58 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] les autres grandes villes, et que le comité veuille bien présenter la rédaction d’un article qui remplisse cet objet. M. Chabroud. J’observe au préopinant qu'il s’agit ici d’une affaire de propriété nationale qui n’exclut aucun artiste, et que ceux qui habitent les provinces peuvent venir à Paris. (Murmures.) J’observe encore que ce n’est pas dans les provinces qu’on peut espérer le progrès des beaux-arts; c’est seulement dans la capitale où existent les grands moyens. D’ailleurs, il ne s’agit que d’un plan d’encouragement provisoire. M. Alexandre Beauharnais. Si l’Assemblée le permet, je vais lui soumettre un projet de décret concerté avec M. Févêquë d’Autun, rapporteur de l’instruction publique. Ce projet se lie avec les principes et les réflexions qui ont été énoncés par M. Camus. « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit ; Art. 1er. « Il sera accordé annuellement pour le soutien des arts de peinture, sculpture et gravure une somme pour les travaux d’encouragement, fixée provisoirement pour cette année, à 100,000 livres, dont 70,000 livres se répartiront entre les peintres d’histoire et les statuaires; les autres 30,000 livres seront réparties entre les peintres dits de genre, et les graveurs, tant en taille-douce qu’en pierres fines et en médailles. Sur ladite somme de 30,000 livres, il sera pris celle de 10,000 livres pour faire travailler, dès cette année, à la continuation de la collection des ports de France de Joseph Vernet, par l’artiste que le pouvoir exécutif a déjà désigné pour ce travail. Art. 2. « Ces travaux seront distribués vers le milieu du temps de l’exposition publique, et seulement aux artistes qui se seront fait connaître dans l’exposition de la présente année. Art. 3. « Pour cette année seulement, et sans préjuger ce qui sera déterminé à l’avenir, ces travaux ci-dessus ordonnés seront distribués par les membres de l’Académie de peinture et de sculpture 2 membres de l’Académie des sciences, 2 membres de l’Académie des belles-lettres, et 20 artistes non académiciens, lesquels seront choisis par les artistes qui ont exposé leurs ouvrages au Salon du Louvre. Art. 4. « Pour faire cesser toute distinction entre les membres de l’Académie de peinture en cette circonstance, les agréés à ladite académie seront appelés à ce jugement. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité central de liquidation sur l’affaire de MM. Haller et Le Couteulx de La Norraye, relative à la liquidation des actions de la Compagnie des Indes. M. Camus, rapporteur. MM. Huiler et Le Goutteux de La Norraye se sont préseniés au comité central de liquidation, porteurs d’un arrêt rendu au conseil d’Etat le 9 novembre 1790, par une des dispositions duquel, et d’après un compte reçu par l’arrêt, ils sont déclarés créanciers de l’Etat d’une somme de 4,705,038 1. 8 s. 1 d. Le comité central, après avoir examiné cet arrêt définitif et les arrêts interlocutoires qui l’ont précédé, estimant qu’ils étaient attaquables par les voies de droit, a arrêté de proposer à l’Assemblée nationale qu’ils fussent remis à l’agent du Trésor public, pour se pourvoir ainsi et contre qui il appartiendra. En présentant son projet de décret à l’Assemblée, le comité lui doit compte de ses motifs; et leur exposition exige d’abord celle des faits. Les opérations de l’agiotage qui ont eu lieu en 1786 et 1787, sur les actions des eaux, de la compagnie des Indes, etc., sont assez connues, ainsi que les principaux agents de ces opérations, pour qu’on soit au fait de l’objet dont nous avons à parler, dès que nous aurons annoncé qu’il s’agit ici de la liquidation des actions de la compagnie des Indes, achetées et accaparées par l’abbé d’Espagnac. Voici l’état de cette opération au mois de mars 1787 ; Il n’existait, en tout, que 40,000 actions de la compagnie des Indes; il ne pouvait même y en avoir en circulation que 37,000, la compagnie en retenant 3,000 en dépôt pour le cautionnement de ses administrateurs. Cependant l’abbé d’Espagnac avait, partie entre les mains, partie à recevoir par les engagements contractés envers lui, 45,653 actions de la compagnie des Indes. Il est évident que, dans cette position, 8,653 actions ne pouvaient lui être livrées qu’autant que lui-même aurait d’abord mis sur la place et vendu une pareille quantité d’actions; qu’étant le maître de ces actions, il les aurait fait payer le prix qu’il aurait voulu; enfin que les personnes qui avaient contracté avec lui, étaient à sa discrétion. Or, ces personnes étaient ungrand nombre de banquiers et de négociants, particulièrement de Paris. Le prix commun de l’action des Indes ayant été du 1er au 15 mars, de 1,600 livres, il est aiséde sentir combien les engagements contractés envers l’abbé d’Espagnac devaient peser sur ceux qui les avaient souscrits. Les échéances commençaient à arriver à la fin de mars; et ainsi c’était à celte époque que le désastre, suite de ces engagements, pouvait éclater; et en ruinant beaucoup d’intéressés, influer en général sur les opérations de la Bourse et sur la circulation des fonds. Ces premiers faits, étant constants, ne donnent lieu, quant à présent, à aucune observation. Il n’en est pas de même de ceux qui suivent ; et pour ne rien omettre, comme pour ne rien hasarder, il faut d’abord entendre le récit de MM. Haller etde La Norraye; voirensuite les pièces; enfin établir les résultats. C’est donc uniquement MM. Haller et de La Norraye que nous allons d’abord entendre; nous citerons exactement chacun de leurs écrits, d’où nous tirerons ce qui doit être rapporté. Plusieurs motifs personnels à M. de Calonne, alors contrôleur généra], le portèrent à subroger le gouvernement à la place de l’abbé d’Espagnac ; mais, pour faire avec succès l’importante spéculation que celui-ci avait imaginée, il fallait être négociant ou banquier, et M. de Calonne n’était ni l’un ni l’autre. M. de Montmorin et M. de Breteuil (ministres) avaient prévu qu’il pouvait résulter de grands inconvénients de l’exil prononcé contre l’abbé d’Espagnac le 18 mars. Ebranlé par leurs observations, M. de Calonne vint le même jour à Paris. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] 59 11 consulta séparément M. Haller et M. de La Nor-raye; il consulta d’autres banquiers; tous prédirent que l'exil de l’abbé d’Espagnae entraînerait sa ruine, la baisse des actions, un bouleversement général sur la place de Paris et dans plusieurs autre places. Le 20 mars, l’abbé d’Espagnac et le sieur Bar-roud remirent à M. de Galonné, sur sa demande, un aperçu de leur spéculation concernant les actions des Indes. Le 21 mars, au matin, à Versailles, M. de Ca-lonne annonça à l’abbé d’Espagnac et au sieur Barroud, comme une résolution irrévocable du gouvernement, que la liquidation de toutes les actions qui leur appartenaient serait faite de l’ordre du gouvernement, sous l’inspeciiou de plusieurs commissaires que le roi nommerait à cet effet. Il exigea d’eux une soumission en forme de requête, ponant consentement pur et simple à la liquidation de tous les traités et marchés qu’ils avaient faits sur les actions des Indes ; ils se retirèrent, après l’avoir donné (1). Le même jour, un courrier, dépêché par M. de Galonné, porta à MM. Haller et de La Norraye, des lettres d’invitation à se rendre sur-le-champ à Versailles. Il était chargé de deux lettres sem-(1) Suit ce document : Soumission de MM. d’Espagnac et ÈarroUd, du 21 m ars 1787. « A Monseigneur de Calonne, contrôleur général des finances. « Supplient humblement les sieurs abbé d’Espagnac et Barroud, et vous exposent : « Que l’ordre du roi qui les éloigne de Paris l’Un et l’autre, renverserait, s’il était mis à exécution, leur fortune et leurs affaires, et occasionnerait sur la place de Paris et dans toutes les maisons de banque avec lesquelles ils ont des rapports, un dérangement considérable ; « Que, dans les opérations faites par les suppliants, ils ne se sont jamais écartés des règles de la plus scrupuleuse honnêteté , et qu’ils n'ont jamais eu l’intention de faire rien de contraire aux intentions de Sa Majesté et à l’ordre public ; « Que, vivement pénétrés d’avoir encouru la disgrâce du roi, ils vous supplient, Monseigneur, de porter leurs regrets au pied du trône, de demander à Sa Majesté la révocation des ordres qu’elle a donnés, et de l’assurer qu’ils ne feront usage de leur liberté que pour lui donner des preuves de leur soumission absolue â ses volontés ; « Que les suppliants vous ont justifié, Monseigneur, dans le mémoire qu’ils vous ont remis, que l’achat par eux fait de 32,000 actions des Indes avait été combiné avec leurs moyens personnels réunis à ceux de la confiance publique; mais que la notoriété des ordres du roi, dont ils sollicitent la révocation, a considérablement altéré les moyens de crédit sur lesquels ils avaient droit de compter; et qü’en conséquence ils ont besoin d’un secours extraordinaire, pour parvenir à leur liquidation, sans être exposés à une ruine absolue; « Que, pour se conformer aux intentions du roi, ils vont travailler sans relâche à cette liquidation, vous suppliant, Monseigneur, de nommer pour surveillants de cette liquidation MM. Haller et Le Couteulx de La Norraye, auxquels ils donneront un état exact de leur situation, relativement à leurs achats d’actions des Indes, afin que, sur leur avis, vous puissiez déterminer Je prix, la marche et les conditions de cette liquidation, laquelle sera faite sous les yeux des deux personnes susnommées. a Les suppliants osent espérer, Monseigneur, que ces dispositions de leur part mériteront votre approbation et vos bontés, et leur obtiendront la grâce qu’ils demandent à Sa Majesté. « Signé : Abbé d’EspAGNAC, Barroud. » blables pour MM. Wandenyver et Pomaret. Ceux-ci ne purent être joints qu’à 8 heures et demie du soir; il était trop tard pour qu’ils se rendissent à Versailles. MM. Haller et de La Norraye partirent sur-le-champ et arrivèrent à 7 heures. M. de Galonné leur rend compte de son plan, dont le terme était une liquidation à laquelle on contraignait l’abbé d’Espagnac; MM. Haller et de La Norraye y trouvent des inconvénients ; ils conjurent M. de Galonné dé demander au roi de nouveaux ordres et de l’engager à prendre tout autre parti que celui d’une liquidation. M. de Galonné répond que cela n’est pas possible; ses paroles positives ne laissent aucune réplique. MM. Haller et de La Norraye entrent, quoiqu’à regret, dans les vues deM. de Galonné. On convient qu’il faut une nouvelle soumission de l’abbé d'Espagnac, et que la liquidation se fera par le sieur Barroud, sous l’inspection des commissaires qui seraient nommés à cet effet par le roi (1). M. de Galonné, désirant que cette inspection fût confiée à MM. Haller et de La Norraye, fait de vives instances pour les déterminer à l’accepter. Ils résistent à toutes ses sollicitations et promettent seulement de remplir provisoirement les fonctions de commissaires, jusqu’à ce que le roi en ait nommé d’autres. D’après les ordres de M. de Calonne, ils rédigent, le 22, en forme d’instruction, le plan qui avait été arrêté, afin de le présenter au roi ; l’abbé d’Espagnac fait sa nouvelle soumission. Ges deux pièces sont envoyées à M. de Galonné; et, dans la même matinée, MM. Haller et de La Norraye écrivent aux banquiers de Paris une lettre circulaire pour lés instruire des mesures qu’on prenait dans la vue de rassurer la place et le crédit. Le 23 et le 24 mars, MM. Haller et de La� Norraye tiennent des assemblées pour vérifier la situation des affaires de l’abbé d’Espagnac et des personnes avec lesquelles il avait traité. Le 25, ils vont à Versailles rendre compte à M. de Galonné; et quoiqu’ils eussent déjà appris que c’était eux que le roi, en son conseil, avait nommés pour commissaires de