450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 octobre 1790,1 mais observée ; il fut toujours un corps impolitique, immoral, distingué par des promotions illimitées et par des grâces arbitraires. Je pense, d’après cela, pouvoir avancer à juste titre qu’il est contraire à la constitution de l’armée, Il me reste à dire un mot sur les aides de camp; les raisons que j’ai alléguées coutre les adjudants généraux s’appliquent à fortiori à ces officiers. Il faut laisser un libre choix aux géné-rauxgou, si vous les obligez à recevoir ceux que vous leur donnerez, ils pourront bien les admettre dans leur société, les charger de faire les honneurs de leur table; mais, dans un jour d’affaire, iis vous prouveront leur inutilité en choisissant un officier dans la ligne pour porter et faire exécuter leurs ordres ; et si quelque objection leur est faite à cet égard, ils vous rappelleront les batailles perdues, non pas celles cependant qui l’ont été par des ordres mal donnés, mais celles qui ont été perdues par des ordres mal rendus. Les aides de camp sont donc une branche parasite de l’arbre militaire. Je conclus à ce quel’Assemblée nationale rende le décret suivant : « L’Assemblée nationale, délibérant sur le plan du ministre, relativement aux adjudants généraux et -aux aides de camp; considérant que les fonctions essentielles attribuées à ces officiers ne peuvent être remplies que d'après le choix et la confiance des généraux d’armée; considérant qu’il serait nuisible au bien du service de ne point faciliter ce choix généralement dans toutes les armes et sur tous les sujets qui en seront susceptibles par leurs talents; après avoir ouï son comité militaire, a décrété que les officiers de toutes les armes seront admis à un concours, d’après le mode d’instruction qui sera déterminé ultérieurement; ceux qui auront montré le plus de talents dans les examens et dans les fonctions des officiers d’état-major que les généraux leur auront fait remplir dans les rassemblements de troupes qui auront lieu en temps de paix, se-root inscrits sur une liste, sur laquelle les officiers généraux, employés à la guerre, choisiront. Ces officiers n’auront un traitement extraordinaire que lorsqu’ils seront tirés de leur corps pour être employés dans l’état-major de l’armée. « Quant aux aides de camp, l’Assemblée nationale décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. » M. Alexandrto de Kjameth. De tous les temps, le corps du génie a désiré envahir les fonctions de l’état-major. Le projet que vous présente aujourd’hui votre comité a été unanimement adopté par 50 officiers présents à nos séances, parmi lesquels se trouvaient 17 officiers du génie. M. itlexandre de tteauharnais. Gomme il faut croire que dorénavant les troupes françaises seront souvent rassemblées, souvent campées et habituées, dans de grandes manœuvres, aux grands effets qu’elles sont destinées à produire devant l’ennemi, ilne paraît pas douteux qu’il soit avantageux d’établir, même pendant la paix, des officiers qui, par la nature de leurs fonctions, sont utiles dans les rassemblements, sont indispensables dans tous les grands mouvements. Il suffit d’avoir vu un assez grand nombre de troupes manœuvrant pour reconnaître futilité des officiers chargés de diriger les colonnes, chargés de les introduire dans de nouvelles lignes de direction, plus spécialement tenus d’acquérir le talent du coup d'œil, le talent d’apprécier les obstacles, et de vaincre les difficultés locales. En rectifiant l’organisation militaire, ou supprimant les grades inutiles, vous avez sans doute eu pour objet de remettre entre les mains du pouvoir exécutif un instrument porté à son plus haut degré de perfection. Pourquoi donc supprimeriez-vous, dans la machine militaire, un rouage dont l’indispensabitité voug est démontrée? Le préopinant qui s’oppose à l’adoption du projet de décret, présenté par le comité militaire, confond, dans son opinion, le régime ancien avec le régime nouveau. On oublie que, si dans le régime ancien, les officiers généraux, riches et avec des traitements considérables, choisissaient dans les grades inutiles de l’armée des jeunes gens riches, pour se les attacher comme aides de camp, il 11’eu sera pas de même dans le régime nouveau, puisque les officiers généraux ne�ont pas tous