[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 159 {21 septembre 1791.] voyaient aux hôtels des monnaies dis flans de sous qui étaient taillés à 48 à la livre, au lieu de 42 que portait la loi, qu’ils étaient d'ailleurs si détestables par leur qualité que c’était une opération honteuse. On nous envoya ces flans le résultat fut que non seulement le cuivre était très beau, mais qu’à 42 la livre ils avaient plus que le poids, de sorte que nous fûmes vraiment désarmés et que nous reconnûmes que nous étions entourés d’intrigants dont il fallait se défier. Si donc on nous reproche de rendre justice à la manufacture de Romilly qui, en dernier lieu, vient de s’honorer véritablement aux yeux de la nation en fournissant, au prix coûtant, au .ministre 50,000 marcs de cuivre, ainsi que celle de Marome en Normandie qui en a fourni 50 autres mille marcs sans bénéfice pour accélérer la fabrication, nous nous honorons de ce reproche. À l’égard de ce que nous avons dit que l’on fabriquait du cuivre dans tous les hôtels de monnaies, M. Souton n’est pas bien instruit. J’ai eu l’honneur de vous dire plusieurs fois, dans les temps où l’opinion publique était alarmée, que l’on fabriquait du cuivre dans tous les hôtels des monnaies; mais j’ai ajouté que c’était dans tous ceux où il était possible de fournir le cuivre : j’ai fait plus; car, sur une observation de M. Per-vinquière, j’annonçai nettement que, malgré les efforts des fournisseurs, il n’était pas possible de compter sur tout ce qu’ils promettaient, si on ne se servait pas des cloches; ainsi la dénonciation de M. Souton n’est pas admissible. Néanmoins si vous croyez qu’elle mérite d’occuper un instant déplus votre attention, je vous supplie, au nom du comité des monnaies, de lui permettre de se recueillir quelques moments sur cette dénonciation qu’il ne connaît pas, et qui lui sera communiquée, pour vous rendre dès demain un compte plus satisfaisant et plus étendu. M.CIiarles de Kjauieth. Messieurs, dans le moment où la dénonciation que vous venez d’entendre vous a été lue, il est sûrement venu dans l’esprit de tous les membres de l’Assemblée qu’il était nécessaire de recourir aux premiers talents de l’Empire pour juger du savoir de votre comité; mais comme le dénonciateur a commencé par révoquer en doute tous les talents individuels connus et tous les talents collectifs, puisqu’il a dit que l’Académie des sciences n’était composée que d’ignorants, à moins d’invoquer le Père éternel, je délie que l’Assemblée nationale de France puisse avoir une connaissance réelle des procédés de votre comité monétaire. Il est donc impossible que vous espériez de donner des juges au comité : nous devons nous en rapporter à l’estime qu’ont méritée les personnes qu’il a employées et qu’il mérite lui-même. je finirai par une observation : c’est qu’il y a dans cette dénonciation et dans les circonstances où elle se trouve un caractère, j’ose le dire, très grave de méchanceté. Si le dénonciateur s’était borné à dénoncer le comité des monnaies et le crime du ministre qui ne l’a pas préféré à toute la nation, je n’aurais rien à aire; mais il est tellement vrai qu’il veut attaquer la législature finissante, le crédit de vos finances, le crédit de votre monnaie, et jeter le trouble dans l’Etat, qu’il a fini par dénoncer tous les ministres. Il est impossible de voir dans cette dénonciation autre chose que la suite d’un système ourdi depuis longtemps, de porter le trouble et l’inquiétude dans tous les esprits, au moment où la sûreté et le calme doivent ramener la prospérité par la confiance dont le peuple a tant de besoin pour sortir de l’état malheureux où la Révolution l’a mis momentanément;, moment qui va arriver et que les ennemis de l’État voient arriver avec douleur. Je demande que l’Assemblée nationale, sans donner davantage à son comité le chagrin de se justifier, passe sur-le-champ à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l’affaire du prince de Monaco (1). M. de Usines, rapporteur. Messieurs, vous avez décrété hier qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur l’ajournement de l’affaire du prince de Monaco et vous avez ainsi pris l’engagement de décider cette question avant de vous séparer. Je crois devoir me borner à vous donner une nouvelle lecture du projet de décret que vos comités diplomatique et des domaines m’ont chargé de vous proposer : « L’Assemblée nationale, considérant que le prince de Monaco n’a point été remis en possession des biens qui devaient lui être restitués en Italie, en conséquence de l’article 104 du traité des Pyrénées, et voulant manifester son respect pour la foi des traités ; « Ouï le rapport des comités des domaines et diplomatique; « Décrète : 1° qu’il n’y a lieu à délibérer sur la dénonciation de la commune des Baux, tendant à faire prononcer la révocation des concessions faites en France au prince de Monaco, en exécution du traité d’alliance et de protection fait à Péronne, le 14 septembre 1641; « 2° Qu’il y a lieu à indemnité en faveur du prince de Monaco, à cause de la suppression des droits féodaux, de justice, et de péage dépendants desdites concessions; « 3° Que le roi sera prié de négocier, avec le prince de Monaco, la détermination amiable de ladite indemnité, conformément aux obligations résultant du traité de Péronne, pour, sur le résultat de la négociation, être, par le Corps législatif, délibéré ainsi qu’il appartiendra; « 4° Enfin, que les offices de judicature dépendant des domaines concédés au prince de Monaco seront liquidés et remboursés aux dépens du Trésor public, sauf imputation, s’il y a lieu, de tout ou de partie de la liquidation sur l’indemnité due au prince de Monaco. » M. Ourand-Malllane demande que l’on insère dans le projet des comités une disposition par laquelle on spécifiera que le dédommagement ne sera accordé que dans le cas où le prince de Monaco ne jouirait pas d’un revenu égal à celui dont il jouissait avant que l’Espagne s’emparât de ses biens en Italie, ou bien que l’on mette aux voix le projet de décret qu’il a présenté sur cet objet. Plusieurs membres demandent la priorité pour l’avis du comité. