ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES, j ® Novembre T793 [Convention nationale.] B. Adresse du tribunal criminel de la Haute-Vienne (1). Jj accusateur public près le tribunal criminel du département de la Haute-Vienne, au ci¬ toyen Président de la Convention nationale. « Limoges, le 6e jour de la 3e décade du 1er mois de l’an II de l’ère de la Ré¬ publique française, une et indivisible. « Citoyen, « Je suis chargé, par le tribunal criminel, de vous adresser un extrait de son audience publique d’hier. « Puisse cette adresse avoir un plus heureux succès auprès de la Convention nationale que celles des 15 octobre 1792 et 15 juin dernier, qui furent envoyées sur l’établissement de la République et les journées des 31 mai et 2 juin, et dont le tribunal a vu avec douleur qu’il n’avait pas été fait mention. « Salut et fraternité. « Guineau. » Extrait (2). Séance publique du tribunal criminel du département de la Haute-Vienne. Limoges, 5e jour de la 3e décade du 1er mois de la 2e année de la République française, une et indivisible. Avant la prestation du serment des jurés de jugement, l’accusateur public a dit : « Citoyens, « A l’audience du premier mois de la première année de la République, je demandai au tri¬ bunal et aux jurés de jugement alors sur les sièges du prétoire, de féliciter la Convention nationale d’avoir, d’un seul coup, aboli la royauté*et créé la République, de lui témoigner nos vœux, non seulement pour la mort du tyran, mais encore pour que tous les peuples sentissent promptement le besoin de se débarrasser de ces monstres, progéniture affreuse de l’hypocrisie et de la féodalité, et placés dès leur naissance sur des trônes assez élevés pour effrayer l’éga¬ lité et la liberté. « A l’audience du premier mois de la seconde année de notre République, que tout vrai Français veut une et indivisible, dont l’époque glorieuse va devenir l’ère de la régénération du genre humain, à cette audience tenue par un nouveau président, par des juges et des jurés francs républicains, en présence de citoyens véritables sans -culottes, il eut été trop pénible pour moi de ne pas profiter de ces circonstances favorables à épancher dans le sein de nos représentants toute notre reconnaissance et tout notre attachement. « Je ne rappellerai pas les époques glorieuses qui ont mérité à la Convention tout notre amour, U) Archives nationales, carton C 279, dossier 753. {2} Archives nationales , carton C 279, dossier 753. ce serait répéter les hymnes dont les Français font retentir les airs, surtout dans ces fêtes préparées par l’enthousiasme pour célébrer les héros de la révolution, ce serait rappeler à la Convention ses moments de douleur sur les trahisons des Lafayette, des Custine, sur les assassinats de Lepeletier, de Marat, de Marat, cet ami du peuple, dont la mémoire restera attachée à l’ère de la République. Mais dans ce moment où la Convention voit triompher nos armées, où le fédéralisme s’est enfoui sous les décombres de la royauté, où la Montagne voit rouler dans la fange les représentants qui cherchaient à la gravir afin de se soustraire à la juste indigna¬ tion des républicains, je me bornerai à presser nos représentants de ne pas désemparer le som¬ met de cette montagne sainte, qu’ils n’en aient fait partir tous les volcans de la raison et fait foudroyer tous les despotes, qu’ils n’aient assuré à jamais l’égalité et la liberté, ces bases im¬ muables de la République, une et indivisible que je jure dé maintenir de tout mon pouvoir et de mourir en les défendant. » L’accusateur public, ayant remis son dis¬ cours sur le bureau, le tribunal, les jurés et les auditeurs ayant, d’un mouvement spontané, répété : Nous le jurons ! Vive la Conventipn ! vive la Montagne ! vivent les sans-culottes ! vive la République