Séance du 5e jour des sans-culottides an II (dimanche 21 septembre 1794) Présidence de BERNARD (de Saintes) (1) 1 La séance s’ouvre à dix heures et demie. Déjà la Convention, en conformité de son décret du 26 fructidor, s’étoit rendue au jardin national pour la célébration de la fête en l’honneur de Marat, lorqu’un huissier de la salle est venu l’inviter à rentrer dans le lieu de ses séances (2). 2 BILLAUD-VARENNE : Je demande que la Convention nationale marche à la fête. CLAUZEL : J’appuie cette proposition. Lequinio demande la parole au nom des commissaires chargés de recevoir le corps de Marat. L’Assemblée la lui accorde (3). Un [Lequinio] des six représentans du peuple, commissaires nommés dans la séance d’hier (4) pour recevoir les cendres de Marat, l’ami du peuple, a donné lecture du procès-verbal constatant le dépôt des restes de l’ami du peuple dans la salle de la liberté, duquel la transcription suit : Ce jour quatrième des sans-culottides, nous représentans du peuple nommés par la Convention pour recevoir les cendres de Marat, réunis à six heures dans la salle de la liberté ; vers les sept heures, la section de Marat s’est présentée, apportant les restes précieux de l’Ami du peuple : le (1) P.-V., XLV, 357. (2) P.-V., XLV, 357. Débats, n° 730 bis, 585 et n° 731, 1 ; Moniteur, XXII, 27 ; J. Paris, n° 2 ; J. Fr., n° 727 ; M.U., XLIV, 7 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; Gazette Fr., n° 995 ; Ann. Fr., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 729. J. Mont., n° 146 ; Ann. R.F., n° 2. L’ensemble de la presse précise qu’aucune séance n’était prévue ce jour-là. (3) Débats, n° 730 bis, 602. Moniteur, XXII, 27. J. Perlet, n° 729. (4) Ci-dessus Archiv. Parlement., 4e jour s.-c., n° 20. cercueil a été déposé sur une estrade aux pieds de la statue de la Liberté ; le président de la section a prononcé le discours suivant (5) : Citoyens-Représentans. La section de Marat vous remet les dépouilles mortelles du martyr de la liberté, dont elle porte le nom ; il vécut parmi nous, une main parricide et traîtresse le ravit au peuple. Le feu de son génie pénétra nos âmes du plus ardent amour de la patrie, et ses vertus attachent notre reconnoissance à sa cendre précieuse. Un décret l’appelant au Panthéon l’éloigne mais ne le sépare point de nous; ce décret nous console, puisque la Convention le porte elle-même au temple de l’immortalité (6). Un des commissaires de la Convention nationale a répondu : Citoyens, vous avez plus particulièrement connu les vertus privées de Marat, mais ses vertus publiques, son ardent amour de la liberté, son courage révolutionnaire ont éclaté dans toute la République, et la renommée a déjà rendu ce martyr de la révolution immortel. Vous déposez dans nos mains ses dépouilles précieuses, elles seront portées demain au temple de mémoire; elles y seront pour nous rappeler à tous qu’il mourut sous le fer des assassins de la patrie. Que son exemple soit sans cesse présent à notre souvenir, et sachons nous montrer dignes de lui par notre haine constante pour tous les ennemis de l’égalité et de la liberté, pour tous les tyrans, tous les amis du royalisme ou du fédéralisme, en un mot pour tous les ennemis du bonheur public. Nous déposons sur ces (5) P.-V., XLV, 357-358. Débats, n° 730 bis, 602 ; Moniteur, XXII, 35 ; J. Mont., n° 146. (6) P.-V., XLV, 358. C 318, pl. 1288, p. 28, signé par De-favanne, président, Perprime, vice-président, Robert, secrétaire ; également dans le procès-verbal manuscrit de la séance, signé par les six représentants du peuple : C 318, pl. 1288, p. 27. Débats, n° 730 bis, 602 ; Moniteur, XXII, 35-36. 326 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cendres cette couronne civique, emblème de la couronne immortelle que lui décerneront la reconnoissance et l’estime des races futures. En terminant ainsi, le représentant a déposé sur le cercueil une couronne civique, ornée de rubans tricolors. Un autre membre de la commission a exposé sous un nouveau jour, les vertus de Marat et la nécessité de les imiter pour consolider la révolution française, et triompher sur-tout de ses ennemis intérieurs qui masquent leur perfidie sous toutes les formes, afin de nuire avec plus d’assurance. Le président de la section de Marat [Defavanne] a demandé ensuite que cette section fût autorisée à adjoindre quelques-uns de ses membres à la garde décrétée par la Convention; les commissaires n’ont pas cru devoir se refuser à cette demande si naturelle aux amis intimes de Marat, et ils ont arrêté que la section pourroit adjoindre six de ses membres, à son choix, à la garde décrétée (7). Le même commissaire donne aussi lecture d’un autre procès-verbal qui constate que le cercueil de plomb renfermant le corps de Marat, a été exhumé du lieu de sa sépulture, cour des ci-devant Cordeliers, lequel contient ce qui suit : L’an deuxième de la République française une et indivisible, nous Jean-François Martin, sculpteur, demeurant à Paris, rue Haute-Feuille ; Augustin-Harel, maçon, demeurant aussi à Paris, rue Maçon, n°. 