SÉNÉCHAUSSÉE D’ALBRET AU SIÈGE DE TARTAS. CAHIER DE L’ORDRE DU CLERGÉ. (Il nolls a été impossible jusqu’à ce jour de trouver ce cahier.' — M. Tartière, archiviste des Landes, nous assure qu’il n’existe ni daus les archives de Mont-de-Marsan, ni dans les archives des villes du département. M. le baron de Cauna, auteur de Y Armorial des Landes, n’a pas été plus heureux que nous dans ses investigations sur le même sujet. — Nos recherches continuent et nous publierons plus tard ce cahier si nous parvenons à le découvrir, i m, e. l.) CAHIERS DE L’ORDRE DE LA NORLESSE DU PAYS ET DUCHÉ D’ALBRET DANS LES SÉNÉCHAUSSÉES DE CASTEL-JALOUX, CASTELMORON, NÉRAC ET TARTAS, EN 1789 (1). DISCOURS Prononcé par M. le baron de Batz , grand sénéchal du pays et duché d'Albret , le jour de l'ouverture de la séance des trois ordres de la sénéchaussée d'Albret, siège de Tartas, le lundi 20 avril 1789. « Messieurs, le plus juste et le meilleur des rois nous rend nos droits les plus précieux ; c’est par ses ordres qu’en ce moment vous jouissez du bonheur d’être rassemblés pour délibérer sur les intérêts les plus chers de la patrie, et pour former les demandes particulières que la bonté paternelle de Sa Majesté vous invite à lui présenter. « En voyant la juste reconnaissance et la vive sensibilité qu’excite' en vous ce grand bienfait et l’heureuse harmonie qui règne ici entre tous les rangs, il est permis de s’étonner qu’on ait pu manifester des sentiments différents des vôtres. Oh ! combien elles ont été douloureusement trompées les premières espérancesde l’excellent prince qui veut à tout prix composer son bonheur du bonheur de ses sujets! il a voulu de tout son pouvoir l’union, et la discorde (f° 4) s’est montrée ; il a appelé la liberté, la licence a paru, et le sang vient de couler dans le sein même de sa capitale ; mais, n’en doutons pas, cette erreur d’un instant n’a été qu’un nuage passager qui s’est dissipé dans les airs, et qui ne sera point suivi d’orages. Je dois donc me hâter de détourner vos regards de tout ce crui les affligerait, et de les reporter sur nos brillantes espérances et sur les présages les plus heureux. « Quant à nous, Messieurs, inébranlables dans notre fidélité, toujours inséparables de notre amour pour le sang de l’immortel Henri IV, qui naquit près de nos pères, nous saurons prouver au prince qui porte sa noble couronne que nous ne sommes indignes ni du grand bienfait qu’il répand sur la nation, ni du regard particulier qu’il a daigné jeter sur ce premier patrimoine de son aïeul. « Quel beau moment, Messieurs, se prépare ! quelle précieuse circonstance à saisir pour resserrer les liens de concorde générale sans les-(1) Nous empruntons les cahiers de la sénéchaussée d’Albret à l’ouvrage en 2 volumes in-8° publié, de 1862 à 1865. par M. le baron de Cauna, sous le titre d’Ar-morial des Landes. quels il ne peut exister ni paix ni bonheur dans les sociétés humaines, et pour opérer le soulagement si nécessaire du peuple !En s’y portant avec ardeur, la noblesse ne fera quesuivreson inclination naturelle et le désir le plus conforme à ses véritables intérêts, comme à ceux de tous les ordres. « Quant aux hommes que distinguent les talents, le vrai mérite, le savoir utile, les services rendus à l’Etat et à l’humanité, ceux-là illustrent la patrie, en font la gloire, l’honneur ; que tous les rangs leur restent ouverts ; que, sous le sceptre de Louis XVI, la régénération des mœurs accompagne le rétablissement ou la sage modification des lois, et que l’ordre renaisse de notre sincère union ! Tel est, dans le cœur de Sa Majesté, l’objet de la convocation des ordres, et nuis sacrifices ne nous coûteront pour atteindre ce but désiré. Mais avant qu’ils soient consentis, vous demanderez qu’on en ait vérifié le besoin et fixé la mesure (f° 5). Ce n’est certainement pas au désordre que vous entendez rendre le trésor qu’ont, dissipé l’impéritie et la prodigalité de ministres trop indignes, soit de la confiance duprincele plus économe qui fût jamais, soit de la nation. Mais sur un sujet aussi grave, aussi important, je ne pourrais, Messieurs, rien ajouter à vos vœux, ni à vos méditations ; il ne me reste qu’à me réunir. à l’empressement que je vois éclater. « Après avoir porté vos regards sur l’intérêt général de la patrie, je dois les faire retomber sur ces contrées que tant de maux et de fléaux ont