française une et indivisible ! Le tribunal arrête que le discours de l’accu¬ sateur public serait transcrit sur les registres et envoyé à la Convention nationale, comme l’ex¬ pression du tribunal, des jurés et de tous les citoyens auditeurs, qui ont demandé à signer. Arrête de plus qu’il sera fait mention que François Buisson, cultivateur à Champagnac et un des jurés a déclaré ne savoir signer; que la même déclaration a été faite par une foule de citoyens ou citoyennes présents à l’audience. Fait en l’audience publique du tribunal criminel du département de la Haute-Vienne séant à Limoges, le 5e jour de la 3e décade du premier mois de l’an second de la République française, une et indivisible. (Suivent 86 signatures.) C. Adresse de la Société populaire de Roye (1). Aux membres de la Convention nationale. La Société populaire de Roye, département de la Somme, épurée dans la séance du 13 brumaire de Van II. « Mandataires du peuple, « Vos devoirs ne sont point entièrement remplis ; la République encore a besoin de vous. Restez à votre poste. Quand, après la tempête nationale, le vaisseau de la République sera tranquille au port, nous en confierons le gou¬ vernail à de nouveaux pilotes, et nous dirons à chacun de vous : Va, tu as bien mérité de la patrie; que ton département reçoive de toi l’ exemple des mœurs et des vertus républicaines, et ton nom sera cher à la postérité. « Prieur, président; Deealande, secrétaire. « P. -S. Déjà la Société populaire de Roye a (1) Archives nationales, carton C 280, dossier 780, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { g " L“ 123 adressé à votre comité de division son vœu sur le changement du nom de la commune de Roye en celui d ' Avre-Libre. Tous les bons sans-cu¬ lottes impatients que leur cité ne porte plus un nom qui blesse leurs oreilles républicaines, vous demandent d’autoriser ce changement par un décret, sans attendre le rapport du comité de division. « Delalande, secrétaire. « Ci-joints des exemplaires d’un discours en vers prononcé à la première séance de la Société. » Discours en vers, sur V amour de la pairie, lu à la première séance de la Société populaire de la ville de Roye, déparlemenl de la Somme, le 22 septembre de l'an II de la République française, une et indi¬ visible, par le citoyen Démophile, secrétaire el membre de ladite Société (1). Si je ne puis mourir, je veillerai pour elle; Je veux lui consacrer et mes chants et mon zèle : Onze lustres déjà m’ont courbé sous leurs poids; Que je la serve au moins du cœur et de la voix I Tel on vit, animant du feu de son courage Nos braves légions dans les champs du carnage, Le valeureux Maurice (2), en proie à la douleur, De Vienne et d'Albion triompher en vainqueur. Nos talents, nos vertus, nos jours, notre fortune, Tout en nous appartient à la mère commune, Sur ses grands intérêts plus vigilants qu’ Argus, Déjouons les complots, dénonçons les abus; Mais que le noir soupçon, que la haine barbare Contre un bon citoyen jamais ne nous égare : L’humanité nous parle un langage plus doux; Pleurons sur les agneaux dévorés par les loups. L’injustice révolte, et la terreur alarme; Mais la raison, la paix nous ramène et nous charme. D’après mon propre cœur, je juge les humains; Les lois, les bonnes mœurs font les républicains... Il naquit avec nous, l’amour de la patrie; Ce noble sentiment enfanta les Décie, Et le beau dévouement du généreux Codrus, Et du fier Scœvola les civiques vertus. C’est peu qu’à ces héros nous élevions des temples, Affermis ton empire, ô douce liberté ! Et toi, fille du ciel, aimable égalité, Rends à tous les mortels leur dignité première; Renverse, arrache enfin l’odieuse barrière Par qui, grâce aux tyrans, chez nos tristes aïeux, L’un fut bête de somme, et l’autre au rang des dieux. Etre