riches, et que les grades inutiles ôtant supprimés, on ne pourrait, en prenant des aides de camp dans la ligne, que les ôter à des places où ils sont nécessaires, puisqu’on a réduit le nombre des officiers -à celui indispensable. Enfin les aides de camp étant, ainsi que vous l’a annoncé M. le rapporteur, soumis au même mode d’avancement que toute l’armée, ce genre de service ne sera plus, comme ci-devant, une carrière où la faveur offrait une route facile à l’ambition. Gomme il est enfin raisonnable de ne pas appeler à l’état-major de l’armée, seulement les gens riches, et comme il est juste que les officiers y soient payés à raison de leurs grades, je demande la priorité pour l’avis du comité, et la question préalable sur la demande de M. d’Elbecq. M. Millet-Mureau. J’ai parlé comme représentant de la nation et non comme officier du génie. On demande l’ajournement du projet de décret, La question préalable extraordinaire sur l’ajournement est prononcée, M. de Moailles insiste sür l’amendement proposé par M. d’Ëlbecq. Après quelque discussion, l’amendement est rejeté, et le projet du comité adopté ainsi qu’il suit : L’Assemblée nationale, continuant soh examen du plan général d’organisation de l’armée, présenté par le ministre de la guerre, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète : Art. 1er. Indépendamment des quatre-vingt-quatorze officiers généraux employés, l’état-major général de l’armée sera composé de trente adjudants généraux ou de division, lesquels, sous cette dénomination , remplaceront les trois états-majors de l’armée, existants aujourd’hui, en les réduisant à ce nombre d’officiers. De ces trente adjudants généraux ou de division , dix-sept auront rang de colonel, et treize, celui de lieutenant-colonel. Art. 2. Il sera attaché cent trente-six aides de camp aux quatre-vingt-quatorze officiers généraux employés sur le pied de quatre par chacun des quatre généraux d’armées; de deux par chacun des trente lieutenants généraux, et d’un par chacun des soixante maréchaux de camp; les premiers aides de camp de chacun des quatre généraux d’armée, seront colonels; les seconds seront lieutenants-colonels, les deux autres, ainsi que ceux des lieutenants généraux et des maréchaux de camp, ne seront que capitaines. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 octobre 1790.) 451 Art. 3. Les dix-sept adjudants généraux, et les quatre aides de camp des généraux, qui seront colonels, auront 6,000 livres de traitement. Les treize adjudants-généraux, aiusi que les quatre aides de camp des généraux, qui seront lieutenants-colonels, auront 4,000 livres. Chacun des cent ving-huit aides de camp, capitaines, jouira de 1,800 livres d’appointement, Art. 4. L’Assemblée nationale ajourne de nouveau l’article du plan du ministre, relatif aux commissaires des guerres. M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière et sur le mode d'imposition. M. Dedelay ( ei-devant de Delley-d' Agier). Messieurs, le premier titre du projet de décret de votre comité sur la contribution foncière, suppose deux choses : La première, que les expressions qui terminent l’article premier, à raison de leur revenu net , sont déjà définies et convenues; La seconde, que le revenu territorial du royaume est déjà connu, au moins par approximation. Cependant, Messieurs, votre comité ne paraît pas encore s’être formé une idée bien exacte de ce qu’on doit entendre par l’expression : à raison de leur revenu net, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt, puisqu’il vous propose, dans l’article 4 du titre III, d’évaluer ce revenu net d’après la valeur locative pour les biens affermés, et par comparaison avec ceux-ci pour les biens qui ne le sont pas. Il ne présente non plus, Messieurs, aucune donnée sur le revenu territorial imposable en France; il annonce seulement dans l’article 2 du titre II un décret particulier, où la proportion de la contribution foncière de l’année 1791 avec les revenus territoriaux du royaume sera déterminée. Mais cela ne suffit pas; vous avez besoin d’être éclairés avant votre délibération sur la contribution foncière. Ce que votre comité n’a pas fait, Messieurs, vous ne pouvez vous dispenser 4e le faire ; et c’est pour y parvenir que je vais vous poser quatre questions : 1° Qu’est-ce que le revenu net d’une propriété foncière, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt? 2° Dans quelle proportion doit-on répartir l’impôt foncier sur ce revenu net , à raison des diverses espèces de propriétés foncières? 