[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1789.] ' Liés par la religion du serment, ils ne pourraient avoir voix délibérative; ils vont demander à leurs commettants un mandat moins limité, et ils conserveront voix consultative. La noblesse du bailliage de Carcassonne a présenté un acte de protestation, le même quant à l’objet, mais beaucoup plus étendu ; il renferme des principes très-développés sur l’avantage du droit de veto sur les lois constitutives de notre monarchie. Huitième protestation. Les députés de la noblesse de Brest ont protesté; liés par un serment rigoureux à la forme ancienne et constitutionnelle des Etats généraux, ils déclarent qu’ils ne se sont rendus dans cette salle que par l’invitation qui leur en a été faite par Sa Majesté; déclarent, en outre, qu’ils persistent dans la délibération par ordre jusqu’à de nouveaux pouvoirs. Neuvième protestation. Un député de Paris, en déclarant qu’il attendait Üe nouveaux pouvoirs, a représenté qu’il pensait avoir le droit de soumettre à l’Assemblée ses réflexions et d’avoir voix consultative. Dixième protestation. ! La noblesse du Périgord déclare qu’elle ne peut participer en rien aux délibérations qui pourront .être prises par les trois ordres, ou par un des deux, ou deux ensemble. Onzième protestation. La noblesse d’ Amont proteste également. Un des députés des communes du même bailliage observe que les cahiers du bailliage d’ Amont ne sont pas tels que la protestation l’annonce; et M. de Puzy proteste contre la qualité de député de la noblesse que M. le prince de Beaufremont a prise dans son acte de protestation. j Plusieurs nobles protestent de vive voix. Un des députés de la noblesse du Nivernais dit que son mandat lui prescrit impérativement de ne point délibérer en commun. On ne transige point avec ses sentiments, dit-il; je puis désirer de l’indulgence pour moi, mais j’ai le droit de demander justice pour mes commettants. Je resterai muet'; et l’orateur s’est tu. ; On lit encore les protestations de la noblesse des bailliages de Verdun, du Berry, d’Evreux, Bigorre, Bas-Limousin, Basse-Marche, Bourgogne, Castellemoron, Besançon, Nemours, Goutances, Limoux, Bugey, Sezanne, La Rochelle, Rodez, ; Clermont en Beauvoisis. i M. I*étl«u de Villeneuve. Messieurs, il me semble qu’avant de lire toutes les protestations dont on nous entretient depuis une heure, et de prendre sur cela aucune délibération, il est nécessaire que nous vérifiions les pouvoirs de ceux qui les font : car, avant de protester contre l’organisation de la Chambre nationale, il faut d’abord savoir si celui qui proteste en est véritablement membre, et il ne peut être considéré comme tel qu’après que ses pouvoirs ont été vérifiés. Mon avis est donc qu’on mette de côté toutes ces protestations, et que l’on s’occupe uniquement des pouvoirs de ceux de MM. du clergé et de la no-173 blesse qui se sont réunis samedi dernier à l’Assemblée nationale. M. Salomon appuie vivement cette opinion. M. le marquis de Toulongeon. Le salut de l’Etat est la loi générale; c’est à l’autorité légitime à détruire les obstacles dans l’état actuel. Quant aux pouvoirs impératifs, l’Assemblée examinera un jour si elle peut en donner; mais cette loi n’est pas faite; les choses sont dans l’état ancien qui a permis les pouvoirs impératifs. Il faut donc prendre les choses sur l’état ancien ; et, dans tous les cas, il est impossible de refuser aux députés de se justifier vis-à-vis de leurs commettants, et de faire des actes et des protestations sur cet objet. M. Target. 11 n’était pas possible de s’empêcher de recevoir les déclarations jointes aux pouvoirs ; mais il n’en est pas de môme des protestations qui supposent un pouvoir reconnu; ainsi on peut renvoyer aux commissaires les pouvoirs remis, pour être vérifiés, et les actes entre les mains des secrétaires, pour y être statué après le jugement porté sur la vérification des pouvoirs. M. BMson du Galland. Je conviens qu’on ne peut s’empêcher de recevoir les actes remis par MM. de la noblesse, en ce que cette remise satisfait la délicatesse des membres qui ont des pouvoirs à remettre. Je demande qu’il leur en soit donné acte, et qu’ils soient