544 [Assemblée nationale.] Ainsi nous avons pourvu aux besoins que chaque officier général pouvait avoir autant qu’il est possible. Car, à présent, si l’on demandait de mettre plus de troupes sur la frontière, je demanderais à l’Assemblée nationale si son dessein est de retirer de l’intérieur du royaume, c’est-à'dire du Comtat d’Avignon et du département du Gard, les troupes qui y sont ; nous n’avons plus à en prendre que là. Ainsi il faut nécessairement avoir recours à nos autres moyens qui sont ceux des gardes nationales. Sur cela, on se plaint du retard qui a été apporté dans ces mesures ; mais je prendrai la liberté d’observer que les derniers décrets qui ont été rendus relativement aux gardes nationales, n’ont pas encore 15 jours de date ; et, comme j’avais l’honneur de le dire à l’Assemblée tout à l’heure, dès que j’en ai été chargé, et j’avais pris mes mesures d’avance, j’ai envoyé tous les ordres nécessaires. Je ne puis rien faire de plus ; mais je ne doute cependant pas du succès de ces mesures-là sous très peu de temps; et les nouvelles que j’ai reçues des départements voisins annoncent qu’on se porte avec zèle à se faire inscrire. Ainsi je crois qu’on tirera de ce moyen tout ce qu’on doit en attendre. Quant au désir qu’on a manifesté de voir former des camps, il est certain que nous n’avons pas une assez grande quantité de troupes de ligne sur les frontières pour former des camps. Us ne peuvent donc être formés que quand les gardes nationales seront rassemblés en assez grand nombre pour pouvoir remplacer dans les places les troupes de ligne qui y sont. D’ailleurs mêmecette m sure de former des camps, quoique je l’adopte, doit être prise avec certaines précautions. 11 faut faire une réflexion générale ; c’est que toutes les mesures que nous prenons comme défensives, n’ont pas d’inconvénient vis-à-vis de l’étranger, mais les mesures qui sont un peu offensives en ont. Un camp que nous formons en appelle un de dehors; et nous devons nous attendre, que quand nous aurons des camps sur nos frontières, peu de temps après nous entendrons dire que les puissances voisines vont former des camps : ce sont là les lois générales de la politique et de la guerre. Il ne faut pas donner à tou les nos mesures l’ostensibilité qu’on pourrait leur donner. Il faut les prendre avec toute la célérité et l’activité que nous pourrons; mais je crois qu’il ne faut pas, en les précipitant, nuire à la chose même par les alarmes que nous pouvons donner lorsque nous ne sommes pas même en état peut-être de remplir tous ces objets-là avec autant de réalité que nous pourrons le faire par la suite. ( Applaudissements .) M. le Président ( s’adressant aux ministres). L’Assemblée est satisfaite des éclaircissements que vous venez de lui donner. (La séance est levée à deux heures et demie.) 118 août 1191.] ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 18 AOUT 1791. Observations de M. Poncin, membre de l'Assemblée nationale, sur le rapport fait à l'Assemblée nationale concernant le projet de rendre navigables les RIVIÈRES DE JüINE , d’Essonnes et du Remard, et sur un nouveau canal à construire d'Orléans à Paris , présenté par les sieurs Dransi , Gerdret et C° (1). Je comptais parler sur ce projet, et démontrer à l’Assemblée, que les bases du rapport qu’on lui a fait sont de la plus haute et de la plus évidente insuffisance, pour ne pas dire plus. J’avais, à cet effet, rédigé à la hâte mon opinion; je la faisais imprimer pour la distribuer, je croyais que cette affaire serait traitée à l’une des séances du soir; on les supprime le mercredi 17 août, et le jeudi 18, à l’entrée de la séance, on présente ce rapport, qui n’avait point été annoncé la veille, et le décret proposé passe avec précipitation. J’étais retenu chez moi par une indisposition ; je n’ai pu alors payer le tribut que je dois à la vérité, au bien public et à l’Assemblée; je le paye aujourd’hui 18 août 1791; je conjure les membres de l’Assemblée de lire mon opinion, de réfléchir sur le rapport et de le comparer avec ce que je dis ; ils verront, peut-être, que leur religion fut surprise, que l’honneur de l’Assemblée exige que ce décret soit suspendu, jusqu’à ce que l’on ait pris des informations ultérieures. Je le dis hautement; la Constitution est violée par ce décret; la Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. Le sacrifice des propriétés est-il ici légalement constaté? Non, il ne l’est pas. Le sacrifice des propriétés serait légalement constaté, si on avait pris les précautions nécessaires pour s assurer que le projet que l’on veut exécuter est utile, et que l’on ne peut en exécuter un plus avantageux dans le même sens; et si on avait encore acquis les connaissances nécessaires pour décider que ce projet est possible. Or, ici, on n’a point examiné si le projet du sieur Dransy ne pouvait pas être remplacé par un projet plus avantageux que le sien ; on n’a même pas voulu voir un projet présenté avant le sien; on n’a point examiné si son projet est possible; on a même prononcé contre l’avis de l’Assemblée des artistes, que l’Assemblée nationale a établi pour s’aider de leurs lumières; donc il n’est pas démontré que le sacrifice des propriétés soit nécessaire : donc on a prononcé contre la Constitution : donc, il est du devoir de l’Assemblée de suspendre l’exécution de son décret, jusqu’à ce qu’elle ait fait examiner, et qu’elle ait de nouveau examiné cette affaire. L’un des plus grands ennemis de l’Assemblée nationale, est la précipitation, et une trop grande confiance dans ses comités. J’assure que les sieurs Dransy et Gerdret n’exécuteront pas le canal qui est décrété; je prédis qu’ils feront beaucoup de mal, et aucun bien. Signé ; Poncin, Député à l’Assemblée nationale, membre du comité d’agriculture et de commerce. archives parlementaires. (1) Voyez ci-dessus, même séance.