SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N° 11 181 Oui, législateurs, votre importante discussion sur la Vendée est pour nous une victoire signalée : elle a retenti jusque dans les repaires des brigands. Ils gémissent de voir leurs bons amis, leurs puissants protecteurs, revêtus du costume républicain, démasqués et poursuivis par la justice nationale jusque dans le sanctuaire des lois. Ils gémissent que l’oeil éclairé du législateur pénètre dans les plis les plus tortueux, et leur ote toutes les ressources que le Cromwell françois leur prodiguoit par les mains parricides de ses agents qui afïluoient de toutes parts. Le patriote reprend son énergie trop longtemps comprimée ; il brise les fers où le despotisme militaire et les intendants de Robespierre le retenoient. Il nous sera donc permis d’épancher notre coeur dans le sein des pères de la patrie. Nous ne serons plus traités de contre-révolutionnaires, ni de complices des brigands, pour nous plaindre lorsque le volcan de la Vendée se rouvrant nous couvroit par des irruptions soudaines de ses laves sulfureuses ; lorsque le feu de la guerre civile, rallumé de nouveau, dévoroit nos fertiles campagnes; lorsque le fer assassin des rebelles perçoit le sein de nos femmes et de nos enfants. Nous ne craindrons plus d’être dénoncés comme ennemis du peuple lorsque nous nous élevions avec énergie contre les mesures barbares, impolitiques des généraux, mesures que la philosophie, l’expérience des siècles et la connaissance morale et phisique du pays réprouvoient. Notre voix ne sera plus étouffée par le crime en manifestant notre juste indignation de l’inaction honteuse de nos troupes pendant les plus belles saisons de l’année. Nos mémoires remplis de vérités importantes remis entre les mains infidèles de l’infâme Couthon ne vous seront plus soustraits. Depuis longtemps nous appellions la vengeance nationale sur la tête des Turreau, des Huchet, des Grignon, que nous regardons avec droit comme les auteurs des désastres horribles qui ont affligé nos contrées. Votre décret qui les met en état d’arrestation est un acte de justice auquel nous applaudissons. Le sang répandu inutilement à grands flots, des milliers de victimes innocentes sacrifiées à la fureur du soldat, les massacres d’officiers municipaux décorés de leurs écharpes dans plusieurs communes, l’égorgement de paisibles agriculteurs venant avec sécurité au-devant de l’étendart tricolort, l’incendie de tranquilles et utiles habitations, des viols de toute espèce, toutes les horreurs commises impunément sous leurs yeux ou par leurs ordres, tels sont les forfaits, les délits dont nous les accusons et que la postérité la plus reculée leur reprochera avec indignation. L’évacuation et l’incendie de Bressuire, place importante, boulevard qu’on eût dû faire construire s’il n’eût pas existé, rempli de vrais républicains à qui on n’a pas donné le temps d’emporter leurs chemises, est un crime de lèse-nation qui les suivra partout. Nous prenons l’engagement formel, à la face de la république entière, d’articuler tous ces faits et de les prouver authentiquement. Le temps est enfin arrivé de dévoiler tous les mystères d’iniquité ; il ne nous est plus permis d’avoir des ménagements pour les illustres coupables. Périssent tous les monstres qui pour assouvir leurs passions ambitieuses nous re-gardoient comme une proie qu’ils dévoroient, se jouant de nos vies, de nos biens et de notre liberté. Béni soit le jour à jamais mémorable où nos destinées ont été solennellement discutées dans la Convention. Continuez, législateurs, continuez à veiller sur cette partie intéressante de la république hélas! trop longtemps négligée. N’abandonnez pas des enfants dont le coeur a toujours brûlé du feu sacré de la liberté et qui au milieu des secousses convulsives et déchirantes de la Vendée n’ont jamais dévié des grands principes et ont fait et font des sacrifices inouis pour la cause de la révolution. Ennemis de toute flatterie, nous ne louerons pas les nouveaux représentants que nous possédons; nous attendons le résultat de leurs opérations pour leur payer le tribut de reconnoissance qu’ils mériteront. Cependant nous ne pouvons nous empêcher de rendre justice à leurs vues philantrophiques. Bien pénétrés de la grandeur de leur mission, ils puisent dans la justice inflexible, dans l’humanité, dans la tendresse paternelle, les moyens de réparer les erreurs, les fautes de leurs prédécesseurs, en alliant une philosophie bienfaisante à la force des armes, en créant une discipline sévère dans l’armée de l’Ouest, ils organiseront la victoire. Avec les moyens vigoureux que vous allez employer, avec des nouvelles troupes qui nous sont nécessaires, bientôt il ne nous restera de la Vendée qu’un cruel souvenir. Le cloaque impur où tous les crimes, les forfaits s’étoient amoncelés disparoitra du sol de la liberté, et le soleil de la justice dissipera les vapeurs pestilentielles qu’il exhaloit. Alors le désespoir sera pour nos ennemis. Nous triompherons pleinement. Vive la Convention, qui sera toujours notre unique point de ralliement; vive à jamais la république une et indivisible pour laquelle nous verserons jusqu’à la dernière goutte de notre sang! Crepeau, président, Mineau, secrétaire; suivent deux pages de signatures. 