82 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791,] lions de capital connu ; il faut y ajouter les intérêts depuis cette époque. L’humanité doit engager l’Assemblée nationale à venir au secours de ces individus, au nombre de 2,000, qui, lors même qu’ils seraient reconnus par les tribunaux comme héritiers légitimes de Jean Thierry, ne pourraient cependant obtenir, de la république de Venise, la succession qu’ils réclament, sans la protection du gouvernement. Sous un point de vue politique, il importe à la France que ces sommes rentrent dans le royaume. Voici en conséquence le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer: « L’Assemblée nationale décrète que l’instance pendante entre les prétendants droit à la succession de Jean Thierry, en la commission extraordinaire nommée par arrêt du conseil du 31 mai 1782, est renvoyée au tribunal du premier arrondissement du département de Paris, pour y être procédé suivant les derniers errements, et statué sur les demandes des parties, sauf l’appel ; sauf pareillement les voies de droit, s’il y a lieu, contre les jugements rendus par la commission ; « Décrète, en outre, que le comité diplomatique prendra les mesures convenables pour procurer la pleine et entière exécution des jugements qui interviendront. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély). La dernière disposition présentée par le comité est à mon sens destructive des principes constitutionnels posés par l’Assemblée nationale elle-même; l’attribution au comité diplomatique est attentatoire aux droits du pouvoir exécutif. Je demande, en conséquence, que l’exécution des jugements rendus soit confiée à ce dernier. M. Régnier, rapporteur. Je conviens de la justesse d-votre observation dans la thèse générale, mais le comité des rapports a conçu que les sommes qui sont entre les mains de la république de Venise intéressaient essentiellement la nation. Je ne prétends pas proposer que l’on dépouille le pouvoir exécutif de ce qui lui appartient, aussi ce n’est pas l’objet du décret; car, en proposant de renvoyer au comité diplomatique, c’est pour qu’il s’assure de la quotité des sommes qu’il s’agit de récupérer et, ensuite, lorsqu’il aura constaté que, par la réalité de la succession et par son importance, la nation elle-même doit y mettre un grand intérêt, il prendra les mesures convenables pour donner l’impulsion au pouvoir exécutif qui, de son côté, remplira à cet égard les fonctions qui lui sont attribuées par la Constitution. Je m’en rapporte, d’ailleurs, pour trancher cette question, à la décision de l’Assemblée. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Ângêly). J’admets l’objet d’intérêt que propose M. le rapporteur, mais je ne saurais admettre le mode très Inconstitutionnel qu’il vous présente. J’insiste pour le renvoi au pouvoir exécutif. (La motion de M. Regnaud est décrétée.) Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que l’instance pendante entre les prétendants droit à la succession de Jean Thierry, en la commission extraordinaire nommée par arrêt du conseil du 31 mai 1782, est renvoyée au tribunal du premier arrondissement du département de Paris, pour y être procédé suivant les derniers errements, et statué sur les demandes des parties, sauf l'appel ; sauf pareillement les voies de droit, s’il y a lieu, cou tre les jugements rendus par la commission. « Décrète, en outre, que le roi sera prié de prendre les mesures convenables pour procurer la pleine et entière exécution des jugements qui interviendront. » M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, vous avez ajourné le décret qui vous a été présenté sur l’échange du Clermontois; je dois vous observer que cet ajournement produit des retards légitimes dans les impositions de ce pays. Le nouveau mode de contribution commence, en effet, à s’y établir et cependant les anciens droits continuent à y être perçus au profit de M. de Condé. Les habitants ont donc quelque lieu de se plaindre, attendu, disent-ils, qu’ils ne peuvent être assujettis en même temps aux nouvelles et aux anciennes impositions. Il est donc nécessaire de prononcer incessamment sur cette affaire; je demande que la discussion en soit fixée à l’une de nos prochaines séances. (L’Assem'blée fixe la discussion du projet de décret relatif à l’échange du Clermontois à la séance de samedi soir.) M. Rauchy,au nom du comité des impositions. Messieurs, vous avez obligé les soumissionnaires pour le bail des messageries à fournir un cautionnement de 2 millions en immeubles. Ce cautionnement est nécessaire pour la responsabilité des objets confiés aux messageries et, pour les autres engagements à l’égard du Trésor public. Vous avez de plus obligé les nouveaux fermiers à payer , immédiatement après leur adjudication, aux anciens fermiers et sous-fermiers, tous les objets servant à l’exploitation, tels que chevaux, voitures, etc. L’adjudication a été suspendue par le motif qu’il est impossible qu’aucune compagnie puisse faire, au moment même de l’adjudication, le remboursement de ces effets, non encore inventoriés. Vous les avez déclarés insaisissables, et cependant Ja reprise du service doit se faire au même moment; et d’après votre décret, il pourrait résulter, de la part des sous-fermiers, un refus de fournir à la nouvelle compagnie les objets d’exploitation. Votre comité a pensé qu’il suffisait que les soumissionnaires justifiassent de la possibilité où ils se trouvent d’effectuer promptement ce remboursement. En décrétant cette disposition, vous préviendrez les difficultés qui pourraient s’élever à la prochaine séance d’adjudication, sur l’interprétation même de la loi. Voici e projet de décret que je vous propose : * « L’Assemblée nationale décrète que le ministre des finances, avant l’adjudication du bail des messageries, fera justifier à chacune des compagnies qui se présentera, qu’elle a, en outre des 2 millions de cautionnement exigés par le décret des 6, 7 et 8 janvier dernier, les moyens nécessaires pour monter le service et effectuer le remboursement comptant du mobilier servant à cette exploitation. » M. Moreau. Il me semble que le premier décret exigeait le cautionnement, non pas des soumissionnaires, mais seulement de la part des adjudicataires. Je fais une seconde observation qui tient à la première : une compagnie de près de 600 maîtres de postes s’était présentée pour faire l’acquisition du bail des messageries ; fai- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.] 