liquidation, ils prient en grâce M. de Galonné de remettre la commission à d’autres. Il s’y refuse, et annonce même que ce ne sera pas une simple inspection dont MM. Haller et de La Norraye seront chargés, mais que l’intention du roi est qu’ils fassent eux-mêmes la liquidation. M. de Galonné fait tant d’instances, y met tant (1) Suit ce document : Soumission de M. l’abbé d’Espagnac, du 22 mars 1787. « Voulant témoigner à Sa Majesté une respectueuse soumission aux ordres qu’elle m’a fait donner par le ministre de ses finances, concernant la liquidation de tous les engagements ou actions des Indes actuellement entre mes mains, je soussigné m’oblige et m’engage de ne rien faire à cet égard que ce que me prescriront les personnes qu’elle me fera connaître avoir été nommées par elle pour l’opérer, et de leur remettre en conséquence, sans aucune exception, tous ces engagements passés à leur ordre, avec pouvoir absolu d’en disposer comme bon leur semblera. Cette présente soumission est faite par moi, sous la seule condition que Sa Majesté se mettant en mon lieu et place en tout ce qui concernera ces engagements, elle voudra bien me tenir indemne de toutes les avances quelconques que je justitierai avoir faites, de manière que je n’aio à perdre que les bénéfices que je pouvais faire, et auxquels je renonce. « A Paris, le 22 mars 1787. «Signé : Abbé d’Espagnac. » 60 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de grâces ; les autres ministres du roi emploient des raisons si puissantes, tirées du besoin qu’ils prétendent avoir de MM. Haller et de La Norraye, de l’impossibilité où ils disent être de se confiera d’autres, q ne MM. Haller et de La Norraye acceptent sous trois conditions: l’une, que le roi et le conseil tout entier leur feront témoigner par les ministres qu’ils désirent que cette union leur soit confiée; l’autre qu’ils n’en retireront aucun salaire, et qu’ils [seront des commissaires absolument gratuits du gouvernement; la troisième, que, lorsque les secours nécessaires à la liquidation auront été réglés entre les ministres des finances et eux, ils leur seront fournis avec exactitude. Dès le même jour 25 mai au soir, MM. Haller et de La Norraye tiennent des conférences à Paris avec une grande partie des dépositaires d’actions dont les prêts allaient échoir du 30 mars au 18 avril. Ils dressèrent leur plan. L’instruction envoyée le 22 fut réformée d’api ès les nouvelles vues." Un des moyens nécessaires pour faire réussir la liquidation était d’obtenir au Trésor royal un secours momentané de 6 millions en argent; et un secours, un peu plus long, de 6 millions en assignations. M. de Galonné adopta ce plan le 26 mars au soir; le 27, les 6 millions furent touchés au Trésor royal; MM. Haller et de La Norraye donnèrent pour cette somme leurs bons solidaires au porteur. Les 6 millions d’assignations furent reçus aussi le même jour 27, par MM. Haller et Le Gouteulx, quien donnèrent leur reconnaissance(t).Lemême jour 27 mars et le 28, conférences avec les parties intéressées; rapport à M. de Galonné, qui fait plus qu’adopter les plans dont on lui rend compte; il en témoigne sa reconnaissance. Il naît un incident. Une des conditions, sous lesquelles la remise des 6 millions d’assignations avait été faite, était que 28,500 actions de la compagnie des Indes, déposées alors entre les mains de différents négociants ou banquiers, seraient déposées chez M.Ducloz du Fresnoy, notaire. Les banquiers refusèrent de s’en dessaisir. M. Haller en rendit compte à M. de Galonné; ils conviennent qu’il faut renoncer à l’idée du dépôt chez un notaire, et exiger des reconnaissances des dépositaires. M. de Galonné annonce à M. Haller qu’il se proposait de rendre compte au roi, dans le conseil (1) Suit ce document : « Reçu de M. le contrôleur général les suivantes assignations sur les domaines : 1,500,000 livres payables en septembre 1787. 1,500,000 — payables en octobre 1787. 1,500,000 — payables en novembre 1787. 1,500,000 — payables en décembre 1787. 6,000,000 livres; nous disons 6 millions, pour le nantissement desquels nous nous engageons à déléguer à M... pareille somme de 6 millions à prendre sur la plus-value de 28,500 actions de la compagnie des Indes et plus, qui seront déposées chez M.Ducloz du Fresnoy, notaire, sous l'hypothèque du prix de 1,300 livres chacune en faveur du premier prêteur. « Et dans le cas que, par une circonstance quelconque, le nombre convenu des actions des Indes ne fût pas déposé en totalité, nous nous obligeons, en notre propre et privé nom, à tenir compte du montant desdites assignations, lors de leurs échéances, sous la déduction de 210 livres par action qui so trouveront déposées. « Paris, le 27 mars 1787. « Signé : Haller, Le Gouteulx de La Norraye. « En marge: Approuvé le 28 mars 1787. « Signé : De Galonné. » [17 septembre 1791.] du 1er avril, de la situation actuelle de la liquidation ; de l’emploi des 6 millions argent et des 6 millions assignations. Les états ou renseignements de cet emploi sont envoyés à M. de Caloune, le 30 mars, avec une lettre de M. Haller (1). (1) Suit ce document : Lettre écrite le 30 mars 1787 à M. de Galonné , par M. Haller. a Monseigneur, « Gomme il est probable que les secours que le roi a bien voulu accorder à la place, pourraient être mal interprétés et être présentés dans le public comme un secours accordé aux agioteurs, je crois qu’il est de mon devoir de vous répéter, au sujet de cette opération, toutes les observations que j’ai eu l’honneur de vous faire verbalement. « La banque de Paris quia eu assez de sagesse pour se préserver de la rage du jeu, n’en a pas eu assez pour refuser les prêts en argent ou effets royaux, et en sa signature, auxquels les agioteurs l’ont entraînée par l’appât des bénéfices majeurs que ce genre d’opération leur offrait . « Elle a succombé également à un autre piège. Les associés de plusieurs de ses correspondants de Genève, de Lyon, ayant aussi été tentés par les avantages que les agioteurs leur faisaient pour de semblables opérations, ont usé de leur crédit et de leur influence sur leurs banquiers, pour, avec ces ressources, faire les avances que les agioteurs exigeaient sous tant de formes attrayantes et avec autant d’avantages pour ces maisons étrangères. « Ce que je soupçonnais, lorsque j’eus l’honneur de vous mettre sous les yeux tous les maux qu’entraînerait l’exil subit de tous les agioteurs, s’est bien trouvé vrai depuis que j’en ai acquis les preuves dans l’état de situation que les agioteurs m’ont remis. « Vous verrez, Monseigneur, par le bordereau que j’ai l’honneur de vous remettre de la distribution de 6 millions, que la banque les a absorbés presque eu entier; et j’ajoute, sans craindre de pouvoir être démenti, que sans ce secours, il y aurait eu aujourd’hui des acceptations, réputées très bonnes avec raison, qui n’auraient pas été payées. Une seule de ces acceptations en faillite entraînerait nécessairement une suite d’autres faillites qu’un secours du triple n’aurait pu arrêter. « Cette catastrophe aurait été d’autant plus malheureuse, que je regarde la banque en général plus solide et plus riche qu’elle ne l’a jamais été, et que le non-payement de son acceptation n’aurait été pour elle qu’une liquidation forcée, qui aurait laissé à chaque maison un peu plus ou moins de fortune; mais l’événement aurait frappé vivement sur la chose publique, parce qu’il aurait entraîné avec lui un vide dans la circulation, de 2 à 3 millions, qu’en dernière analyse l’Etat aurait été obligé de supporter; ce qui, dans les circonstances actuelles, aurait bouleversé l’ordre des choses. « Au moyen de ces 6 millions versés à temps, vous avez éteint un incendie qui aurait tout embrasé 15 jours plus tard. Ces 6 millions seront rendus fidèlement au Trésor royal, dans le courant du mois d’avril et dans les premier jours de mai. Vous avez mon effet au porteur pour leur acquit; et je ne présume pas qu’il existe un homme qui ose vous laisser douter un instant de leur payement. « Quant à moi, je ne fais, dans tout ceci, que preuve de mou dévouement à la chose publique. Je donne le démenti le plus formel à quiconque pourra avancer que j’ai un intérêt direct ou indirect dans aucun jeu, ni avec aucun des agioteurs. J’ai avancé de l’argent à Barroud sur des rentes viagères sur les 30 têtes de Genève : c’est un placement que j’ai fait, et pour lequel je n’ai besoin des secours de personne, ni d’aucunes sûretés nouvelles. Vous voyez par le bordereau que je vous remets, que ma maison n’est pour rien comprise dans la répartition des 6 millions. Jamais je n’escompte mon portefeuille. Ma maison a une fortune de plus de 8 millions qui ne doivent rien à [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] 61 La lettre est lue par M. de Galonné au conseil du roi. Le roi et son conseil chargent M. de Ca-lonne de témoigner à MM. Haller et de La Norraye leur satisfaction de tout ce qu’ils avaient fait jusqu’alors. L’ordre d’exil signé contre l’abbé d’Espagnac le 18 mars et suspendu jusqu’alors, fut mis à exécution le 3 avril. M. de Galonné promit à MM. Ha! 1er et de La Norraye, de faire signer incessamment par le roi le second plan qu’ils lui avaient remis en forme d’instruction. Le même jour, MM. Haller et de La Norraye écrivirent, d’accord avec M. de Galonné, à leurs correspondants, pour leur annoncer la mission qu’ils avaient reçue, leur objet et leur plan. M. de Galonné fut renvoyé le 8 avril. Aucune des deux décisions du conseil, ni sur la liquidation, ni sur la mission de MM. Haller et de La Norraye, n’avait été expédiée ni signée. Ils ne trouvèrent ni la même volonté, ni la même exactitude dans les successeurs de M. de Calonne. Ils écrivaient et ne recevaient point de réponse : ils étaient loin de soupçonner alors que le vœu fiersonne, et qui sont bien suffisants pour conduire es affaires qu’elle fait. Cette concession de foi, de ma part, me donne le droit de vous conjurer, Monseigneur, que, si jamais il y avait un homme assez audacieux pour oser avancer quelque chose qui fût contraire à ce que je viens de vous dire, vous ayez la bonté de me mettre vis-à-vis de lui : vous verrez avec quelles armes victorieuses je détruirai des assertions aussi méchantes, et combien je suis loin, par mon caractère et par mes principes, d’être jamais conduit à avoir un intérêt qui puisse être opposé ou contraire au bien de la chose publique. « Quant aux 6 millions d’assignations pour la fin de l’année, réparties selon l’état ci-joint, elles ne sont pas plus aventurées que les 6 millions d’argent. La différence du prix de 1,300 livres, à celui de 1,500 livres que vaut l’action au moins, fait face à cet objet. Elles seront rapportées au Trésor royal longtemps avant leur échéance ; car je suis bien convaincu que nous aurons liquidé cette masse d’actions dans l’espace de 4 mois, bien au delà du prix de 1,500 livres. « Je crois devoir vous prévenir, Monseigneur, que de tous ces agioteurs, nous n’avons plus besoin pour conduire cette liquidation à bonne fin, que du sieur Barroud; les autres nous sont parfaitement inutiles; et le roi pourra, sans aucun inconvénient pour la chose publique, suivre à cet égard ses volontés. « Que les efforts de l’intrigue, que les basses ma nœuvres de la haine, que les propos des malveillants ne vous fassent pas regretter le bien que vous venez de faire. Le tableau, que je ne tarderai pas à vous remettre, du jeu effréné que nous sommes occupés à détruire; des liaisons qu’il a malheureusement avec tous les ordres de l’Etat, et de ses projets futurs, vous convaincront, que bien loin de blâmer les secours accordés, ils méritent la plus vive reconnaissance du public. Ils ont prévenu une révolution affreuse; ils ont sauvé une foule de victimes innocentes, et ils nous permettront de déraciner, sans