désolées depuis quelques années. Des secours abondants ont été versés par vous sur l’indigence, et au milieu de vous par de respectables pasteurs, dont les pauvres sont la famille. Mais l’épuisement est venu donner des limites à la bienfaisance; la culture a langui dans ce pays qui lui doit plus qu’à la nature; des déserts ont été ajoutés à des déserts, et il est de toute vérité que le malheureux cultivateur gémit écrasé sous le triple poids de la misère, du travail et d’une trop dure exaction. En un mot, ces contrées semblent n’offrir que les débris d’une patrie, mais elle vit, entière dans votre amour pour elle, pour le roi, et j’ajoute pour vosplus chers intérêts ; car l’amour de soi, le mieux entendu, n’est autre chose que l’amour de son prince et de son pays. La France languissait : un mot a suffi pour la ranimer; en nous rappelant aux honorables fonctions de citoyens, l’espérance atout ravivé; en oubliant ses maux, chacun les croit anéantis, et l’allégresse publique a seule le droit de se montrer. « Messieurs, le retard de mon arrivée parmi vous a, depuis quelques jours, arrêté les nobles élans de votre zele ; veuillez considérer que ce [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’AÎbret.j 699 retard a été forcé par l’obéissance que j’ai�ue aux ordres du roi, et par l’accomplissement de mes fonctions dans trois autres (f° 6) sénéchaussées ; mais vous ne m’avez point accusé de tiédeur, vous avez rendu justice à des sentiments dignes des vôtres, et j’en ai reçu un témoignage bien flatteur dans l’allégresse qui s’est manifestée à mon arrivée au milieu de vous -, que dis-je à mou arrivée? les bontés, l’amitié compatriotes l’ont devancée (1); l’empressement dont je me suis vu environné sera toute ma vie l’un de mes plus doux souvenirs. Toutefois, Messieurs, ma sensibilité ne m’égare point, et je me hâte de restituer les sentiments qui m’ont été témoignés au sentiment qui les a fait naître, je veux dire au patriotisme ; c’est lui que j’ai dû reconnaître au cri de la satisfaction publique. Mon dessein n’ést cependant pas, Messieurs, de me dérober à l’amitié qui m’a été témoignée, ni à la reconnaissance qu’elle m’inspire. Nul souvenir, je le répète, ne me sera jamais plus cher que celui du touchant accueil dont vous m’avez honoré. Avec quelle douceur il me rappelle que je suis né dans vos contrées ! J’y reverrai les premiers objets sur lesquels mes yeux se sont ouverts ; j’y retrouve de respectables parents et les premiers amis de rnon enfance, et entre vous, Messieurs, je revois un de vos compatriotes que je ne crains point de nommer hautement, homme vénérable, ardent ami de la patrie et le [dus tendre des pères. Il m’éleva à vous chérir et à placer au premier rang du bonheur la satisfaction d’être utile à son pays. « Oserai-je remercier ici, Messieurs, ceux qui ont daigné occuper un instant de moi leurs talents si justement estimés par vous ? Le patriotisme à servir leur prépare de plus dignes applaudissements; mais n’est-ce pas encore au patriotisme qu’ils ont voulu rendre (f° 7) hommage en honorant à vos yeux le berceau d’un de vos enfants ? Quel beau jour pour moi, Messieurs, que celui où d’honorables circonstances m’offrent l’occasion de vous offrir un témoignage public du plus vif attachement et d’une éternelle reconnaissance ! » CAHIER du corps de la noblesse du duché d’Albret au siège de Tartas. Que de grâces nous devons rendre au monarque bienfaisant dont la tendre sollicitude, s’étendant sur l’universalité de son empire et sur toutes les classes de ses sujets, vient jusqu’aux extrémités du royaume interroger ses peuples ! 11 veut entendre leurs réclamations et leurs vœux, les recueillir pour en composer notre félicité commune, et lui-même former son bonheur de la prospérité générale. Quels sentiments plus paternels acquirent jamais à aucun de vos rois la confiance, le respect et l’amour des Français! Après avoir satisfait au plus pressant de nos sentiments, il nous reste à parler de vos intérêts. Nous nous y portons avec l’empressement de les rendre indivisibles de ceux de la nation et du prince. Et d’abord, nous adoptons à l’unanimité les principes établis dans le cahier de la noblesse des trois autres sénéchaussées de l’Albret convoquées à Nérac. Nous espérons avec elles que le mal public a été exagéré ; que, pour le réparer, il sera présenté des moyens qui opéreront la