renvoyés aux commissaires. M***. Ces actes ont pour objet de justifier les députés aux yeux de leurs commettants. Considérés comme protestations, ils ne vaudront qu’au-tant que la majorité de l’Assemblée y adhérera. M. ISabaud de Saint-Efienne. Je demande que la lecture de ces actes soit déclarée nulle, parce que des députés présumés ne pouvant pas protester, mais seulement exhiber leurs pouvoirs, ces actes et ces protestations ne peuvent pas même être lus. L’Assemblée nationale arrête que les pouvoirs remis sur le bureau par MM. du clergé et de la noblesse nouvellement réunis seront portés au comité de vérification, pour l’examen et le rapport en être fait à l’Assemblée ; Qu’à l’égard des actes remis sur le bureau par quelques membres du clergé et de la noblesse, ils demeureront entre les mains des secrétaires pour, après la vérification des pouvoirs, être avisé par l’Assemblée ce qui conviendra. Le comité de vérification des pouvoirs et celui du règlement sont avertis de s’assembler à cinq heures . La séance se termine à une heure, elle est renvoyée à demain neuf heures. Liste des membres du clergé et de la noblesse qui ont remis des déclarations et des réserves sur le bureau, dans la séance du 30 juin 1789. MM. L’évêque de Beauvais, député du clergé du bailliage de Clermont en Beauvoisis. Laborde, curé de Corneiltan, député de la sénéchaussée de Condom. Lecarpentier de Chaillouet, député de la noblesse d’Alençon. Le marquis de Vrigny, idem. Le baron d’Andlau, député d’Alsace. Le baron de Rathsamh.au sen, idem. 174 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1789.] MM. Le baron de Flaschlanden, idem. Le comte de Montjoye-Vaufrey, idem. Le baron de Lauderberg-Wergenbourg, idem. Le prince de Beauffrcmont, député de la noblesse du bailliage d’Amont en Franche-Comté. Le president de Vezel, idem. Le marquis de Moustier, idem. De Saint-Simon, député de la noblesse d’An-goumois. Le comte de Culant, idem. Le comte de Reuiilez, député de la noblesse d’Anjou. Le comte de Dieuzie, idem. Le duc de Choiseul, idem. De Digoine, marquis du Palais, député de la noblesse d’Autun. De Moncorps, député delà noblesse d’Auxerre. Le baron de Crussol, député de la noblesse de Bar-sur-Seine. Le comte de Laipaud, député de la noblesse de la sénéchaussée de Basse-Marche. Le vicomte de la Queuille, député de la noblesse du Bas-Limousin. Le baron de Poissac, idem. Le marquis de Monspey, député de la noblesse de Beaujolais. Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, député de la noblesse de Belley. Le comte de Lachâtre, député de la noblesse de Puivallée. Le vicomte de Lamerville, idem. De Bengy de Puy-Vallée, idem. De Grosbois, député de la noblesse de Besançon. Le baron de Gonnès, député de la noblesse de Bigorre. Le duc de Villequier, député de la noblesse du Boulonnois. De Garon de la Rivière, député de la noblesse de Bresse. De Cardon, baron de Sandrans, idem. Le duc de Coigny, député de la noblesse de Caen. Le comte Louis de Varsy, idem. Le baron de Wimpfen, idem. Le marquis d’Upac de Badens, député de la noblesse de Carcassonne. Le comte de Montcalm-Gozon, idem. Le chevalier de Châlon, député de la noblesse de Castelmoron. Le marquis de Vaudreuil, député de la noblesse de Castelnaudary. Le comte de Toulouse-Lautrec, député de la noblesse de Castres. Le marquis de Bernard de Sassenay, député de la noblesse de Chalon-sur-Saône. Burignot de Varenne, idem. Le baron de Montboissier, député de la noblesse de Chartres. De Graimberg de Belleau, député de la noblesse de Château-Thierry. . Le comte François d’Escars, député de la noblesse de Chatellerault. Le duc de Liancourt, député de la noblesse de Clermont en Beauvoisis. Le comte de Montboissier, député de la noblesse de Clermont-Ferrand. Le vicomte d’Ustou de Saint-Michel, député de la noblesse de Comminges. Le baron de Montagut-Barrau, idem. Le marquis de Lusignan, député de la noblesse de Condom. Achard de Bonvouloir, député de la noblesse de Coutances. De Beaudrap, idem. Le comte de Villarmois, idem. Le Clerc, baron de Juignë, idem. Le Mulier de Bressey, pour lui et pour le comte de Lévis, député de la noblesse de Dijon. Vincent de Pannette, député de