[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1791. J 467 Là-dessus on a observé ce que vous venez de dire. D’après cela, je demandai à l’Assemblée de déclarer qu’on n’avait pas pu procéder aux élections, et que toutes celles auxquelles on avait procédé étaient nul les. J’entends dire autour de moi qu’il n’y a pas de décret; et moi je vous assure qu’il y en a un. Je crois qu’il est du 23 de ce mois, et que dans le décret que vous allez présenter, il faut dire que c’est sans égard au décret du 23 mars qui a été rendu avant l’information officielle delà sanction de la loi. Plusieurs membres appuient la motion de M. Regnaud (de Saint-Jean d’Angély) et soutiennent que l’Assemblée ne doit même prononcer rien autre chose en ce moment. M. D ai port, rapporteur. Je demande, Monsieur le Président, que vous proposiez à l’Assemblée le décret suivant : « L’Assemblée nationale ordonne que le décret du 23 mars 1791 sera déclaré nul et non avenu, déclare que touies les élections faites et celles qui pourront l’être, eu vertu de la loi sur l’institution des jurés, sont bonnes et valables. » M. Oelavigne. J’adopte parfaitement la première partie du décret qui consiste à déclarer le décret du 23 mars comme non avenu; mais ensuite j’ajoute que, cette déclaration une fois faite, il est parfaitement inutile et peut-être dangereux de s’expliquer sur les élections faites en vertu du décret sur l’institution des jurés. En conséquence, je demande la question préalable sur la seconde partie de l’article. M. Duport, rapporteur. Je consens à retirer la seconde partie; il n’est pas besoin de la question préalable. L’Assemblée nationale décrète la première partie de l’article dans les termes suivants : « L’Assemblée décrète que le décret du 23 de ce mois, concernant la nomination des membres du tribunal criminel du département du Calvados, est et demeure nul et comme non avenu, attendu qu’il a été rendu sur une erreur de fait. » M. Emmery, J’appuie la motion qu’a faite M. de Montesquieu, il y a quelques instants, en faisant observer cependant qu'il est impossible d’expédier les décrets jour par jour, parce qu’autre ment il arriverait que pour un long décret, qui ne serait pas très pressé, on en retarderait un grand nombre de moins longs et de plus urgents. M. Démeunier. Je pense qu’il n’y a d’autre moyen d’empêcher de semblables erreurs à l’avenir que de charger un des commis du bureau, de l’inspection générale de tous les autres commis, et la commission de surveiller toutes les expéditions. M. Bouche. C’est moi qui ai donné connaissance à M. Duport de la sanction des décrets dont il vient de parier. Ces cinq articles ont été rendus après les autres. Ils étaient isolés; on les a corrigés, et ils ont été portés à la sanction avec d’autres. Voilà comment l’erreur a été commise. J’appuie toutes les motions tendant à en éviter désormais. (L’Assemblée charge le comité des décrets de lui proposer incessamment un règlement sur l’expédition et la sanction des décrets.) M. Darclie. Il s’est glissé une erreur sur les appointements des officiers d'infanterie dans le décret qui en détermine la fixation; je demande que c tf e erreur soit rectifiée. (Cette motion est renvoyée au comité militaire). M. Duport, au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle , présente un article additionnel au décret sur l’organisation de la justice criminelle. Cet article est ainsi conçu : « Les qualités pour être président et accusateur public du tribunal criminel seront les mêmes que celles qui ont été prescrites pour les juges des tribunaux de district. » (Adopté.) M. Duport, rapporteur. Il nous a paru, non d’après l’importance, mais d’après l’étendue des fonctions d’un commissaire du roi, que le même homme ne pouvait pas s’acquitter des fonctions civiles et se livrer bien ponctuellement à l’exécution des décrets criminels; il serait infiniment dangereux qu’il ne pût suffire à tout, ou qu’il ne put donner aux différentes occupations qui réclament aujourd’hui ses soins toute l’attention qu’elles demandent; c’est ce qui arriverait infailliblement s’il était encore obligé d’assister aux procès criminels. Déjà l’expérience des tribunaux en activité et surtout ceux de Pari-, a montré qu’il y aurait de plus grands inconvénients pour la chose publique à accumuler ces deux fonctions sur la même personne. Ces considérations nous ont déterminés à vous proposer de décréter qu’ « il y aura un commissaire du roi particulier auprès' de chaque tribunal criminel ». M. de