3° A quoi peuvent se monter, d’après les calculs approximatifs, la généralité des revenus fonciers nets et imposables en France; 4° Comment obtenir dans un bref délai l’estimation particulière de toutes les propriétés foncières du royaume, afin de pouvoir répartir la contribution foncière sur tous les départements à raison de leurs revenus fonciers imposables? Première question : Qu’est-ce que le revenu net d’une propriété foncière, lorsqu’il s’agit de la répartition de l’impôt foncier ? Il faut d’abord, Messieurs, se pénétrer d’une première vérité, que l’impôt foncier doit être appliqué sur les propriétés foncières, et non sur les possesseurs de ces propriétés ; d’où il suit que l’impôt foncier ne doit porter que sur les capitaux fonciers , à raison du revenu net qu'ils doivent produire naturellement , et en écartant tout moyen industriel et extraordinaire. D’après ce principe, vous apercevez déjà, Messieurs, combien le revenu net imposable peut différer du revenu net effectif instantané. Ce serait tomber dans une étrange erreur politique, que de n’admettre que le produit net, effectif, instantané pour la répartition de l’impôt foncier. Ce revenu net pouvant ne dépendre que du plus ou moins d’industrie du propriétaire foncier, l’impôt perdrait son caractère de contribution foncière, et deviendrait presque toujours une contribution mixte portant sur la personne et sur le fond. Supposons, en effet, trois arpents de terre contigus, d’une qualité absolument semblable, et susceptibles des mêmes produits, possédés par trois propriétaires différents. Le premier, insouciant, paresseux, néglige sa culture; son arpent ne lui rend que 6 livres de net. Le second, homme ordinaire, satisfait de retirer de son champ ce qu’il en avait espéré en y plaçant ses capitaux, suit exactement, sans autre industrie, la culture d’usage ; son arpent lui rapporte ce qu’il devait naturellement rapporter, un revenu net de 12 livres. Le troisième, propriétaire, cultivateur actif et industrieux, sacrifiant tout à la passion d’augmenter les produits de sa terre, voit ses sueurs couronnées par des succès ; en ses laborieuses mains, l’arpent quadruple de re venu, il rend net 48 livres. Vous voyez, Messieurs, que le revenu net effectif, instantané de ces trois arpents, est l’un de 6 livres, l’autre de 12 livres, le troisième de 48 livres. Vous pourriez sans doute prendre en considération la différence de ces produits dans la répartition d’une contribution mixte: mais, Messieurs, pour la répartition d’une contribution foncière, le revenu net , imposable de chacun de ces trois arpents doit être de 12 livres; et pourquoi ? Parce que ces trois arpents ayant été supposés contigus , absolument semblables en qualité, représentent des capitaux égaux et de même espèce : or, l’impôt foncier ne devant porter que sur les capitaux, à raison du revenu net que ces capitaux doivent produire naturellement, et eu écartant tout moyen industriel extraordinaire des capitaux égaux et de même espèce , doivent naturellement produire des revenus égaux, et conséquemment supporter une égale quotité d’impôt. Ainsi l’homme négligent payera à raison de 12 livres et non à raison de 6 livres, parce que c’est par son fait que son arpent, qui devait naturellement produire 12 livres, n’en a rapporté que 6 livres. Par les mêmes raisons de justice et de politique, celui qui ne doit qu’à ses travaux extraordinaires des revenus extraordinaires, cet homme bienfaiteur de la société, puisqu’il l’enrichit, ne sera point grevé de l'impôt foncier pour la partie de ses bénéfices instantanés, qui ne sont point l’intérêt représentatif de capitaux fonciers, mais seulement les récompenses de son heureuse et utile industrie. Nous poserons donc pour principe fondamental dans les évaluations du revenu net des propriétés foncières pour la répartition de l’impôt foncier, que ce revenu net imposable n’est pas le revenu net effectif, instantané, résultant du plus ou moins d’industrie du possesseur de la propriété soumise à l’évaluation, mais le revenu net que cette propriété est dans le cas de produire na-