libération de l’Etat sans l’établissement de nouveaux impôts, et sans le désastreux recours aux emprunts, toujours plus onéreux que les impôts. (1) Une nombreuse députation était allée recevoir baron de Batz aux limites de cette sénéchaussée. « Mais si des moyens ordinaires n’étaient pas suffisants (f° 8), si la proscription des abus et des privilèges onéreux, si des améliorations et l’économie ne présentaient point dans des calculs certains l’acquittement de la dette vérifiée, et qu’en-fin un subside fût jugé nécessaire, nous déclarons ne vouloir connaître alors aucune exception, nous repoussons dès à présent tout titre qui nous donnerait des exemptions pécuniaires; les sentiments généreux sont toujours l’esseuce de la noblesse. Nous n’en gémissons pas moins sur l’abandon irréfléchi, nous osons le dire, que plusieurs corps de noblesse ont fait de leurs prérogatives. Avec combien de raison, suivant nous, l’assemblée de Nérac a demandé la vérification de l'état actuel des ordres relativement aux contributions ; combien l’examen de cette vérification justifiera notre ordre et accusera ses détracteurs! A les entendre, la noblesse française a tout envahi dans l’Etat, tout usurpé sur la raison, la nature et les lois; et l’Europe est appelée à témoin de cet:e barbarie ! Ce serait donc à tant de mauvaise foi ou d’ignorance que nous aurions la faiblesse d’offrir des sacrifices ? Est-ce donc au moment où l’envie s’élève contre nous jusqu’à la menace que notre ordre doit céder au cri des factieux, les uns égarés, les autres méditant peut-être de grands crimes ? Que notre député se défende de toute précipitation; l’œuvre de notre régénération est désespérée si elle n’est l’heureux ouvrage de la prudence et des plus sérieuses réflexions. Qu’il nous serait facile de démontrer que, loin de nous soustraire à l’impôt, l’impôt au contraire nous écrase, et avec nous le pauvre peuple et le malheureux cultivateur; que si la faveur marque et flétrit quelques individus parmi nous, notre ordre n’en est que plus dénué et plus opprimé ; qu’enfin les exemptions (f° 9) iniques, les privilèges scandaleux sont accumulés hors de notre ordre. Mais rassembler ici les preuves de ces faits serait ôter à la responsable vérité l’appareil et les hommages qu’elle à droit d’attendre des mandataires de la nation. Là encore, en présence des ordres réunis et dans leur concours, il sera vérifié que l’exemption reposant sur les fonds nobles possédés par notre ordre est soumise à des obligations qui sont des charges réelles; à des hommages, à des dénombrements dispendieux et à plusieurs autres devoirs féodaux qui, joints à notre capitation et aux vingtièmes dont ces mêmes biens sont chargés, les rendent plus onéreux pour nous que ne le serait la taille dont ils sont exempts. Quant à nos fonds ruraux, l’exemption d’impôts restée aux nobles est celle des quatre charrues; exemption à peu près nulle, puisque, pour en jouir, il faut les faire valoir soi-même; et ce n’est alors que le refuge du pauvre gentilhomme contre la dernière misère. Ainsi, le ministre actuel des finances n’a pu se dissimuler le peu d’intérêt du fisc lui-même à la suppression de cette exception, et en même temps il a senti jusqu’au malheur du coup dont l’abolition de cette exemption, toute faible qu’elle est, frapperait néanmoins la classe indigente, mais nombreuse et respectable de notre ordre. En effet, on voit dans le résultat adopté au conseil que ce ministre, toujours préoccupé du projet de faire disparaître toutes les inégalité» entre les ordres et dans la répartition des impôts, médite d’y sacrifier ce dernier asile de notre pauvreté; il nous offre, il est vrai, en dédommagement, les égards du plus bienfaisant des rois, et 700 [États gén. 1789. Cahiers J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Albret ] sans doute la protection de ses ministres ; mais le vrai gentilhomme a la fierté de ne vouloir être protégé que par la loi. Cette protection (f° 10) est d’ailleurs la seule certaine, la seule qu’il puisse réclamer sans rougir et sans la crainte de voir associer ses droits à l’intrigue qui les usurpe. Mais après qu’il aura été bien reconnu que le fisc le plus âpre ne pourrait rien gagner à la suppression de nos prétendus privilèges, il restera à peser, d’une part dans l’intérêt du prince, et d’autre part dans celui de la nation, l’adoption du