Saint-Martin. Dans des départements le tribunal criminel est placé dans une ville où il n y a point de tribunal de district. Si l’Assemblée croyait ne devoir point généraliser l’article comme le présente le comité, il faudrait du moins ordonner que dans les départements où le tribunal criminel... (Murmures.) M. Mongtns de Roquefort. Je demande la question préalable sur l’article nu comité. M. Del» vigne. Je vous prie de vous rappeler que lorsque vous avez établi les six tribunaux provisoires l’objection a été faite alors et l’Assemblée a compris l’impossibilité de réunir les fonctions des commissaires du roi actuellement existants dans les tribunaux civils avec celles qu’ils exercent auprès des tribunaux provisoires que vous avez établis. Vous avez décrété qu’il serait établi 6 commissaires du rui pour ces 6 tribunaux de Paris dont les fonctions cesseront (Murmures.)-, les raisons sont les mêmes pour 1 un que pour l’autre cas. Je demande que l’on mette l’article aux voix ou que l’on motive la question préalable. M. Bu*ot. Je ne crois pas que la raison que vient d’alléguer le préopinant soit assez puissante pour donner au pouvoir exécutif 83 nouveaux membres dans nos départements. Le préopinant vous a parlé de ce qui se fait accidentellement à Paris; mais ces circonstances passagères, éphémères, ne doivent pas sans doute vous déterminer pour une loi générale qui doit être permanente. Iltne semble qu’il y a au contraire un autre motif qui doit vous déterminer, c’est que, 468 [Assemblée nationale.! dans la plus grande partie de nos départements, presque toutes les aff.iin s s’arrangent devant les juges de paix; que les districts n’unt presque aucune affaire à terminer. ( Applaudissements ) Un membre : Gela est vrai. M. Buzot. Il faut espérer que ce nouvel ordre de chose sera permanent. Mais. Messieurs, rappelez-vous en même temps qmavant la Révolution beaucoup de procureurs du roi avaient des juridictions plus étendues; qu’ils remplissaient à la fois les fonctions qu’on veut séparer ici ; qu’ils s’en acquittaient avec un zèle très actif. Je ne vois donc aucune raison qui puisse déterminer à une pareille création, à moins que l’on ne veuille encore donner au pouvoir exécutif 83 hommes qui lui seront entièrement livrés et par la reconnaissance et par la nature de leurs fonctions, qui les rapprochent plus particulièrement de lui. Vous faites d’ailleurs une grande économie en n’étahlissant point ces commissaires. Je demande donc, avec toute l’énergie dont je suis capable, la question préalable sur le projet du comité. M. Gombert. La question préalable, Monsieur Je Président, ce sont 83 aristocrates que l’on veut faire. M. Dénieunier. Rappelez-vous qu’en matière civile le commissaire du roi doit être entendu dans toutes les affaires. (Murmures.) Rappelez - vous qu’en supprimant les tribunaux d’exception, vous avez renvoyé aux tribunaux de district la connaissance de toute' les matières relatives aux impositions indirectes et vous avez statué sagement qu’aucune de ces affaires ne serait jugée qu’après avoir entendu le commissaire du roi. Dans ce premier moment-ci vous ne pouvez pas encore savoir ce que l’enregistrement, L s droits de timbre, les contributions indirectes produiront d’affaires dans les tribunaux de district. (Murmures.) Voilà, Messieurs, ce qui regarde le civil. On doit vous rappeler qu’en matière criminelle le commissaire du roi assistera à tous les débats devant le juré. Vous l’avez autorisé à requérir, dans tous les moments, l’exécution de la loi. Sans doute, s’il n’avait autre chose à faire (ju’à requérir l’exécution après le jugement, ces fonctions-là seraient très peu considérables, le même commissaire du roi du district pourrait très bien les faire ; mais, Messieurs, lorsque votre procédure par juré sera établie, les discussions dans le commencement seront très longues. Il pourrait arriver qu’un commissaire du roi fût obligé d’assister 12 ou 15 jours de suite à la procédure par juré. 11 est bien clair qu’il ne pourra assister alors au tribunal civil. (Murmures). C’est à vous de décider si la chose est physiquement possible. Puisque la question excite tant de réclamations, il me semble que la sagesse vous prescrit de ne pas rejeter l’article par la question préalable, mais de l’ajourner. (Murmures prolongés.) M. Gombert. La question préalable. M. Dénieunier. Monsieur, voudriez-vous bien me prouver lu possibilité... ? M. Duport, rapporteur. J observe que ceux [30 mars 1791. J qui demandent dans ce moment-ci la question