SÉANCE DU 29 VENDÉMIAIRE AN III (20 OCTOBRE 1794) - N° 5 301 Liberté Egalité Fraternité Unité Indivisibilité A la Convention nationale salut, respect, union, et soumission. Citoyens représentans, Nous avons frissonné d’horreur en apprenant le quatrième attentat commis envers la représentation nationale, en la personne de Tallien : ce vertueux citoyen éleva le premier la voix contre le nouveau tiran qui vouloit nous asservir, il de-voit être la première victime sacrifiée à la vengeance du parti de ces hommes sanguinaires qui s’élevoit un trône sur des monceaux de ruines et de cadavres : accoutumés aux crimes et aux forfaits, ils ne pouvoient supporter un homme qui non seulement prêchoit la vertu, mais encore la pratiquoit... Leur complot a échoué et les vrais citoyens, les hommes probes et vertueux triomphent encore une fois des scélérats. La terreur n’existera plus en firance que pour le crime; le vrai patriotisme, toutes les vertus civiles et morales, une justice sage, éclairée et sévère caractériseront désormais la nation française; telle sont les idées douces et consolantes que vous avez fait naître dans nos coeurs : continuez sages législateurs ce que vous avez si dignement commencé : déjouez toutes les trames et toutes les cabales : punissez en les auteurs. Ouvrez l’oeil le plus surveillant sur tous ces fripons, ces dilapi-dateurs de la fortune publique, qui gorgés de rapines et la main encore dans le sac, s’agitent en tous sens et crient à tue tête, vive la république, qu’ils volent et qu’ils voudraient assassiner. Maintenez fermement le gouvernement révolutionnaire, il est la sauvegarde de notre liberté; hâtez l’instruction publique, car les ignorans sont bien près de l’esclavage, et nous voulons être fibres. Vous seuls êtes notre point de ralliement; vous seuls êtes investis du pouvoir de faire les loix ; à vous seuls appartient le droit de les faire exécuter. Nous en renouvelions le serment, nous ne reconnoitrons jamais que la Convention nationale, et la Convention nationale toute seule; quiconque cherchera à l’influencer deviendra à nos yeux l’ennemi de notre liberté. Telle est la profession de foi de trois cent vrais républicains composant la société populaire du canton de Pierrefitte, tous bons cultivateurs, qui abhorrent autant le modérantisme que cette exaltation outrée qui cherchoit à nous replonger dans la barbarie la plus crasse et la plus grossière digne du siècle des vandales. Vous avez juré de purger la france de tous ses ennemis, de maintenir la république une et indivisible, tenez vos sermens, restez fermes à votre poste, conservez-y l’attitude imposante que vous avez scu déployer dans toutes les circonstances, et la france sera sauvée : le Peuple est là, debout, tout prêt à vous faire un rempart de son corps contre ses ennemis. Vive la République; vive la Convention nationale, périssent à jamais les meneurs, les fripons et les aristocrates sous quelque masque qu’ils se couvrent. Barrois fils, président, Devernois, secrétaire et une page de signatures. 5 Le citoyen Debord Cabaille, lieutenant au deuxième bataillon du Loiret, prie la Convention nationale de retirer la commission de capitaine au premier bataillon des tirailleurs de Mayenne-et-Loire, à laquelle il a été nommé. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Salut public (11). [Le citoyen Debord Cabaille, lieutenant au deuxième bataillon du Loiret, en station à Liège, à la Convention nationale ] (12) Législateurs, J’ai vu dans le Bulletin n° 1, séance du premier courant, que, sur la proposition du comité de Salut public, la Convention nationale m’a nommé à la place vacante de capitaine au premier bataillon de tirailleurs de Mayenne-et-Loire, pour récompenser ma conduite lors de la prise de Liège. Ce don est aussi cher à mon coeur qu’il est glorieux pour moi; mais la délicatesse et les sentimens dont un vrai républicain doit être pénétré, me défendent impérieusement d’accepter un grade qui ne m’a été accordé que sur le rapport de faits trop exagérés, et qui sont insérés dans l’article concernant la prise de Liège. Je commandois le détachement qui a chassé l’ennemi du Pont d’ Arche, situé au milieu de la ville ; j’ignore l’auteur de ce détail fait au comité de Salut public, et quel motif peut avoir engagé à m’attribuer tout l’honneur des prises mentionnées audit Bulletin, au préjudice même de ceux qui les ont faites, et dont le nom semble avoir été enseveli dans l’oubli. J’ai désigné les trois jeunes héros qui se sont distingués dans cette journée à jamais mémorable; cette liste est signée du conseil d’administration du bataillon, et ne contient que des faits de la plus grande authenticité. Je vous prie, législateurs, de retirer la commission qui doit me parvenir : aimé de mes camarades, j’emporterais en me séparant d’eux tous leurs regrets, et je ne saurais me résoudre à quitter le drapeau sous lequel j’ai fait le serment de partager avec eux tous les dangers, et de défendre, jusqu’à la dernière goutte de mon sang, la cause de la liberté. Dans le poste que j’occupe, je ne deviendrai pas moins utile à ma patrie; un vrai républicain ne doit pas la servir par des motifs d’ambition. L’honneur d’être inscrit au Panthéon parmi les exterminateurs du despotisme est infiniment plus estimable à mes yeux que tous les plus brillans emplois dans les armées de la République. Agréez, je vous prie, législateurs, mes sincères remerciemens. Cette nouvelle preuve de (11) P.