éternel, dis-nous, lorsque tes mains habiles Formaient le premier homme, avais-tu deux argiles? Ou bien du vieux Noé les orgueilleux enfants Créèrent-ils entre eux trois ordres différents? Ah ! plutôt, si j’en crois tes antiques oracles, Ta tendre prévoyance y mettait des obstacles, Quand Juda, fatigué de vivre sous ta loi, Dans son aveuglement te demandait un roi. Il en fut bien puni !... le plus dur esclavage De ce peuple avili fut le juste partage; Trente siècles à peine ont allégé ses fers; L’opprobre le poursuit au bout de l’univers. Source de tant de maux, exemples mémorables, Gravez-vous dans nos cœurs en traits ineffaçables ! Vivre libre ou mourir : c’est notre unique choix; Qui pourrait hésiter outragerait les lois. Sur les bords du Niger qu’il cherche une retraite; La France, de son sein, pour jamais le rejette... Comment un peuple né pour être souverain Courberait-il son front sous un sceptre d’airain? Des âges écoulés l’homme a suivi les traces; Il n’a trouvé partout que forfaits, que disgrâces. (1) Archives nationales, carton C 280, dossier 770. (2) Le maréchal de Saxe, dévoré de la goutte, se faisait transporter à Fontenoy sur un brancard d’osier, et remporta sur un triple ennemi la vic¬ toire la plus signalée. (Noie de V auteur.) La triste servitude avait flétri son cœur; La liberté sourit, il renaît au bonheur. Rome, pour un Titus, son amour et sa joie, Rome eut trente Nèrons dont elle fut la proie. Quand nos fers sont tombés, debout et réunis, De notre liberté connaissons tout le prix : Nos amis les plus chers, nos enfants et nos frères, Pour la consolider accourent aux frontières : Une cause si belle aura d’heureux succès; Les despotes sauront ce que vaut le Français; Et si j’ai bien jugé leur ardeur magnanime, Sur leurs fronts rayonnants j’ai lu cette maxime : « Qu’un cœur républicain réunit à la fois L’amour de la patrie et la haine des rois. » D. Adresse des envoyés des assemblées primaires du district de Joigny (1). « Citoyens représentants du peuple, « Les envoyés des assemblées primaires du district de Joigny viennent de mettre fin à leurs travaux, les commissions qu’ils ont reçues du représentant du peuple leur sont retirées, ils cessent, dès ce moment, avec regrets leurs fonctions, mais ils ne cesseront jamais d’être vrais sans -culottes et intrépides républicains, et jurent de vivre fibres ou de mourir. « Restez à votre poste. » (Suivent 8 signatures.) E. Adresse du nouveau tribunal civil du district de Tartas (2). Le nouveau tribunal civil du district de Tartas, à la Convention nationale. « Tartas, département des Landes, le 12e du 2e mois de l’an II de la République fran-- çaise, une et indivisible. « Représentants du peuple français, « Les montagnards Pinet, Monestier, Cavai-gnac et Dartigoeyte ont paru dans cette ville; iis ont éclairé le peuple, et l’esprit public est remonté au plus haut degré d’énergie. Ce qu’il y avait de malveillant ou même de douteux dans les autorités constituées en a été chassé; des sans -culottes bien prononcés les remplacent. « Le tribunal civil vient d’être installé dans cet instant, il trahirait sa conscience et ses de¬ voirs s’il ne vous exprimait un vœu bien ardent, celui que vous restiez à votre poste tant qu’il y aura des scélérats à punir ou des ennemis à vaincre. « Courage ! députés de la Montagne, frappez tous les perfides, plus d’ appelants, plus de ma¬ rais : expulsez tous les monstres, et surtout nos infidèles mandataires Saurine, Cadroy et Lefranc. « Salut et fraternité. « Les membres composant le tribunal civil de Tartas, « Lafitte, président; Dubroca, juge; Sa-picau, juge; Marinpoi, juge; Labadie, greffier ; Gazailiian, commissaire national. » (1) Archives nationales, carton G 280, dossier 770. (2) Archives nationales, carton G 279, dossier 753,