[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 3 fan "f!r 1794 623 N... Je demande que le comité explique ce qu’il entend par lieux secrets et cachés; je crains que l’on ne donne une trop grande lati¬ tude à l’arbitraire, si ces mots ne sont point déterminés et définis de la manière la plus précise. Cambon. Je suis étonné que, depuis que vous avez décrété en principe que toutes les matières d’or et d’argent qui seraient trouvées dans des lieux cachés et secrets seraient acquises à la nation, il n’en ait pas été saisi une bien plus grande quantité; car ces expressions prêtent en effet infiniment à l’arbitraire. Les mal¬ intentionnés voient partout des cachettes, et profitent de cela pour tourmenter les meilleurs citoyens. Ou il faut rapporter la loi que vous avez rendue, ou il faut définir ce que nous entendons par lieux cachés. Cette définition me paraît infiniment facile à établir, et je demande que vous décrétiez que tout ce qui sera confiscable sera sujet à la décla¬ ration, et que faute de déclaration, l’objet soit réputé caché, et par conséquent confiscable. Par ce moyen, il ne pourra y avoir de doute sur les effets dénoncés : tout ce qui ne sera pas ins¬ crit sur le registre public sera réputé caché. Bourdon (de l’Oise). La proposition qui vous est faite, d’obliger tous les citoyens à faire une déclaration, me paraît d’un côté établie sur un principe faux; car Cambon présente l’argent, qui n’est qu’un signe représentatif de la valeur, comme un champ imposable; de l’autre côté, cette mesure entraînerait de grands ineonvé nients; il faudrait ordonner la levée d’une armée, et même d’une armée considérable, pour en surveiller et en assurer l’exécution. Comment est-il possible que chaque individu vienne à chaque heure du jour faire inscrire l’augmen¬ tation ou la diminution qu’aura éprouvée sa fortune ! Mallarmé. Cette, mesure est contraire à tous les principes. Fayau. Dans un pays libre, nul ne peut ni ne doit déguiser l’intérieur de sa maison. Il faut qu’aucune matière d’or ou d’argent, aucune valeur monétaire ne soit enfouie, et ne puisse être soustraite à l’impôt. Pourquoi n’oblige¬ rait-on pas chaque citoyen à dire ce qu’il pos¬ sède, à déclarer comment il a acquis une aug¬ mentation, ou éprouvé une diminution dans sa fortune? Cambon. J’observe que déjà, pour assurer les subsistances, la République a astreint les fermiers à fournir des déclarations des grains qu’ils avaient; que pour arrêter les accapare¬ ments des objets de première nécessité, de pareilles déclarations ont été exigées, ainsi que pour l’emprunt forcé, d’où je ne vois pas pour¬ quoi l’argent, qui ne sert qu’à la cupidité des égoïstes, ne serait pas assujetti à la même décla¬ ration. Je sais que nous n’en aurons pas besoin, mais la déclaration de tout fonds est aussi dans les principes que la lumière est dans la nature. Lorsque la Convention décréta que chacun serait tenu de déclarer ce qui lui était dû par l’étran¬ ger, on s’écria aussi cette proposition tendait à subvertir tous les principes. Eh bien ! on s’est convaincu depuis que c’était une mesure aussi légitime que nécessaire, et un moyen arraché aux égoïstes de trahir la chose publique. ■ Charlier. La proposition qui vous est faite ne me paraît pas suffisamment mûre; il est pos sible qu’elle renferme des inconvénients, comme elle peut renfermer des avantages, je demande que la proposition de Cambon, et les motifs sur lesquels il l’appuie, soient imprimés et ajour¬ nés à jour fixe. Plusieurs membres réclament la question préalable sur la proposition de Cambon. Treilhard. Je demande la parole pour ins¬ truire la Convention d’un fait; un de nos col¬ lègues m’a rapporté, et il ne refusera pas sans doute de vous le confirmer, que des agents du conseil exécutif ayant fait une proclamation pour obliger les citoyens à faire leur déclaration, un particulier déclara qu’il avait chez lui 30,000 livres en espèces, eh bien ! peu de jours après, ce citoyen a été assassiné, et la somme enlevée. Cambon. L’exemple que l’on vous cite ne prouve rien; ne voyons-nous pas tous les jours de riches égoïstes afficher le luxe le plus inso¬ lent, étaler sur leurs tables les métaux les plus précieux, et cependant ils ne sont pas assas¬ sinés. J’insiste de nouveau pour que la Con¬ vention rapporte la loi ou qu’elle prescrive les déclarations. JSf... Il me semble qu’on s’est éloigné de la question; je crois qu’il s’agit de déterminer ce qu’on entend par lieux cachés, relativement aux matières d’or et d’argent. Eh bien ! décré¬ tez que tous les objets précieux qui se trouve¬ ront enfouis ailleurs que dans les coffres et les armoires des appartements qu’on habite, seront confiscables. 