-V., XLVII, 273. (12) Bull., 29 vend. ssfgglT-LSËjgS Institut d’Histoire de la Révolution ' * Française wVfîs — PB 302 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE la confiance dont vous avez bien voulu m’honorer, sera le monument étemel de ma recon-noissance, monument qui perpétuera dans mon coeur la haine des tyrans coalisés, et le désir de les combattre jusqu’à mon dernier soupir. Salut et fraternité. Signé, Debord Cabaille, lieutenant au deuxième bataillon du Loiret. MAURE : Je demande l’insertion au bulletin de cette lettre, qui prouve les progrès de l’esprit public. Décrété et applaudi (13). 6 La société patriotique de Mutius-Scae-vola [Paris], après avoir exprimé son horreur pour le système de terreur, dépose sur l’autel de la patrie une somme de 200 L pour la construction d’un vaisseau, et 150 L pour les victimes de l’explosion du magasin de Grenelle. Mention honorable, insertion au bulletin (14). [La société patriotique de Mutius-Scaevola à la Convention nationale, s. d.] (15) Liberté Egalité Citoyens représentans, Et nous aussi nous jurons une guerre à mort aux factieux, aux intrigans, aux hommes de sang, aux dominateurs, quelque soit leur masque et leur caractère. Et nous aussi nous voulons que le règne de la justice soit éternel, et que la terreur, cette furie dévastatrice, soit à jamais banie de dessus la surface de la République : la terreur et la liberté sont incompatibles. La terreur, cette arme dont se servent avec le plus de succès les tyrans pour affermir leur puissance usurpée, enchaine l’opinion, mène infailliblement à la stupeur, à l’engourdissement; et de l’engourdissement à l’esclavage il n’est qu’un pas bien facile à franchir. Sans votre courage, sans votre énergie, nous en eussions fait la triste expérience! Que dis-je, non, le trône, que vouloient relever les triumvirs, n’eût existé qu’un instant. Le peuple français, fidèle à ses sermens, auroit enseveli ces nouveaux tyrans sous les débris ou les monceaux de cadavres leur auroient servi de degrés pour y monter, et la france devenue un vaste cimetière, auroit prouvé à l’univers entier que ce n’est pas en vain que nous avons juré de vivre libres ou de mourir. (13) J. Fr., n" 755. (14) P.V., XL VII, 273. Bull., 5 brum. (suppl.); C. Eg., n" 801; F. de la Républ., n" 30. (15) C 321, pl. 1342, p. 24. Reçue le 29 vendémiaire an III. Encore une fois nous avons remporté une victoire éclatante sur le despotisme, sachons en profiter. Brisons l’arme dont on s’étoit servi pour nous opprimer; que la france n’offre plus à nos regards mille et une bastilles dans lesquelles gémissent indistinctement l’innocence et le crime; que la hache de la loi ne frappe plus un nombre infini de victimes à la fois ; que la route, que doit parcourir le char de la révolution, ne soit plus inondé de sang et jonché de cadavres ! que l’intention soit la seule base des jugemens que rendront ceux auxquels est confiée l’exécution des loix. Ah ! que de patriotes périroient sur l’échaffaud, si, sans consulter l’intention, les juges ne prononçoient que d’après les faits, si l’on ne distinguoit l’erreur du crime ! soyons sévères, mais soyons justes ; une justice sévère, qui atteindra indistinctement les fripons, les dilapidateurs de la fortune publique, ces monstres toujours altérés de sang, sera pour l’innocence une égide contre les coups du crime. Elle fera jouir l’homme probe et vertueux d’une douce sécurité, et livrera le méchant à un supplice mille fois plus terrible que ne le feroit la terreur : certain de la punition de ses forfaits, dont il ne pourra comprimer les témoins, il s’attendra-sans cesse au milieu des remords les plus déchirans, si toutefois, trop endurci dans le crime, il n’est parvenu à les étouffer tous. Que le vandalisme expirant voye fleurir les arts et le commerce, seuls trésors de tout état, et surtout d’une république, et les canaux de l’abondance ouverts de tous côtés, dédommageront enfin le peuple des sacrifices sans nombre que, depuis six ans, il n’a pas hésité de faire pour l’affermissement de sa liberté. Vous venez, citoyens représentans, de nous promettre tous ces avantages. La proclamation, énonciative de vos principes, que vous avez adressée au Peuple, en est la garantie : elle assure son bonheur et la prospérité de la République; elle est le flambeau qui nous guidera dans notre marche, et nous fera connoitre les détours par lesquels les ambitieux, qui aspirent à la tyrannie, prétendent parvenir à leur but. Elle est l’éclair qui annonce la foudre près d’éclater sur leur tête et de les anéantir. La société patriotique de Mutius Scaevola après avoir dans sa séance du 22 de ce mois, entendu avec le plus profond silence la lecture de cette adresse au peuple, l’a applaudie avec entousiasme, et a arrêté qu’elle seroit insérée en entier dans ses registres et qu’une députation de ses membres viendront à votre barre jurer en son nom de n’avoir jamais d’autres principes que ceux que vous venez de proclamer, principes, qui doivent être ceux de tous les français, de tous les vrais amis de la liberté et de la République; de ne reconnoitre d’autre centre, d’autre point de ralliement que la représentation nationale, qu’elle défendra avec courage contre quiconque voudrait la détruire pour élever une autorité tyrannique sur les débris de la sienne. Citoyens représentans, jalouse de contribuer à l’affermissement de notre commerce et à la destruction de celui des anglais, empressée de venir au secours des infortunés, la société de