11 Elle décrète la même mention de celle de la société populaire du Mans [Sarthe], qui la félicite de ce qu’elle fait succéder la justice à la terreur, et qui la remercie de lui avoir envoyé le représentant du peuple Genissieu (18). (18) P. V., XLVII, 192. 182 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [La société populaire du Mans à la Convention nationale, du 21 vendémiaire an 7/7] (19) Législateurs, Tandis que vous affermissez d’une manière si glorieuse la prospérité de la France entière, votre sollicitude ne cesse de veiller sur la tranquillité et le bonheur de chaque portion de la République : mille fois nous avons eu des preuves de cette vérité : nous venons d’en être plus convaincus encore, en apprenant qu’un représentant du peuple était envoyé dans ce département. Recevez les témoignages de notre reconnaissance pour cette nouvelle marque d’intérêt. Chacun de nous attend avec impatience le représentant que vous nous déléguez, qu’il se hâte de se rendre à nos voeux, et de consolider les opérations de son prédécesseur ! Sa présence devient chaque jour plus nécessaire : des meurtres se commettent : des mains criminelles osent s’élever contre l’arbre de la liberté. Trop faibles pour réprimer seuls ces excès multipliés, nos concitoyens encouragés par votre collègue, n’auront plus que des succès à espérer, maintenant surtout que de braves défenseurs vont les aider à purger cette partie de la République des ennemis qui l’ont souillée. A son arrivée, citoyens législateurs, Genis-sieu trouvera dans cette commune de vrais républicains, prêts à voler à ses ordres, et à seconder les vues du sénat français. Pour nous, fidèles à notre institution, nous ne négligerons rien pour pénétrer nos concitoyens des sentiments qui doivent les animer. Amis sincères de la Convention, fermes dans les vrais principes, aucun sacrifice ne nous coûtera, pour les défendre. Votre adresse au peuple français ne peut que redoubler notre amour pour la liberté. Elle a été lue au milieu des plus vives acclamations. Les sociétaires et les tribunes ont témoigné une égale allégresse, en voyant que la justice et l’humanité succédaient au système de terreur établi par des tyrans que vous avez écrasés. Tous les auditeurs ont juré un attachement inviolable aux grands principes que vous avez développés. Des milliers de brigands échappés de la Vendée, sont venus expier leurs crimes dans ce département. Ils y trouveront aussi leur tombeau, ces égoistes pervers et ambitieux qui tachent de ramener les horreurs de l’ancien régime ; ces fanatiques, qui voudraient nous courber de nouveau sous le joug de la superstition ; ces lâches qui tournent contre leurs frères des armes dont ils doivent les défendre ; ces scélérats qui, dans l’espoir d’un gain exécrable, calculent froidement le meurtre et l’assassinat. La victoire qui fait éclore tant de lauriers sur les points de nos frontières, suivra aussi les drapeaux de nos guerriers dans l’intérieur de la République. Citoyens législateurs, vous avez déclaré que toutes nos armées, que plusieurs départements (19) C 322, pl. 1354, p. 24. Bull, 29 vend. M. U., XLV, 21. avaient bien mérité de la patrie. Les patriotes de la Sarthe aspirent au même honneur : ils ne négligent rien pour s’en rendre dignes. Pour la société populaire, Massal, président, Juteau, Ismin, secrétaires. 12 Le club national d’Émilion, département du Bec-d’Ambès a, le conseil-général de la commune de Paimpol b [Côtes-du-Nord], et la société populaire de Foix [Ariège] c, manifestent leur horreur à l’occasion de l’assassinat du représentant du peuple Tallien, demandent vengeance de cet attentat, félicitent la Convention sur la marche courageuse et ferme qu’elle suit depuis le 9 thermidor, et l’invitent à rester à son poste. Mention honorable et insertion au bulletin (20). a [Le club national d’Émilion-la-Montagne à la Convention nationale, du 3ème jour s.-c. an 77] (21) Citoyens représentants, La représentation nationale vient d’être violée dans la personne de Talien votre collègue, il reste encore sur le sol de la liberté des hommes ambitieux, et des ennemis du peuple. Que cette attaque inatendue, soit pour vous le mot de l’ordre, raliés vous et que ce faisceau, principale colonne de la République française, terrasse pour toujours, la tirannie, le despotisme, l’ambition et l’intrigue. Citoyens représentants, que votre courage ne se ralentisse jamais, que l’action révolutionnaire et la justice, soient toujours à l’ordre du jour, nous sommes tous debout et notre dernier serment est pour la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République ou la Mort. Lavalette, président, Sancau, Petiteau, Humbert. b [Le conseil général de la commune de Paimpol à la Convention nationale, du 6 vendémiaire an 777] (22) (20) P.-V., XL VII, 192. (21) C 322, pl. 1354, p. 22. (22) C 321, pl. 1347, p. 19.