SÉANCE DU 2 VENDÉMIAIRE AN III (MARDI 23 SEPTEMBRE 1794) - N° 46 387 Nous vous dirons que hier il fut proposé à la société de Marseille de déclarer traitres à la patrie les individus qui voudraient trouver des fripons et des dilapidateurs de la fortune publique dans la société populaire : nous ne ferons aucune observation à ce sujet. Vous remarquerez seulement qu’il est clair qu’ils ont en vue ce qui se trouve dans notre discours à cette société sur les fripons et les dilapidateurs. Nous pouvons vous assurer qu’avec de l’ensemble nous viendrons à bout de déjouer tous les complots liberticides qui sont ici à l’ordre du jour. La grande masse est bonne ici, ainsi que dans le département; mais la terreur qu’entretiennent les scélérats meneurs l’empêche de se prononcer ; et pendant ce temps-là ils cherchent à tout entraver et à se faire des partis à la Robespierre, en tenant les mêmes propos et en jouant les mêmes rôles. Salut et fraternité. J.-J. Serres, Auguis. GRANET : Je demande que Moïse Bayle donne lecture de l’adresse que nous avons écrite, il y a trois mois à la société populaire de Marseille, [ murmures ] (90) et l’on verra si nos principes ne sont pas dans le meilleur sens. Moïse BAYLE : Voici cette lettre... Plusieurs voix : L’ordre du jour. L’ordre du jour est adopté. On demande l’insertion au bulletin des lettres lues par Treilhard. L’insertion est décrétée. Moïse BAYLE : J’avais dit que Robespierre avait dénoncé aux Jacobins Fouché, comme conspirateur; que Fréron, dans son numéro d’hier, a dénoncé Granet et moi... [On lui crie de s’adresser aux tribunaux ou d’écrire] (91) L’ordre du jour ! s’écrie-t-on de toutes parts. L’assemblée passe à l’ordre du jour. DURAND-MAILLANE : On nous a dit que la lettre qui a été lue d’abord a été adressée par les représentants du peuple à la députation des Bouches-du-Rhône. Comme député des Bouches-du-Rhône, je suis bien aise de déclarer que jamais je n’ai eu communication de rien ; à l’égard des avis que nous pouvions donner à nos collègues, relativement aux localités, je déclare encore que je n’en ai donné aucun, si ce n’est à leur départ. Un autre membre de la même députation fait une déclaration pareille. MEAULLE : Je croyais que la Convention avait renoncé aux questions particulières. Plusieurs voix : Oui (90) Débats, n° 732, 20. (91) Ann. R.F., n° 3. MÉAULLE : Je crois qu’elle fera bien encore de renoncer à s’occuper des difficultés qui s’élèvent entre les députations. Prenez garde de laisser former par ces discussions un congrès fédéraliste. D’après ces motifs, je demande l’ordre du jour sur les difficultés qu’on veut faire naître. BENTABOLE : Il n’y a point là de difficultés, en vain voudrait-on le faire croire ; ce n’est qu’une explication. J’appuie au reste l’ordre du jour. [DESRUES : On a demandé l’impression des lettres au bulletin, je demande que la dernière seulement y soit insérée, parce que ces lettres renferment entr’elles une contradiction : on lit, dans la première, que l’esprit des habitans de Marseille est mauvais, et dans la seconde, on dit que la masse de cette commune est excellente. GRANET : J’appuie cette observation : elle est juste. THURIOT : Il n’y a point de contradiction réelle ; la masse des habitans de Marseille est excellente, mais elle est comprimée par la terreur, et c’est dans ce sens que Jeanbon Saint-André dit, dans sa première lettre, que l’esprit qui règne à Marseille est mauvais.] (92) L’ordre du jour est adopté (93). 