300 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tions des lois précédemment rendues sur les pensions et notamment de celles des 10 février, 19 et 30 juin, 17 juillet 1793 (vieux style), 16 vendémiaire et 9 nivôse, an II. Art. V. - L’état annexé à la minute du présent décret ne sera pas imprimé (80). b SAINT-MARTIN [au nom du comité des Secours publics] obtient la parole, et dit (81) : Citoyens, la commission des secours publics a fait part à votre comité de quelques difficultés qui se sont élevées relativement à l’exécution de la loi du 13 prairial, rendue en faveur des familles des défenseurs de la patrie. La plupart de ces difficultés ont paru s’évanouir lorsqu’on se pénétrait de l’esprit de la loi et qu’on en pesait les termes avec réflexion. Une seule a suspendu quelques instants son jugement, et il a pensé que l’arrêté qu’il avait pris à cet égard méritait d’être mis sous vos yeux et soumis à votre approbation. Voici de quoi il s’agit. Suivant votre loi du 21 pluviôse, les femmes et les enfants, les pères, mères et autres ascendants des défenseurs de la patrie, les frères et sœurs orphelins de père et mère, ont droit à des secours pécuniaires lorsqu’il est constaté que le travail de ces militaires fut une ressource nécessaire à la subsistance de leurs familles. Le titre III de cette loi règle et détermine les bases d’après lesquelles ces secours doivent être accordés. Je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’ils doivent être payés pendant toute la durée du service du défenseur de la patrie. Le titre III, article III, IV, V et VI, est consacré à régler les indemnités, pensions et secours des veuves de ces mêmes défenseurs : on y distingue, sous certains rapports, ceux qui sont morts dans les combats de ceux qui ont perdu la vie en activité de service ordinaire. Les articles VIII et IX sont ainsi conçus : « Les pères et mères, dont un ou plusieurs enfants sont morts en défendant la patrie, recevront six années de secours qu’ils reçoivent annuellement, et dans la proportion indiquée par l’article Ier du titre III du précédent décret, etc. « Chacun des autres parents désignés dans le titre II recevra, dans le même cas, trois années de secours auxquels il a droit de prétendre. » Il parait indubitable que les deux articles s’appliquent tant aux familles des guerriers qu’a moissonnées le fer ennemi, qu’à celles des guerriers morts en maladie naturelle; car (80) P.-V., XLIX, 230-232. M. U., n° 1345; J. Fr., n° 782, mention; Gazette Fr., n° 1049. Rapporteur Jard-Panvillier selon C* II, 21. (81) Moniteur, XXII, 519-520. dès qu’ils sont morts en activité de service, on doit dire qu’ils sont morts en défendant la patrie. Un doute s’est élevé sur les termes de l’article VIII du titre Ier de la loi du 13 prairial; cet article porte : « Les pères et mères et autres parents des défenseurs de la patrie, « morts dans les combat ou en faisant un service requis et commandé, » recevront en secours provisoire une année de ce qu’ils ont droit de prétendre, conformément aux articles VIII et IX de la loi du 21 pluviôse, sauf retenue sur le déficit. » Le défenseur de la patrie mort de maladie naturelle, occasionnée par les fatigues de la guerre ou autrement, est-il assimilé, sous le rapport des secours dus à ses père, père et autres parents, au défenseur de la patrie qui a perdu la vie sur le champ de bataille ou de la suite de blessures reçues dans le combat; et le secours provisoire, accordé par l’article que je viens de transcrire, est-il dû à l’in comme à l’autre? Voila la question. Votre comité des secours a pensé que les termes formels de la loi lui imposaient le devoir de prononcer la négative. Ses motifs sont énoncés dans l’arrêté suivant, qu’il soumet à votre approbation. Arrêté du comité des Secours publics an III (82). Sur la question de savoir si le défenseur de la patrie mort naturellement en activité de service ordinaire doit être assimilé, sous le rapport des secours provisoires que l’art. 8 de la loy, du 13 prairial dernier, accorde à ses parents, à celui qui a été tué en combatant où faisant son service requis et commandé. Le Comité considérant que ce serait violer la dispositions littérale de la loy que de l’entendre aux pères et mères et autres parents des deffenseurs de la patrie morts de maladie ordinaire, puisque l’art. 8 susnomé ne parle exactement que des deffenseurs de la patrie morts dans le combat où en faisant un service requis et commandé. Considérant que ces derniers morts, ou en faisant un service requis et commandé, ne peuvent s’entendre que d’une mort qui est la suite d’un service extraordinaire, arrête qu’aux termes de susdit article le secours provisoire n’est point dû aux parents du défenseur de la patrie qui a péri de mort naturelle, en activité de service ordinaire. Arrête encore que cet arrêté sera soumis par le membre rapporteur à la Convention nationale, pour avoir son approbation. Fait et arrêté le 14 brumaire, l’an 3ème de la République française, une et indivisible. Par décret du 26 frimaire, la Convention a confirmé cet arrêté. (82) C 321 pl. 1338. Débats, n° 784, 798-799; Moniteur, XXII, 519-520; Ann. R. F., n° 56; Ann. Patr., n° 685; C. Eg., n° 820; F. Rép., n° 57; J. Perlet, n° 