[ Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 179] .] nonce que vous voulez que la France présente un asile paisible pour tous ceux qui voudront obéir aux lois; après avoir donné le mouvement à vos institutions (et cela est possible dans un temps prochain, car je ne suis pas disposé à éloigner l’instant de notre séparation), après avoir mis en vigueur tout ce qui fait agir le gouvernement, vous vous retirerez dans vos foyers, vous aurez obtenu, par votre courage, la satisfaction et l’amour des plus ardents amis de la Révolution et de la liberté ; et vous obtiendrez, de la part de tous, par de nouveaux bienfaits, des bénédictions ou du moins le silence de la calomnie. J’adopte les propositions de M. Salle, et je conclus à l’admission du projet des comités. ( Applaudissements répétés.) (L’Assemblée ordonne, à une très grande majorité, l’impression du discours de M. Barnave et l’envoi dans tous les départements.) M. de Fa Fayette. J’appuie l’opinion de M. Barnave et je demande que la discussion soit fermée. Un grand nombre de membres : Oui I oui ! (L’Assemblée ferme la discussion.) Un membre demande qu’avant de passer à la délibération sur le projet des comités, on s’occupe des articles proposés par M. Salle, relativement aux cas où le roi serait censé avoir abdiqué. (Cette motion est adoptée.) M. Salle. Voici les principes que j’ai proposé à l’Assemblée de décréter : Art. 1er. « Un roi qui se mettra à la tête d’une armée pour en diriger les forces contre la nation sera censé avoir abdiqué. Art. 2. « Un roi qui, après avoir prêté son serment à la Constitution, le rétractera, sera censé avoir abdiqué. Art. 3. « Un roi qui aura abdiqué reviendra simple citoyen, et seraaccusable, comme eux, pour tous les actes subséquents à son abdication. » M. d’André. Je demande qu’on aille aux voix sur ces articles. M. Rœderer. Je demande qu’il y ait déchéance pour le cas où un roi enlèverait l’héritier présomptif de la couronne. M. Goupillean. Je demande qu’il soit ajouté aux articles de M. Salle une disposition qui a déjà été présentée; elle consiste à dire qu’un roi qui refuserait d’accepter la Constitution purement et simplement serait censé renoncer à la couronne. M. Prieur. Les articles que l’on vous propose sont des articles constitutionnels, il est intéressant qu’ils soient aussi clairs que possible. M. le Président. J’observe à M. Prieur que M. Salle propose les principes, sauf rédaction. M. Prieur. Je demande que l’on pose dans l’article un principe et non pas un fait, et qu’on 381 dise : Tout roi qui sera convaincu d’avoir conspiré contre la Constitution, de quelque manière que ce soit, sera dans le cas de la déchéance. (Murmures.) Je vous dis que toutes les fois qu’un roi a accepté une Constitution et qu’il fait des conspirations contre elle, soit en se mettant à la tête d’une armée dans l’intérieur, soit eq entretenant des correspondances directes et coupables à l’extérieur, il n’est plus digne du trône. ( Applaudissements dans les tribunes.) Plusieurs membres : Aux voix les articles de M. Salle I (L’Assemblée adopte leg articles de M. Balle, sauf rédaction.) M. Muguet de Nanthou, rapporteur. Voici, maintenant, Messieurs, l’article 1er du projet du comité : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités militaire et diplomatique, de Constitution, de révision, de jurisprudence criminelle, des recherches et des rapports, « Attendu qu’il résulte des pièces dont le rapport lui a été fait, que le sieur de Bouillé, général de l’armée française sur la Meuse, la Sarre et la Moselle, a conçu le projet de renverser la Constitution ; qu’à cet effet il a cherché à se faire un parti dans le royaume, sollicité et exécuté des ordres non contresignés, attiré le roi et sa famille dans une ville de son commandement, disposé des détachements sur son passage, fait marcher des troupes vers Montmédy, préparé un camp