secousse fatale, ce jeu cruel qui, supporté plus longtemps, aurait fini par entraîner la perte de toutes les fortunes et la destruction de toutes le mœurs. « Il me reste encore beaucoup de choses à vous dire sur la situation générale des affaires; elles ont besoin d’être veillées avec la plus sérieuse attention: elles exigent de votre part l’exécution fidèle de tous vos principes et un refus absolu de tout ce qui y serait contraire. Avec de la fermeté, de la pureté, vous détruirez, avec grande facilité, toutes le entraves que l’on cherche à mettre continuellement à vos opérations ; vous ramènerez le public à la vérité que tant d’hommes, dans ce moment, ont un si puissant intérêt à lui cacher. « Je suis avec respect, etc. « Paris, ce 30 mars 1787. « Signé : Haller. » secret du ministre des finances (l’archevêque de Toulouse) fût de rendre la liquidation onéreuse à l’Etat, afin d’achever de décrier M. de Galonné dans l’opinion publique, et de justifier tous les reproches qu’on faisait à son administration; cependant ils continuent leur mission ; leurs correspondants leur donnent le titre de commissaires du roi ; leurs livres sont intitulés : Liquidation ordonnée par le gouvernement. Le 29 juillet 1789, le roi évoque et renvoie devant une commission de son conseil les contestations relatives aux soumissions souscrites par MM. Haller et de La Norraye, le 27 mars précédent (en recevant les 6 millions d’asfignations) et autorise le contrôleur des bons d’Etat à les poursuivre pour le recouvrement des 6 millions. MM. Haller et de La Norraye font leurs représentations; un nouvel arrêt du 24 août, interprétant en tant que de besoin le premier, ordonne que, dans le delai de huitaine, ils remettront le compte des opérations par eux faites par suite de la soumission qu'ils ont souscrite le 27 mars, à M. de Rochefort, maître des requêtes, commis pour en faire le rapport; et qu’en conséquence il ne sera donné aucune suite aux demandes formées contre eux par le contrôleur des bons d’Etat. Quelque temps après, MM. Haller et de La No-raye obtiennent une nouvelle faveur sur le Trésor public. On leur remet en trois parties d’assignations sur le domaine, les 16, 20 octobre et 8 novembre, une somme de 2,596,000 livres. Le 26 décembre 1789, MM. Haller et de La Norraye écrivent à MM. de Breleuil, de Montmorin et de Gastries, pour obtenir d’eux de constater que la lettre du 30 mars, dont il a été parlé ci-dessus (page 60), avait été effectivement lue au conseil. M. de Breteuil répond le 8 janvier, qu’il a remis cette lettre sous les yeux du roi, que Sa Majesté s’est très bien rappelée qu’elle avait été lue en son conseil ; et qu’en conséquence il avait donné à M. Haller une commission, conjointement avec M. de La Norraye. M. de Montmorin répond le 11 janvier et s’en réfère à ce qui a été écrit par M. de Breteuil. D’après ces faits, MM. Haller et de La Norraye ont soutenu, dans un premier mémoire imprimé en avril 1788, qu’ils avaient reçu la commission de liquider l’agiotage sur les actions des Indes; que c’était le roi en son conseil qui leur avait donné cette commission; qu’ils avaient rempli leur mission telle qu’elle leur avait été donnée, et qu’il leur est dû pleine et entière indemnité des frais qui avaient pu résulter de la liquidation. Le 25 avril 1788, laquestion delà mission donnée à MM. Haller et de La Norraye est présentée de nouveau au conseil du roi. Le" résultat de la délibération, inscrit sur les registres du conseil, atteste expressément la mission reçue par MM. Haller et de La Norraye (1). Le 8 mai, M. Haller a adressé son mémoire à M. de Galonné, qui, dans une lettre du 16, a reconnu que les faits y étaient exposés avec exactitude. Au mois de janvier 1789, MM. Haller et de La (1) Suit ce document : Extrait des registres du Conseil des finances. Du samedi 26 avril 1788. « Ce jour, le conseil ayant été convoqué par ordre 62 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1791. Norraye ont fait imprimer un nouveau mémoire au soutien de leurs prétentions ; ils sollicitaient M. Necker de leur procurer une décision : ce ministre leur répondit le 12 avril 1789, que la décision du conseil du 26 avril 1788 ayant déterminé leur mission, il s’agissait d’examiner la manière dont ils l’avaient exécutée. Après de longs et excessifs délais, un arrêt du conseil du 13 juin 1790 a ordonné qu’en présence du contrôleur des bons d’Btat, MM. Haller et de La Norraye rendraient compte devant des arbitres des sommes tant en argent qu’en assignations qu’ils avaient reçues du Trésor royal , en qualité de mandataires du roi, pour procéder à la liquidation de tous les marchés et engagements en actions des Indes, qui étaient à la disposition de l’abbé d’Espagnac, à l'époque du 22 mars 1787; ainsi que des opérations faites par eux en la susdite qualité, défendant Sa Majesté audit contrô-du roi, il s’est réuni et formé clans le cabinet de Sa Majesté, à Versailles, ainsi qu’il suit : Le roi. MM. le garde des sceaux ; le duc de Nivernois, ministre d’Etat ; l’archevêque de Sens, ministre principal ; de Fourqueux, ministre d’Etat ; d’Ormesson, conseiller d’Etat; de Lamoignon de Malesherbes, ministre d’Etat; Lambert, contrôleur général des finances ; le baron de Breteuil, ministre d’Etat ; le comte de Montmorin, ministre d’Etat; Laurent de Yilledeuil, conseiller d’Etat. « Le roi ayant ordonné de faire entrer MM. Boutin, Drouyn de Vaudeuil et Fargès, conseillers d’Etat, nommés commissaires par l’arrêt du 12 septembre 1787, avec M. d’Ormesson, l’un des membres du conseil royal des finances et du commerce, présent à la séance, pour l’examen des différentes affaires et contestations relatives à l’agiotage, ainsi que M. Dufaur de Roehefort, maître des requêtes, rapporteur : « Mondit sieur de Roehefort prenant la parole, a dit, etc. « MM. les commissaires avaient à rendre compte d’une autre branche de l’affaire qui regarde MM. Haller et de La Norraye; mais ils ont observé qu’ils ne seraient pas en état de présenter d’opinion, jusqu’à ce que Sa Majesté et son conseil eussent bien voulu déterminer quelques bases nécessaires pour la discussion à laquelle ils avaient à se livrer; « Que les sieurs Haller et de La Norraye annonçaient qu’au mois de mars 1787, le sieur abbé d’Espagnac avait acheté 32,000 actions des Indes, des sieurs Pyron, Seneffe et Barroud, et 13,500 à termes à d’autres particuliers, de sorte qu’il se trouvait avoir dans sa main la disposition de 46,000 actions des Indes, quoiqu’il n’en existât dans le commerce que 37,000. « Que M. de Calonne instruit d'un jeu aussi effréné , et voulant prévenir la subversion de nombre de maisons de banque ou de commerce, qui ne pouvait manquer d’en être l’effet, et dont le crédit public ressentirait le contre-coup, demanda aux sieurs Haller et de La Norraye un plan d’opérations à ce sujet; qu’ils le lui remirent en effet; que ce plan consistait : 1° à obtenir de l’abbé d’Espagnac son consentement à ce que le roi se chargeât de tous ses marchés ; consentement qu’il donna sous la condition qu’il serait indemnisé de toutes ses avances; 2° à ce que le gouvernement autorisât quelques personnes de confiance à faire compter devant elles l’abbé d’Espagnac et les sieurs Pyron, Seneffe et Barroud, ses vendeurs ; à liquider les différents marchés, et à effectuer cette liquidation avec des fonds du Trésor royal, dont la rentrée devait résulter de la vente successive des actions, dont le roi devenait propriétaire f»ar son traité avec le sieur abbé d’Espagnac, et dont e crédit, rétabli par cette opération, pouvait faire espérer au roi un prix capable de couvrir les avances déjà faites par différents banquiers, et de plus, le montant de la nouvelle avance qu’aurait faite le roi ; que ce plan ayant été, suivant eux, discuté et approuvé au conseil, leur des bons d’Etat de faire contre lesdits sieurs Haller et de La Norraye , aucune poursuite , au sujet desdites sommes , jusqu’après le jugement desdits comptes. Les arbitres choisis par M. le contrôleur général et par MM. Haller et de La Norraye, ont été MM. Perregaux, banquier; Couturier, fermier général; Bonhomme de Comeyras, avocat; Mallet, banquier. Ils ont entendu lès parties, opéré pendant plusieurs séances; examiné : 1° en quoi, d’après les faits constants et avoués, a consisté le mandat de MM. Haller et de La Nqrraye; et d’après ces mêmes faits, d’après les circonstances où ils se sont trouvés, s’ils ont satisfait à tout ce que la prudence exigeait d’eux ? Sur cette question, ils ont pensé que MM. Haller et de La Npr-raye avaient pleinement rempli leur mandat. Les arbitres ont examiné, en second Heu, si MM. Haller et de La Norraye étaient fondés dans ils furent chargés de son exécution, et qu’il leur fut remis à cet effet par lo Trésor royal : 1° 6 millions en argent, dont l’emploi devait être de venir au secours, au moment des échéances, des différentes personnes impliquées dans cette négociation qui se trouveraient avoir besoin d’espèces, en retirant d’elle en échange des effets solides à court terme ; 2° 6 millions en assignations pour acquitter les avances faites par l’abbé d’Espagnac, et traiter avec ses vendeurs et avec les banquiers chez qui étaient en nantissement jusqu’à des époques convenues, grand nombre de ces actions : de laquelle somme de 6 millions de livres, la rentrée devait être procurée au Trésor royal, dès que le cours de la place amènerait à 1,500 livres, le prix de 30,000 actions des Indes que l’abbé d’Espagnac avait laissées en nantissement, jusqu’à concurrence de 1,300 livres chacune, aux banquiers dont il était débiteur; « Que les sieurs Haller et de La Norraye avaient aujourd’hui à rendre compte de leur mission et de l’emploi des 6 millions d’assignations, ayant remis ceux en argent au Trésor royal, soit en espèces, soit en effets souscrits d’eux jusqu’à concurrence de 2,796,000 livres, à la vérité non encore acquittés quoique échus; mais que leur compte se réduisait à un compte de pertes qui absorbait les 6 millions d’assignations, et les rendait de plus créanciers du Trésor royal pour frais et avances dont ils réclamaient le remboursement. « MM. les commissaires ont ajouté que, n’existant sur tous ces faits aucune preuve écrite, il leur paraissait indispensable que le conseil se rappelât et leur fît connaître quelle avait été la nature de la mission donnée aux sieurs Haller et de La Norraye; que ces renseignements étaient d’autant plus nécessaires à recueillir, que les sieurs Haller et de La Norraye n’avaient plus de contradicteur, depuis que l’arrêt du conseil du 15 août avait révoqué celui qui avait autorisé le contrôleur des bons d’Etat à les poursuivre, et qu'enfin le sieur Pyron demandait leur mise en cause dans l’affaire des 11,500,000 livres. d. Assignations sur le domaine ................. 6,000,000 » » En octobre et novembre 1787, assignations sur le domaine ............. 2,596,000 *> » Total ........... 