[Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |U avril 17Ù1.J proposée par M. de Folleville en déclarant qu’à la lin de la semaine le projet sera envoyé à tous les membres et qu'il pourra être mis à la discussion. (L’Assemblée renvoie la proposition de M. de Folleville an comité de Constitution pour lui présenter, très incessamment, ses vues à cet égard.) M. Démeunier, rapporteur. Je propose que nous passions maintenant à la discussion du traitement de s ministres. M. Tliévenot de llaroise. Il me paraît un cas où la res i on sa bilité doit avoir lieu, et qu’il me paraît absolument nécessaire d’expliquer; c’est le cas où lorsqu’une troisième légi-lature proposerait la même loi qui l’aurait déjà été par les précédentes, ou ferait répondre au roi par la forme du relus suspensif. (Murmures.) Plusieurs membres : L’ordre du jour! ( L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. ©éineunicr, rapporteur. Voici l’article 42 du projet de décret concernant les traitements des ministres. « Art. 42. Le traitement des ministres sera, savoir : « Pour celui des affaires étrangères, de 150,000 livres par année et, pour chacun des autres, de 100,000 livres payées par le Trésor public. »» M. Robespierre. Je crois que l’on pourrait, sans beaucoup d'inconvénients, porter encore plus loin les vues d’économie proposées par le comité. On peut certainement avoir un traitement moindre de 100,000 !ivr< s et être un homme très opulent et être un homme public capable de tenir un éiat considérable. Je ne vois d’objection contre la diminution proposée au traitement de 100,000 livres, que la nécessité de donner à dîner et de représenter. Des prétextes si puérils, si étrangers à la dignité de fonctionnaires publics, si étrangers surtout à l’utilité publique, ne doivent pas être mis en parallèle a\ec les principes d’économie que je réclau e. Je demande en conséquence, et je me reproche en cela de n’oser pas encore pousser mon opinion jusqu’au bout ne la vérité, je demande que le traitement de 100,000 livres soit réduità 50,000. (. Applaudissemen ts.) M. Carat. En combattant l’avis du préopinant, en honneur et en conscience, ce n’est pas pour les ministres que j’entends parler, c’est pour la nation, pour la pureté des ministres qu'elle aura désormais. Messieurs, songez que, de toutes les classes du royaume, celles des ministres, malgré toutes les précautions que vous avez prises, sera encore c île où les prévarications extrêmement lucratives seront les plus faciles et ne pourront jamais être découvertes. 1! faut donc défendre autant qu’il est possible la vertu des ministres, ouceux qui en auront, contre une t ntation si séduisante. Voilà le grand motif qui doit engager la nation à beaucoup de muni-licence, si je puis m’exprimer ainsi, envers les ministres : ce n’est pas le vain et orgueilleux motif de les mettre en état d’avoir une maison, de donner à dîner. A cette considération s’en joint une aube, c’est que vous ne pouvez pas vous dissimuler, Messieurs, que plus les fonctions d’une place deviennent difficiles, plus elles sont sujettes 7 03 à des mortifications, et plus il faut en vérité récompenser le fonctionnaire. Et si le mot économie, aveuglement même ne provoquait ici des applaudissements, jose dire que j’en recevrais en ce moment. Ne céderez-vous pas à toutes ces observations? Pour moi elles m’entraînent. Je persiste donc dans le projet du comité. M. Anilioiue. Je ne saurais approuver les vues d’économie présentées par M. Robespierre. Je crois qu’une telle parcimonie n’est pas de la dignité d’une grande nation. Je crois que, quand les ministres et les ambassadeurs des puissances étrangères ont des rapports avec un homme qui est obligé de faire des avances, il ne faut pas montrer la corde à ce point. (Pares.) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix l’article! M. Prieur. Je n’ai rien aperçu dans l’avis des préopinants qui puisse empêcher l’Assemblée de remplir le plus sacré de ses devoirs, qui est de ne |ias prodiguer mal à propos et sans nécessité la sueur des peuples. (Applaudissements.) On croit qu’il est essentiel que le miuisire des affaires étrangères fasse une grande dépense, afin que les ministres des autres puissances ne voient pas que nous sommes dans ie besoin; et moi je dis et je pense que ce n’est pas à l’hôtel du ministre des affaires étrangères que les nations doivent juger de nos moyens; c’est dans l’excellente administre. tion de nos affaires, ch st dans l’ordre et la discipline de notre armée, c’est dans le fer de nos soldais. On dit qu’il faut, eu bien payant les ministres, leur ôter le désir de commettre des prévarica-(ions. Est-ce avec de l’argent que l’on achète la vertu des ministres? Non. La soif des richesses s’accroît avec les richesses à mesure qu’on en a davantage. (Applaudissements à gauche et aux tribunes.) J’ai entendu souvent répéter que les ministres devaient avoir une table somptueuse, et l’on prétend qu’il faut leur conserver ces mêmes avantages. Moi je dis que la table d’un ministre est un foyer de corruption. (Grands applaudissements.) Je dis, en outre, que cette nécessité de représenter, de la part d’un ministre, est extrêmement contraire à l’expédition des affaires. On se rappelle qu’un étranger, arrivant à la cour de Prusse, trouva uu ministre qui avait une perruque de travers et un coude percé; et cependant jamais prince ne fut plus respecté que le roi do Prusse. Je demande donc, et c’est à regret, que le plan du comité soit réduit à moitié, c’est-à-dire 75,000 livres pour le ministre des affaires étrangères, et 50,000 livres à chacun des autres. M. Lanjuinais. A mesure qu’un peuple fait des pas vers la liberté, il diminue et supprime les places lucratives. Maintenant que vous avez des ministres à 100,000 livres, vous avez aussi plu-sl urs commis à 50,000 livres, et des douzaines d’autres commis à 30,000 livres. La distance d’un ministre à un autre citoyen fonctionnaire public n’est pas infinie; et cependant si vo: s adoptiez le projet qu’on vous propose, elle serait comme 2 à 3,000 mille livres est à 100,000 livres. Lorsque vous avez porté cette disposition provisoire, vous n’aviez pas toutes les idées d’économie publique que vos décrets ont consacrées. Il ne faut donc pas que le règlement qui a été fait eu faveur des ministres dans un temps où 704 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 avril 1791. ] nous avions encore sur la liberté et snr le gouvernement bien des idées à acquérir, il ne faut pas que cette proportion subsiste. J’appuierais l’amendement de M. Robespierre, si j’osais espérer qu’il fut admis dans l’Assemblée. Plusieurs membres à gauche : Pourquoi pas? M. Aanjuinals. Eh bien! Je l’appuie de tout mon pouvoir. M. Buzot. Je dis que l’Assemblée ne s’occupe en ce moment que d’une idée secondaire :1a première qu’il faut examiner, je crois, c’est de savoir si les ministres doivent ou non être payés par la liste civile. (Murmures.) Celte question ne doit point être rejetée par de simples murmures; ainsi je me permettrai d’en demander le renvoi au comité. Quand une fois cette question aura été décidée, il y en aura une autre à discuter qui est bien indépendante de la première, c’est de savoir, si dans le cas même où la liste civile serait chargée du traitement des ministres, il faut ou non fixer la somme de ce même traitement, et cette seconde proposition bien entendue servira de réponse à ceux qui craignent qu’en renvoyant à la liste civile le traitement des ministres, on ne puisse les gagner, qu’ils n’appartiennent plus à la nation. Je demande le renvoi et l’examen de ces questions. Si l’Assemblée veut actuellement qu’on le traite, je vais donner ma façon de penser le plus succinctement qu’il me sera possible; mais je crois la question par < Ile-même assez importante pour que l’on veuille bien y songer. Le roi, quoique chargé du pouvoir exécutif, n’est pas responsable; cependant et voilà pourquoi vous lui donnez des ministres sur lesquels puisse tomber la responsabilité. Par conséquent le ministère est dans la ligne du pouvoir exécutif; et si vous aviez pu avoir un roi responsable, assurément la question ne se présenterait pas ici. Peut-être objectera-t-on que la dépense des bureaux dans mon sens peut être rejetée sur la liste civile. On se trompe : cela n’est point du tout dans mon idée. Ainsi toutes ces questions se subdivisent. La première est de savoir si