véritable projet du ministre actuel des linances, savoir : le projet de faire disparaître toute inégalité des conditions. C’est sous les yeux des Etats généraux que ee ministre développera de tels éléments d’ordre public aussi nouveaux dans une monarchie. Nous disons nouveaux, quoique ce ne soit point la première fois, depuis la création de l’empire français, que ce système soit produit ; mais aux époques précédentes, si nous consultons les déplorables annales du siècle où, pour la première fois en France, il fut introduit , les maximes de nos désorganisateurs favorisèrent des projets absolument républicains, la monarchie pencha vers sa ruine, le trône fut avili et la nation dégradée; toute subordination parut odieuse et toute infériorité une humiliation : la dissension et les haines divisèrent les ordres, lesarmèrent, les déchirèrent, et le sang français fut répandu, témoins les Maillottins dans "Paris et la Jacquerie en Champagne Les mêmes principes peuvent aujourd’hui, nous dit-on, être conciliés avec les principes et les lois de cette monarchie. Préparons-nous à juger avec impartialité le plan decetle nouvelle alliancè ; ne précipitons aucun jugement et ne désespérons point de notre bonheur ; croyons aux lumières si vantées du ministre qui entreprend cette immense révolution; détournons nos regards des exemples funestes, mais gardons-nous d’oublier les grandes leçons de l’expérience; enfin, osons tout espérer d’un roi juste et bon (fol. 11), des hautes destinées de notre auguste race et de celle de l’empire français. • Tel est le supplément que nous croyons devoir ajouter aux maximes et aux principes” développés dans le cahier auxquel nous nous sommes fraternellement associés. En s’éloignant des lois et des formes monarchiques, on s’ôterait toute base certaine et toute règle fixe ; en les perdant de vue, tout deviendrait instabilité, hypothèse et système, plus de point de ralliement ; et cet égarement fâcheux préparerait aux peuples et à nos rois une longue suite de calamités. D’après ces sentiments, et dans le vœu de la satisfaction de notre souverain, de l’éternelle prospérité de son illustre race, de la gloire et de la stabilité de son trône, ainsi que dans le vœu de la gloire et du bonheur de la France, nous avons arrêté de présenter au roi et à l’assemblée des Etats généraux les articles qui suivent. Notre député aux Etats généraux demandera : Art. 1er. Que la liberté générale et individuelle des citoyens soit reconnue pour être la base du contrat social de cette monarchie. Art. 2. Que les lois qui assurent le respect dû à nos propriétés soient reconnues inséparables de la liberté générale et individuelle. Art. 3. Aucun ordre, ni aucune personne en France n’ayant, parla constitution véritable de cette monarchie, jamais été exempts des charges de l’Etat, et (fol. 12), l’impôt étant par conséquent l’une des propriétés du corps de la nation, nous demandons que l’impôt soit vciiliô et qu’on y rappelle les personnes, les classes et le territoire qui auraient été frauduleusement soustraits. Art. 4. Que les exemptions précuniaires attachées soit à nos personnes, soit à nos terres et biens soient vérifiées, et que cette vérification s’étende également sur la portion de l’impôt que nous devons supporter. Art. 5. Que la même vérification ait lieu dans les autres ordres. Art. 6. Qu’il en soit de même pour les privilèges vénaux, mais que leur suppression ne soit votée que réunie à leur remboursement. Art. 7. Après les vérifications faites, que les propriétés de l’Etat sur chaque ordre et sur chaque individu, et les propriétés de chaque ordre et de chaque individu dans l’État, soient reconnues et constatées pour servir de règle perpétuelle à l’ordre public et à la répartition des impôts. Art. 8. Que la dette nationale soit vérifiée dans son origine, dans ses progrès et sa légitimité, et qu’ensuite elle soit consolidée. Art. 9. Que si la proscription des abus, la suppression des privilèges et des exemptions injustes, le rappel (fol. 13) à l’ordre et aux impôts n’étaient pas suffisants pour satisfaire aux besoins de la patrie, et s’ils exigeaient un subside, qu’a-lors notre député s’empresse de faire en notre nom la déclaration expresse que nous entendons en supporter une part proportionnelle à nos biens, sans distinction d’ordre et sans réserve d’aucun de nos titres, ni d’aucune de nos propriétés. Art. 