la noblesse de Dombes. Le baron de Gau ville, député de la noblesse de Dourdan. Le marquis d’Usson, député de la noblesse du comté de Foix. De Villiers, député de la noblesse de Gien. MM. Le chevalier de Verthamont, député de la noblesse de Guyenne. Le président Lavie, idem. Le vicomte de Ségur, idem. Malartic, député de la noblesse de la Rochelle. Du Puch de Monlbreton, député de la noblesse de Libourne. Le baron de l’Iluillier-Rouvenac, député de la noblesse de Limoux. Le marquis de Mont d'Or, député de la noblesse de Lyon. Le chevalier de Boisse, idem. Le marquis de Loras, idem. Le marquis de Ternay, député de la noblesse de Loudun. Le comte de Montrevel, député de la noblesse du Maçonnais. De Montesson, député de la noblesse du Maine. Le chevalier de Hercé, idem. Le vidame de Vassé, idem. Le bailly de Fresnay, idem. Le marquis de Juigné, député des Marches-Cond-munes du Poitou et Bretagne. I Le marquis d’Apchier, député de la noblesse de Mende. , Le comte de Toustain de Viray, député de la noblesse de Mirecourt. De Menonville, idem. Le vicomte de Noailles, député de la noblesse de Nemours. Le président de Saint-Fargeau , député de la no-blessse de la ville de Paris, Le comte, de Levis-Mirepoix, idem. Duval d’Éprémesnil, député de la noblesse de la prévôté de Paris, hors les murs. Le duc de Castries, idem. Le président d’Ormesson, en son nom et en celui du bailly de Crussel, malade. Le comte de Puisaie, député de la noblesse du Perche. Le marquis Foucauld de Lardimalie, idem. Le duc de Montmorency-Luxembourg, député de la noblesse de Poitou. Le marquis de Crussol d’Amboise, idem. Le chevalier de Lacoudraye, idem. Le vicomte de Lachâtre, idem. Le marquis de Ribemont, idem. Le comte de Lambertye, idem. Le duc de Biron, député de la noblesse de Quercy. Le marquis de Lavalette-Parisot, idem. Le comte de Plas de Tanne, idem. Le duc de Croï, député de la noblesse du Quesnoy. Le comte de la Marck, idem. Le marquis d’Ambly, député de la noblesse dp Reims. Le vicomte de Panat, député de la noblesse de Rhodez. De Cazalès, député de la noblesse de Rivière-Verdun. Le marquis de Mortemart, député de la noblesse de Rouen. Le comte de Trie, idem. Comasera , député de la noblesse de Roussillon. Le duc de Caylus, député de la noblesse de Saint-Flour. Le baron d’Aurillac, idem. Le baron de Rochebrune, idem. Latour-du-Pin, député de la noblesse de Sain-I tonge. | Richier, idem. Le duc de Mortemart, député de la noblesse de Sens. Le marquis de Pleurre, député de la noblesse de Sézanne. Le comte d’Egmont, député de la noblesse de Soissonnois. Le comte de Renel, député de la noblesse de Toul. De Maurens, député de la noblesse de Toulouse. Le marquis d’Avessens de Saint-Romé, idem. Le marquis d’Escouloubre en son nom et en celui du marquis de Panat, absent pour maladie, idem. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er juillet 1789.] 175 MM. Le baron de Pouilly, député de la noblesse de Verdun. Le comte de Barrançon, député de la noblesse de Villers-Cotterets. De Ballidard, député de la noblesse de Vitry-le-Français. Le comte de Failly, idem. De Boisgelin, archevêque d’Aix, député de la sénéchaussée d’Aix. Martinet, prieur de Draon, député de la sénéchaussée d’Anjou. Breuvard, curé de Saint-Pierre de Douai, député du bailliage de Douai. Thomas, curé de Mormant, député du bailliage de Melun. Le comte de Lagalissonnière, député de la sénéchaussée d’Anjou. Le comte de Dieuzie, idem. Le comte de Reuillez, idem. Le duc de Choiseul-Praslin, idem. Le marquis de Vaudreuil, député de la sénéchaussée de Castelnaudary. ! Le baron de Juigné, idem. De Montesson, député de la sénéchaussée du i Maine. Le comte de Tessé, idem. Le marquis de Saint-Maurice, député de la sénéchaussée de Montpellier, Le marquis de Causans, député de la principauté d’Orange. Le comte de Laroque de Mons, député de la sénéchaussée du Périgord. Le duc de Mailly, député du bailliage de Péronne. ASSEMBLÉE NATIONALE. , PRÉSIDENCE DE M. BAILLY. J�éance du mercredi Ier juillet 1789, au matin (1). j A l’ouverture de la séance, plusieurs personnes venues de Paris, se disant députées par un grand nombre de citoyens, se présentent à l’Assemblée alionale, et font remettre une lettre à M. leprési-ent. On fait lecture de cette lettre. L’objet de la députation est de solliciter l’Assemblée nationale d’interposer sa médiation auprès du Roi pour en !