ARCHIVES PARLEMENTAIRES RÈGNE DE LOUIS XVI ASSEMBLÉE NATIONALE PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du samedi 17 septembre 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Baudouin, imprimeur de V Assemblée nationale , dit que, pour assurer les engagements qui ont été annoncés relativement à la suite de l’impression des procès-verbaux, et à leur envoi à MM. les députés, il demande que l’Assemblée veuille bien faire insérer dans son procès-verbal rengagement qu’il prend, envers elle, d’envoyer à chacun des membres qui la composent, dans le domicile qu’il indiquera à cet effet avant son départ, la suite du procès-verbal de l’Assemblée nationale en 1789, 179Ü et 1791; édition in-4°, conforme au premier volume qui a déjà été distribué, ainsi que la fin du volume contenant l’état des pensions sur d’autres caisses que le Trésor public, dont le commencement a été distribué à MM. les députés. (L’Assemblée reçoit la déclaration de M. Baudouin, et décrète qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal de ce jour, auquel, pour assurance de son engagement, il apposera sa signature.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 15 septembre au soir , qui est adopté. Lecture est ensuite faite des adresses suivantes : Adresse du conseil général de la commune d’Amiens et des citoyens composant la garde nationale du même lieu , dans laquelle Us félicitent l’Assemblée, et s’unissent à toute la France, pour partager la satisfaction des représentants de la nation, de ce que le père de la patrie s’est réuni à eux et a accepté la Constitution française. Adresse des administrateurs composant le direc-(i) Cette séance est incomplète au Moniteur. lr* SÉRIE. T. XXXI. toire du district de Rouen, qui, en conséquence de l’acceptation que le roi a faite de la Constitution, et qui en était le complément nécessaire pour terrasser les ennemis de la chose publique, prient l’Assemblée de recevoir le juste tribut d’éloges dû à ses travaux mémorables. Adresse des députés d'Avignon, ainsi conçue : « Messieurs, « Le sage et bienfaisant décret qui rend au peuple avignonais sa qualité de Français, assure la liberté de son bonheur. C’est avec les transports de la joie la plus vive, avec les larmes délicieuses de l’attendrissement que tous nos concitoyens vont vous exprimer leur reconnaissance. « Daignez, Messieurs, en agréer le tribut que nous nous permettons de vous offrir en leur nom. Plus heureux qu’eux, au moment que nous venions d’être reconnus Français, nous avons vu dans le sein de l’Assemblée le chef suprême de la nation prêter le serment solennel d’en être le père. « Que de charmes a eus pour nous cette auguste et touchante cérémonie, et qu’il a été beau cet instant où le décret que vous veniez de prononcer, nous associant aux destins de la France et aux bienfaits de la sublime Constitution, votre ouvrage, nous l’avons vue s’établir sur des bases inébranlables par l’acceptation d’un roi, digne de commander à une généreuse nation aussi attachée à la monarchie et à sa personne sacrée qu’à la liberté. ( Applaudissements .) « Nous sommes, etc. « Signé : Richard, maire d’Avignon; Bernard et Descors, officiers municipaux d’Avignon. » Adresse de la société des amis de la Constitution séante à Auxonne , dans laquelle, après avoir fait hommage à la patrie de l’équipement de 9 des gardes nationales qui marchent pour sa défense, et auquel ont contribué les braves officiers, sous-officiers et soldats du 1er régiment d’artillerie, ils demandent que l’Assemblée veuille bien, sans délai, faire imprimer en forme de tableau les décrets qui concernent l’armée, pour être affichés dans les chambrées, persuadés que l’ignorance 1 Z A'cLQ\ 2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.' seule des décrets est cause de l’égarement de quelques régiments. (Cette adresse est renvoyée au comité militaire.) M. le Président annonce qu’il vient de recevoir deux lettres d'Aix , qui lui parviennent par un courrier extraordinaire et relative aux troubles qui ont eu lieu dans cette ville et à Arles. Il fait donner lecture de ces lettres par un de MM. les secrétaires ; elles sont ainsi conçues : Première lettre. « Notre situation, notre devoir et la loi du 3 août nous imposent le devoir et l’obligation de vous informer des troubles qui agitent, depuis quelque temps, la ville d’Arles. Divers arrêtés du directoire du département n’ont pu être mis à exécution. Il avait cru nécessaire d’ordonner de déposer à la maison commune, et sous la garde des officiers municipaux, toutes les armes qui étaient au pouvoir des citoyens, pour ne leur être remis que le nombre nécessaire au service de la garde nationale. Une partie des citoyens d’Arles, la moins nombreuse,’ la seule attachée à la Constitution, la seule obéissante aux ordres des corps administratifs a exécuté l’arrêté : les autres, en plus grand nombre, ont couru aux armes, se sont emparés des officiers municipaux et des administrateurs du district, les tiennent en chartre privée, et menacent leurs jours. Le fils d’un des officiers municipaux détenus est venu en faire part au directoire. « Le corps électoral, actuellement assemblé