1 Ramel-Nogaret. La discussion n’est qu’inci¬ dente à ce que je propose, et je demande à la Convention de revenir au projet que j’ai proposé, et je me résume ainsi. Je demande le renvoi au comité de sûreté générale, du décret d’exé¬ cution de la loi sur les effets cachés d’or et d’argent, et l’ajournement de la discussion de ce décret jusqu’au rapport du comité de sûreté générale. Je vous demande en outre de décréter dès aujourd’hui que les commissaires de la tré¬ sorerie nationale feront un état des effets d’or et d’argent qu’on y a portés, et que le ministre de l’intérieur acquittera, après examen, ce qui est dû d’indemnité ou de salaire à ceux qui ont découvert des objets cachés. Les propositions de Ramel sont mises aux voix et décrétées en ces termes : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le .procès-verbal.) Un membre du comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (1)] fait un rapport sur quelques difficultés relatives aux jugements des contrefacteurs d’assignats; il propose un décret que la Convention adopte ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les dispositions de la loi du 29 janvier 1792, sur l’instruction et le jugement des procès cri-(1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 852 024 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “ "�werT-g’I minels commencés avant le 1er du même mois, par les tribunaux d’arrondissement de Paris, pour fabrication, distribution, introduction de faux assignats, sont communes aux procès com¬ mencés pour pareils délits et par les mêmes tri¬ bunaux, dans l’intervalle du 1er janvier 1792 au 15 avril suivant, époque de l’installation du tri¬ bunal criminel du département de Paris. Art. 2. « Néanmoins, les jugements qui intervien¬ dront sur ces procès ne seront pas sujets au recours en cassation. « Le présent décret ne sera publié que dans le département de Paris (1). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité des finances [Cam¬ bon, rapporteur (2)], « Décrète que tous les arrêtés des représentants du peuple qui accordent des prorogations de délai relativement aux assignats démonétisés, sont nuis et non avenus (S). » Compte rendu du Moniteur universel (4). Cambon. Vous avez décrété que, passé le 1er janvier (vieux style), les assignats à face royale ne pourraient avoir d’autre emploi que . (T) Procès-verbaux de ta Convention, t. 28, p. 262. (2) D’après la minute qui existe aux Archives nationales, carton C 287, dossier 852. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 263. (4) Moniteur universel [n° 105 du 15 nivôse an II (samedi 4 janvier 1794), p. 422, col. 1]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n° 741, p. 203, rend compte du rapport de Cambon dans les termes suivants. Cambon. Je dois vous rendre compte de ce qui se passe en ce moment, pour éviter les surprises que l’on pourrait faire à votre religion. Vous avez déclaré la déchéance au 1er janvier (vieux style) de tous les titres de créances sur l'Etat, qui n’au¬ raient pas été déclarés. Vous allez être assaillis par une foule d’intrigants qui n’ont pas voulu obéir à la loi et qui viendront vous demander des exceptions. Je vous préviens, afin de réveiller votre sévérité contre des hommes qui croient être au-dessus de la loi, et à qui il faut prouver, que dans une république, tous lui doivent obéir. Vous avez décrété encore qu’au 1er janvier (vieux style), les assignats à effigie royale de 200 livres et au-dessus étaient