46 Un membre [Ruamps] demande qu’on donne lecture des pièces qu’on dit exister, et qu’on prétend désigner Barras et Fréron comme ayant dilapidé les deniers publics. Barras et Fréron demandent la lecture des pièces, et d’être entendus pour repousser ces inculpations, qu’ils disent mal fondées. Un membre obtient la parole pour une motion d’ordre; il invoque la liberté de la presse comme le seul moyen de faire connoître les dilapidateurs. On demande le renvoi de toutes les propositions aux comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, pour en faire un prompt rapport. Cette proposition est décrétée (94). GRANET (95) : Je demande que la dénonciation contre Fréron soit renvoyée au comité de Sûreté générale. (On murmure.) RUAMPS : On dit qu’il existe des lettres où Fréron et Barras sont accusés de dilapidations. J’en demande la lecture. (92) Débats, n° 732, 21. (93) Moniteur, XXII, 57-58. Débats, n° 732, 18-21 ; J. Fr., n° 728; M.U., XLIV, 26-27, 35, 52-53; Rép., n° 3; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R. F., n° 3 ; F. de la Républ., n° 3 ; J. Perlet, n° 730 ; J. Mont., n° 147 ; Mess. Soir, n° 766 ; Ann. Patr., n° 631 ; J. Univ., n° 1764 ; J. Paris, n° 3 ; Bull., 2 vend. (94) P.-V., XLVI, 41-42. (95) Moniteur, XXII, 58-60. 388 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE BARRAS : Je demande la parole... Citoyens, il est temps que la voix de la vérité, trop longtemps comprimée, se fasse entendre dans cette enceinte. Nous avons fait de vaines tentatives pour que le rapport de notre mission dans le Midi fût enfin écouté à la tribune. Aujourd’hui l’on vient nous accuser de dilapidations. J’appelle sur ma tête la plus sévère justice, mais j’appelle aussi la même responsabilité sur celle de mes dénonciateurs. [On applaudit ] (96). Je demande que les lettres dont on [Ruamps] (97) parle soient lues à la Convention. [RUAMPS : Ce n’est pas moi qui ai les pièces] (98) [BARRAS reprend] : Je ne veux pas récriminer ; mais je vois des hommes coupables, je les vois qui baissent la tête. Je vois les auteurs des conspirations [ceux qui ont soutenu Robespierre jusqu’au moment où sa tête est tombée] (99) ; je vois ceux qui ont favorisé la contre-révolution du Midi... Je demande la lecture, et que la Convention renvoie à quelque commission qu’elle voudra. [On applaudit vivement] (100). Je réclame de sa justice qu’elle m’accorde ensuite la parole. Je ne répondrai point par des personnalités, je repousserai avec indignation la calomnie... Rappelez-vous que la Convention nous [Barras, Fréron et Saliceti] (101) avait chargés de la réduction de Toulon. Je fus envoyé à la partie gauche de l’armée de siège : que vis-je à mon arrivée? Les habitants des campagnes n’avaient pas un grain de blé pour ensemencer leurs terres. Que faisaient donc mes collègues qui m’avaient précédé? Je fis distribuer aux cultivateurs 200 charges de blé, prises sur les approvisionnements de l’armée. [La salle retentit d’applaudissemens] (102). FRERON : Et moi aussi je demande à repousser l’imposture ; il est temps que la vérité soit connue, il est temps que le voile qui la couvre soit déchiré. Il faut que la Convention sache que la contre-révolution qui vient d’éclater à Marseille est partie de Paris, qu’elle a été écrite sous la dictée des brigands qui voudraient y rétablir la tyrannie. J’ai les pièces en main ; les calomniateurs seront démasqués. On nous accuse; eh bien, je le déclare, nous avons sauvé l’armée d’Italie. Eh quels sont ces hommes qui nous accusent? ce sont ceux qui depuis six mois colportent une misérable dénonciation arrachée à un détenu, sous la promesse de le garantir de l’échafaud. Ce même homme y a été envoyé depuis par le président du tribunal de Marseille, qui était en même temps président de la société populaire. Nous avions fait arrêter des individus