on rejettera le traitement des ministres sur la liste civile. La deuxième question est celle-ci, dans le cas où on rejetterait sur la liste civile, fixera-t-on la somme des mêmes traitements? Sur la seconde, j’ai pensé que cela ne doit pas être. Et voilà comme je m’explique contre ceux qui pensent que ce serait un moyen de corruption pour les ministres, je dis que les 150,000 livres que vous donnez au ministre des affaires étrangères, et les 100,000 livres que vous donnez aux autres, soit que vous les tiriez du Trésor public, soit que vous en chargiez la liste civile, n’empêcheront pas la corruption, parce que, dans tous les systèmes, vous ne pouvez pas empêcher qu’on n’abuse de 25 millions attribués à la liste civil'1. Je demande le renvoi au comité. M. d’André. Je demande, pour question d’ordre, si la motion de M. Buzot est appuyée? Plusieurs membres : Oui ! oui ! M. Martineau. Messieurs, si le préopinant avait voulu se rappeler les décrets que vous avez rendus, je crois qu’il n’y aurait pas lieu de discuter la question actuelle. Vous avez commencé par décréter d’une voix unanime, ou plutôt par acclamation, que la Ls'e civile serait portée à une somme de 25 millions. Vous avez décrété séparément que le traitement des ministres serait de 150,000 et de 100,000 livres. Voilà les deux décrets que vous avez rendus. Plusieurs voix : Provisoirement. M. Martineau. Je vous prie de remarquer que les décrets qui règlent les traitements des ministres sont postérieurs au décret qui a fixé la liste civile. Plusieurs voix : Antérieurs. M. Martineau. Je soutiens qu’ils sont postérieurs. On prétend que ces décrets sont provisoires, j’en conviens; mais l’induction que j’en tire ici n’en est pas moins la même. Certes, vous n’avez jamais entendu, par le mot provisoirement, vous réserver le droit de rejeter le traitement des ministres sur la liste civile. Plusieurs membres : Non! non! M. Martineau. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour sur la motion de M. Buzot. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Buzot.) M. Démeunier. L’amendement de M. Prieur n’est point un amendement; c’est un autre article, et je demande la priorité pour l’article du comité. M. d’André. Vous avez décrété que, pour 1791, 100,000 livres ..... Plusieurs membres : Non! non! pour 1790. M-d’André. La preuve que vous l’avez décrété pour 1791, c’est que l’état qu’on vous a présenté pour 1791 porte cette somme; donc, vous l’avez décrétée. Un membre : Le traitement n’est pas décrété pour 1791. M. d’André. Il faut vérifier si votre décret porte sur 1791. Je le crois et je le prouve. En effet, l’état sur lequel vous imposez pour 1791 . . . Plusieurs membres : Cela ne prouve rien. M. d’André. Je répéterai encore ce que j’ai dit hier; il y a dans cette Assemblée des gens qui interrompent sans cesse et qui veulent, par leurs interruptions, gêner la liberté des opinions; cela ne peut pas se tolérer. M. l’abbé Maury. Il y a deux ans qu’on nous traite comme cela; il a bien fallu le souffrir. M. d’André. L’état de 1791, sur lequel vous imposez, porte les ministres au même taux que le comité. Je puis en induire que votre disposition s’étend sur 1791 comme sur 1790. Dire le contraire, ce n’est pas le prouver. Je demande donc la question préalable sur l’article. M. Lecouteulx de Canteleu. Le provi- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |ll avril I7J1.] soire s’étend seulement jusqu’au moment où il plaira à l’Assemblée nationale de rendre ua décret différent. M. d’André. Je n’altache aucune espèce d’importance à ce pue le tiailement soit fixé à 50,000 ou à 100,000 livres; mais pour l’intérêt de la nation, il est important que les ministres aient ce traitement pour les mettre à l’abri de toute corruption et de la tentation de gaspiller. M. Rewbell. Quand l’Assemblée nationale a décrété les fonds pour 1791, elle les a décrétés en niasse et non article par article. La question est donc encore entière. Mais d’ailleurs quand vous avez lixé provisoirement le traitement des ministres, ils avaient des brevets de retenue dont ils p i y aient les intérêts. A présent que vous avez remboursé les brevets de retenue, il est très naturel de diminuer sur