à Aix, a pris le plus vif intérêt à ce fâcheux état de choses; nous n’avons pu nous dispenser de requérir les commandants des troupes de ligne de prêter secours à l’exécution de nos arrêtés et à celui que nous avons pris aujourd’hui, portant que les officiers municipaux et les administrateurs du district d’Arles seraient mis en liberté et réintégrés dans leurs fonctions. « Vous trouverez, ci-joint, copie de nos arrêtés, de l’exposition de M. Paschal fils, et du procès-verbal de nos séances. Nous adressons une semblable dépêche au ministre de l’intérieur, pour qu’il la mette sous les yeux du roi. » Seconde lettre. « Depuis notre précédente, les mouvements étant devenus plus alarmants et le désordre s’étant étendu sur plusieurs points du département, le directoire vient de convoquer extraordinairement les membres du conseil du département, dont la plupart se trouvent déjà rassemblés. D’un autre côté, comme les instances du corps électoral sont devenues pressantes, le directoire a cru devoir requérir 4,000 gardes nationales de ce département et les faire approcher d’Arles, en attendant l’arrivée des troupes de .ligne et du commandant qui doit pourvoir à la sûreté de cette ville. « Ces dispositions sont devenues nécessaires ; car ceux mêmes qui sont regardés comme les auteurs des derniers troubles, se rendent en grand nombre dans la ville d’Arles, ce qui ne peut que l’affermir dans l’état de rébellion, et nous n’avons dans le moment aucun officier général dans le département ; l’un réside à Toulon, et les autres ont été recevoir les gardes nationales disposées à se rendre aux frontières. « Nous rendons compte de ces dispositions par le même courrier au ministre de l’intérieur. » M. Populus. Messieurs, vous avez désiré que, pour le maintien de la liberté, les Français fussent armés ; mais ici on a éludé le décret de l’Assemblée nationale en forçant les gardes nationales, après avoir fait le service, à porter dans un endroit unique leurs armes, et à en former un dépôt. Il est très clair que, dans une nuit, dans un quart d’heure, 20 à 30 particuliers malintentionnés n’ont qu’à aller au dépôt de ces armes s’en emparer, les citoyens restent sans moyens de résistance. N’est-il pas plus convenable que tout garde national ait chez lui ses armes, afin qu’au premier signal, au premier ordre, les citoyens puissent se transporter où l’intérêt de la chose publique les appelle? {Applaudissements. M. d’André. Je pense absolument comme le préopinant qu’il ne doit jamais être permis à un département ou à un autre corps administratif de faire enlever les armes des citoyens, quand ils sont tranquilles, pour les faire porter dans un endroit commun. La Constitution autorise les citoyens à être armés ; on ne peut pas les désarmer, à moins qu’il n’y ait des raisons très graves. Or, ici, le département des Bouches-du-Rhône a arrêté, le 7 septembre 1791, qu’il sera enjoint à tous les citoyens de la ville d’Arles de déposer les armes dans un seul endroit : ainsi c’est le département lui-même qui l’a ordonné. Le département a bien mal fait de l’ordonner ; c’est une mesure très inconstitutionnelle, car, si on peut désarmer en un jour toute une ville pour porter les armes à la municipalité, demain on pourra en faire autant dans toutes les municipalités, et par ce moyen, en un clin d’œil, on se rendrait maître de la liberté de tout le royaume. Mais de quoi s’agit-t-il ici? Il s’agit de l’exécution de vos lois. Vos lois portent que tous les citoyens ont le droit d’être armés: par conséquent, elles défendent de désarmer les citoyens, à moins qu’il n’y ait des cas graves, et alors un département ne le peut faire sans autorisation du roi. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi au pouvoir exécutif.) Lecture est ensuite faite : 1° D’une adresse de M. Cazotte, ancien major au corps royal d’artillerie, nommé 1er lieutenant-colonel du 2e bataillon des volontaires de la Côte-d’Or, qui fait hommage à la nation des appointements attachés à ce nouveau grade, se contentant de sa pension pour faire la campagne, trop heureux d’être encore à même de sacrifier ses jours pour sa patrie. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention, dans son procès-verbal, de ce don et de ce parfait dévouement à la Constitution.) 2° Adresse de MM. les commis du directoire du département du Tarn qui, ne pouvant, à cause de leur service, marcher au secours de la patrie, et voulant contribuer à sa défense, s’engagent envers la nation à donner un sol pour livre de leurs appointements pour l’entretien des gardes nationales qui se seront dévouées à la défense de la patrie, et ce, annuellement et tant que les besoins de l’Etat l’exigeront. (L’Assemblée reçoit cet hommage avec applau- 3 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il septembre 1791.] dissement, et ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal.) M. de Cnrt, au nom du comité de la marine. Messieurs, le sieur Liège, négociant français à Constantinople, mourut en 1770 et laissa une fortune assez considérable. � 11 n'y avait aucune espèce de personne qui pût s’emparer de cette succession comme vacante. Le sieur Boule, consul, qui en avait le pouvoir, fit apposer les scellés sur les effets de la succession, et avant d’en rendre compte, il apostasia. La veuve du sieur Liège et sa tille, Mme Ma-billy, firent leurs réclamations auprès du ministre de France; des ordres furent envoyés à l’ambassadeur pour agir; mais on n’a rien pu obtenir jusqu’à ce jour. Il est prouvé par les pièces qui ont été prises dans les bureaux du département de la marine que le sieur Boule, d’après son propre aveu, devait au moins une somme de 3,000 et quelques piastres, évaluées à peu près à 4 1. 