coupables, parmi lesquels se trouvait un ami, (96) Débats, n° 732, 21. (97) Débats, n° 732, 21. (98) Débats, n° 732, 21. (99) Débats, n° 732, 21. (100) Débats, n° 732, 22. (101) Débats, n° 732, 22. (102) Débats, n° 732, 22. un complice de Barbaroux. Nous les avions fait traduire au tribunal révolutionnaire de Paris. Qu’est-il arrivé ? Moïse Bayle, dont j’ai les lettres, s’est constitué défenseur officieux de ces individus. Hébert alors fit l’éloge du patriotisme de Moïse Bayle. J’accuse Moïse Bayle et Granet d’être les auteurs du fédéralisme qui se manifeste à présent dans le Midi. J’accuse Moïse Bayle d’avoir laissé avilir dans sa personne la représentation nationale. Des scélérats armés avaient pénétré la nuit dans sa chambre ; ils forcent son secrétaire, et contraignent Moïse Bayle, le pistolet sur la gorge, à leur livrer sa correspondance. Il obéit à cette menace, et au lieu de savoir mourir à son poste il fuit l’espace de plusieurs lieues jusqu’à Mon-télimar... Je demande que les pièces soient lues, et nous répondrons. LEGENDRE monte à la tribune. MERLIN (de Thionville) : Je demande à faire une motion d’ordre. Il ne faut pas que ces débats se prolongent davantage. Que la Convention forme dans son sein une commission, à l’appel nominal; que toutes les pièces y soient renvoyées, et que les calomniateurs soient pétrifiés. RUAMPS : J’ai dit que depuis plusieurs jours j’entendais dire que Fréron et Barras avaient commis des dilapidations. J’ai demandé qu’on les lût, afin de savoir à quoi m’en tenir. LEGENDRE : Tais-toi, tu n’es que le lieutenant, ce sont les chefs qui te soufflent. RUAMPS : Je déclare que ces pièces-là m’ont été lues à la Montagne par Granet et Escudier. LEGENDRE (de Paris) : Il est temps que la République ouvre les yeux sur les hommes qui voudraient mener la Convention, comme ils mènent une société respectable, qui n’a perdu de son lustre que parce qu’ils en sont les meneurs. (On applaudit vivement.) Ce ne sont pas ceux qui crient qui sont le plus à craindre, ce sont ceux qui gardent le silence, baissent la tête, et qui ici comme aux Jacobins, se cachent derrière la toile et mettent en avant cette légion de lieutenants qui crient pour eux. Ce n’est pas aux individus qu’ils en veulent, c’est aux principes qu’ils réclament. Ce qui les effraie davantage est ce qui a toujours effrayé tous les tyrans, la liberté de la presse (On applaudit.), la liberté de la presse qui les écraserait. Savez-vous quels sont les infâmes lieutenants dont ils se servent? ce sont des hommes qui ont rendu l’océan témoin de leurs crimes, qui ont rougi la mer par le reflux ensanglanté de la Loire. Citoyens, le navigateur qui recevait le baptême en passant sous le tropique ne voudra plus marquer ainsi cette époque de son voyage dans la crainte d’être inondé de sang. (On frémit.) Et voilà les hommes que l’on a mis en avant; voilà ceux qui ont mis les Jacobins en feu, et qui voudraient aussi jeter parmi nous les tisons de la discorde. Les Jacobins les connaîtront bientôt. J’entends par les Jacobins les hommes honnêtes qui ne redoutent rien de la censure pu- SÉANCE DU 2 VENDÉMIAIRE AN III (MARDI 23 SEPTEMBRE 1794) - N° 46 389 blique, qui peuvent se mettre sans crainte sous le poids d’une accusation (on applaudit), qui peuvent dire à tous les scélérats dont l’habitude est de calomnier : Voilà ma vie, je te défie d’y trouver un fait contre la probité et l’honneur. L’homme qui parlerait de cette manière à tous les faux Jacobins les tuerait tous. Sous peu on les connaîtra, ces hommes qui dans une circonstance mémorable, osèrent faire rivaliser la commune avec la Convention ; ces hommes qui témoins de