| Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « JéSrel " 51 La Société populaire de Saint-Aignan, dépar¬ tement de Loir-et-Cher, envoie à la Convention nationale le procès-verbal du brûlement des ti¬ tres féodaux et de la plantation d’un arbre vivant de la liberté. Le citoyen Aubry, juge de paix du canton, y a porté, sur l’autel de la patrie, 24, 000 li¬ vres en numéraire. L’esprit public, à Saint-Ai-gnan, est à la plus grande élévation. Le vœu général des citoyens de cette commune est que la Constitution triomphe; et, pour cet effet, ils conjurent la Convention, au nom ’de la patrie, de rester à son poste. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de la Société populaire de Saint - Aignan (2). « A Saint-Aignan, le 10 de frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « La Société populaire de Saint-Aignan, département de Loir-et-Cher, réunie à tous les corps administratifs, vous fait passer copie du procès-verbal du brûlement des titres féodaux et de la plantation d’un arbre vivace de la liberté qui a eu lieu le 30 brumaire, avec la plus grande solennité. « Deux circonstances ont contribué à rendre cette fête mémorable : la première, c’est la présence de Gabriel Fridfon, volontaire dans le 19e régiment de cavalerie. Ce brave citoyen revenait de la Vendée, où il avait fait des prodiges de la plus haute valeur : il en porte sur tout son corps les preuves les plus hono¬ rables et les plus authentiques. « La seconde circonstance, c’est le dévoue¬ ment généreux du citoyen Aubry, juge de paix du canton, qui se détacha (sic) de 24,000 livres en numéraire pour les porter sur l’autel de la patrie : que n’était -il au pouvoir de chaque citoyen d’imiter un si beau procédé ! L’autel eût succombé sous le poids des offran¬ des. « Nous pouvons l’assurer, citoyen Président, l’esprit public à Saint-Aignan est à la plus grande élévation ; ce qu’il y a de remarquable, c’est que tous, parfaitement unis, tendent au même but. Le vœu général est que la Consti¬ tution triomphe, et pour que ce vœu ait un succès parfait, nous vous conjurons, au nom de la patrie, de rester à votre poste. « Nous sommes avec fraternité, « Les membres composant les autorités, admi¬ nistration et la Société populaire. » (Suivent 7 signatures.) Procès-verbal de la fête du brûlement des titres féodaux et de la plantation d'un arbre vivace de la liberté, célébrée par la Société populaire réunie aux corps administratifs, à Saint-Ai¬ gnan, département de Loir-et-Cher, le 30 bru¬ maire, Van II de la République française, une et indivisible (3). L’astre du jour, contre toute espérance, se lève radieux et semble, par sa présence, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 30. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 811. (3) Ibid. vouloir participer aux transports de notre vive allégresse. Déjà tous les patriotes sont en activité et disposent les préparatifs de la fête; les corps administratifs, la garde nationale, accompagnés de la musique guerrière, vont chercher le brave Gabriel Gridfon. Ce courageux citoyen, par sa présence, donnera à la céré¬ monie autant d’éclat qu’il recevra d’applau¬ dissements. Ce cortège rendu à la maison commune, les citoyens et citoyennes s’y rendent en masse, et le tout part en ordre. D’abord un détache¬ ment de la garde nationale, les bustes de Marat, Lepeletier, de Voltaire et Rousseau, portés par des patriotes, et au milieu d’eux le vaillant champion de la Vendée. Républicains, arrêtez et contemplez ces groupes immortels ! Voyez les martyrs de la liberté ! Apprenez ce qu’il en coûte pour la conquérir et quelle perte immense vous feriez si vous ne saviez pas la conserver ! Voyez cette victime vivante ap¬ puyée sur des béquilles; béquilles respectables, vous valez à celui que vous soutenez les plus beaux titres, et qui sont infiniment préférables à ce ramas de parchemins, à ces vils cordons dont se décoraient jadis des esclaves et qui vont devenir la proie des flammes. Illustre Bridfon, reçois nos hommages. Ton corps est cicatrisé, mutilé, mais ton âme est entière, elle brûle toujours de l’ardeur de combattre, ton regret est de n’avoir plus la faculté de pénétrer dans les escadrons ennemis que, naguère, tu rompais avec tant de gloire. Second La Bretèche, reçois la palme civique. Les corps administratifs viennent après, afin d’avoir toujours devant les yeux leurs modèles. Derrière est un tableau aussi vil et aussi ridicule que celui qui le précède est sublime. C’est un chariot attelé de trois ânes chargé de mannequins, dont les originaux, à jamais détruits, faisaient le malheur de la France et qui portent devant eux l’inscription de leurs forfaits. Arrive ensuite la Société populaire qui pour¬ rait dire, en montrant cet infâme chariot : « Ce sont là nos trophées, c’est nous qui, par notre surveillance et notre patriotisme, avons abattu toutes ces têtes tyranniques. » Après est une centaine de jeunes citoyennes affiliées à cette même société. La blancheur de leurs vêtements, relevée par l’éclat du ruban tricolore, est le symbole de la pureté de leur âme et de leur patriotisme. Elles tiennent toutes à la main une branche de laurier pour en décorer la tête des défenseurs de la patrie. La garde nationale ferme cette marche, comme la protectrice de tous les citoyens. Tout le cortège s’avance vers l’autel de la patrie pour lui rendre ses respectueux hommages. Après plusieurs évolutions, on prend la route qui conduit au heu du feu de joie, dans l’édifice duquel sont entassés une infinité de titres de féodalité que les propriétaires eux-mêmes y avaient fait conduire. Pendant ce trajet, l’air retentit continuellement des exclamations pa¬ triotiques. Enfin, arrivés au terme désiré, on fait