leur traitement ce qu’ils étaient obligés de payer pour l’intérêt du montant de ces brevets. Je demande que l’on déduise, de la somme votée par le comité de Constitution, une somme égale à l’intérêt des brevets de retenue dont les ministres étaient ci-devant chargés. M. Oianlaire. Je demande que le taux du comité soit diminué d’un quart. M. de Eancigny-Eucinge. Il ne faut pas mettre ces places au rabais, car elles ne seront pas très recherchées depuis qu’elles offrent la perspective de la potence et du carcan. M. ttoupil-Préfeln. L’évêque métropolitain de Paris a 50,000 livres, les maréchaux de France ont 30,000 livres. D’après ces deux points de comparaison, 50 et 75,000 livres me paraissent devoir suffire à des ministres. ( Applaudissements .) ('L’Assemblée ferme la discussion.) M. Armand. Je demande en amendement que le traitement soit de 60 et de 80,000 livres. M. de Tracy. J’observe que les places de ministres sont singulièrement passagères; je remarque en outre... Plusieurs membres à gauche : La discussion est fermée. M. de Tracy. Je demande donc que la dernière enchère soit le taux du comité. M. Rewbell. Quand vous avez donné 100, 000 L, vous avez compté 20,000 livres pour les intérêts des brevets de retenue. Il est juste au moins de diminuer cette somme des quotités fixées par le comité. M. d’Estourmel. L’intérêt des brevets de retenue était une somme à part que l’on payait aux ministres. Je demande la question préalable sur cet amendement et je demande la priorité pour le projet du comité. Plusieurs membres: Aux voix! aux voix! M. de Blacons. Quand M. Montmorin a succédé à M. Vergennes, l’intérêt des 400,000 livres n’a pas cessé d’être payé en dehors du traitement. Plusieurs membres: Non! non! lre Série. T. XXIV. 705 M. Rewbell. Je demande le renvoi au comité central pour vérifier le fait. S’il est prouvé que les intérêts des brevets de retenue ont été payés en dehors du traitement des ministres, je retirerai mon amendement. Plusieurs membres demandent la priorité pour l’avis du comité. M. Bouche. L’Assemblée a décrété que le ministère de l’intérieur sera divisé. S’il y a 3 ou 4 ministres de l’intérieur, recevront-ils chacun 100,000 livres? Je demande qu’il ne soit rien statué en ce moment à l’égard du ministre de l’intérieur. (La priorité est accordée à l’article du comité.) M. Rewbell. Je demande la priorité pour mon amendement sur les autres amendements. M. Camus. Je n’ai vu nulle trace des intérêts des brevets de retenue payés aux ministres. Ceux qui recevront des remboursements du moment de la remise de leurs brevets, se plaignent et disent que leurs successeurs auront plus qu’eux. M. Emmery. Je demande qu’on mette aux voix l’amendement de M. Rewbell; il est très juste. M. d’André. Permetiez-moi, Messieurs, de rappeler l’amendement de M. Rewbell dans le sens qu’il l’a présenté. M. Rewbell et tous ceux qui appuient son avis demandent que les ministres aient pour cette année-ci le même traitement qu’ils avaient l’année dernière et ils n’out nullement pour but de leur assurer à l’avenir un traitement plus avantageux que celui dont ils jouissent actuellement. Ainsi donc, il est juste de déduire du traitement des ministres, proposé par le comité de Constitution, le montant de l’intérêt des brevets de retenue, si les ministres ne jouissent pas de leur traitement indépendamment de cet intérêt. C’est dans ce sens que l’article doit être rédigé. (. Applaudissements .) M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’amendement et je rédige comme suit l’article : Art. 42 ( du projet). « Le traitement des ministres sera, savoir : « Pour celui des affaires étrangères, de 150,000 livres ; « Et pour chacun des autres, de 100,000 livres, payées par le Trésor public; « Sauf néanmoins la déduction d’une somme égale à celle de l’intêrêt des brevets de retenue qui existaient sur les charges de secrétaires d’Etat, au cas que cet intérêt ne fût pas acquitté en sus du traitement dont jouissent actuellement tous les ministres. » (Adopté.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination de deux commissaires qui devront assister à l’installation du tribunal de cassation. (La séance est levée à trois heures.) 45