la chute de la commune du 9, voudraient la ressusciter aux Jacobins ; ces hommes qui ont fait de la salle des Jacobins un théâtre où chacun d’eux joue un rôle plus ou moins odieux. L’histrion est sur les planches, et Robespierre au trou du souffleur. (On rit et on applaudit .) Citoyens, rappelez -vous que Necker et La Fayette craignaient la liberté de la presse ; le dernier proscrivit Marat qui en était l’apôtre. Si elle eût existé du temps de Charles IX, lors de ces conciliabules infâmes où ce tyran concerta, avec le cardinal de Lorraine et Catherine de Médicis, le massacre de la Saint-Barthélemy, l’amiral de Coligny n’eût point été égorgé, et nous n’aurions pas à verser des larmes sur cette époque fatale. (Vifs applaudissements.) L’honnête homme ne craint point la liberté de la presse. (On applaudit de nouveau ; toute l’Assemblée se lève en criant : Non, non.) Tout homme juste et pur doit sommer les journalistes honnêtes de dire à tous ses concitoyens si jamais il a dévié un instant des principes, et si l’on peut lui reprocher quelque chose. Il doit porter le défi à tous les scélérats qui ne s’occupent qu’à noircir les hommes les plus purs. Quand on entre à la Convention, on est entouré d’une foule de lieutenants, comme je le disais tout à l’heure. Je pourrais les nommer, mais comme je ne veux pas que cette discussion dégénère en personnalités, je me tais ; que chacun se reconnaisse. (Applaudissements.) Je déclare, avec l’énergie et la franchise d’un républicain, que ceux qui, après avoir aidé à renverser le tyran, voudraient le remplacer, périront comme lui. (Oui, oui, s’écrient tous (103) les membres en se levant.) (Vifs applaudissements.) On ne peut pas attaquer la liberté de la presse qui est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme ; mais on attaque les individus qui en usent et qui la défendent. Quand les attaque-t-on encore? C’est lorsqu’on les a obligés d’écrire pour repousser les calomnies lancées contre eux. Robespierre se comportait ainsi. Remarquez que du temps de Robespierre on chassait des Jacobins les représentants du peuple à cause des opinions qu’ils avaient émises dans la Convention ; aujourd’hui les députés sont encore chassés des Jacobins pour leurs opinions dans le sein de la Convention. C’est le même système : le temps en démasquera les ambitieux auteurs, et les Jacobins les chasseront à leur tour. (Ap-(103) Ann. Patr., n° 631 précise : «excepté quelques membres du haut. » plaudissements.) Ils sont en petit nombre, ces scélérats; les Jacobins en feront justice, car ils savent que c’est à la Convention seule de tenir les rênes du gouvernement; ils savent qu’aucune autorité, qu’aucun pouvoir, qu’aucun corps ne doivent rivaliser avec elle ; ils savent qu’elle ne sera plus jamais opprimée, parce que tant qu’il restera ici un homme libre il se reposera sur la force du peuple du soin de faire respecter les principes, et soutiendra les sociétés populaires. (Oui, oui, s’écrie toute l’Assemblée en se levant.) Il n’appartient à aucune puissance de les détruire. Il n’appartient qu’au peuple en masse, qu’au peuple souverain, de souffrir ou de rejeter les sociétés populaires. Si jamais il se portait à les détruire, je lui dirais, et tous les vrais patriotes lui diraient avec moi : Que ces sociétés sont les boulevards de la révolution, les surveillants les plus redoutables des ennemis intérieurs. (Applaudissements.) Mais il ne faut pas que les citoyens qui les composent se laissent mener par une poignée de misérables. Il ne faut pas que les Jacobins qui ont rendu de grands services à la révolution, mais qui depuis Mirabeau jusqu’aux Lameth, depuis Bamave