avancer l’attelage immonde; ehaque citoyen se fait gloire de prendre ces vils man¬ nequins pour les placer sur le bûcher; comme il est construit par gradins, on a la politesse de déférer les honneurs au ci-devant Capet et à sa femme. La chancellerie, les suppôts de l’ancienne 52 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, justice, et les conseillers d’Etat figuraient au second rang; ensuite le procureur syndic fait un discours qui, par ses idées grandes et vraies, répand dans tous les cœurs le feu sacré du patriotisme. Le président de la Société ne pérore qu’un instant, mais c’est de la manière la plus éner¬ gique; son style menaçant et destructeur voudrait incendier tout ce qui pourrait rappeler notre ancien esclavage; l’action suit de près le désir, armé d’une torche, il met le feu au bûcher, bientôt la flamme l’environne de toutes parts et les lambeaux, élevés avec rapidité dans les airs, vont porter jusqu’aux cieux le témoignage de leur néant. C’est alors que les cris de Vive la Bépublique! sont mille et mille fois répétés; l’on abandonne ce monceau de cendres pour devenir le jouet des vents, et l’on s’avance dans le même ordre à l’autel de la patrie. Le président de la Société y fait l’éloge de Marat; dans ce discours les vertus et le génie de ce fier républicain sont mises au grand jour. Si la calomnie, avec ses noirs pinceaux, a pu jeter, sur la réputation de ce grand homme un voile imposteur, la vérité saura le déchirer. Après cette oraison funèbre, plusieurs chœurs de jeunes citoyennes chantent des hymnes patriotiques, et le président, pour terminer cette partie de la fête, prononce le serment de vivre libre ou de mourir, que tous les citoyens répètent avec le plus vif enthousiasme. Cet enthousiasme est senti si profondément que plusieurs citoyens s’empressent de déposer leurs présents sur l’autel de la patrie. Mais le don qui frappe le plus vivement les spectateurs est celui du citoyen Aubry, juge de paix du oanton : il fait hommage à la nation de 24,000 livres en numéraire. Bravo, bravissimo, tel est le cri général qu’inspire cette belle action. Succède un repas patriotique où assistent près de 600 personnes des deux sexes. La sainte Egalité est la déesse de ce festin. Dans l’ancien régime on aurait dit : « Tout est con¬ fondu »; dans ce moment tout est à sa place, et chaque citoyen jouit de ses droits. L’Amitié, la Concorde sont aux côtés de l’Egalité, qui font circuler dans tous les cœurs leur bénigne influence; le langage correspond à ces douces vertus, et le ton cérémonial est absolument banni. Comme ce jour est consacré à la joie et au plaisir, la danse est attendue avec impatience; en un clin d’œil toutes les tables sont enlevées, la musique se fait entendre, et toute la jeu¬ nesse est en mouvement. Le soir toute la ville est illuminée, les rues sont garnies de tables autour desquelles les citoyens et citoyennes réunis se livrent à la joie la plus vive. Cette fête, enfin, se termine, mais les engagements que l’on y a contractés seront éternels. Certifié conforme : Pioche, président de la Société et du district; Baudu, officier municipal; Faucher, officier municipal; D ORS anne, secrétaire. Les administrateurs du district de Gournay adressent à la Convention nationale deux bre¬ vets du citoyen Anne Geofïroi-Bonnissent, de¬ meurant à Beauvais; l’un du 20 décembre 1791, portant pension de 4,800 livres; l’autre du 16 fé¬ vrier 1792, portant reconnaissance de liquida¬ tion de 23 liv. 19 s. 3 d. de rente viagère, et la renonciation à ces pensions de la part de cet ancien militaire, peu fortuné, et qui s’est tou¬ jours montré généreux. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Le citoyen Martin, membre de la Société po¬ pulaire du Blanc, véritable sans-culotte, fait re¬ mise et offrande de 200 livres qui lui sont dues pour avoir exercé, en 1790, en qualité de juge de la ci-devant abbaye de Saint-Sa vin. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre du citoyen Martin (3). « Citoyen, « Il m’est dû par la nation 200 livres, pour avoir exercé, en 1790, en qualité de juge de la ci-devant abbaye de Saint-Savin. Les titres de ma créance ont été vérifiés et liquidés par la municipalité de Saint-Savin, directoire de Montmorillon et département de la Vienne. Je suis un véritable sans-culotte, ne pouvant faire mieux, j’en fais remise. En conséquence, citoyen, je te prie de faire agréer mon offrande par la Convention. « Salut et fraternité. « Martin, membre de la Société populaire du Blanc et juge du tribunal. « Le Blanc, ce 11 frimaire, l’an II de la République. » Le procureur général syndic du département de la Sarthe (Roustel) adresse à la Convention nationale l’argenterie déposée, sur l’autel de la patrie, par la commune de Sainte-Croix, et 6 cou¬ verts d’argent donnés par le citoyen Ri vaut, de la commune du Mans; il y joint le procès-verbal du pesage, et annonce que la raison et la phi¬ losophie font des progrès dans ce département. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (4). Suit la lettre du procureur général syndic du département de la Sarfhe (5). Le procureur général syndic du département de la Sarthe, au citoyen Président de la Con¬ vention nationale. « Salut et fraternité. « Le Mans, 8 frimaire de l’an II de la République une et indivisible. « Je t’adresse, citoyen Président, l’argenterie déposée sur l’autel de la patrie par la commune de Sainte-Croix, et 6 couverts d’argent donnés par le citoyen Rivaut de la commune du Mans. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 30. (2) Ibid. (3) Archives nationales, carton C 283, dossier 811. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 30. (5) Archives nationales, carton C 283, dossier 811.