83 sant l’exploitation par eux-mêmes, et étant déjà antérieurement créanciers de la nation, ils seraient certainement solvables; mais ces individus, pères de famille, associés en très grand nombre, ne peuvent sur-le-champ réunir tous leurs titres de cautionnement, et si vous exigez qu’avant même l’adjudication, et seulement pour s'inscrire comme soumissionnaires, ils soient tenus de fournir ce cautionnement, vous les éloignez forcément. Cette mesure est une ruse de la part des compagnies de linances. Je demande la question préalable sur le décret. M. Regnaud {de Saint-Jean-à' Angèlÿ). Je crois qu’il est impossible de laisser introduire parmi les soumissionnaires des hommes qui ne donneraient pas de cautionnement ; sans cette mesure, on pourrait adjuger le bail à des hommes qui n’auraient pas les fonds nécessaires pour faire le service qu’ils auraient entrepris; on leur ferait subir la folle enchère; mais le service public en souffrirait, et peut-être, en attendant une nouvelle adjudication, tomberait-il à la charge du Trésor public. Il y a, de plus, à ce que je crois, 2 ou 3 millions à payer aux sous-fermiers et aux autres fermiers; or, si les 2 millions qui ont été ordonnés et qui assurent la régularité du service, étaient employés à acquitter cette première dette des adjudicataires, il en résulterait que la nation se trouverait sans aucun cautionnement. Quant à la compagnie dont a parlé le préopinant, je crois qu’une compagnie nombreuse, composée de beaucoup de petits propriétaires, est une mauvaise compagnie. M. Rrillat-S avaria. On doit regarder le bail des messageries sous deux rapports, et comme devant rendre un revenu quelconque, et comme étant chargé d’un service intéressant. Pour le premier rapport, vous exigez un cautionnement en immeubles. Pour le second, le ministre devrait, sur sa responsabilité, s’assurer que celui qui aurait cette entreprise serait au même instant en état de faire les dépenses qu’elle exige : sans cette précaution, on exposerait le service public. Le sieur Brûlee nous a demandé la permission de faire un canal en nous disant qu’il avait une compagnie et il n’en avait point. M. Martineau. Qui vous a dit cela? J’appuie l’opinion de M. Reguaud. Un membre : Il est selon moi déraisonnable de dire dans un décret que les adjudicataires nou-veauxjustilieront qu’ils sont enétatde rembourser les voitures et les chevaux des fermiers et sous-fermiers, sans que vous sachiez à quelle somme peut monter ce remboursement; il faut que cette somme soit nettement déterminée! Plusieurs membres : Aux voix ! (L’Assemblée rejette la question préalable sur le projet de décret.) M. Chapelier. Vous avez décrété que le bail des fermiers était anéanti dans toute l’étendue du royaume. Les sous-fermiers n’étant pas obligés de prendre de nouveaux baux, on doit leur rembourser leurs chevaux et voitures. Ce remboursement doit être à la charge de celui qui prendra l’affaire. Voilà quelles ont été les conditions, il n’y a rien de plus juste. M. Martineau. Je demande que la somme qui doit être cautionnée pour garantir le remboursement comptant des objets d’exploitation soit fixée à 1 million ou à 1,200,000 livres. Si vous ne voulez pas déterminer la somme, comment voulez-vous que le ministre puisse la déterminer? Toutes les fois qu’il n’y a pas une base quelconque établie, on est maître d’exagérer. Votre décret même deviendrait un instrument entre les mains des anciens fermiers pour écarter tous les soumissionnaires. M. d'André. Il est nécessaire qu’une des conditions du bail soit de forcer les adjudicataires à rembourser aux sous-fermiers les voitures et les chevaux que ceux-ci fourniront à la nouvelle compagnie, ou à donner cautionnement. Mais on nousditdefixerlasommedegarantie;cettesomme, nous ne pouvons pas la fixer : quelle base avons-nous, en effet, pour estimer les objets remboursables? Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Martineau. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Martineau et adopte le projet de décret du comité. M. Vieillard, au nom du comité de judicature. Par un décret du mois de septembre dernier, vous avez déclaré que les dettes des compagnies de judicature, contractées antérieurement à l’année 1771, seraient payées par la nation, mais que celles contractées postérieurement seraient retenues sur le remboursement des titulaires. Par rapport aux anciennes, la nation s’est obligée à les acquitter, sauf à retenir aux titulaires la partie des dettes dont ils doivent être chargés. Cependant beaucoup de créanciers se sont avisés de faire des oppositions au remboursement des compagnies, sans indiquer la cause qui les avait déterminés. Ces oppositions ont paralysé dès le premier moment les liquidations. Sur un rapport que je vous ai fait, vous avez annulé les oppositions sur les compagnies. Les créanciers se sont alors avisés de faire des oppositions sur les particuliers et sur quelques titulaires des compagnies seulement, ce qui trompe les liquidateurs et arrête encore leurs opérations. Je propose en conséquence le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les oppositions formées sur les titulaires particuliers des compagnies désignées par le décret des 2, 6 et 7 septembre dernier, et qui n’ont d’autre cause que les dettes communes desdites compagnies, sont déclarées nulles et comme non avenues. Art. 2. « Les créanciers qui, pour éluder l’effet des décrets précédemment rendus, auront formé des oppositions sur chacun des membres desdites compagnies pour raison des dettes communes, seront tenus de donner, dans le courant du présent mois de février, suivant les formes prescrites, les mainlevées desdites oppositions, et d’en faire opérer à leurs frais la radiation par les conservateurs des finances. Art. 3. < A défaut de cette mainlevée dans les formes