet du comité passait, certes on aurait les plus grands avantages à le faire croire aux habitants des campagnes; ainsi j’appuie l’ajournement. M. de Folleville. Je vais rappeler la discussion 477 à son véritable point. On a discuté sur le fond, et il ne s’agit que d'un ajournement : on en a proposé deux, run à la prochaine législature, l’autre au moment où se fera la révision de vos décrets. Le renvoi à la législature prochaine serait évidemment inconstitutionnel, ainsi que l’a prouvé M. Rœderer, puisque la répartition des pouvoirs est une émanation du pouvoir constituant. En ajournant, au contraire, au moment de la révision, vous ne laissez à la législature que de dire que le vœu d’un département est tel, et non qu’il sera décidé de telle manière. M. Routteville-Dumetz. Les principes du comité sont sages, mais ses moyens d’exécution paraissent trop compliqués. M. Démeunier, rapporteur. Je crois que ce qu’il y a de mieux à faire est de renvoyer au comité de révision qui adoptera sans doute le moyen proposé par M. Rœderer. Je demande donc l’ajournement pur et simple à l’instant où le tableau des décrets vous sera présenté. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ajournement à l’époque où le comité de révision présentera son travail.) M. le Président lève la séance à trois heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 26 MAI 1791, AU MATIN. Etat de consistance et des revenus des domaines à réserver au roi (1). (Imprimé au nom du comité des domaines.) Le comité des domaines, pour ne pas surcharger son rapport de détails et de calculs difficiles à saisir à une simple lecture, a cru devoir les présenter à l’Assemblée séparément afin de la mettre à portée de délibérer sur le projet de décret qui sera à la suite de ce tableau. Ces détails et ces calculs sont le résultat des divers renseignements qui ont été fournis au comité par l’administration des bâtiments, par celle du domaine de Versailles , par les différentes maîtrises et les autres éclaircissements particuliers que le comité s’est procurés. PARIS. Le château et le jardin des Tuileries. Le Louvre avec la destination qui sera indiquée dans le rapport. La galerie qui réunit ces deux édifices. Les cours, jardins, maisons et emplacements en dépendant, et quelques maisons employées au service du roi. Les bâtiments servant aux écuries, Et le garde-meuble de la couronne. VERSAILLES ET SES DÉPENDANCES. 1° Les châteaux, bâtiments, emplacements, jardins et parcs, dont le roi est en jouissance; (1) Voy. ci-dessus, p. 468, le rapport de M. Barrère de Vieuzac sur cet objet.