annulés. Ëh bien, croiriez-vous que dans une affiche, le 2 janvier, un citoyen a eu l’audace de déclarer, que dans un emprunt qu'il ouvrait, il recevrait les assignats démonétisés et annulés. Je ne vous en avais pas encore parlé hier. Je m’en aperçois. Mon devoir m’appela aussi¬ tôt au comité de sûreté générale. L’auteur de l’af¬ fiche est arrêté et on vous fera un rapport sur cet objet. J’ai cru devoir vous entretenir aujourd’hui de cela. Nous sommes chaque jour accablés de de¬ mandes en exception par des hommes du 14 juillet, des vainqueurs de la Bastille, des hommes du 10 août, des soldabs blessés dans la guerre de la liberté, tous citoyens dont on connaît les droits à notre estime et à notre reconnaissance. Ils viennent nous de¬ mander des remboursements. Moi, je vous préviens, ce sont les emprunteurs d’assignats démonétisés qui les envoient. Je vous invite à ne point vous laisser prévenir à cet égard. Il entrait dans mes vues de vous entretenir aussi le feu. Eh bien ! croiriez-vous qu’il y a des hommes qui veulent se mettre au-dessus des lois? J’ai vu une affiche du 2 janvier, par laquelle un particulier s’engage à recevoir des assignats démonétisés. Heureusement, l’auteur de cette affiche a été arrêté par le comité de sûreté géné¬ rale, qui vous en fera un rapport. Nous sommes assaillis, chaque jour, de pré¬ tendus vainqueurs de la Bastille, hommes du 14 juillet et du 1er août, qui se présentent avec des blessures, et demandent l’échange d’assi¬ gnats de 200 livres, qu’ils disent être leur unique moyen de subsistance. Ce sont encore des tours que les fripons publics emploient pour dilapider les fonds de l’Etat. Un autre abus, c’est qu’un représentant du peuple a, par un arrêté, prorogé jusqu’au Ier mars, le cours des assignats à face, dans un district. Vous sentez que tous les assignats démonétisés vont refluer dans cet endroit. Plusieurs voix. La cassation.de l’arrêté! La Convention casse, à l’unanimité, tous arrê¬ tés tendant à proroger le cours des assignats démonétisés. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport [Crassous, rapporteur (1)] de ses comités de marine, des colonies et des finances, sur les pétitions des citoyens Rocher et Daueourt, déportés de la Guadeloupe, Bailly et Gaudemard, de la Martinique, « Décrète que les dispositions des décrets des 26 et 31 janvier 1793 (vieux style) sont commîmes auxdits citoyens Rocher, Daueourt, Bailly et Gaudemard; en conséquence, qu’il sera payé à chacun d’eux la somme de 200 livres par le mi¬ nistre de la marine; qu’il sera procuré un passage et payé 40 sols par jour à ceux qui désireront retourner dans les îles du Vent, où ils pourront suivre la répétition des dommages-intérêts qu’ils justifieront leur être dus, sur les biens des auteurs de leur déportation (2). » Sur la proposition faite par un rapporteur d’un arrêté qui a été pris dans un département par quelques-uns de nos collègues. Cet arrêté proroge l’existence des assignats démonétisés jusqu’au 1er mars. Eh ! quelle est la conséquence d’une pareille mesure? C’est que tous les assignats démonétisés vont refluer dans cet endroit. Rovère annonce que c’est lui qui a pris cet arrêté dans le ci-devant Comtat-Venaissin, district de Vaucluse. Il y fut déterminé par un arrêté anté¬ rieur de Moyse Bayle et Boisset, qui suspendait la vente des biens nationaux. Son objet fut de compenser le retard de cette vente, en prolongeant l’emploi qu’on y pourrait faire des assignats à effigie. Cambon fait sentir la nécessité de ne point ad¬ mettre d’exception à une loi générale pour une localité quelconque. La Convention casse tous les arrêtés qui auraient prorogé l’existence des assignats démonétisés au delà du terme fixé par la loi. Voici le décret : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des Finances, décrète que tous les arrêtés des représentants du peuple qui accordent des prorogations de délai relativement aux assignats démonétisés, sont nuis et non avenus. » (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier S52. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 262.