787. SÉANCE DU 26 BRUMAIRE AN III (16 NOVEMBRE 1794) - N° 21 301 SAINT-MARTIN, rapporteur, GUIMBER-TEAU, secrétaire. SAINT-MARTIN : Citoyens, c’est un jour heureux pour votre comité des Secours publics, que celui où il peut vous mettre à portée de réaliser, en faveur des familles indigentes de nos braves défenseurs, les secours annuels que vos décrets leur assurent. Déjà vous avez abondamment pourvu au besoin d’un grand nombre de ces respectables familles; aujourd’hui soixante-dix-neuf autres vont recevoir de vous les mêmes bienfaits. Citoyens, en parcourant les honorables listes de guerriers morts au champ de l’honneur et de la victoire, votre comité s’est senti pénétré d’une vénération profonde ; il s’est dit : où sont les trésors qui pourroient payer un dévouement si héroïque. Sans doute qu’il n’est qu’une récompense digne du citoyen-soldat, du citoyen qui expose sa vie pour la liberté de son pays : c’est le laurier dont la patrie orne sa tête ou couvre son tombeau. Mais si le généreux sentiment qui l’anime, le rend insensible pour lui-même à tout autre intérêt que celui de sa gloire, ne croyons pas qu’il puisse jamais devenir indifférent sur le sort de sa famille. Comment pourroit-il braver la mort avec intrépidité, s’il étoit troublé par l’idée qu’en cessant de vivre, la misère va dévorer les objets de ses plus tendres affections, sa femme, ses enfans, son père, sa mère, qui tous tiroient de lui seul leurs moyens de subsistance. Législateurs, vous avez délivré le soldat français de cette crainte, la seule qui pût entrer dans son coeur. C’est par la bienfaisance de vos lois; c’est en lui faisant chérir, idolâtrer une patrie qui embrasse tous ses enfans dans une égale bienfaisance, que vous l’avez embrasé de cet enthousiasme sublime, de ce courage indomptable qui le rend la terreur des despotes coalisés, et fixe la victoire sur nos drapeaux. Législateurs, la gloire du nom français est votre ouvrage ; vous avez créé des armées de héros; et je ne crains pas de dire que ces héros doivent aujourd’hui vous servir de modèles. Oui, la France est sauvée; oui, la liberté publique est assise sur des bases inébranlables, si la Convention déploie contre les ennemis du dedans, de quelques couleurs qu’ils se parent, le grand caractère que ses guerriers ont déployé contre les ennemis de l’extérieur : si, comme eux, nous sommes fermes, intrépides, inaccessibles à toute crainte ; si comme eux, réunis et serrés autour de la bannière où sont écrits ces mots sacrés, liberté, égalité, justice, nous suivons invariablement la ligne qu’ils nous indiquent, sans jamais porter nos regards en arrière, si ce n’est pour contempler les obstacles que nous aurons surmontés par le courage, et les écueils que nous aurons évités par la prudence; si, comme eux, nous ne voyons aucun obstacle au dessus de nos forces : si, comme eux enfin, nous n’avons tous qu’une passion et qu’un but, l’affermissement de la République et le bonheur du peuple. (83) Le rapporteur présente le projet de décret suivant (84) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SAINT-MARTIN au nom de] son comité des Secours, décrète ce qui suit : Article premier. - Les veuves des citoyens morts en défendant la patrie ou faisant un service requis ou commandé au nom de la République, dénommées en l’état annexé à la minute du présent décret, recevront, à titre de pension alimentaire, la somme de 62 239 L 15 s. 9 d., conformément aux dispositions de la loi du 4 juin 1793 (vieux style), et de celle du 13 prairial dernier, laquelle somme sera répartie entr’elles d’après les proportions indiquées audit état. Art. II. - Les pensions accordées aux-dites veuves leur seront payées aux termes de l’article premier du titre II de la loi du 13 prairial, par les commissaires distributeurs de leurs communes ou sections respectives, à partir de la date de la mort de leurs maris, sauf à imputer sur le montant desdites pensions les sommes susceptibles de retenue qu’elles auront pu recevoir à compte. Art. III. - L’état annexé à la minute du présent décret ne sera point imprimé (85). c La Convention nationale, après avoir entendu [JARD-PANVILLIER au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera à chacun des défenseurs de la patrie dénommés ci-après (86), la somme de 486 L 13 s. 4 d. de pension à laquelle ils ont droit, en vertu des articles VIII de la loi du 6 juin 1793 (vieux style), et art. III de la loi du 5 nivôse de l’an II, et à compter du jour où ils ont cessé de toucher leur subsistance et à la charge par eux de remplir les formalités prescrites aux pensionnaires de la République (87). (83) Moniteur , XXII, 520. J. Mont., n° 32, résumé de l’éloge de Saint-Martin. Rép., n° 58; Bull., 26 brum., reprise du texte et des décrets. (84) Débats, n° 784, 799-800. Moniteur, XXII, 520. Décrets mentionnés dans J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 57 et Rép., n° 58. (85) P.-V., XL IX, 232. Débats, n° 784, 800; Bull., 26 brum. ; J. Mont., n° 32; Rép., n° 58; J. Fr., n° 782; Gazette Fr., n° 1049 ; J. U., n° 1817. Rapporteur Saint-Martin selon C* II, 21. (86) En note dans le P.-V. : les noms sont dans la minute du décret. (87) P.-V., XLIX, 233. Rapporteur Jard-Panvillier selon C* II, 21.