89 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] les membres de la municipalité, de l’avis et consentement du curé de chaque paroisse. On supplie Sa Majesté de ne permettre aucune exportation des grains hors du royaume, eu égard aux événements qui viennent de nous arriver. Signé Guignard, syndic; Seurin, membre; F. Genier, membre; Jean Tremblay; Vavasseur, membre; Nicolas Tremblay; Pelletier; Rollet; Vavasseur; Poiffait; Nicolas Guillard; Marchand; Martin Fenête; Lebel; Dorbeau, greffier de la prévôté. CAHIER Des doléances de la paroisse de Saint-Martin de Leudeville (1). Art. 1er. Que le cahier général dans lequel seront refondues les plaintes et doléances de tout le bailliage, serait conçu de manière que les députés du tiers-état nommés aux Etats généraux ne pourront, sous aucun prétexte et pour quelque cause que ce soit, traiter et consentir aucun impôt, qu’au préalable la réforme des abus n’ait été opérée ou au moins assurée par une sage délibération de la nation assemblée et confirmée par une loi expresse. Art. 2. Que le retour périodique des Etats généraux sera fixé au plus tard à trois ans, et même plus souvent en cas de guerre et minorité. Art. 3. Que les Etats généraux s’occuperont essentiellement de solliciter auprès du Roi et d’obtenir de son amour pour son peuple la réformation des lois civiles et criminelles, et particulièrement de prévenir les retards et les frais qu’entraîne le jugement des plus petites affaires, surtout dans les justices particulières. De modérer la cupidité des officiers inférieurs et de porter à cet égard leurs recherches jusque dans les moindres détails, même sur les charges d, 'officiers huissiers-priseurs, qui, répandus depuis quelques années dans les campagnes, y portent la# désolation par le peu d’exactitude et de fidélité’ qu’ils apportent à remplir leurs fonctions. Art. 4. Que les droits de contrôle, insinuation, centième denier, dont la rigueur se fait particulièrement sentir dans les campagnes, et qui frappent sur la classe la plus pauvre, seront discutés par la nation assemblée, et qu’elle trouvera dans sa sagesse un moyen d’adoucir la rigueur de la perception. Art. 5. Que les capitaineries seront supprimées; que, pour prévenir les ravages que font les lapins dans les campagnes, il sera défendu à tout propriétaire d’en faire répandre ailleurs que dans les garennes closes de murs, et que les Etats généraux s’occuperont également des moyens les plus sûrs pour faire détruire incessamment les lapins qui désolent la culture des habitants du bailliage. Que les pigeons ne sont pas moins dignes d’attention, et que la nation examinera s’il n’est pas possible d’en diminuer le nombre et même de les supprimer. Art. 6. Que le commerce des grains étant le plus important et le plus nécessaire, il ne puisse se faire librement que dans l’intérieur de la France, et qu’il soit défendu de les transporter chez des étrangers. Qu’une loi sévère à ce sujet prévienne toute espèce de monopole, assure l’abondance des marchés publics, et procure aux pauvres habitants (1) Nobs publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de. l’Empire. des campagnes la facilité de se procurer toujours et en tout temps cette denrée de première nécessité. Que la police publique soit à cet égard vigoureusement faite et soigneusement surveillée. Qu’il sera cependant de la prudence des Etats généraux d’examiner s’il n’est pas quelques circonstances particulières qui nécessitent la vente des grains à l’étranger. Art. 7. Que l’impôt ne pouvant être accordé et consenti que par la nation, il ne soit fixé que pour le temps à courir d’une convocation d’Etats généraux à une autre, et qu’au delà de ce terme, si les Etats ne se trouvent pas réunis, tout impôt cesse et que tout percepteur soit poursuivi comme concussionnaire. Art. 8. Que tous les impôts soient supportés indistinctement par tous les ordres de l’Etat sans aucune distinction ni faveur. Art. 9. Que la gabelle, déjà jugée par Sa Majesté, soit examinée de nouveau par la nation et qu’elle s’occupe s’il est possible des moyens de la supprimer et de rendre cette marchandise libre par tout le royaume, ou si cela ne se peut, d’adoucir la rigueur de la perception et abolir les peines que la loi impose au fauconnage. Art. 10. Que la taille, imposition aussi onéreuse