6, environ les... heures du matin, et en vertu d’un ordre du comité d’instruction publique, nous nous sommes transportés rue Marat, cour des ci-devant Cordeliers, à l’effet d’enlever les cendres de Marat, contenues dans un cercueil de plomb, à laquelle opération nous avons procédé ainsi qu’il suit : Arrivé dans l’endroit, nous avons fait mettre plusieurs ouvriers qui ont travaillé sous notre inspection, et en notre présence ont fait les fouilles que nous leur avons indiquées; ils sont parvenus à retirer le tombeau de Marat, que nous avons laissé dans l’endroit même, en le faisant garder par deux factionnaires, jusqu’à ce qu’il ait été conduit par les autorités constituées au palais national, conformément à l’ordre ci-dessus indiqué, dont du tout nous avons dressé, ce procès-verbal pour servir ce que de raison, ce quatrième jour sans-culottide (8). (7) P.-V, XLV, 358-359. C 318, pl. 1288, p. 27, procès-verbal signé par Lequinio, Monestier (du Puy-de-Dôme), Cras-sous, Bonnet, Lindet, Monnel. Débats, n° 730 bis, 602-603 ; Moniteur, XXII, 36 ; C. Eg., n° 765. (8) P.-V., XLV, 359-360. C 318, pl. 1288, p. 29, signé de Martin, commissaire, Defavanne, président de la section Marat, Robert, secrétaire. D'après la lecture des pièces, la Convention nationale décrète qu’elles seront insérées au procès-verbal (9). 3 Les députés étoient déjà réunis dans le jardin national pour la célébration de la fête, lorsqu’un huissier est venu les inviter à se réunir dans le lieu des séances : aussitôt la séance s’est ouverte (10). TREILHARD, rapporteur du comité de Salut public, paroit à la tribune : Le royalisme, dit-il, n’est pas entièrement écrasé, le fédéralisme relève hautement sa tête hideuse dans les contrées qui l’ont vu naître. Ce n’est qu’à ces deux monstres impurs que nous devons attribuer une vaste conspiration qui vient d’éclater dans Marseille. Elle ne tendoit à rien moins qu’à dissoudre la Convention ; ses moyens sont le pillage et le carnage. Vos deux comités de Salut public et de Sûreté générale se sont occupés de ce grand objet, et ils m’ont chargé de vous faire lecture des pièces qui lui sont parvenues et de vous proposer les mesures que les circonstances rendent nécessaires (11). Un membre [Treilhard] du comité de Salut public, au nom de ce comité et de celui de Sûreté générale, fait un rapport sur les événemens qui viennent d’arriver dans Marseille, ensuite, il donne lecture des onze pièces dont l’analyse suit ( 12) : a La première est une lettre des représentai du peuple envoyés dans les dé-partemens des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, datée de Marseille du 27 fructidor, par laquelle ils annoncent que Marseille est toujours agitée ; qu’il n’est pas difficile de se convaincre qu’il y avoit des meneurs secrets et un plan combiné de massacrer tous les détenus, et d’avilir la Convention nationale ; que la preuve s’en trouve par la copie des lettres jointes aux pièces ; qu’ils en ont fait arrêter l’auteur, qu’ils font conduire, sous sûre, et bonne garde, au comité de Sûreté générale, auquel ils ont adressé une lettre. Ils (9) P.-V., XLV, 357-360. Décret non mentionné dans C* II 20. J. Univ., n° 1 762 ; J. Mont., n° 146 ; J. Perlet, n° 729 ; C. Eg., n° 765. (10) J. Fr., n° 727. Débats, n° 730 bis, 585; M. U., XLIV, 7 ; Rép., n° 2 ; Ann. R. F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2. (11) Ann. Patr., n° 630. J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; Débats, n° 730 bis, 585 ; C. Eg., n° 765 ; Moniteur, XXII, 27 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; Gazette Fr., n° 995 ; Ann. R.F., n° 2 ; M. U., XLIV, 7 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 729. (12) P.-V., XLV, 360. Moniteur, XXII, 27 ; Débats, n° 730bis, 585 ; J. Paris, n° 2 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765.