prés cette ville, tenté de corrompre les soldats, les a engagés à la désertion pour se réunir à lui; sollicité les puissances voisines à une invasion sur le territoire français, décrète : « 1° Qu’il y a lieu à accusation contre ledit sieur de Bouillé, ses complices et adhérents, et que son procès lui sera fuit et parfait devant la haute cour nationale provisoire, séant à Orléans; qu’à cet effet les pièces qui ont été adressées à l'Assemblée seront envoyées à l’officier faisant, auprès de ce tribunal, les fonctions d’accusateur publie. » M. Robespierre. J’ai l’honneur de proposer un amendement qui sera sans doute dans les principes des comités : c’est que tous les coupables du délit dont vous vous occupez soient dénoncés et poursuivis. Je demande par exemple aux comité-, je demande aux plus zélés partisans de leur système de quel droit on excepte dans le décret les personnes qui ne sont pas inviolables; je veux parler de Monsieur, frère du roi, par exemple. (Applaudissements ; murmures et interruptions.) J’entends autour de moi des personnes qui m’arrêtent et me disent : Quelles sont vos preuves contre le frère du roi? Ces personnes ne sont certainement pas dans la question : s’il y avait des preuves contre les complices prétendus du délit, il ne s’agirait point de déclarer qu’il y a lieu à accusation et de leur faire leur procès, mais de les condamner. (Murmures prolongés.) On a interrompu mon raisonnement au moment où je n’en avais prononcé qu’une première partie qui en atten iaitune seconde; et c’était un moyen très facile de le trouver ridicule. Voici la seconde pariie de ce raisonnement : Puisqu’il n’est point question ici de prononcer un jugement définitif, mais seulement de déclarer qu’il y a lieu à accusation, et de faire le procès à tel ou tel individu, il s’ensuit qu’il ne faut point de 332 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1791. preuves, mais des indices contre les accusés. (Murmures.) Or, Messieurs, je le demande à tout homme de bonne foi; peut-on dire qu'il v a des indices plus foits de la complicité de la faite du roi contre plusieurs de ceux qui sont dénoncés par les comités, que contre le frère du roi? Par exemple, y a-t-il de plus grands indices contre Mme de Tourzel, qui n’a fait autre chose qu’accompagner le roi? Un membre : Précisément, elle n’est point accusée. M. Robespierre. Y a-t-il de plus forts indices contre les trois gardes du corps qui ont suivi le roi, et qui n’ont fait qu’accompagner leur maître, qu’il n’y en a contre Monsieur, frère du roi, dont la fuite a été combinée avec la sienne dans les pays étrangers, dans le sein de nos ennemis? Qu’on me dise si les soupçons ne doivent point porter spécialement sur un personnage plus intimement lié au roi, mais qui n’est pas inviolable comme lui? Messieurs, prenez-y bien garde, si vous faites une exception aussi étrange, aussi évidemment contraire à tous les principes, il est évident que vous vous exposez au reproche d’avoir éternellement épargné les conspirateurs puissants; et l’on remarquera avec étonnement que la seule victime immolée au salut du peuple, était précisément une victime d’un rang inférieur, que l’opinion a cru être immolée à ce même homme qui a fui avec le roi. (Murmures.) J’ai l’honneur de vous observer que, de quelque manière que vous prononciez sur le roi lui-même, il faut prononcer. Il est de votre bonne foi, il est de votre loyauté de prononcer, non pas d’une manière tacite, mais d’une manière expresse. Un membre : On rentre dans la discussion. M. le Président. Laissez finir. M. Robespierre. Ces réflexions me paraissent si simples, il me paraîtrait si contraire à la gloire de l’Assemblée, au droit de la nation, de s’en écarter, que si vous n’adoptez pas ma proposition, je me crois, en vertu du serment qui me lie à l’Assemblée nationale et encore plus pour l’honneur de la nation, obligé de protester