préalable sur l’article, sont en contradiclion avec eux-mêmes et je vais le prouver. On a dit que les juges de paix jugeaient un très grand nombre d’affaires, que les bureaux de paix en conciliaient un grand nombre et qu’il en résultait l'inutilité d’un grand nombre de tribunaux. Je suis absolument de cet avis; et je trouve qu’il faudrait faire une économie bien autrement importante, qui serait de supprimer 2 à 300 tribunaux de districts. Plusieurs membres : Oui ! oui ! M. Duport, rapporteur . Je dis à ceux qui demandent la question préalable qu’ils sont en contradiction avec eux-mêmes, parce que, lorsqu’il s’agira, dans un moment qui n’est pas éloigné... Un membre : La question préalable. M. Duport, rapporteur. Je dis donc que l’on ne peut pas désirer la suppression d’un très grand nombre de tribunaux, et (Murmures.)... Quel est donc l’esprit avec lequel on accueille si défavorablement une opinion qui d’ailleurs peut être ( Murmures ) ... ? Un membre : Aux voix ! que la discussion soit fermée. M. Duport, rapporteur. C’est une chose évidente qu’un homme ne peut pas remplir à la fûisdeux fonctions qui se font en même temps. On vous a dit que les procureurs du roi remplissaient anciennement les deux fonctions, maison a été inexact dans cette observation. On aurait dû vous dire qu’il existait, outre le procureur du roi, des avocats du roi qui en général portaient la parole ; ou aurait dû dire que le môme tribunal jugeait et les affaires civiles et les matières criminelles. Enfin, ce que l’on ne vous a pas dit, c’est que vous essayez dans ce moment de réaliser en France une institution qui n’y a jamais été, au moins que dans un temps très reculé, pour laquelle il faut les dispositions les plus soignées et les plus minutieuses pour la garantir dès sa naissance, pour la faire réussir. Il y a encore un arnre danger, c’est que chacun dans son endroit, dans son département, ne peut prendre des formes, une jurisprudence, un mode d’agir qui soit différent. Les commissaires du roi donneraient à l’administration de la justice une seule et unique action. Les commissaires du roi sont institués pour être dans une surveillance continuelle et ensuite instruire, par une correspondance très étendue, le ministre de la justice des différentes manières dont la loi est exécutée dans chaque pays. En conséquence, je ne demande pas sur cela l’ajournement, parce que l’Assemblée doit avoir pris son parti. Je demande que i’on mette aux voix ma proposition. Plusieurs ynembres : La question préalable ! Plusieurs membres : Que la discussiou soit fermée.) (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Gaultier - Biauzat. Nous avons décrété qu’il y aura des commissaires dans les tri-ARCHiVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 mars 1791.] 469 bunaux criminels. Je soutiens qu’il y a lieu d’ajourner, parce que je ne crois pas que cous puissions en ce moment décréter ou préjuger que les commissaires du roi de district seront commissaires dans les tribunaux criminels. Plusieurs membres : La question préalable, la question préalable! M. Briois-Beaumetz. Je réclame la bonne foi et le silence de l’Assemblée. Je demande qu’elle écoute toutes les objections, et j’appuie la demande d’ajournement, et je prie M. le Président de la mettre aux voix. M. lie Bois Desguays. Si l’Assemblée ne l’avait ras décrété, je dernanderaisla suppression des 545 commissaires du roi, parce qu’ils sont absolument inutiles, et même dangereux ; ainsi je persiste dans la question préalable, et je la demande sur le projet. M. Goupil-Préfetn. La question préalable n’est pas admissible, à moins que vous ne vouliez détruire les tribunaux criminels que vous avez établis. ( Murmures prolongés.) Il s’agit ici de la surete de tous les accusés. Je demande la priorité pour l’ajournement. M. Robespierre. L’opinion est formée sur cet article ; il est jugé. Et en vérité, ce serait chose inutile que de créer exprès de nouvelles places pour donner de nouveaux satellites au pouvoir exécutif. D’ailleurs les commissaires du roi sont assez inutiles auprès des tribunaux criminels. J’v vois autour de l’accusé, d’une part un accusateur public, de l’autre un défendeur, et enfin des juges, que faut-il encore de plus? Je combats en conséquence l’ajournement et j’appuie la question préalable. M. Duport, rapporteur. M. Robespierre paraît oublier les articles constitutionnels qui exigent la présence des commissaires du roi dans le jugement des procès criminels ; d’ailleurs les frais de