14,596,000 1. » s. » d. L’exposé, qui précède la décision du 26 avril 1788, annonce que MM. Haller et de La Norraye n’avaient rétabli au Trésor public, sur cette somme, que celle de 5,800,000 livres; il reste à rétablir celle de 8 , 796,000 livres, laquelle, étant jointe à celle de 4,705,038 livres, donne un total de 13,501,038 livres, qui présente la perte que le gouvernement aurait faite dans cette affaire, indépendamment encore de sommes avancées à MM. Haller et de La Norraye, en mars et en septembre 1789, lesquelles montent à 1,175,000 livres (1). Le comité centrai de liquidation, délibérant (1) Suivent les pièces constatant ces avances : « Après le jugement de ma réclamation sur le Trésor royal pour la liquidation des actions des Indes, je payerai à M. . . .la somme de 475,000 livres, valeur reçue dudit sieur en effets payables 5 février prochain. A Paris le 1 mars 1789. « Signé : Haller. » « Je fournirai au premier commis du grand-comptant du Trésor royal la somme de 700,000 livres en effets royaux, portant 5 0/0 d’intérêt net, et ce, 8 jours après que le premier ministre des finances aura prononcé sur le rapport qui lui sera fait par le contrôleur des bons d’Etat, de la réclamation que j’ai formée sur le roi, conjointement avec M. Haller, pour raison des avances que nous avons faites dans l’affaire des actions des Indes dont nous avions été chargés par le gouvernement. « Paris, 7 septembre 1789. Signé : le Couteulx de La Norraye. » « Les intérêts des 700,000 livres d’effets courront au profit du Trésor royal, à partir du 1er octobre 1789. « Signé : le Couteulx de La NoRraye. » 63 sur la demande de MM. Haller et de La Norraye, a pensé qu’il y avait dans cette affaire deux points essentiellement distincts, savoir : les opérations de finance auxquelles ils se sont livrés pour liquider celles de l’abbé tl’Espagnac, et la qualité en laquelle ils ont procédé à cette liquidation. Le comité n’a pas pensé qu’il lui appartînt d’examiner des opérations de banque et de finance, ni de les juger. S’il avait été dans la nécessité de faire un examen de ce genre, il n’aurait pu que s’en rapporter à des personnes instruites dans cette partie; il aurait fallu qu’il nommât des arbitres, etil n’aurait pas cru pouvoir en indiquer de plus éclairés que ceux qui ont examiné les comptes de MM. Haller et de La Norraye. La persuasion du comité a donc été que les opérations, déclarées bonnes par les arbitres, étaient réellement bonnes; il n’a pas douté de l’intelligence, ni de l’exactitude de MM. Haller et de La Norraye. Mais ce n’est pas assez pour constituer MM. Haller et de La Norraye créanciers de l’Etat, qu’il soit reconnu qu’ils ont agi en personnes instruites de la banque et du commerce; 11 faut, pour être créanciers de l’Etat, qu’ils aient agi au nom de l'Etat; qu’ils aient été commissaires et mandataires du roi. Avant de se livrer à l'examen de cette question, on ne s'est pas dissimulé qu’il y avait un préalable à considérer, savoir : quel était l’état de cette question même? Etait-elle entière? ne Tétait-elle pas? Avait-elle été jugée? Quand, comment et avec qui avait-elle été jugée ? Pour se décider à un parti sur ces différentes propositions, le comité a revu d’abord l’acte qui servait de base immédiate à la demande de MM. Haller et de La Norraye, savoir : l’arrêt du 9 novembre 1790; et il sVst convaincu que cet arrêt avait constamment supposé la qualité de mandataires du roi dans la personne de MM. Haller et de La Norraye. Ils y sont appelés mandataires du roi ; mais ils y sont ainsi dénommés sans qu’à cette époque on ait cru pouvoir contester la réalité de ce titre : il est de fait que l’arrêt du 9 novembre n’énonce aucune contestation à cet égard. Pourquoi la qualité de mandataires du roi y est-elle énoncée et non contestée? On en trouve la raison dans les dires des parties, au moment de leur comparution devant les arbitres, et dans les déclarations des arbitres eux-mêmes. L’agent du Trésor public ayant paru, dans son dire, élever des doutes sur la qualité de commissaires du roi que MM. Haller et de La Norraye s’attribuaient, ceux-ci avaient, sur-le-cbamp, rappelé l’agent du Trésor à l’arrêt du 13 juin, qui leur imposait l’obligation de rendre compte de toutes les sommes qu’ils avaient reçues du Trésor royal, en qualité de mandataires ‘du roi , pour procéder à la liquidation des actions des Indes. D’après ces observations, les arbitres eux-mêmes, avant de poser les questions qu’ils avaient à examiner, ont déclaré qu’ils prenaient comme base essentielle de ces questions, qu’il est reconnu et décidé que MM. Haller et de La Norraye ont agi , dans la liquidation , comme mandataires du roi. Cette déclaration des arbitres était extrêmement juste. Ils étaient nommés eu exécution de l’arrêt du 13 juin, pour remplir la commission qui leur était donnée par cet ariêt. Il leur était donc impossible de méconnaître les dispositions écrites dans l’arrêt; et, puisqu’une de ces dispositions portait que MM. Haller et de La Norraye compteraient des sommes qu’ils avaient reçues comme mandataires du roi, il était au-dessus du pouvoir 64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] des arbitres de méconnaître une qualité liée à toutes les autres dispositions de l’acte qui les constituaient arbitres. On est ainsi reporté de l’arrêt du 9 novembre, et de l’avis arbitral, à l’arrêt du 13 juin 1790. Mais, dans cet arrêt même, la qualité île mandataires du roi, donnée à MM. Haller et de La Nor-raye, est-elle le résultat d’une discussion jugée, ou bien est-elle le résultat de la reconnaissance d’un fait pris pour incontestable, d’après des bases antérieures et préexistantes? L’instruction, qui a préparé l’arrêt du 13 juin, a commencé par une requête du contrôleur des bons d’Etat, en date du 11 février 1790, dans laquelle il représentait MM. Haller et de La Norraye comme débiteurs des sommes portées dans leurs reconnaissances, et concluait à en que, sans s’arrêter à leurs demandes à fin de payement du reliquat de leur prétendu compte, ils fussent condamnés à payer eux-mêmes les sommes dont ils étaient débiteurs. MM. Haller et de La Norraye répondirent par une requête du 13 avril 1790, dans laquelle, ap'ès avoir rendu compte de l’arrêt du 24 août 1787, et de la décision du 26 avril 1788, ils concluaient à ce que les demandes du contrôleur des bons d’Etat fussent déclarées nulles, comme attentatoires à l’arrêt et à la décision du conseil ; ils allèrent même plus loin, et dans une seconde requête du 13 du même mois d’avril, ils conclurent formellement à ce que le contrôleur des bons d’Etat fût tenu d’intervenir et de prendre leur fait et cause comme de mandai ai res du roi. Il est évident, d’après ces faits, que l’arrêt du 13 juin a eu pour base l’arrêt du 24 août 1787 et la décision du conseil du 26 avril 1788. Cette décision n’étant point un acte de l’ordre judiciaire et contentieux, mais une simple déclaration ou reconnaissance des faits relatifs au mandat que MM. Haller et de La Norraye disent leur avoir été accordé, ce n’est pas ici le lieu de l’exammer, parce que nous ne considérons, quant à présent, que fis actes judiciaires qui forment l’ensemble des titres en vertu desquels MM. Haller et de La Norraye demandent à être payés comme créanciers de l’Etat. C’est l’ordre de cet examen qui amène maintentant sous nos yeux l’arrêt du 24 août 1787. Il mérite une attention particulière; et comme il est relatif à un premier arrêt du 29 juillet 1787, le premier de tous ceux qui ont été rendus dans l’affaire, nous devons d’abord considérer celui-ci. Les contestations relatives aux assignations confiées par M. de Galonné à M. de Vevrneran-ges, pour l’affaire d» s eaux de Paris, se trouvaient déjà évoquées au conseil par un arrêt du 7 juillet, lorsque le 29 du même mois, le roi, vu les soumissions et engagements souscrits par MM. Haller et de La Norraye le 27 mars, par lesquels ils reconnaissaient avoir reçu pour 6 millions d’assignations sur le domaine, considérant la nécessité de faire rentrer au Trésor royal ces assignations ou leur montant, et l’affinité 'de ces négociations avec celles qui étaient déjà évoquées au conseil, évoque, en effet, au conseil, et renvoie devant les commissaires nommés par l’arrêt du 7 juillet toutes les demandes nées et à naître au sujet des soumissions et engagements souscrits par MM. Haller et de La Norraye. Cet arrêt fut immédiatement suivi d’une requête présentée par le contrôleur des bons d’Etat, et répondue par la commission le 1er août, tendant à ce que MM. Haller et de La Norraye fussent condamnés par toutes voies, même par corps, à rétablir au Trésor royal les assignations qu’ils avaient reçues, ou leur montant. La commission ordonna la communication de cette. requête à M\l. Haller et de La Norraye, auxquels elle fut signifiée, avec l’arrêt du 29 juillet, le 7 août 1787. MM. Haller et de La Norraye ne se méprirent ni sur l’importance, ni sur les conséquences de cet arrêt. Ils sentirent qu’il anéantissait l’idée d’un mandat qu’ils n’eussent fait que remplir pour l’Etat, puisqu’on les poursuivait comme débiteurs personnels. « Le contrôleur des bons d’Etat nous poursuit comme responsables, ecri-vaienl-ils le 9 août à M. de Rochefort, rapporteur de la commission. Nous sommes d’autant plus surpris d’une pareille demande, que les ministres ne peuvent ignorer à quel titre les 6 millions nous ont été remis. » Ils se donnèrent donc tous les mouvements possibles pour obtenir la révocation de cet arrêt ; M. de La Norraye fit plusieurs voyages à Versailles. Le fruit de leurs sollicitations fut l’arrêt du 24 août 1789, qui, « vu les représentations de MM. Haller et de La Norraye par lesquelles ils demandent que Sa Majesté sê réserve la connaissance des contestations dont il s’agit, et fasse examiner le compte des opérations par eux faites, d’après la soumission qu’ils ont fournie le 27 mars, le roi, interprétant en tant que de besoin, l’arrêt du 29 juillet, ordonne que, dans le délai de huitaine, MM. Heller et de La Norraye seront tenus de remettre le compte des opérations par eux faites par suite de la commission qu’ils ont fournie le 27 mars, ensemble les mémoires et pièces justificatives d’iceux à M. de Rochefort, rapporteur... En conséquence, ordonne Sa Majesté qu’il ne sera donné aucune suite aux demandes formées contre MM. Haller et de La Norraye à la requête du contrôleur des bons d’Etat, en exécution de l’arrêt du 29 juillet. » Cet arrêt ne fut signifié à M. de La Norraye que le 30 août; et dès le 26, lui et M. Haller avaient adressé à M. de Rochefort <« un mémoire explicatif de la mission qui leur avait été confiée par le gouvernement pour opérer la liquidation des marchés en action dts Indes », et six autres pièces à l’appui de ce mémoire. Il est manifeste, par le récit que nous venons de faire, que l’arrêt du 24 août 1787 est le seul acte judiciaire qui ait changé la qualité de débiteurs de l’Etat, donnée à MM. Haller et de La Norraye par l’arrêt du 29 juillet, pour leur attribuer celle de mandataires du roi que les arrêts subséquents ont continué à leur donner comme étant établie par l’arrêt du 24 août. En cet état, le comité délibérant sur l’arrêt du 24 août et sur les autres arrêts qui l’ont suivi, a pensé que ces differents arrêts, l’un en ce qu’il attribuait, les autres en ce qu’ils supposaient à MM. Haller et de La Norraye la qualité de mandataires du roi, étaient susceptibles, dans la forme et au fond, d’être attaqués par les voies de droit. Dans la forme, parce que l’arrêt du 24 août avait été rendue sur les seules représentations des parties intéressées, MM. Haller et de la Norraye, sans aucun contradicteur et hors la présence du contrôleur des bons d’Etat, contradicteur institué généralement par le titre de son office, pour défendre les intérêts du Trésor public, chargé spécialement par l’arrêt du 29 juillet de suivre les demandes nées et à naître relativement à la soumission fournie par MM. Haller et de La Norraye, le 27 mars. L’arrêt du 24 août à donc paru,, au comité, susceptible d’être attaqué [Assemblée nationale.] dans sa forme, parce que, lors de sa proposition, le Trésor public n’avait pas été défendu, sou agent n’ayant pas même été entendu. Les autres arrêts sub-équents ont para au comité également susceptibles d’être attaqués dans leur forme, par le moyen pris du défaut de défense valable>de la part du Trésor public. En effet, MM. Hall! r et de La Norraye ont constamment posé pour base, de leur défense, lors de ces arrêts, celui du 24 août. Si la base était solide, leur défense ne l’était pas moins. 