10. Que jamais aucun subside ne puisse être consenti qu’après avoir été reconnu d'une absolue nécessité, fixé dans sa durée et sa quotité, et qu’il ne puisse être perçu qu’après que son application irrévocable à sa seule destination aura été valablement garantie à la nation. Art. 11. Nous reconnaissons que c’est au roi, de concert avec la nation, et à la nation de concert avec le roi, qu’appartient la formation des lois. Quant à leur enregistrement, la responsabilité des ministres, le retour périodique des Etats généraux, la liberté de la presse, ee qui peut intéresser la police intérieure du royaume et les Parlements, la formation et l’organisation des administrations provinciales ou Etats particuliers; sur tous ces divers objets notre député pourra se décider, d’après ce qui lui paraîtra le plus convenable, lorsqu’ils seront mis en délibération ; mais surtout qu’il ne perde jamais de vue que le roi est parmi nous le père des ordres, le premier des nobles et l’objet de notre amour, le commandant suprême de ses peuples, et que l’obéissance qui lui est due au nom des lois est due aux lois mêmes, il est la loi vivante ; qu’enfin au respect le plus profond pour Sa Majesté sont inséparablement (f° 14) liés l’ordre, la paix, la gloire et, par conséquent, le bonheur de la nation. Art. 12. Nous enjoignons expressément à notre député d’opiner aux Etats généraux par ordre ; opiner par tête nous paraîtrait une des innovations les plus antimonarchiques. Articles subsidiaires. Gomme il est de' la plus cruelle mais de la plus constante vérité : 1° Que la dégradation et la dépopulation de ce paysvla misère du cultivateur, la ruine des propriétaires dans cette contrée sont le produit funeste du régime fiscal qui la dévore ; 2° Que la répartition des impôts est faite par le commissaire départi, qui n’a d’autres dépositaires de sa confiance que les suppôts de la plus vicieuse administration; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Albret.] 701 3° Que ceux-ci, oppresseurs du peuple dans nos campagnes, n’y trouvent plus pour contradicteurs que ue pauvres paysans qui n’entendent, ni ne savent, ni ne peuvent défendre leurs intérêts et qui, ensuite, ne sachant ni lire ni écrire, sont néanmoins chargés de collectes; 4° Que d’un aussi fâcheux système d’administration il résulte que tout est parmi nous livré à l’arbitraire le plus révoltant, à l’injustice la plus criante et à l’oppression la plus scandaleuse ; 5° Que si l’on calculait ce qu’enlèvent au peuple et au roi ces tribunaux érigés par la seule utilité du fisc, ses bureaux, ses recettes et ses caisses, la multitude de ses préposés, leurs gages, leurs attributions, leurs indemnités et leurs bénéfices, les exactions, les extorsions, les doubles et triples droits, les amendes et les confiscations, les saisies et les exécutions, enfin les ventes spoliatives qui, enlevant au pauvre et au cultivateur, forcément (f° 15) obéré par l’impôt, les instruments de sa précieuse industrie et jusqu’au germe des reproductions, lui ôtent ainsi le dernier espoir de sa libération et même de sa subsistance ; 6° Que si l’on ajoutait à ce calcul effrayant ce qu’arrachent à l’agriculture les exemptions d’impôts que s’attribue l’administration fiscale, cette somme seule, reversée sur notre territoire, y rendrait les tributs supportables ; 7° Enfin, voyant de près notre état, c’est à-dire nos maux et leurs remèdes, nos apercevons le salut de ce pays, ainsi que l’avantage du trésor public dans l’établissement d’une administration appropriée à nous et relative à nos forces ; en conséquence, nous chargeons très-expressément notre député aux Etats généraux d'y demander : Art. 1er. Que notre sénéchaussée soit autorisée à se régir elle-même, de manière que la répartition et la perception de toutes les impositions, tant réelles que personnelles, soient faites sans l’intervention du commissaire départi, Art. 2. Que dans ces assemblées, composées uniquement des propriétaires des trois ordres de cette sénéchaussée, on puisse y élever des administrateurs chargés du recouvrement de l’impôt, et autorisés à en faire le reversement direct au trésor royal, ou bien acquitter les inscriptions et les charges locales qui nous seraient assignées. Art. 3. Que la même administration fasse seule la levée et l’emploi des fonds destinés au soulagement des paroisses ou des personnes