>b tenir la grâce de quelques soldats aux gardes rançaises, qui, pour un fait d’insubordination, .mt été mis en prison, et devaient être conduits à Bicêtre. La multitude les a délivrés par la violence. Les citoyens porteurs de celte lettre font demander à être introduits dans l’Assemblée. M. Bailly, président. Messieurs, en recevant Cette lettre, j’ai déjà prévenu préliminairement ceux qui me l’ont remise que l’Assemblée nationale ne pouvait donner aucun ordre sur le différend qui subsiste entre le colonel des gardes françaises et ses soldats. Cependant les circonstances sont pressantes ; le mal est instant ; le salut de la capitale dépend peut-être du parti que vous allez prendre, et je suis d’avis de mettre cette affaire en délibération. | L’Assemblée décide d’abord qu’il n’y a pas lieu Raccorder l’entrée à la députation. Elle met ensuite en délibération la question de savoir s’il sera répondu à la lettre. (1) La séance du ler juillet 1789 est incomplète au Plusieurs membres veulent que l’Assemblée déclare n’y avoir lieu à délibérer. Il s’agit ici, disent-ils, d’une émeute populaire. Ces émeutes sont entièrement du ressort du pouvoir exécutif; et peut-il convenir au pouvoir législatif de prier le pouvoir exécutif de dispenser de l’exécution des lois? M*‘\ Prenons garde , défions-nous du piège qu’on nous tend en voulant que nous nous mêlions d’une affaire si évidemment étrangère à notre mission et au pouvoir essentiel de l’Assemblée ; on cherche à nous compromettre, ou avec le peuple, ou avec le monarque. S’il arrive un événement fâcheux, on nous peindra comme des tribuns d’un peuple que nous cherchons à soulever ; et si cette intervention dissipe cet orage, on nous fera un crime de notre succès. Ainsi, il faut déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer. D'autres membres cherchent à intéresser l’Assemblée sur le sort de ces malheureuses victimes du zèle égaré. Ils font un tableau des faits ; et en appuyant sur le danger des circonstances et l’urgence du moment, ils établissent qu’il importe aux intérêts de l’Assemblée, au bien de la nation, qu’on prenne en considération la lettre des Parisiens. M. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. L’Assemblée serait inexcusable si, dans un moment où elle est animée du bien public, elle ne prenait en considération le fait dénoncé. Ces différentes considérations ne peuvent être examinées que par un comité. M. de Clermonl-Tonnerre. L’impassibilité la plus absolue doit être le caractère essentiel de l’Assemblée. Dans une circonstance aussi pénible, il y a une distinction essentielle à faire entre le pouvoir exécutif et le législatif. Le pouvoir militaire, qui est la sauvegarde de la tranquillité publique, est du ressort du pouvoir exécutif. Ce serait manquer au plus pressant de tous les devoirs que de s’amuser à nommer un comité pour examiner une révolte ouverte. Les troubles populaires ne peuvent être soumis à un pareil examen ; ils sont du ressort du pouvoir exécutif. MM. de Crlllon et le chevalier de Bouf-flers appuient ces observations. On fait une seconde lecture de la lettre ; elle est ainsi conçue : « Monsieur le président, une nouveauté inouïe vient de répandre l’alarme dans la ville de Paris. « Le peuple s’est porté en foule hier aux prisons de l’Abbaye pour arracher des fers deux gardes françaises queM. le duc du Châtelet y avait fait mettre contre toute justice. « Ces deux malheureuses victimes ont été portées en triomphe au Palais-Royal, où le peuple les a prises sous sa sauvegarde; elles y ont passé la nuit. Nous attendons avec respect, Monsieur le président, que l’Assemblée nationale veuille bien s’occuper des moyens nécessaires pour rendre le calme à la capitale et la liberté à nos frères. » Plusieurs autres motions sont présentées. Un secrétaire en fait lecture. Motion de M. Fréteau. « Nos cahiers nous prescrivent quelle est la marche que nous devons suivre dans une affaire aussi importante et dans une circonstance aussi .critique.