11 fallait donc commencer par attaquer l’arrêt du 24 août; se pourvoir, suit par opposition, soit par toute autre voie légale, contre cet arrêt, le faire anéantir; et discuter ensuite la qualité de MM. Haller et de La Norraye, qualité qui ne pouvait pas être contestée avec succès, tant que l’arrêt qui la leur attribuait n’était pas rétracté. Les arrêts postérieurs à celui du 29 juillet sont doue susceptibles d’être attaqués à raison du défaut d-* défense valable de la part de l’agent du Tié-mr public. Objectera-t-on que l’agent du Trésor public ne pouvait pas se pourvoir contre l’arrêt du 24 août parce qu’il avait été prononcé dans la forme du propre mouvement, sur de simples représentations, non sur requête; et parce que l’agent du Trésor public, commissaire du roi, ne saurait attaquer îles actes émanés du roi? La première partie de l’objection n’est qu’une subtili é démentie parles faits. Il e-t vrai que, dans les temps du despotisme, on avait imaginé, pour prévenir les attaques contre les actes du pouvoir arbitraire, une forme d’arrêts du conseil qu’on dénommait du propre mouvement; qu’on ne souffrait pas qu’on attaquât ces arrêts par la voie directe de l’opposition; qu’on to'érait seulement des représentations contre l’arrêt; et que, si un nouvel arrêt, déterminé par les représentations, rétractait le prem er, on regardait encore le second ariêt comme du propre mouvement, parce qu’il n’était pas donné sur requête; mais dans l’espèce présente, ainsi que dans beaucoup d’autres, ces vaines subtilités cè lent à l’évidence des fa’ts. H ne peut être douteux pour personne que l'arrêt du 24 août ait été sollicité par les parties, accordé à leur demande : ce n’était donc pas un arrêt du propre mouvement. A l’égard de la seconde partie de l’objection, en admettant qu’elle eût quelque force contre le contrôleur des bons d’Etat, elle ne saurait en avoir aucune contre l’agent du Tré'Or public quand il procède au nom de la nation, par commission cie la nation. Ce n’est pas à la nation, révisant l’état de ses créanciers, qu’on pourra opposer qu’elle n’a pas uu.dité pour discuter tel ou tel acte qu’on lui présente. Il n’est qu’une seule espèce d’actes auxquels elle doive déférer, ceux qui sont le résultat de la loi. Donc elle est toujours en droit d’examiner si les actes dont on se fait un titre contre elle, sont conformes à la loi, ou s’ils s’en écartent. Le comité a regardé comme démontré, d’après ces premières réflexions, que, du côté de la forme, l’arrêt du 24 août 1787 et les arrêts subséquents présentaient des moyens sûrs de les attaquer : défaut de défense suffisante, défaut de toute espèce de défense, absence de contradicteur, absence de celui qui était spécialement charge de veiller à la conservation des deniers publics. Mais, dans une affaire d’une aussi grande importance que celle dont il s’agit : de grande conséquence pour deux citoyens dont elle peut absorber toute la fortune, de grande consé-4" Série. T. XXXI. [17 septembre 1791.] g# quence pour la nation contre laquelle on demande le payement de plusieurs millions, et qui se trouvera condamnée à de forts intérêts par chaque jour de retard du paiement, si la décision doit être définitivement favorable à MM. Haller et de La Norraye : le comité central a pensé que l’examen de la forme des arrêts ne suffisait pas pour éclairer l’Assemblée, et qu’il fallait considérer les arrêts rendus en faveur de MM. Haller et de la Norraye dans le fond même de leur prononcé. Le comité a pensé que l’on ne devait se déterminer à user des moyens de forme que la loi offrait contre l’arrêt du 24 août 1787 et autres qui ont suivi, qu’autant que leur prononcé même fournirait, par sa contrariété avec les principes et les lois, de nouveaux moyens pour les attaquer: de manière qu’après qu’ils auraient été anéantis au tribunal de cassation, il n’y eût pas sujet de penser qu’un second jugement, plus régulier dans la forme que celui du 27 août, pût néanmoins porter une décision semblable à celles qui ont été déjà rendues. Ces considérations ont déterminé le comité central à se porter à l’exami n de la question capitale, seule base de toute l’affaire de MM. Haller et de La Norraye. Ils prétendent avoir été mandataires du gouvernement pour la liquidation des actions des Indes: justifient-ils qu'ils l’aient été? En principes, personne n’ignore que c’est au demandeur, au créancier à produire les titres complets de sa créance. Celui qu’on attaque comme débiteur doit toujours se tenir sur la défensive : tant qu’on ne produit aucun titre contre lui, il peut demeurer dans lu silence; quand le titre est produit, il en reconnaît la légitimité, ou bien il en momre les vices; mais, tant qu'il n’existe pas de titre produit par l’un, contesté par l’autre, il ne saurait exister de procès au moins qu’on puisse regarder comme sérieux. En principes encore, les jurisconsultes enseignent que le mandat est un contrat de bonne foi, qui se forme de la manière que les parties le veulent, par écrit, par un consentement verbal , même par un consentement tacite; mais les jurisconsultes apprennent aussi à ne pas confondre l’existence du contrat avec sa preuve. Inutilement le contrat a-t-il existé si, lorsqu’on agit contre un tiers pour en réclamer les suites, on ne peut pas prouver la réalité de son existence. Dans le cas où le mandat est existant et reconnu, c’est une des lois les plus sacrées du mandat, que le mandataire ne s’écarte nas de la commission qui lui a été donnée. S’il fait autre chose que ce dont il a été chargé , rengagement est dénaturé; il cesse d’être mandataire, il devient débiteur comptable. Enfin, c’est un dernier principe en cette matière que, si celui qui contracte pour lui-même, pour ses intérêts privés, est libre de choisir la forme que bon lui semble ; s’il peut même s'abstenir de toutes les formes, il n’en est pas ainsi de celui qui contracte pour nu autre, de celui dont l’engagement doit lier un tiers. Il faut savoir alors s’il n’y a pas des formes établies, des formes convenues, des conditions imposées par ce ui dont ou est le représentant et l’agent, et d’après lesquelles seule la personne ou le corps au nom desquels on agit se reconnaîtront légiiimement engagés. L’application de ces principes à l’affaire de MM. Haller et de La Norraye est frappante. Ils se S ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 66 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] disent créanciers, ils demandent un payèrent; il faut donc qu’ds produisent qn titre de créance-Ils allèguent un mandat; mais, pour réclamer les suites de ce mandat contre la nation, qui n’a pas traité directement avec eux, il faut qu’ils justifient d’un acte qui les ait constitués mandataires. Le mandat qu’ils allèguent est émané, selon eux, du toi agissant pour la nation; mais il existait des formes pour constater les déterminations du roi agissant au nom de la nation. Ces formes étaient plus ou moins solennelles, mais on ne pouvait se dispenser d’une forme quelconque ; et quelle que fût la volonté royale, il fallait qu’elle fût assurée par écrit. Dans l’usage, elle était attestée par une décision, par un bon, par une signature, lors même qu’elle ne l’était pas par un arrêt du conseil et par des lettres patentes. Sur ces principes, le comité a examiné les faits articulés par MM. Haller et de la Norraye ; il a pesé, il a comparélesénonciations, les termes des actes qu’ils ont produits. Voici qu'elles ont été ses observations : I. MM. Haller et de La Norraye exposent qu’ils ont été invités par M. de Galonné et par les autres ministres, à se charger de la liquidation des actions des Indes ; ils n’ont pas ignoré qu’une commission de cette nature ne devait s’accepter qu’avec des précautions ; ils déclarent qu’ils n’ont voulu accepter que sous trois conditions : que le roi et le conseil tout entier leur ferait témoigner par les ministres qu’il désirait que cette mission leur fût confiée; qu’ils n’en retireraient aucun salaire ; que les secours nécessaires seraient réglés et fournis avec exactitude. Aucune de ces conditions n’a été remplie ; et cependant MM. Haller et de La Norraye ont agi. Nulle part, il n’existe une déclaration faite par les ministres, que le roi et le conseil entier désirait qu’ils prissent la mission qu’ils disent avoir reçue. Ils ont prétendu avoir le droit de réclamer une commission de 2 0/0, et ils ont demandé qu’elle leur fût payée. Le secours n’a pas été réglé, et ils n’< nt cessé de se plaindre qu’il ne leur était pas fourni. Lors donc qu’ils ont agi, ce n’a pas éié en conséquence d’une commission dont l’existence dépendait de conditions desquelles pas une ne s’est réalisée. Le défaut d’exécution de la part du gouvernement, des promesses qu’ils assurent qu’on leur avait faites, ne devait-il pas déterminer MM Haller et de La Norraye à cesser d’agir, uès qu’on ne remplissait pas les conditions auxquelles ils s’étaient, disent-ils, engagés? Dans une assemblée du 1er juin 1787, M. Haller soutenait ce parti : Au fait , disait-il, ce n’est pas notre affaire ; mais M. de La Norraye répond que cependant ils ne pouvaient laisser ainsi sacrifier les actions ; que que quand ils seraient dans leur tort à cet égard, les ministres trouveraient de bonnes raisons pour excuser leur silence, et les rendre seuls responsables des événements. MM. Haller et de La Norraye ont, après cette époque, continué à agir. C’est même après cette époque, le 10 juillet, qu’ils sont intervenus à un acte très important, passé chez M. Monnot, notaire, portant compte entre MM. Barroud, de Seneffe, Pyron et d’Espagnac. Ils ont pris dans cet acte la qualité de commissaires du gouvernement pour la liquidation des actions des Indes. Pouvaient-ils, à cette époque, se dire commissaires avoués par le gouveroe-nement, qui refusait constamment de répondre à leurs lettres, ainsi qu’il est constaté par ces lettres mêmes? II. C’est le 25 mars que MM-Haller et de La Norraye mettaient des conditions à l’existence du mandat qu’on leur proposait. Il était impossible que ces conditions fussent remplies à l’instant, avant que le conseil eût été assemblé ; et néanmoins ce jour-là même, en arrivant de Versailles, ils assemblent des dépositaires d’actions; ils délibèrent avec eux. Pouvaieut-iis sedissimuler que, par ne pareils actes, ils s’exposaient à se trouver engagés en leur propre nom, s’ils ne justifiaient pas, par la suite, d’une commission authentique et conforme aux conditions qu’ils avaient mises eux -mêmes ? III. Le 27 mars, MM. Haller et de bq Norraye reçoivent du Trésor public 12 millions de livres, 6 en argent, 6 en a-signations sur les domaines. Ils donnent pour les 6 millions de livres argent, leurs bons au porteur. C’est là, sans contredit, la manière de contracter des engagements personnels, et cet engagement personnel est bien plus sensible encore dans leur reconnaissance pour les 6 millions de livres assignations (1). Ils y déclarent avoir reçu 6 millions de livres assignations, pour le nantissement desquelles nous engageons, disent-ils, à déléguer à M... pareille somme...; et dans le cas que, par une circonstance quelconque, le nombre convenu des actions des Indes ne fût pas déposé en totalité, nous nous obligeons, en notre propre et privé nom, à tenir compte du montant desdites assignations lors de leurs échéances. Qu’est-ce que l’on cherche ici ? C’est de savoir si MM. Haller et de La Norraye ont agi en leur nom personnel, ou s’ils ont agi pour le gouvernement, comme ses mandataires? La question ne peut pas être résolue d’une manière plus sûre que par MM. Haller et de La Norraye eux-mêmes ; elle ne peut pas l’être dans, des termes plus positifs que ceux-ci : nous nous obligeons en notre propre et privé nom. Un mandataire s’oblige à rendre compte de sa gestion, quand elle sera terminée: un emprunteur seul s’oblige à tenir compte en son propre e| privé nom, ou à rembourser à leur échéance les valeurs qu’on lui remet entre les mains. Ce n’est pas tout, et l’usage qu’ils avaient fait d’une partie des 6 millions de livres argent, montre qu’ils n’agissaient pas toujours en qualité de commissaires : il faut les entendre s’expliquer eux-mêmes dans une lettre du 14 juillet 1787, dont voici le sujet Ils étaient pressés à cette époque, par le ministre, pour payer 1,20Q,QQ0. livres qu’ils devaient au Trésor public; ils écrivent à MM. Pyron, Barroud et de Seneffe, qui la leur devaient, à 10,000 livres près; et ils leur disent: « Vous n’ignorez pas que, sur les 6 millions de livres d’argent que le roi nous a conliées pour venir à votre secours, nous en avons appliqué environ 900,000 livres pour l’acquit de vos bons solidaires, 290,000 livres payées à MM. Le Cou-teulx et Cie, et que nous n’avons payé ces sommes que dans la vue de vous aider efficacement, nous contentant de votre parole pour leur acquit... Vous voudrez bien considérer que c’est uniquement par un sentiment de considération et d’amitié que nous avons payé cette somme, sans autre sûreté que vos bons; que vous en aurez jour au moins 8 mois, sans payer aucun intérêt ; et, qu’erifin, nous sommes poursuivis par le roi pour cet objet : vous n’hésiterez pas sûrement de nous satisfaire. » IV. Le 3Q mars, M. Haller écrit à M. de Galonné (1) Voyez cette recoqnaissance imprimée «n note ci-dessus. 