55 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lâ mars 1791.] sace, sous la condition de la transmission à ses héritiers, même femelles, il a pu récompenser les signalés services de son cousin par le don d'une porüon de province conquise par Louis XIII. Je crois avoir prouvé que les lettres patentes de 1648 sont inattaquables; si elles le sont, i’ar-rière-petit-fils du Grand Coudé a pu échanger avec le roi les propriétés que ces lettres patentes lui avaient transmises. Il reste à examiner si l’échange est revêtu des formalités qui le rendaient valable. J’avoue que, sur ce point, le comité ne nous présente aucune lumière. Il est parti du principe que la donation exprimée dans les lettres patentes de 1648, enregistrées en 1661, était contraire aux lois de l’inaliénabilité du domaine. Je crois avoir prouvé, par la teneur des lettres patentes mêmes, et par leur enregistrement sans oppositions, que le principe ne peut s’appliquer à la question du Clermontois. Je me résume; d’après les principes de sagesse et de justice qui vous ont déterminés à maintenir M. d’Orléans dans la possession du Pa-lais-Royul, parce que la donation que Louis XIV en avait faite à Philippe, duc d’Orléans, est 1e-vêtue des formes qui en constataient la légalité. Je propose de décréter : 1° que la donation faite par le roi Louis XIV, de l'avis de la reine régente et du conseil où était M. le duc d’Orléans , et autres grands et notables personnages , en décembre 1648, des comtés, terres et seigneuries de Stenay, Dun, Jametz, Clermont enArgonne, et des domaines et prévôté de Varennes et de Monti-gnons, leurs appartenances et dépendances, composant ce qu’on appelle aujourd'hui le Clermontois, lesdites terres appartenant au roi, au moyen de la cession, démission et transport faits par le duc Charles de Lorraine, est et demeure confirmée; 2° Que le contrat d’échange passé au nom du roi entre ses commissaires et Louis-Joseph de Bourbon, prince de Coudé, le 15 février 1784, est renvoyé à l’examen du comité des domaines, à l’effet de constater si cet échange est ou non revêtu des formes légales, pour ensuite en être fait rapport. M. de Hoaïlles, président, quitte le fauteuil. M. de Menou, ex-président , le remplace. M. Bengy de Puy vallée. Messieurs, quelque intérêt qu’inspire une question qui repose tout à la fois sur les monuments les plus curieux de l’histoire du dernier siècle, et sur les opérations les plus compliquées de la politique, je ne puis me dissimuler la défaveur qui m’environne, au moment où je me présente pour effacer l’impression qu’à dû produire sur vous le rapport aussi instructif qu’intéressant qui vient de vous être fait; mais assuré que c’est du développement des principes et du choc des opinions que doivent sortir la vérité que vous voulez connaître et la justice que vous voulez rendre, •malgré la difficulté des circonstances, j’entreprends de combattre l’opinion de vos comités réunis, de contester les assertions articulées par M. le rapporteur, et de vous présenter un nouvel ordre ne preuves qui ramène la question à son véritable point de vue. Je ne rappellerai point, Messieurs, à l’appui des hases sur lesquelles je fonde mon op.nion : les services importants rendus à l’Etat par le Grand Condé, et les actions mémorables qui ont immortalisé son nom. Ce n’est point sa personne, mais la propriété qu’il a transmise à ses enfants que vous avez à juger, et, pour écarter toute espèce d’illudon, j’appuierai mes moyens précisément sur l’époque de sa vie qui a été le scandale de son siècle et qui a mérité à juste titre la censure de la postérité. M. le rapporteur a distingué deux époques, et a divisé son rapport en deux parties : dans la première, il a discuté les bases sur lesquelles repose la propriété du Clermontois ; dans la seconde, il a examiné la nature du contrat d’échange passé en 1784 entre le roi et M. le prince de Condé. Je me bornerai, pour le moment, à combattre la première partie du rapport, parce que la discussion et la décision de la seconde partie dépendent absolument du jugement que vous allez porter sur fa validité ou l’insuffisance des titres qui établissent la propriété du Gler-montois. Vous vous rappelez, Messieurs, que la première fois que cette question importante a été mise sous vos yeux, votre comité des domaines exprima le vœu formel d’annuler la concession faite à la maison de Condé. Mais frappés des objections qu’on éleva contre celte opinion, et surtout des moyens qui vous furent présentés avec autant d’intérêt que d’énergie, vous fûtes entraînés par un mouvement involontaire qui fut pour ainsi dire le premier cri de la justice ; séduits par la force des raisonnements, vous désirâtes être convaincus par l’authenticité des preuves et par la certitude des faits. Vous ordonnâtes un nouvel examen. Vos comités des domaines et diplomatique se sont efforcés de déchirer le voile qui enveloppait cette question. Ils l’ont embrassée sous tous ses rapports ; ils vous ont dit que, suivant les lois fondamentales du royaume, le domaine de la couronne est inaliénable; que les rois n’en ont été, jusqu’ici, que de simples administrateurs; que, par aucun litre et sous aucun préiexte, ils n’ont jamais pu disposer de la plus petite portion du domaine en faveur de leurs sujets, d’où il résulte que toute donation ou concession faite à perpétuité, à temps ou à vie, sont frappées d’un vice radical, et sujettes à révocation ; après avoir établi des principes dont je reconnais toute l’authenticité, vos comités en ont fait l’application à l’espèce présente. Louis XIII, vous ont-ils dit, s’est emparé du Clermontois par la force des armes; ainsi, le premier de tous les droits, celui de la conquête, a imprimé à cette contrée le premier caractère de domanialité. Si, par ce traité passé à Li verdun en 1632, Louis XIII a consenti à garder Stenay et Jametz, pendant quatre arts seulement, et de ne conserver Clermont que sous la condition d’en payer la valeur au denier 50, par un autre traité postérieur, passé à Paris en 1641, le Clermontois et ses dépendances ont été cédés à la France. La réunion à la couronne s’est irrévocablement opérée, et par la disposition précise du traité de 1641, et par la mort de Louis XIII qui a transmis cette possession à son fils comme une propriété vraiment domaniale. Le traité passé à Guémine en 1644, dont se sont prévalus les adversaires du système des comités, ce traité qui semble, par ses disp1 siiions, avoir formellement dérogé à la cession pure et simple faite par le traité de 1641, n’est, suivant vos comités, qu’un simple projet, un acte illégal, irrégulier dans la forme, vicieux quant au fond, parce qu’il n’a point été