10 s. la piastre. Toutes ces réclamations vous ont été adressées et vous les avez renvoyées au comité delà marine. Yotre comité, après avoir consulté le ministre et s’être fait représenter toutes les pièces qui pouvaient donner quelques éclaircissements, a cru que, lorsqu’un officier public s’était emparé de la succession d’un négociant auquel la protection de la loi était due, l’Etat devait nécessairement venir au secours de sa veuve qui avait perdu sa fortune par le fait dé ce consul ; et, alors, ne pouvant pas prouver jusqu’à quel point la succession s’élevait, mais ayant une preuve certaine qu’elle était de 3,260 piastres, il a cru pouvoir vous proposer d’accorder une indemnité à la dame Mabilly du tiers de 15,000 livres. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer d’accorder la somme de 5,000 livres à la dame Mabilly, par forme de bienfaisance. M. Camus. Ou il est dû ou il n’est pas dû. Dans le premier cas, la somme ne peut être arbitraire ; elle ne peut être fixée que d’après les règles que vous avez établies. C’est-à-dire que le directeur de la liquidation vérifierales faits et vous en rendra compte. C’est d’après les faits vérifiés que vous pourrez statuer, et non sur de simples allégations de part et d’autre. Ainsi je demande le renvoi au directeur de la liquidation. M. Hébrard. Il faut décider, avant tout, si la nation est garante ou non des faits de ses agents ; car, si le principe est consacré que l’agent de la nation estbommepublicpour prendre, ethomme privé pour rendre, alors il ne peut plus être question d’indemnité, c’est la propre dette de la nation que nous payerons. M. Prieur. Messieurs, si vous étiez obligés de réparer les déprédations de l’ancien régime en indemnisant ceux qui en ont été victimes, toutes les finances ne vous suffiraient pas. Je demande la question préalable. (. Applaudisse - ments.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer.) L’ordre du jour est la relue des divers articles décrétés sur l'organisation de la comptabilité générale des finances de l'Etat. M. Camus, rapporteur , donne lecture de ces articles dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : TITRE Ier. De la suppression des chambres des comptes. Art. 1er. « A compter du jour de la publication et de la notification du présent décret aux chambres des comptes du royaume, supprimées par le décret du 2 septembre 1790, elles cesseront toutes fonctions. Art. 2. « A compter du même jour, les officiers et procureurs postulants, et les autres offices ministériels près lesdites chambres des comptes, seront supprimés. Art. 3. « Aussitôt que le présent décret sera parvenu aux directoires de département, ils le feront notifier aux chambres des comptes situées dans l’étendue de leur département; et dans le jour, les directoires des départements feront procéder par deux de leurs membres, assistés du procureur général syndic du département, à l’apposition des scellés sur les greffes, dépôts et archives desdites chambres de3 comptes, ainsi que sur leur mobilier. Art. 4. « Lesdits commissaires, lors de l’apposition des scellés, se feront représenter et remettre tous les comptes non encore définitivement jugés, apurés ou corrigés, qui se trouveront exister dans les greffes, ainsi que les pièces à l’appui ; ils en dresseront un bref état, dont un double sera délivré aux greffiers pour leur décharge desdits comptes et pièces. Art. 5. « Ils se feront représenter les registres aux distributions des comptes, et remettre ceux desdits registres sur lesquels il se trouvera des articles non encore déchargés. Art. 6. « Les officiers qui se sont chargés, sur les registres, des comptes et pièces à l’appui, seront tenus de remettre lesdits comptes et pièces au directoire du déparlement, en dedans quinzaine à compter de la notification ; après laquelle quinzaine, faute par eux d’avoir remis lesdits comptes et pièces, les intérêts de leur finance cesseront de plifin droit; et, après une seconde quinzaine, ils seront, en outre, condamnés à une amende de 300 livres, laquelle sera ensuite augmentée de 10 livres par chaque jour de retard. Art. 7. « Les directoires des départements feront parvenir, sans délai, au bureau de comptabilité qui sera ci-après établi, les comptes et pièces à l’appui qu’ils auront retirés, soit des greffes, soit des mains des conseillers rapporteurs. Art. 8. « L’Assemblée nationale pourvoira à la levée des scellés, à l’inventaire et conservation des pièces reposant aux greffes, dépôts et archives des chambres des comptes supprimées. Art. 9. « Il sera pourvu incessamment au rembourse-