maltraitées (f° 1 6) par divers fléaux. Art. 4. Notre député demandera que les paroisses riveraines qui fournissent des matelots à la marine royale soient exemptées du tirage de la milice pour le continent, et que les matelots soient choisis parmi les hommes qui n’ont point d’engagement pour l’agriculture. Art. 9. i\ous demandons instamment au roi de vouloir statuer qu’à l’avenir tout chevalier de Saint-Louis soit toujours admis à délibérer avec les gentilshommes de la sénéchaussée, quand bien même il ne serait point noble; ce vœu est analogue à l’esprit de nos lois anciennes et à celui d’une loi nouvelle, par laquelle tout chevalier de Saint-Louis fait pour sa postérité souche de noblesse héréditaire et transmissible au troisième degré, et qu’enfiu les armes sont la plus noble profession par laquelle notrë ordre puisse être renouvelé et se perpétuer. Fait et arrêté dans l’assemblé générale de la noblesse de la sénéchaussée d’Albret, au sié�e de Tartas, ce 24 avril 1789. Signés à V original déposé au greffe , le baron de batz, grand sénéchal d’Albret, et tous les gentilshommes présents. Extrait du procès-verbal (f° 17) de l’assemblée du corps de noblesse de l’Albret, au siège de Tartas, du 24 avril 1789. Les premières vues de la noblesse se sont, au premier moment, dirigées sur les gentilhommes de ce pays et se sont fixées sur M. le grand sénéchal et sur Monsieur son père ; ils ont été successivement nommés députés. M. le grand sénéchal a rappelé à l’assemblée que déjà if était député par les gentilshommes des sénéchaussées de Nérac et de Casteljaloux réunies à Nérac. Monsieur son père a déclaré que l’état de sa santé ne lui permettait pas présentement d’entreprendre un long voyage ; mais que si l’assemblée l’honorait de sa confiance comme suppléant , il accepterait cette marque d’estime des gentilshommes ses compatriotes. 11 a été remontré ensuite à M. le sénéchal que le règlement donné par le roi, relativement aux députations, voulait que celui qui aurait été député de plusieurs sénéchaussées fût tenu d’opter entre elles; que M. le grand sénéchal était dans le cas prévu par le règlement ; qu’en conséquence l’assemblée lui demandait à laquelle de ces deux députations il donnait la préférence? M. le baron de Batz a répondu : « Messieurs, ce serait à vous-même que je déférerais le choix à faire si je n’avais pas à porter, vos vues fort au-dessus de nous tous. A qui d’entre nous serait-il permis d’oublier qu’une grande reine, célèbre dans les fastes de la monarchie, Jeanne d’Albret, reine de Navarre, dont le sang coule dans les veines de nos princes, transmit l’Albret, antique et (f° 18) vaste héritage de ses ancêtres, à son fils l’immortel Henri IV ? Que vous avez par conséquent un droit à faire le respectueux hommage de votre députation à un rejeton de notre héros et de la reine, dernière princesse du nom d’Albret. Heureux, Messieurs, si d’autres corps de noblesse ne nous ontpoint devancés dansl’hom-mage que je propose? » A ces mots, tous les cœurs, toutes les pensées se sont reportés avec enthousiasme sur l’auguste famille royale, et Monseigneur comte d’Artois a été élu à l’unanimité. L’assemblée a ensuite chargé M. le baron de Batz de présenter au prince cette députation à lui offerte par l’amour et le respect, et cl e la faire au besoin maintenir dans les Etats généraux. L’asssemblée a également chargé M. le baron de Batz de la déposer, cette députation, aux pieds de Sa Majesté, d’en exprimer les motifs respectueux dictés par le plus entier dévouement de tout le corps de noblesse à sa personne sacrée, dans laquelle ils révèrent toutes les vertus réunies, la plus vénérable bonté et le sang de son glorieux aïeul Henri IV. CAHIER'de l’ordre de la noblesse des sénéchaussées de Nérac, de Casteljaloux et Castelmoron , pays et duché d'Albret. « Nous, gentilshommes de la sénéchaussée principale de Nérac et des sénéchaussées secondaires de Casteljaloux et Castelmoron au duché d'Albret, convoqués par les ordres du roi pour la députation aux Etats généraux, et réunis par le zèle le plus pur et le désir le plus ardent de concourir au bien de l’Etat ; convaincus que le retour des assemblées nationales va reproduire le vrai patriotisme et ouvrir à la fois toutes les sources de la prospérité publique ; . « Pénétrés de sentiments dignes d'être offerts au prince, à qui nous devons un aussi grand bienfait;