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet du comité.) Un membre demande qu’on retranche le préambule du projet de décret. (1) Yoy. ci-dessus, séance du 20 septembre 1791, au soir. 160 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1791.] Un membre observe qu’après même les opérations de l’Assemblée et la suppression des droits féodaux et des péages, le prince jouit d’un revenu plus que suffisant pour égaler celui dont il a été privé, et en conséquence qu’il suffit de charger le pouvoir exécutif de négocier avec le prince de Monaco pour finir cette affaire. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces deux amendements.) Un membre propose de faire suivre dans le préambule le mot « considérant » des mots « qu’il paraît » et de dire en conséquence : « considérant qu’il paraît que le prince de Monaco... » M. de Vismes, rapporteur , adopte cet amendement. Le projet de décret, modifié, est en conséquence mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant qu’il paraît que le prince de Monaco n’a point été remis en possession des biens qui devaient lui être restitués en Italie en conséquence de l’article 104 du traité des Pyrénées, et voulant manifester son respect pour la foi des traités ; « Ouï le rapport des comités des domaines et diplomatique, décrète : « 1° Qu’il n’y a lieu à délibérer sur la dénonciation de la commune des Baux, tendant à faire prononcer la révocation des concessions faites en France au prince de Monaco, en exécution du traité d’alliance et de protection fait à Péronue le 14 septembre 1741 ; « 2° Qu’il y a lieu à indemnité en faveur du prince de Monaco, à cause de la suppression des droits féodaux, de justice, de péage, dépendant desdites concessions; « 3° Que le roi sera prié de faire négocier avec le prince de Monaco la détermination amiable de ladite indemnité, conformément aux obligations résultant du traité de Péronne, pour, sur les résultats de la négociation, être par le Corps législatif délibéré ainsi qu’il appartiendra; « 4° Enfin que les offices de judicature dépendant des domaines concédés au prince de Monaco, seront liquidés et remboursés aux dépens du Trésor public, sauf imputation, s’il y a lieu, de tout ou de partie de la liquidation sur l’indemnité due au prince de Monaco. » (Ce décret est adopté.) Plusieurs membres font remarquer la nécessité de terminer diverses affaires extrêmement pressantes. (L’Assemblée décrète une séance extraordinaire pour vendredi soir, 23 septembre, et décide que la fin des lois rurales sera le premier objet à l’ordre de cette séance.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 21 SEPTEMBRE 1791. lre DÉNONCIATION adressée à V Assemblée nationale par M. SOUTON, directeur de la monnaie de Pau , contre le comité monétaire , la commission des monnaies et le ministre des contributions (1). Messieurs, Trompés, ainsi que toute la nation, par les rapports aussi contradictoires qu’insidieux dont vous a fatigués votre comité monétaire, j’ose enfin déchirer le voile qui cache tant d’ignorance et de mauvaise foi, et démasquer l’impéritie qui, pour satisfaire la cupidité, vous a extorqué des décrets inexécutables et propres à retarder la félicité publique. Je vais faire connaître un nouveau ministre déjà prévaricateur, et mettre sous vos yeux les astuces d’une commission dont la plupart des membres, suppôts de l’ancien régime, n’ont cherché à être employés dans celui-ci, que pour faire triompher l’intrigue et la rapacité. Que les individus que je vais dénoncer m’attaquent devant les tribunaux, je les y attends. Si j’altère la vérité, Messieurs, je me soumets à la loi qui flétrit les calomniateurs. J’entre en matière. Votre comité monétaire vous assura il y a quelque temps que l’on fabriquait avec la plus grande activité des gros sols dans tous les hôtels de monnaie. Rien de plus faux que cette assertion, car la plupart des monnaies manquaient de coins, n’avaient pas de la matière, et ne savaient d’où en tirer. Gela est si vrai, Messieurs, que plusieurs monnaies sont encore dans l’inaction, pour ces mêmes raisons. Votre comité monétaire vous a donc trompés ! Quelque temps après, le ministre des contributions vous annonça qu’il se faisait par jour pour 40,000 livres de monnaie moulée. La vérité est qu’il ne s’en faisait que très peu, et qu’on ne faisait même que des essais. Ce ministre vous a donc aussi trompés à cet égard. Je remis, il y a près de deux mois, au comité et à la commission des monnaies, un mémoire concernant les cloches (2). J’y proposais de faire avec cette matière une monnaie frappée, et me chargeais, à des conditions avantageuses pour la nation, de faire fabriquer de cette manière toute la basse monnaie nécessaire. Ges messieurs ne vous donnèrent point connaissance de ma soumission , parce qu’ils voulaient favoriser MM. les intéressés à la manufacture de Romilly, en leur faisant employer en flans, et à un prix très avantageux, une grande quantité de cuivre d’assez médiocre qualité. Ils sont parvenus à leur but. Je lis, le 27 juillet, à la commission des monnaies, une nouvelle proposition encore très avantageuse à la nation, et dans laquelle je donnais des preuves de désintéressement. La commission ni le ministre n’ont jugé à propos de vous en faire part. Ils vous ont aussi laissé ignorer le résultat d’une expérience qu’ils m’ont fait faire sur la matière des cloches, alliée d’un quart de (1) Voir Archives parlementaires , t. XXX, séance du lor septembre 1791, p. 128. (2) Voir ci-après ce document, 2a annexe à la séance du 21 septembre.