67 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] une lettre fort détaillée sur l’opération qu’il fallait. Son objet est de prévenir les mauvaises interprétations qu’on pourrait y donner : on doit donc s’attendre qu’il va s’exprimer avec la pi us grande exactitude. Son objet est encore de répéter au ministre, toutes les observations qu’il lui a faites verbalement : donc on ne doit croire désormais à aucune des allégations verbales qui seraient contraires au texte de cette lettre. Or, voici ce qu’on y lit (1). « Au moyen des 6 millions de livres versées à temps (dans la banque), vous avez éteint un incendie qui aurait tout embrasé 15 jours plus tard. Ces 6 millions de livres seront reudues fidèlement au Trésor royal dans le courant du mois d’avril et dans les premiers jours de mai : vous avez mon effet au porteur pour leur acquit, et je ne pense pas qu’il existe un homme nui ose vous laisser douter un instant de leur payement... « Quant aux 6 millions delivres d’assignations pour la fin de l’année, elles ne sont pas plus aventurées que les 6 mill ons de livres d’argent ». Ces 12 millions de livres tirées du Trésor public, sont partout, dans la lettre, présentées comme un secours donné à la banque. La suite des opérations doit convaincre le ministre, que bien loin qu’on puisse blâmer les secours accordés , ils méritent la plus vive reconnaissance du public. On cherche inutilement, dans les différentes parties de cette lettre, l’énonciation d’une commission donnée et acceptée; on n'y trouve d’autre énonciation que celle de sommes tirées du Trésor royal, confiées à MM. Haller et de LaNurraye, sur leur engagement personnel, et répandues par eux dans la banque. V. Dons une foule de circonstances importantes et relatives à la liquidation, MM. Haller et de La Norraye traitent comme négociants ou banquiers en leur propre et privé nom, s’obligeant person-nelleme t. C’est ainsi que le 30 mars 1787, ils se fout faire une cession considérante d’actions par M. de Seneffe; que le 8 mai 1787 ils passent devant M. Ducloz du Fresnoy, notaire, un acte avec MM. Vanuenyver frères, pour se procurer une circulation, et que, par l’article 2 de ce traité, ils s’obligent personnellement et solidairement avec MM. de Sem ffe et Texier de Bordeaux, de faire à MM. Yandenyver les fonds de 2,100,000 livres d’une part, et de 750,000 livres d’autre part. Des engagements personnels aussi considérables se contractent-ils pur des personnes qui n’ont accepté leur mission que sous la condition qu’ils n’en retireraient aucun salaire, mais que tous les secours dont ils auraient besoin, leur seront fournis avec exactitude? Continuons les observations du comité sur les actes et sur les faits desquels MM. Haller et de La Norraye se flattent de tirer des inductions en leur faveur. YL L’abbé d’Espagnac signe deux soumissions, et les remet entre les mains de M. de Calonne, l’une le 21, l’autre le 22 mars. Ni l’une ni l’autre n’existent aujourd’hui en original ; et, sans doute, c’est un grand désavantage pour MM. Haller et de La Norraye, que l’impuissance où ils sont de les produire : car, quand Us allèguent que leurs ennemis les ont soustraites du contrôle général, bette allégation impose-t-elle à l’Assemblée nationale la nécessité de croire à des pièces qu’elle ne voit pas? Et que contiennent, au reste, les copies que MM. Haller et de la Norraye ont conservées des deux soumissions? MM. d’Espagnac et Barroud, qui ont signé la première, s’y expriment en ces termes, en parlant d’eux-mèmes : « Ils ont besoin d’un secours extraordinaire pour parvenir à leur liquidation, sans être exposés à une ruine abso • lue. Pour se conformer aux intentions du roi, ils vont travailler sans relâche à cette liquidation, vous suppliant de nommer pour surveillants MM. Haller et Le Gouteulx de La Norraye. » On convient que ce plan de simple surveillance n’est pas celui qui a été suivi; il faut donc écarter la première soumission comme inutile et indifférente. L’abbé d’Ëspagnac parle seul dans la seconde soumission, en date du 22 mars; il la signe seul; il s’y oblige à ne rien faire pour la liquidation de ses actions des Indes, que ce que lui prescriront les personnes que le roi lui fera connaître avoir été nommées par lui, pour l’opérer..., sous la seule condition que le roi « se mettant en son lieu et place, en tout ce qui concerne ses engagements, voudra bien le tenir indemne de toutes les avances quelconques qu’il justifiera avoir faites, de manière qu’il n’ait à perdre que les bénéfices qu’il pouvait faire, et auxquels il renonce ». Cette seconde soumission annonce des dispositions, mais elles sont conditionnelles; et croira-t-on facilement, quoique MM. Haller et de LaNor-raye soutiennent l'alfirmative, que le roi agissant pour la nation, ait dû facilement couse i tir à se mettre au lieu et place de l’abbé d Ëspagnac, pour le tenir indemne de toutes ses avances quelconques? YII. Le 22 mars, MM. Haller et de La Norraye rédigent eux instructions pour les commissaires à nommer par le roi. Ce sont encore des pièces auxquelles il faut croire sans avoir sous les yeux les originaux, so straits, dit-on, par les ennemis de MM. Haller et de La Norraye. La première instruction doit être écartée, parce qu’elle ne suppose que des commissaires surveillants. La seconde énonce positivement qu’ede est adressée à MM. Haller et d : La Norraye, nommés commissaires par le roi, pour la liquidation ; elle déclare qu’ils en seront seuls chargés; mais on ne saurait se dissimuler qu’une pareille instruction, par cela même qu’elle supposait une nomination à faire par le roi, demeurait en simple projet tant qu’elle n’était pas signée par le roi ; or, jamais elle ne l’a été. MM. Haller et de La Norraye nous apprennent, que le 3 avril, M. de Calonne avait promis de faire signer incessamment la seconde instruction par le roi; mais qu’après son départ, arrivé le 8, aucune des deux décisions, ni sur la liquidation, ni sur leur mission, ne se trouva signée, et qu’elles ne l’ont pas été depuis. VIII. La lettre écrite à la Banque par MM. Haller et de La Norraye, le 22 mars, ne fait aucune mention de commission qui leur eût été donnée: elle annonce seulement qu’ayant été mandés par M. le contrôleur général, ils pensent que les mesures que le ministre s’est proposé de présenter au roi sont extrêmement rassurantes pour la place. IX. Le 28 mars, MM. Haller et de La Norraye rapportent à M. de Calonne tout ce qu’ils avaient fait; non seulement il adopte leurs plans, mais il leur témoigne sa reconnaissance. Selon le récit de MM. Haller et de La Norraye, presque tout ce qui se passe entre eux et M. de Calonne a lieu dans des conférences verbales. On ne prétend pas demander de preuves par écrit des conversations : mais n’est-il pas fâcheux pour MM. Haller (1) La lettre entière est imprimée en note ci-dessus. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] 68 et de La Norrayequ’üs ne rapportent pas un seul billet de M. deCaloone, ni des auties ministres, à cette époque : pas même les lettres ou billets qu’on dut leur écrire, pour engager avec eux une si imporiante affaire ? X. MM. Haller et de La Norraye ont écrit le 3 avril aux principales maisons de banque, pour leur annoncer la liquidation des actions des Indes. Vous avez été instruits, disent-ils, par la voie publique, de la mission dont nous avons été sollicités de nous charger collectivement; l’importance de cette opération nous a fait une loi de ne pas refuser. Mais pourquoi lit-on ensuite, dans la même lettre, cette phrase? « Quoique l’importance de la mission, sa publicité, la sanction qu'elle a eue dans le conseil d'Êtat de Sa Majesté , et notre caractère particulier nous mettent dans le cas dépenser qu’elle méritera votre confiance, nous vous offrons notre garantie personnelle et collective ; et en outre, si vous croyez devoir l’exiger, et que vous puissiez vous engager à concourir à cette opération pour une somme majeure, dous remettrions entre les mains de quelques-uns de vos correspondants à Paris un nantissement de valeurs longues et de toute solidité.» Ces engagements personnels ne continuent-ils pas à affaiblir, comme on l’a déjà remarqué ailleurs, l’énonciation de la qualité de commissaires du roi? Ou bien ne sont-il' pas offerts pour compenser la trop grande assurance d’uue mission exilante que présentaient ces mots : la sanction donnée dans le conseil d'Etat de Sa Majesté? À l’époque du 3 avril, cette sanction pouvait seulement être espérée, puisque, ce jour-là, M. de Galonné avait seulement pr mis de faire signer les instructions. Lorsque le 8, M. de Calonne fut renvoyé et que MM. Haller et de La Norraye durent être certains que rien n’avait été signé, loin de changer les dispositions de leurs lettres du 3, ils continuèrent à les confirmer. Ne serait-on pas fondé à croire, d’après cette conduite, que MM. Haller et de La Norraye entendaient que l’on comptât bien plus sur des opérations en leur nom personnel que sur des opérations au nom du gouvernement? XI. MM. Haller et de La Norraye allèguent l’intitulé de leurs livres, et la qualité de commissaires du roi que leurs correspondants leur ont donnée quand ils ont traité avec eux. La cause que nous agitons ici, est trop grave pour qu’on puisse penser que c'est sérieusement qu’on argumente de l’intitulé mis par les parties elles-mêmes, non pas dans l’intérieur du livre, mais sur la couverture du livre : on ne se fait pas aussi facilement des titres à soi-même. Quant aux qualités que les correspondants de MM. Haller et de La Norraye leur ont données, il est exact que, dans les lettres, non pas de tous, mais de plusieurs, singulièrement dans celles de l’abbé d’Espagnac, on leur donne la qualité de commissaires du roi ; cependant voici un fait qui mérite aussi quelque attention : MM. Haller et de La Norraye avaient traité le 30 mars 1787, par acte passé devant M. Rouen, notaire, avec M. Barroud fondé de procuration do M. de Seneffe, pour un certain nombre d’actions dont celui-ci éi ait propriétaire. M. Barroud leur avait cédé ces actions pour en disposer l’un ou l’autre conjointement ou séparément ; jouir pareillement, en pleine et entière propriété , comme chose leur appartenant, de l’excédent que ces actions pourraient pioduireau delà de 1200 à 1250 livres, à la charge d’employer cet excédent à l’extinction des engagements contractés par M. de Seneffe. 