qu’accablante, sera supprimée, ainsi que les vingtièmes. Que les Etats généraux pèseront dans leur sagesse les moyens de rétablir ces impôts sous une autre forme, telle, par exemple, qu’une subvention en nature de fruits qui serait perçue dans une proportion déterminée, suivant les différentes paroisses, la nature des sols et eu égard aux frais de culture. Que cette perception en nature aurait lieu pour les blés, avoine, orge, grenailles, prés, luzerne, sainfoin, etc., et qu’à l’égard des maisons et jardins et des bois, il sera fait une perception pécuniaire et fixée sur le taux du classement des meilleures terres de chaque paroisse. Qu’à l’égard des vignes, il sera donné un nouveau régime ; que tous les droits qui se perçoivent sur les boissons de quelque nature qu’ils soient, même ceux du débit en gros et en détail, vente et revente, trop bu, etc., seront abolis et supprimés; qu’une prestation en argent par chaque pièce de vin récoltée, d’après l’inventaire fidèle qui en sera fait tous les ans, remplacera tous les droits qui existaient précédemment. Que ce régime, en facilitant la perception d’une part, ne mettra de l’autre aucune entrave dans la liberté du commerce, sauf à la nation à fixer ce qu’elle estimera pour la vente des vins à l’étranger. Art. 11. Que la corvée sera perçue suivant le nouveau règlement, mais que le produit de cette imposition sera employé à l’utilité publique dans chaque paroisse où iî est levé, s’en rapportant d’ailleurs à la sagesse des Etats généraux pour demander la construction de chemins nouveaux, la suppression de plusieurs inutiles et l’entretien de tous ceux qui existent. Art. 12. Que les administrations provinciales, qu’on doit regarder comme très-utiles, seront soumises à un nouvel examen; que la nation assemblée réglera leur nombre et l’étendue de leurs pouvoirs, présentera des règlements sages qui, en leur confiant la surveillance de l’assiette et de la répartition des impôts, préviennent les abus et les malversations. Que l’autorité des commissaires départis sera entièrement détruite, et qu’enfin chaque Citoyen se trouvant encouragé et animé de l’amour' du bien public, soit dans un rapport si continu avec 90 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] les individus de l’Etat, qu’en assurant la confiance publique, ils rendent la France le plus redoutable de tous les empires. Fait et arrêté en rassemblée générale de la paroisse, le 16 avril 1789, et ont signé, et approuvé, trois mots surchargés. Signé Renard ; L. Hautefeuille ; Louis Giboury ; Gauchin ; Gillet ; Louis Gohard ; Louis Leduc ; Mouny ; Pierre Lefranc ; Marineau ; Pierre Guiot ; Joseph Ghamaillié ; Bounomet greffier ; Thomas-Jacques Porthaux ; Pierre Guéré ; Louis Netaix ; Bidault ; L.-F. Hautefeuille ; Antoine Hautefeuille ; Yaubé; F. Métais ; N. Marchand; Antoine Lache-nie; Josse , et Giboury, syndic. CAHIER Des plaintes, doléance s et remontrances des habitants de la paroisse de Saint-Martin du Tertre , diocèse de Beauvais (1). Art. 1er. Les habitants de la paroisse de Saint-Martin du Tertre représentent avec le plus profond respect que leur vœu serait qu’il n’y ait qu’un seul impôt, qui est l’impôt territorial, lequel serait payé chaque année après les récoltes par les possédants fonds et propriétaires, relativement à la qualité des terres ; qu’il n’y ait plus de privilèges ; que toutes les classes payassent également. Art. 2. Que les denrées de première nécessité comme blé, vin, foins, paille et avoines, fussent exemptes de tout droit et entrées quelconques. Art. 3. Que les chemins qui abordent au village de Saint-Martin du Tertre sont impraticables, quoique les habitants en payent les corvées; ils demandent que lesdites corvées soient appliquées à la réparation des chemins sous la direction de la municipalité du lieu. Art. 4. Iis observent que les seigneurs hauts justiciers ont fait planter le long des chemins et voieries des arbres de toute espèce; que ces arbres portent de l’ombrage sur l’étendue des terres des particuliers, et joint à cela, par conséquent, ils portent un tort considérable non-seulement par leur ombrage mais encore par leurs racines qui dessèchent la terre à une distance de plus de 20 pieds, et chaque propriétaire demande à être dédommagé par lesdits seigneurs à dire d’experts, des récoltes