368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE trisés du saint amour de l’égalité, embrasés du feu divin de la patrie, cueillent des lauriers dans le champ de l’honneur. Qu’ais-je entendu, sénateurs de la République ? les patriotes des campagnes demandent, désirent une nouvelle victoire; repoussés depuis cinq ans d’une nouvelle terre promise par une main invisible et sacrilège, ils brûlent, ils soupirent ardemment pour l’instruction publique, avec le cri du désespoir, les larmes du sentiment et l’attendrissement de la reconnoissance. Le moment presse; nous sortons des agitations; des dissensions peuvent renaître; la sombre aristocratie est aux aguets; elle épie, elle fomente la révolte; la sédition n’est pas éteinte; les factieux se multiplient. Calmons les inquiétudes, consolons la masse des citoyens, et d’une main paternelle déversons dans la cabane du laboureur, sous le chaume de l’indigence, la rosée bienfaisante de l’instruction. Les agitateurs, les alarmistes, désolés par nos brillants succès, tentent d’avilir, de calomnier, de dissoudre la représentation nationale; ils savent bien, ces hommes pervers, que la liberté, nourrie par l’instruction, corroborée par les bonnes mœurs, éclatante comme l’astre du jour, se montrera avec majesté aux peuples de la terre, embellie des palmes du triomphe et de l’immortalité. Mes dignes collègues, je viens avec franchise épancher mon âme dans le sein de la tendre amitié; je tremble pour mon pays; le gouvernement est menacé, la liberté chancelle... Je me trompe, citoyens, vos commettants attendent, espèrent tout de votre glorieux dévouement à la cause publique. N’oublions jamais nos serments sacrés, proférés aux assemblées électorales par la voix du brûlant patriotisme; soyons pénétrés d’une sublime vérité : la postérité impartiale, impassible comme la loi, jugera nos vertus ou nos forfaits. Avant d’abandonner le gouvernement du vaisseau politique, annonçons, avec la fierté républicaine, à la France et à l’Europe qui nous contemplent, une maxime inviolable; sans l’instruction publique, l’empire des mœurs est détruit. Et si la fureur des nouveaux Vandales se portait jusqu’à vouloir dévorer la République, si cette horrible calamité consternait les amants passionnés de la liberté... Je m’arrête, citoyens; je livre avec candeur mes réflexions à la vertu, aux principes du sénat français, à la profondeur des publicistes, à la méditation du philosophe. Je vous propose le décret suivant : ARTICLE PREMIER. La Convention nationale décrète qu’à compter du 10 vendémiaire, troisième année républicaine, elle s’occupera trois jours par décade, au grand ordre du jour, et jusqu’au complément, de l’organisation de l’instruction publique. IL Les comités des Finances, de Salut public et d’instruction publique se concerteront pour désigner les trois jours qui seront destinés à cet important travail. III. Tous les citoyens de la République sont invités à adresser au comité d’instruction publique le résultat de leur travail sur l’éducation; chaque ouvrage sera imprimé dans le Bulletin de la Convention, avec le nom de son auteur. IV. La Convention décernera une couronne civique à celui qui, d’après le rapport dudit comité, méritera le suffrage national; outre cette récompense, elle indemnisera les citoyens qui auront employé leur temps à l’instruction publique, suivant le mérite de leurs ouvrages (89). L’impression du discours et le renvoi du projet de décret au comité d’instruction publique sont décrétés (90). 47 Sur la motion d’un membre [Audouin], la Convention nationale décrète que le comité de Salut public fera, sous trois jours, un rapport sur les événements qui ont précédé, accompagné et suivi la prise de Landrecies, du Quesnoy, de Valenciennes et de Condé; Décrète, en outre, que les comités de Salut public, et de Sûreté générale feront, dans le plus court délai possible, un rapport sur la situation de la République, depuis le 9 thermidor (91). Un membre : Lors de la reprise du Quesnoy, Barère nous promit qu’aussitôt que les quatre places qui avaient été livrées à l’ennemi seraient rendues à la République le comité nous ferait un rapport détaillé des circonstances qui auraient précédé et accompagné la reprise de ces forteresses. Je demande que ce rapport soit fait sous trois jours. Je demande aussi que les comités de Salut public et de Sûreté générale nous fassent le plus tôt possible un rapport sur la situation de la France depuis le 9 thermidor. TALLIEN : J’appuie cette motion. Il est très important que le peuple français sache à quels événements sont dues la reddition de ces places et l’évacuation de son territoire. Il faut apprendre à la France ce que ses représentants ont fait; il faut que ce rapport réduise au silence les ennemis de la chose publique. Ce sera un des plus beaux moments pour la Convention que celui où elle dira au peuple : un homme accusait les intentions des comités de gouvernement; il accusait pour ainsi dire, les intentions de chaque défenseur de la patrie; et au moment où cet homme a disparu, lorsqu’au système de terreur qu’il avait proposé on eut fait succéder le règne de la justice, les ennemis de la République ont pâli; ils se sont dit : nous n’avons rien à gagner contre des hommes qui trouvent leur force dans la justice du gouvernement, et non dans la guillotine. Il faut aussi que la Convention sache dans quelle position elle se trouve; il faut qu’elle fasse connaître quels sont les principes qui ont préparé le bonheur de la France et celui du monde entier; il faut qu’elle apprenne à l’univers que la révolution du 9 themidor a élevé le mur (89) Moniteur, XXI, 707-708. Débats, n° 718, 369-372. (90) P.-V., XLV, 164. Mention dans J. Paris, n° 617; Ann. R. F., n° 281; F. de la Républ., n° 429; J. Fr., n° 714; J. Perlet, n° 716; M. U., XLIII, 363; J. S.-Culottes, n° 571; J. Mont., n° 132; Gazette Fr., n° 982. (91) P.-V., XLV, 164-165. C 318, pl. 1 284, p. 43, minute de la main de J.-P. Audouin. Décret n° 10 805.