1,100 des actions cédées étaient déposées chez M. Lambert. L’exécution de l’acte donna lit u à des difficultés entre lui et MM. Haller et ce La Norraye, qui nommèrent pour arbitre M. Ducloz du Fresnoy, notaire. On s** rappelle que c’était chez ce même notaire que MM. Huiler et de La Norraye, avaient offert, par leur reconnaissance du 27 mars, de faire le dépôt des actions destinées à servir d’hypothèque aux assignations sur le domaine qui leur avaient été délivrées; et il ne serait pas difficile d’établir d’ailleurs par un grand nombre de pièces, que les opérations de MM. Haller et de La Norraye étaient bien connues de M. Ducloz du Fresnoy. Le 28 février 1788, il prononce la sentence arbitrale, et il commence par faire l’observation suivante : « Nous avons cru d’abord devoir examiner un point important : c’est celui de savoir dans quelle qualité MM. Haller et de La Norraye ont traité avec le chevalier Lambert. MM. Haller et de La Norraye prétendent que c’est comme commissaires du roi, pour la liquidation des engagements contractés par M. le comte de Senene, sur les dépôts d’actions des Indes; mais ce titre est une simple allégation dont ils n’ont point justifié. Il faudrait un arrêt du conseil qui leur eût déféré cette qualité; et, pour s’en prévaloir, il faudrait encore que cet arrêt eût été signifié àM. le chevalier Lambert, et qu’ils eussent contracté avec lui en cette qualité et non en leurs noms personnels. » Nous nedevons pasdissimuler que cet avis arbitral ayant été homologué par sentenoedes consuls, le 18 avril suivant, contradictoirement avec MM. Haller et de La Norraye, ils en ont interpellé appel; mais il ne résulte pas moins du fait de l’avis arbitral, que leur qualiié de commissaires du roi n’était nullement reconnue dans la banque et le commerce; et que, si quelques personnes leur donnaient ce titre dans une correspondance volontaire, peut-être parce qu’elles avaient intérêt à le leur donner, la réalité de leur titre ne pouvait pas soutenir l’examen réfléchi d’un arbitre, même de celui qui était le mieux instruit de leurs opérations. On les ramenait alors à des conditions qui auraient dû être remplies et qui ne l’avaient pas été. MM. Haller et de La Norraye ne pouvant rapporter aucun acte constitutif de leur mission, écrit, soit avant qu elle leur ait été donnée, soit au moment où ils annoncent l’avoir acceptée, se flattent de suppléer à ce défaut par des actes postérieurs émanés des ministres; du roi, dans son conseil; de M. de Galonné. Ges actes vont être le sujet de nos derrières observations. XII. M. ne Breteuil, répondant, le 8 janvier, à une demande de MM. Haller et de La Norraye, leur atteste que la lettre du 30 mars 1787 a été lue au conseil ; que le roi se l’est très bien rappelée, et qu’en conséquence il leur avait été donné une commission. La lettre du 30 mai existe (1); on ne saurait mieux juger que par les termes dans lesquels elle est conçue, des opérations qu’elle constate. De l’examen qui a déjà été fait de ses expressions (2), il est résulté que le point qu’elle constatait le plus authentiquement, c’étaient les obligations personnelles de MM. Haller et de La Nurraje qui avaient donné leur effet au porteur, pour les 12 millions à eux remis; c’était la concession de secours pour soutenir la place embarrassée par le jeu sur les actions; mais, avec quelque attention qu’on exa-1) Elle est imprimée en note ci-dessus. 2) Voir ci-dessus la cinquième observation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] mine la lettre, il e«t impossible d’y trouver les traces d’uoe opération faite pour le compte du gouvernement. Ainsi, ce n’est, ni de la lecture de la lettre dans le conseil, ni de la lettre elle-même, qu’on peut déduire le fait d’une commission. Il ne reste, sur ce fait, que la déclaration des ministres et du roi ; et cet'e déclaration vague d’une commission, déclaration postérieure de beaucoup à la date de la commission supposée, déclaration qui ne spécifie rien, ne saurait suppléer à un acte constitutif du mandat, qui doit lui donner l’être, le précéder par conséquent et en régler les conditions. MM. Haller et de La Norraye ont reconnu l’in-suftisance de cette première déclaration, en continuant, après l’avoir obtenue, à solliciter celle qui a été écrite sur les registres du conseil, le 26 avril 1788. Les mêmes observations qui portent sur cette seconde déclaration, recevant leur application à la première, il serait déplacé de s’ap' esantir sur l’inutilité de celle-ci : c’est à la déclamation du 26 avril qu’on doit s’attacher. XIII. La déci'ion du 26 avril 1788 est un des actes dans lesquels MM. Haller et de La Norraye paraissent mettre le plu-' de confiance : il faut le faire exactement connaître par une analyse fidèle. Le registre du conseil royal des finances porte, à la date du 26 avril 1788,“ que, ce jour, le conseil ayant été convoqué par ordre du roi, il s’est formé dans le cabinet de Sa Majesté. Il a été composé du roi et de 10 ministres ou conseillers d’Etat. Les commissaires nommés par l’arrêt du 12 septembre 1787, pour l’examen des affaires relatives à l'agiotage, et M. de Rochefort, rapporteur, ayant été introduits, M. le rapporteur a dit uu’avant de pouvoir rendre compte d’une branche de l’affaire qui regardait MM. Haller et de La Norraye, iis ne seraient pas en état de présenter une opinion jusqu’à ce que Sa Majesté et son conseil eussent déterminé quelques bases nécessaires pour la discussion. M. de Roch' fort a exposé les différentes parties du récit précédemment fait par MM. Haller et de La Norraye, notamment que, mandés par M. de Galonné, pour lui donner un plan relatif aux af-fair s de l’agiotage, ils le lui remirent ; et qu’il consistait : 1° à obtenir de l’abbé d'Esoaenac son consentement à ce que le roi se chargeât de tous ses marchés, consentement qu’il donna sous la condition qu’il serait indemnisé de toutes ses avances ; 2° à ce que le gouvernement autorisât quelques personnes à faire compter devant elles l’abbé d’Espagnac et autres, à liquider les différents marchés et à effectuer cette liquidation avec des fonds du Trésor royal, desquels la rentrée devait résulter de la vente successive des actions, dont le roi devenait propriétaire par son traité avec l’abbé d’Espagnac. Que ce plan ayant été discuté et approuvé au conseil, ils furent chargés de son exécution; et qu’il leur fut remis à cet effet [tarie trésor royal, 6 millions de livres en argent et 6 millions en assignations, de laquelle dernière somme la rentrée devait être procurée au Trésor royal dès que le cours de la place amènerait à 1,500 livres le prix des 30,000 actions des Indes que l’abbé d’Espagnac avait laissées en nantissement chez divers banquiers; Que MM. Haller etdeLaNorrayeavaientà rendre compte de leur mission et de l’emploi des 6,000,000 assignations : les 6 millions de livres argent ayant été remises soit en espèces, soit en effets souscrits d’eux jusqu’à concurrence de 69 2,796,000 livres, à la vérité non encore acquittés, quoique échus ; mais que leur compte se réduisait à un compte de perte qui absorbaitles 6 millions en assignations et les rendaitcréanciers pour frais et avanies; Qu’il était d’autant plus nécessaire de recueillir les renseignemenls demandés, que MM. Haller et de La Norraye n’avaient plus de contradicteur depuis l’arrêt du conseil qui avait révoqué ceui qui autorisait le contrôleur des bons d’Etat à les poursuivre. Lesministres qui avaient été présents (en 1787) à la discussion du plan de MM. Haller et de La Norraye s’étant expliqués, il a été reconnu comme chose constante, qu’ils avaient reçu eu effet la mission de faire la liquidation des marchés sur les actions des Indes ; que leurs opérations devaient être successives et graduelles pour prévenir toute secousse; que l’on s’en était rapporté à eux sur l**s détails de l’exécution du plan, en prenant toutefois par eux les ordres du ministre des finances ; que, n’ayant rien d’écrit, il était indispensable de les croire sur l’exécution du plan adopté et sur ce qui s’était passé entre eux et M. de Galonné; enfin, que leur qualité de mandataires du roi avait dû donner lieu à l’arrêt qui avait fait cesser les poursuites du contrôleur des bons d’Etat ; qu’au surplus rien ne devait empêcher l’examen et la discussion de leur compte comme objet d’administration, et non comme discussion de comptabilité contentieuse. La décision est signée du roi. Un point remarquable dans l’exposé qui précède la décision dont on vient de rendre compte, est l’aveu que MM. Haller et de La Norraye n’avaient pins de contradicteur depuis l’arrêt du 24 août 1787; que par conséquent ils n'en avaient pas en ce moment où ils faisaient décider qu’ils n’étaient pas sujets à une comptabilité contentieuse. Est-il possible d’obtenir une décision régulière et valable sur un point de difficulté quelconque, sans qu’on ait pu être contredit sur son allégation et sur ses moyens? Ou voit, par les lettrés de MM. Haller et de La Norraye aux ministres, que les commissaires du conseil nommés pour l’examende leur affaire, ne trouvant pas la mission qu’ils alléguaient avoir reçue, suffisamment établie par la lettre de M. de Breteuil, portant déclaration de la lecture faite au conseil de la lettre du 30 mars 1787, MM. Haller et deLa Norraye sollicitèrent des ministres des éclaircissements plus positifs. Ils écrivirent l’un et l’autre dans cette vue à M. de Breteuil le 7 lévrier 1788 ; à M. de Montmorin et à M. le garde des sceaux, le 15. Le 28 février, M. Haller écrivit seul sur ce sujet, à M. de Breteuil ; M. de La Norraye écrivit, de son côté, à M. de Montmorin, le 6“ mars ; et enfin, ils redigèrent l’un et l’autre, le mémoire intitulé : Faits et questions préliminaires , qui fut adressé à M. de Rochefort, et ensuite imprimé. La décision du 26 avril fut le résultat de cette suite de sollicitations. C’était un grand avantage de les faire sans avoir de contradicteurs ; tout contradicteur était éluigné par l’arrêt du 24 août 1787 ; mais plus on était libre de parler, plus on d vait être scrupuleux à ne rien hasarder dans les exposés que l’on présentait ; or, l’exposé sur lequel la décision du 26 avril a été accordée, ne paraît pas, en tout po nt, conforme à l’exacte vérité. La propriété qu’on suppose acquise par le roi, des actions qui étaient à la disposition de l’abbé d’Es- 70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n septembre 1191.] pagnac, ne paraît avoir aucun fondement solide, et elle est contrariée par l’idée d’une commission nommée pour liquider les marchés de l'abbé d'Espagnac. La déclaration d’une somme de 2,796,000 livres, à acquitter encore sur les 2 millions de livres reçues en argent au Trésor royal, dément les idées que MM. HaOer et de LaNorraye avaient fait concevoir en exposant dans tout ce qui avait précédé, que l’avance de 6 millions de livres argent, était une avance momentanée. Il semble qu’après plus d’un an, il ne devait plus exister rien de dû sur une telle avance ; et l’inspection du grand-livre confirmerait cette idée : le solde de leur compte avec le Trésor public pour raison de l’avance de 6 millions de livres argent, n’y étant porté qu’à une modique somme de 513 1. 