dont ils se trouvent privés. Art. 5. Qu’il faudrait une réforme universelle dans le code civil et criminel, abréger les délais des procédures et leurs longueurs, fixer un terme pour les jugements ; que les frais dans les matières sommaires ne fussent pas portés à une somme plus considérable que 12 livres; que dans les affaires qui méritent une instruction il fût défendu à chaque procureur de signifier plus de deux requêtes. Art. 6. Que la milice est un fléau pour les campagnes qu’il faudrait supprimer. Art. 7. Qu’il serait nécessaire d’abolir le droit de chasse et que les seigneurs qui voudraient le conserver, entourent une certaine quantité de terrain pour enfermer leur gibier. Art. 8. Le terroir de Saint-Martin du Tertre est entouré, d’une part, de la forêt de Garnel qui produit une quantité prodigieuse de bêtes fauves de toute espèce, qui ravagent considérablement les (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. moissons ; il serait nécessaire de remédier à ces abus par les moyens ci-dessus. Art. 9. Si le gibier détruit les récoltes, les pigeons ne font pas moins de tort ; il serait nécessaire que les propriétaires de ces mêmes pigeons qui ont droit d’en avoir les tinssent renfermés dans les temps de semailles et de moissons, et qu’à ceux qui n’ont pas le droit d’en avoir, il soit enjoint de les détruire. Art. 10. Qu’on abolît les aides et gabelles, les droits de péages et de travers ; ces droits sont ruineux, gênent le commerce et augmentent le prix des denrées. Art. 1 1 . Qu’il n’v ait dans toute la France qu’un seul poids et une seule mesure et une seule jauge pour les vins. Art. 12. Que la mesure des terres fût celle de Roi, qui est de 22 pieds pour perche et 100 perches pour arpent Art. 13. Que les fautes graves fussent personnelles comme elles le sont en Angleterre, et que les parents des coupables n’en soient pas moins appelés aux charges et places d’honneur toutes les fois qu’ils les mériteront, et comme cet inconvénient paraît difficile à détruire, vu l’ancien préjugé qui flétrit les parents des coupables, infliger une peine à quiconque reprocherait à un homme reconnu honnête le crime de son parent. Art. 14. Le droit de champart est un droit onéreux en ce qu’il gêne le cultivateur qui ne peut enlever ses gerbes que vingt-quatre heures après avoir averti le champarteur, ce qui occasionne une perte considérable; on demande que ce droit puisse être remboursé et éteint sur le pied de l’évaluation qui en sera faite par experts ; et pour conserver au seigneur sa directe sur les terres chargées de ce droit, lui accorder un cens qui sera fixé à une somme égale au prix moyen des terres voisines, et dans le cas où ce droit de champart ferait partie d’une substitution ou appartiendrait à un bénéfice, il en serait fait un emploi représentatif dudit droit, soit en héritage, soit en emprunts publics, et le remboursant autorisé à déposer jusqu’à l’emploi. Art. 15. Le droit de dîme présente un pareil inconvénient que celui du champart ; il est très-intéressant pour le cultivateur d’anéantir ce droit, et pour en tenir lieu à celui qui a droit de la percevoir, il sera fait une évaluation de son produit année commune, à raison du produit moyen des dix dernières années ; et ce prix moyen formera la redevance représentative de la dîme, laquelle somme sera payée annuellement et à perpétuité au décimateur'. Art. 16. Il serait nécessaire d’abolir les lettres de surséances, car en les laissant subsister, c’est la destruction du commerce et de la bonne foi. Art. 17. 11 serait un moyen fort à propos pour que les réparations des églises et presbytères ne soient plus à la charge des habitants : ce serait d’établir une médiocre imposition chaque année sur les revenus de tous les bénéficiers, curés du royaume et fabriques ; ce produit serait plus que suffisant pour subvenir aux reconstructions, réparations et entretien des églises et presbytères, ce qui soulagerait le malheureux qui, n’ayant qu’un arpent de terre ou deux, qu’il fait valoir à la sueur de son front, se trouve obligé de payer pour la reconstruction ou réparation de ces édifices, quoique ce peu qu’il cultive soit à peine suffisant pour sa nourriture; ces événements n’arrivent que trop souvent, car ces ouvrages étant donnés au rabais, ne sont pas bâtis avec solidité