jusqu’à Robespierre, ont toujours eu des chefs sans s’en apercevoir, et qui en auront bientôt d’autres si l’on n’y prend garde ; il ne faut pas, dis-je, que les Jacobins souffrent qu’on disent à leur tribune : que bientôt un rocher se détachera de la montagne pour écraser tout le reste ; ils ne doivent pas souffrir qu’on dise au milieu d’eux : Nous serons assez de cinq à six.... Plusieurs voix : C’est Vadier. LEGENDRE : Cinq à six ! le peuple vous pulvérisera tous. (Vifs applaudissements.) Nous ne pouvons nous dissimuler que les troubles de Marseille ont été organisés ici. Ils sont le résultat de la division de la députation des Bouches-du-Rhône. Moïse Bayle venait au comité de Sûreté générale, et nous disait : recevez la dénonciation de cet homme que je vous présente ; il faut faire arrêter tant de personnes, sinon la contre-révolution est faite. L’autre partie de la même députation venait nous dire : Vous opérerez infailliblement la contre-révolution, si vous faites arrêter tel et tel; ce sont de bons patriotes que vous opprimerez. Les Marseillais, les Arlésiens, et tous les gens du Midi qui sont venus ici y ont été appelés par les premiers dont ils répétaient les discours. Que vouliez-vous que fit votre comité dans cette incertitude? Je vous le dis, citoyens, il est des hommes qui voulaient organiser à Paris un mouvement qui secondât celui de Marseille ; mais votre décret a déjoué leur projet ; ils auraient trouvé d’ailleurs dans Paris un grand nombre d’hommes qui s’y seraient opposés. Je veux parler de cette classe intermédiaire du peuple, de cette classe timide, que la peur rendait égoïste, qui craignait que la Convention n’eût pas la force de renverser la commune de Paris ; mais cette classe est réunie au peuple aujourd’hui ; elle a repris toute son énergie dans la nuit mémorable du 9 thermidor ; elle s’est réu- 390 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE nie à ceux qui, depuis le commencement de la révolution n’ont cessé de faire des sacrifices, de prodiguer leur fortune et leur vie pour le soutien de la liberté. Il n’y a plus maintenant qu’un seul esprit unanime de tous les citoyens qui se sont ralliés à la Convention, et qui y sont déterminés comme elle à sauver la République. ( Applaudissements .) Citoyens, jetons loin de nous, en entrant dans cette enceinte, le manteau des haines particulières. Voyez les drapeaux des nations avec lesquelles vous êtes alliés ; eh bien, joignez-y le drapeau moral de vos sentiments. (Vifs applaudissements.) Nous avons promis d’opérer le bonheur du peuple, tenons-lui parole : sauvons notre pays ; et quand vous aurez rempli cette tâche glorieuse vous vous assommerez si vous voulez. (On rit et l’on applaudit .) On voudrait exciter une insurrection, en faisant croire que la Convention veut anéantir les sociétés populaires, et des hommes exagérés s’en vont criant partout : «Vivent les Jacobins » ; La Convention ne crie pas : « vivent les Jacobins » ; mais elle crie : « vive le peuple, vivent les sociétés populaires, vivent tous les patriotes bien intentionnés, et périssent tous les coquins!» (Applaudissements.) Le gouvernement doit régir avec une main de fer; mais cette main doit être celle de la justice. Je demande que celui d’entre nous, qui élèvera la voix pour accuser son collègue sur des faits particuliers, soit rappelé sévèrement à l’ordre. (Applaudissements.) FRÉRON : Je demande à dire un mot qui jettera un trait de lumière sur nos accusateurs : ils étaient aussi les accusateurs de l’homme immortel que vous avez conduit au Panthéon il y a deux jours. En voici la preuve. Voici ce qu’ils ont imprimé et publié contre