11 s. 10 d. C’est dans l’exposé relatif à la décision du 26 avril, qu’on trouve exprimé nettement pour la première fois, que cet objet n’était pas acquitté. M. de Rochefort, rapporteur, ayant demandé dans la suite, des expirations sur cet objet à MM. Haller et de La Norraye, ils les lui donnèrent par une lettre du 10 juin” 1788. Elle est fort longue ; en voici le résultat : MM. Haller et de La Norraye avaient déterminé le remboursement des 6 millions de livres à un délai de 6 semaines, et même, pour donner plus de facilité au Trésor royal, ils lui avaient remis pour la même somme de bons au porteur. La retraite de M. de Calonne ayant changé leur nosition, les nouveaux ministres paraissant les avoir entièrement oubliés, et l’état des choses ne s’améliorant point, MM. Haller et de La Norraye résolurent de tout suspendre par rapport au remboursement de 4,186,000 livres qu’ils devaient encore. M. de Vil-ledeuil insistant pour la restitution de cette somme, ils lui remirent 3 millions de livres en lettres de change acceptées par eux, payables en septembre, octobre et novembre 1787, et 589,745 livres en argent, de manière qu’ils ne restèient débiteurs que d’environ 600,000 livres. Ils crurent devoir les retenir pour nantissement, et on les laissa tranquilles jusqu’au mois de septembre. Comme on exigeait alors le payement, ils firent des représentations ; ils alléguèrent de nouveau leur qualité de commissaires du roi, et ils obtinrent de nouvelles assignations sur le domaine, pour 2,596,000 livres. En négociant ces assignations, ils soldèrent les 6 millions de livres argent, qui leur avaient été remis en mars 1789. Revenons à la suite de l’exposé sur lequel la décision du 26 avril 1788 a été donnée. On est surpris que MM. Haller et de La Norraye désirant que le roi et ses ministres se rappelassent exactement ce qui s’était, passé à l’époque du mois de mars 1787, n’aieot pas mis sous les yeux du roi et de son conseil tous les écrits qui portaient des traces de ce qui avait été convenu alors; qu’ils n’aient pas produit leurs lettres, les reconnaissances qu’ils avaient signées ; et surtout ces instructions rédigées par ordre de M. de Calonne, qui devaient faire leur règle, et que M. de Calonne avait promis de faire signer par le roi. Alors, sans doute, on n’aurait pas dit que rien n’ayant été écrit, il était indispensable de croire MM. Haller et de La Norraye sur ce qui s’était passé entre eux et M. de Calonne. L’instruction qu’ils avaient rédigée par ordre de ce ministre, était, d’après leurs propres allégations, le résultat de ce qui s’était passé entre eux et lui. Ces inexactitudes, ces réticences ne pourraient - elles pas donner un prétexte, pour dire que la décision du 26 avril 1788 a été surprise? que le besoin qu’elle aurait eu d’être contredite, la rend nulle pour avoir été obtenue sa s contradicteur ; mais quelque opinmn qu’on puisse avoir de la décision en elle-même, elle paraîtra toujours insuffisante pour former un titre contre la nation. Le point de vue le plus avantageux sous lequel on pourrait la faire paraître, serait de la présenter comme une ratification de ce qui avait été fait; et il est bien vrai qu’un particulier peut ratifier ce qu’on a fait pour lui; mais il rie le ratifie que quand il le connaît. On ne ratifie point une commission donnée, en déclarant qu’on rte saurait dire précisément en quoi elle a consisté. D’ailleurs, les rois lorsqu’ils agissent pour l’Etat, ne sont pas dégagés de toutes les formes, comme les particuliers le sont pour leurs affaires personnelles dont ils sont les maîtres absolus. C’était au mois de mars 1787, ava t de rien entreprendre, qu’une décision du roi ou dé son conseil aurait pu revêtir MM. Haller et de La Norraye de la qualité de mandataires du gouvernement, leur prescrire les règles de ce mandat, et en constater l'existence. Après une année révolue, il était trop tard de venir attester une mission qui n’etait établie «sans aucune des formes reçues, et de ne ratifier cette mission que pour "déclarer, sans contradicteur, que MM. Hal er et de La Norraye avaient été libres de gérer les affaires du gouvernement comme il leur avait plu, sans autre règle que leur volonté. XIV. Le dernier argument que MM. Haller et de La Norraye ont fait valoir, a été tiré d’une lettre de M. de Galonné, du 16 mai 1788. Ils lui avaient adressé à Londres un exemplaire de leur mémoire, imprimé au mois d’avril. M. de Calonne n a reconnu l’exactitude ; dont il a attesté )a vérité de la mission qui y est attachée. C’est un témoignage bien faible, en foi, que celui de M. de Calonne-. Le reproche qu’on lui fit dans le temps qu’il était attaché au service de la France, fut d’êire peu économe de ses finances. Imaginera-t-on qu’< n quittant le royaume, il ait pris plus d’intérêt à leur conservation? D’ailleurs, on oppose ici M. de Calonne à lui-même. La question, on ne l’a nas perdue de vue, est de savoir si MM. Haller et de La Norraye ont été les agents d< sintéressés du gouvernement, ou s’ils ont été des particuliers auxquels le gouvernement a fait des avances qu’ils ont prises à leur compte, et dont ils sont personnellement débiteurs ? M. de Calonne semble appuyer le premier fait dans sa lettre du 16 mai à MM. Haller et de La Norraye ; mais il appuie bien plus ouvertement le second dans sa requête adressée au roi en 1787, où il s’exprime ainsi : « II ne uj’est pas revenu qu’on ait entendu me faire un crime des avances momentanées que Votre Majesté a ordonnées dans les derniers jours de mars pour secourir la place, et dont je lui ai rendu compte aussitôt en son conseil. Les fonds ayant dû rentrer 15 jours après, et les valeurs prêtées dans la même vue, étant assurées par les meilleures maisons de banque, je ne puis croire qu’il en soit aujourd’hui question. » Il est impossible de deviner à ta lecture de cet exposé, l’existence d’une mission quelconque : encore moins d’une mission telle que, comme le porte la décision du 26 avril 1788, elle ne doive donner heu qu’à un compte eu administration, et non à une discussion de comptabilité contentieuse. M. de Calonne aurait-il été assez inconsidéré pour écrire ce qu’on vient de lire, s’il eût pu prévoir qu’après 15 mois, au lieu de 15 jours, les 6 millions de livres argent qu’il [Assemblée riatîonale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] Ht avait fait sortir du Trésor public, ri’y seraient pas rentrés, et qu’on ne les y replacerait qu'à l'aide de nouvelles valeurs puisées dans le Trésor public? 11 est remarquable que M. de Calonne en présentant l’affaire du mois de mars comme un prêt d’avances momenta1 ées, s’autorise de la lettre à lui écrite par M. Haller, le 30 mars 1787; il l’a même fait imprimer aü nombre des pièces justificatives de sa requête; et ainsi, il fixe le sens de cette lettre; il en détermine le résultat à établir la réalité d’avances momentanées, assurées par ces expressions de la lettre de M. Haller : vous avez mon effet au porteur pour l'acquit des 6 millions de livres ; ils seront rendus fidèlement dans le courant d'avril et dans les premiers jours de mai. Je ne présume pas qu’il existe un homme qui ose vous laisser douter un instant de leur payement. Les 6 millions d'assignations ne sont pas plus aventurés. Lorsque M. Haller s’exprimait ainsi le 30 mars 1787, était-il quelqu’un qui pût croire, M. Haller lui-même pouvait-il croire, qu’il viendrait un temps où 15 mois après l’échéance, le Trésor public serait réduit à des demandes iuutiles pour être payé de sa créance; et où, au lieu de remettre fidèlement ces avances, on imaginerait le système d’un compte, qui, à cet égard, ainsi que pour les 6 millions de livres d’assignations, se réduirait à un compte de pertes capables d’absorber les assignations et de rendre en outre MM. Haller et de La Nor-raye créanciers pour frais et avances? Telles sont les observations que l’examen réfléchi des actes et des mémoires produits par MM. Haller et de La Norraye, a fait faire au comité central de liquidation. Le comité, convaincu, comme il l’a déjà annoncé, de l’importance extrême de cette affaire, n’a pas voulu se bôfner à l’examen des pièces; il a entendu les parties et les défenseurs dont elles ont jugé à propos de se faire accompagner; il a nommé plusieurs rapporteurs pour voir les mémoires, registres et lettres qu’elles avaient laissés sur le bureau. Après des examens réitérés, il a persisté dans sa première pensée, que l’arrêt du 24 août 1787, ainsi que toutes les autres décisions et arrêts qui ont suivi, étant susceptibles d’être attaqués par les voies de droit, devaient être remis à l’agent du Trésor public, pour se pourvoir ainsi qu’il appartiendrait. Le comité central, en embrassant cet avis, se renferme exactement dans les dispositions du décret du 26 avril dernier. Il sait qu’il né lüi appartient ni de juger, ni de proposer à l’Assemblée nationale de juger la validité ou la nullité de l’arrêt du 24 août 1787 et de ce qui a suivi. Il n’a point jugé, et l’Assemblée ne jugera pas; il propose seulement de renvoyer aux tribunaux une affaire qui paraît être de leur compétence. Tous les moyens de MM. Haller et de Là Norraye leur demeurent entiers ; il ont toute liberté de les faire valoir : le comité rend les observations publiques, non pas pour gêner leur défense, mais au contraire pour leur rendre là défense plus facile en constatant ce qû’il paraît possible d’opposer à la validité de leurs titres. Par une suite de ces vues, le comité annonce qu’il rie demandera la parole, pour son rapport, que plusieurs jours après qu’il aura été distribué et rendu public. Voici le projet de décret que nous voüs proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport dé sôri ‘comité central de liquidation sur la demande faite par MM. Haller et Le Cou-teulx de La Norrave, à fin de paiement de la somme de 4,705,038 1.8 s. 1 d., dont ils sont déclarés créam iers par arrêt du conseil du 9 novembre 1790, ajourne ladite demande ; et cependant décrète qu’expéditions de l’arrêt du 24 août 1787, produit par MM. Haller et de La Norraye ; de la décision du conseil du 26 avril 1788 et des autres arrêts intervenus dans la même affaire, seront remises à l’agent du Trésor public, pour le pourvoir par les voies de droit contre lesdits arrêts. » (La discusion est ouverte sur ce projet de décret). M. Guillaume. Je demande qu*on retranche du décret les mots ; « ajourne ladite demande. » M. Camus, rapporteur. J’adopte. M. Malouet. Il me semble qu’il faut indiquer, dans le décret, le tribunal devant lequel les intéressés devront se pourvoir, et je propose a M. le rapporteur de le désigner. En second lieu, je demande si M. le rapporteur adonné connaissance à l’Assemblée nationale de tous les titres produits par MM. Haller et de La Norraye. M. Camus, rapporteur. Je réponds ail prêopi-nant que l’usage n’est pas de désigner un tribunal, de fixer tel ou tel tribunal; c’est aux parties à le connaître. Relativement au second objet, j’observerai que, dans l’idée du comité central, la question est la chose du monde la plus simple à juger; il ne s’agit pas de savoir si, ayant un tribunal composé de telle et telle manière, on admettrait, tel ou tel titre, qui serait rejeté par un autre tribunal : il n’est pas question ici dé faits. L’affaire se réduit à un mode qui n’est plus qu’une question de droit, beaucoup plus qu’une question de fait : il s’agit de savoir si MM. Haller et de La Norraye sont mandataires du gouvernement ou non; rien ne le justifie. Nous avons produit toutes les pièces; c’est un simple point de droit que tout jurisconsulte peut décider. (L’Assemblée ferme la discussion.) Le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité central de liquidation, sur la demande faite par. MM. Haller et Le Gouteufx de La Norraye, à fin de payement de la somme de 4,705,0581. 8 s. 1 d., do 4 ils sont déclarés créam mers par arrêt du conseil du 9 novembre 1790, décrète qu’expéditions de l’arrêt du 24 août 1787, produit par MM. Haller et de, La Norraye, de |a décision du conseil du 26 avril 1788, et des autres arrêts intervenus dans la même affaire, seront remises à l’agent du Trésor public, pour se pourvoir par les voies de droit contre lesdits arrêts� dans le plus court délai possible; lui enjoint de rendre compte dans quinzaine à l’Assemblée nationale des démarches qu’il aura faites pour l’exécution du présent décret ». (Ce décret est adopté.) M. le Président lève la séance à neuf heures.