contre la détermination que vous allez prendre. (Murmures prolongés.) M. Prieur. Sans ce que vient de dire M. Robespierre, je n’aurais pas pris la parole. Remarquez bien que la complicité du frère du roi est tellement démontrée, que le roi a dit positivement, dans une seconde déclaration, si je m’en rappelle bien, que Monsieur devait venir le joindre à Montmedv, et qu’il n’avait pris une autre route qu’afin de ne pas manquer de chevaux. (Murmures .) M. Cliabroud. J’ai demandé la parole, parce que j’ai pensé que la doctrine détestable, qui vient d’être proposée à l’Assemblée, ne devait pas rester sans réponse. Je dis que cette opinion est détestable, en ce que l’opinant prétend qu’un citoyen peut être accusé sur de simples indices. Rien n’est contraire à la liberté individuelle et à votre Constitution, qu’un citoyen soit accusé et privé provisoirement de sa* liberté, de cette liberté que y notre Constitution a regardée comme si précieuse, et qu’elle a pris tant de soins de conserver. Pour arriver à l’accusation, il faut des preuves ; pour arriver au jugement définitif, il faut en outre des preuves d’un genre différent, et voici, comme je les différencie : pour l’accusation, il faut des preuves simples; pour le jugement définitif, il faut des preuves contradictoires. Je sais que sur de simples indices, on peut bien, lorsqu’il y a danger, s’assurer d’un citoyen, mais nous ne sommes pas dans ce cas. Ainsi, comme le préopinant n’a pu articuler autre chose contre le frère du roi que des indices, je dis qu’il ne saurait y avoir lieu à accusation; et je demande la question préalable sur l’amendement. Plusieurs membres : Il n’est pas appuyé. (L’article 1er du projet des comités est mis aux voix et adopté sans changement.) M. Muguet de Nanthou, rapporteur , donne lecture de l’article 2 du projet de décret, ainsi conçu : « 2° Qu’attendu qu’il résulte également des pièces dont le rapport lui a été fait, que les sieurs d’Heymann, de Klinglin et d’Offlyse, maréchaux de camp, employés dans la même armée du sieur de Rouillé, Désoteux, adjudant général, Bouille fils, major d’hussards, et Goglas, aide de camp ; « Que les sieurs de Damas, colonel du 13e régiment de dragons, de Choiseul-Stainville, colonel du 1er régiment de dragons, Daudoin, capitaine au même corps, de Vellecourt, commissaire ordonnateur à Thion vi Ile, les sieurs de Mandel, Moras-sin et Thalot, officiers de Royal-Allemand, le comte de Fersen, colonel du Royal-Suédois, et les sieurs de Valory, de Malden et Dumoustier, tous prévenus d’avoir eu connaissance dudit complot du sieur de Bouillê, et d’avoir agi dans la vue de le favoriser, il y a lieu à accusation contre eux, et que leur procès leur sera fait et parfait devant la haute cour nationale provisoire. » M. Dionis dn Séjour. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Dans l’ancien régime, lorsqu’il s’agissait de décréter quelqu’un de prise de corps, on ne pouvait opiner que sur chacun des intéressés individuellement. Or, l’arrestation ou l’envoi à Orléans vaut bien un bel et bon décret de prise de corps. Je demande donc que l’on délibère séparément sur l’état d’accusation, d’arrestation ou d’élargissement qui doit être prononcé, relativement à chacune des personnes comprises dans le projet de décret. (Cette motion est adoptée.) M. Muguet de Manthou, rapporteur, levais commencer par ceux contre lesquels vos comités vous proposent de déclarer qu’il y a lieu à accusation. La première personne est M. d’Heymann, maréchal de camp, employé dans l’armée de M. de Bouillé. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à accusation contre M. d’Heymann.) M. Muguet de Nanthou, rapporteur. La seconde personne est M. de Klinglin, maréchal de camp, employé dans la même armée. (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à accusation contre M. de Klinglin.) M. Muguet de IVanthou, rapporteur, donne