Marat. Après un torrent d’injures, adressées à ce martyr de la liberté, ils terminent leur diatribe par ces mots : «Tu parles encore dans ton numéro 5 d’un projet d’assassinat contre toi. On voit bien, Marat, que tu veux te donner de l’importance, surtout lorsque tu prêtes au peuple d’avoir dit qu’il y aurait des têtes abattues, si le décret d’accusation était lancé contre toi. Apprends que les députés des Bouches-du-Rhône ne craignent point que leurs têtes soient abattues, et que, si véritablement tu méritais qu’on s’occupât assez de toi pour te décréter d’accusation, ils voteraient avec la même tranquillité que s’il s’agissait d’ordonner le dessèchement d’un marais pestilenciel. » Cette pièce est signée Moïse Bayle et Gra-net. [Cette lettre continue Fréron, n’a-t-elle pas aiguisé le poignard de Charlotte Cor-day?] (104) Moïse BAYLE : Fréron n’est pas de bonne foi, car il ne lit pas toutes les signatures. FRÉRON : Les autres sont guillotinés. (104) J. Perlet, n° 730. Moïse BAYLE : Citoyens, vous me voyez avec la sérénité d’un homme qui n’a rien à se reprocher; Je suis arrivé à Paris le 30 septembre, et le 1er octobre je vins à la Convention. Je n’avais jamais vu, ni connu Marat, que la députation entière des Bouches-du-Rhône... (Il se fait du bruit dans une partie de la salle.) GRANET : C’est faux. Plusieurs voix : L’ordre du jour. MERLIN (de Thionville) : Je demande que les accusations soient renvoyées aux trois comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, pour en faire un prompt rapport qui rende la parole aux honnêtes gens accusés, et fasse taire les fripons. Le renvoi est décrété (105). 47 Un membre [Jean De Bry] prononce une opinion sur les fondemens de la morale publique ; la Convention ordonne l’impression du discours, renvoie à ses comités de Salut public, de Sûreté générale, d’instruction publique et de Législation, les projets de décret qui les terminent, et charge ses comités de lui faire, dans le délai de deux décades, un rapport sur les mesures d’intérêt général qui leur ont été renvoyées depuis le 9 thermidor (106). Discours de Jean De Bry sur les institutions républicaines, prononcé dans la séance du 2 vendémiaire (107). Je vous ai exposé dernièrement ma pensée sur l’état où je croyois que se trouvoit la Convention nationale, et sur les moyens d’en rallier les membres, sur ceux de résister à nos implacables ennemis par notre contenance, sur ceux enfin qui pourraient attacher imperturbablement au sénat de la France cette confiance générale qui doit reposer sur chacune de nos têtes : aujourd’hui, c’est hors de nous que je viens porter l’application des mêmes principes ; car si le peuple a besoin de notre intégrité pour se reposer sur nous, nous avons besoin qu’il soit éclairé, formé et préservé des fausses suggestions, pour que la loi ne rencontre point d’obstacles, et afin qu’il suive comme les arrêtés de sa propre volonté, (105) Moniteur, XXII, 58-60. Débats, n° 732, 21-26 ; J. Fr., n° 728 ; M. U., XLIV, 27 ; Rép., n° 3 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R.F., n° 3 ; F. de la Républ., n° 3 ; J. Perlet, n° 730 ; J. Mont., n° 148 ; Mess. Soir, n° 766 et 767 ; Ann. Patr., n° 631 ; J. Univ., n° 1 764 ; J. Paris, n° 3. (106) P.-V., XLVI, 42. C 320, pi. 1327, p. 19. Signé J. De Bry. Décret non numéroté. Rapporteur : Jean De Bry. (107) M. U., XLIV, 188-192, 206-208, 219-223, 238-240, 250-255. Moniteur, XXII, 60 ; Débats, n° 732, 26 ; J. Fr., n° 728 ; Rép., n° 3 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R.F., n° 3 ; F. de la Républ., n° 3 ; J. Perlet, n° 731 ; J. Mont., n° 148 ; Mess. Soir, n° 767 ; J. Univ., n° 1 764 ; J. Paris, n° 3.