l’administration de la justice seront diminués par la suppression d’une quantité de tribunaux de districis reconnu? inutiles. (L’Assemblée, consultée, repousse la demande d’ajournement et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article présenté par le comité.) M. Emmery, au nom du comité militaire. Messieurs, on se tromperait si l’on imaginait que, dans l’objet que je viens soumettre à votre délibération, il n’est question uniquement que de vivres ou de fourrages pour les troupes. Il est question, Messieurs, de déterminer un principe général sur le mode des fournil u res quelconques qui doivent être faites pour le service ordinaire de l’armée dans les garnisons. Il y a plusieurs espèces de fournitures qui peuvent faire chacune un objet d’entreprise séparée. Voilà, Messieurs, de quels objets en général nous venons vous entretenir. Nous� avons pensé d’abord que le principe applicable à tous les modes de fournitures devra être celui que conseillent la meilleure administration et la meilleure économie, c’est-à-dire le principe de laisser toutes les adjudications de fournitures au rabais, de donner à la publication de l’enchère toute la solennité possible, afin d’appeler le plus grand nombre possible de concurrents. En général nous avons cru que telle était la meilleure administration : néanmoins nous avons trouvé qu’elle était susceptible de quelques exceptions, rares à la vérité, mais susceptibles de quelques considérations. Votre comité militaire a été unanimement d’avis que cette administration ne devait être confiée, pour l’intérêt du peuple même, pendant la guerre, qu’à des hommes do choix qui joignissent l’expérience à la probité, et que le ministre en fut véritablement responsable. Voilà, Messieurs, en deux mots, l’économie du projet dont je vais donner lecture : « Art. 1er. En temps de paix, [es fournitures de toute espèce, pour le service ordinaire de l’armée dans ses garnisons et quartiers, seront faites par entreprises laissées au rabais, sauf les exceptions qui seront énoncées ci-après, et celles qui pourraient être déterminées dans la suite, par les législatures, sur la demande du ministre de la guerre. « Art. 2. Les adjudications seront toujours faites publiquement, au jour et au lien indiqués par des affiches qui annonceront les conditions du marché : les a 'fiches devront être placardée-, au moins 6 semaines à l’avance, dans tous les chef-lieux de départements et de districts du royaume, s’il s’agit d’une entreprise générale; et, s’il s’agit d’une entreprise partielle et locale, dans tous les chefs-lieux de cette localité. « Art. 3. Sont exceptées des présentes dispositions des articles 1er et 2, les fournitures des vivres et des fourrages qui pourront être confiées, par le ministre de la guerre, à des compagnies séparées, composées chacune des personnes qu’il croira les plus capables de bien remplir l’un ou l’autre service. « Art. 4. Dans le cas où le ministre de la guerre jugerait à propos de confier la fourniture, soit des vivres, soit des fourrages, à des compagnies de son choix, le prix de l’entreprise sera nécessairement fixé par le prix connu de chaque espèce de denrées, pendant les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars. « Art. 5. Le prix sera constaté d’après les états que les directoires du département enverront, tous les 15 jours, au ministre, du prix des differentes espèces de denrées, dans tous les marchés de leur département. « Art. 6. Le ministre pourra convenir, avec les entrepreneurs des vivres et des fourrages, de toute autre spéculation qu’il croira juste et convenable pour l’intérêt respectif des parties contractantes. « Art. 7. Les traités pour les fournitures des vivres et fourrages et pour toute autre fourniture militaire, seront imprimés. Les seules clauses dont le public aura eu connaissance par la voie de l’impression, seront obligatoires pour l’E'at. « Art. 8. Les traités seront d’ailleurs religieusement observés de part et d’autre, et ne pourront être rescindés ou annulés pendant le temps fixé pour leur durée, que pour les causes et par les formes de droit. » M. d’Aremlierç de lia Marck. Je crois devoir observer à l’Assemblée qu’elle s’écartera infiniment de son but, si elle ne confie pas aux conseils d’administration des régiments et troupes à cheval, l’entière fourniture des fourrages, dont le prix des rations sera fixé tons les ans par le ministre, sur les appréciations locales qu’en feront les directoires. Je demande que l’Assemblée s’explique à ce sujet.