SÉANCE DU 9 VENDÉMIAIRE AN III (30 SEPTEMBRE 1794) - N° 71 181 la Vendée : il déclare qu'il est étranger aux horreurs qui ont pû être commises dans ce pays (95). HENTZ : Je viens donner à la Convention des éclaircissements sur ce qui a été dit hier dans la séance, à l’occasion des horreurs commises dans la Vendée. J’ai été inculpé avec mon collègue Francastel. Voici ce qui s’est passé : • ’ Le général Turreau imagina, au commencement de l’hiver, de vouloir détruire entièrement les brigands. Il ne restait alors à Charette que 3 ou 400 hommes. Turreau divisa son armée en douze colonnes, qui avaient ordre de tout brûler. Qu’arriva-t-il? le peuple se révolta; plusieurs de nos postes furent égorgés, les rebelles reprirent Cholet ; on se battit à Vezins qui est auprès ; nous eûmes le désavantage. C’est alors que le comité de Salut public nous envoya Gar-rau et moi. Si donc Turreau a égorgé des femmes et des enfants, nous n’y avons point eu de part, puisque nous n’avons été envoyés qu’après que le mal a été commis. Quavons-nous fait? Nous avons pris un arrêté pour inviter tous les bons citoyens à se réunir à vingt lieues des départements ravagés, afin d’isoler les brigands pour les détruire avec plus de facilité. Nous avons promis à ces malheureux habitants des secours de la part de la République. Nous avons envoyé des prisonniers avec des passeports, en leur disant : retournez auprès de vos camarades, engagez-les à nous livrer leur chef; nous leur donnerons leur grâce à tous. Nous avons fait une tournée dans la Vendée; nous déclarons que nous n’avons pas vu égorger un seul homme, nous ne l’aurions jamais souffert. Voici comme nous écrivions à Turreau : « Songe que quelque parti que tu prennes, tous, à l’exception de la victoire, t’exposent à une responsabilité terrible » (96). [A Angers, on nous amena une femme habillée en homme que l’on avoit prise les armes à la main ; elle étoit de l’armée du brigand Stof-flet ; nous la renvoyâmes de même, pour qu’elle déterminât les rebelles à quitter les armes, en leur promettant de notre part l’oubli de leur rébellion. Quand aux généraux, nous étions loin de les soutenir après avoir parcouru nous-mêmes la Vendée, mais sans y avoir vu tuer un seul homme, si ce n’est dans les combats, nous fûmes peu contens de la conduite du général en chef et nous lui écrivîmes qu’il ne pouvoit reculer plus longtems la destruction de cette guerre, sans appeler sur sa tête la responsabilité la plus grande. Hentz donne ici lecture de cette lettre.] (97) Nous déclarons encore que nous n’étions pas contents des généraux, mais nous n’en avions pas d’autres. On dit qu’il y a un arrêté de nous pour faire brûler 60 villages : nous disions au contraire à Turreau : tu ne brûleras que ce qui est indispensable à la destruction des brigands. (95) P.V., XLVI, 195. (96) Moniteur, XXII, 123. (97) Rép., n° 10. Nous vous devions des explications, parce que les journaux retentissent des horreurs vomies contre nous. Quand aux alarmes que l’on cherche à répandre, nous vous assurons qu’il n’y a que les partisans de l’aristocratie qui puissent vouloir donner de la consistance à cette guerre; elle ne peut plus devenir dangereuse pour la République (98). [Bientôt au reste, je vous présenterai un rapport : je n’ai qu’un mot à ajouter, c’est que la guerre de Vendée n’a point de consistance politique, et qu’on a voulu persuader qu’elle en avoit, qu’afin d’y rallier tous les amis de la royauté.] (99) BENTABOLE : Quelles que soient les explications données par notre collègue, il est certain qu’il y a peu de représentants envoyés dans la Vendée auxquels on n’ait des reproches à faire. Nous devons suspendre notre jugement jusqu’au rapport que la Convention a chargé ses comités de lui présenter sur cet objet. Je dois le dire, notre collègue Hentz a pris aussi des mesures barbares qui ont déshonoré nos armes; il existe de lui un arrêté, qui a été imprimé en allemand, par lequel il ordonnait de brûler une ville entière, parce qu’il s’y trouvait des aristocrates. Est-ce en agissant avec cette cruauté qu’on peut faire aimer, bénir la Révolution? Je n’accuse pas les intentions de notre collègue, mais il pourrait bien avoir des reproches à se faire. Je demande le renvoi aux comités (100). [Hentz a aussi déclaré que les départemens du Rhin et de la Moselle étoient en contre-révolution, ce qui ne pouvoit qu’alimenter les espérances de nos ennemis, et décourager les patriotes. Hentz observe que ce dernier fait est étranger à la question et qu’il y répondra quand il sera tems. Quand à la ville dont il a ordonné le brûlement, il déclare qu’il n’a donné cet ordre que pour sauver les bataillons. Francastel demande aussi à se justifier, mais on réclame le renvoi du tout aux comités chargés du rapport à faire.] (101) [Hentz appuie lui-même le renvoi, et déclare qu’il fait imprimer un rapport qui le justifiera pleinement et son collègue Francastel de tous les faits qui leur sont imputés. Le renvoi est décrété.] (102) Cette déclaration est renvoyée au comité de Salut public (103). (98) Moniteur, XXII, 123. (99) Rép., n" 10. (100) Moniteur, XXII, 123. C. Eg., n° 773; Débats, n 739, 120-121; F. de la Républ., n° 10; Gazette Fr., n” 1003; J. Fr., n° 735; J. Paris, n° 10; J. Perlet, n° 737; Mess. Soir, n" 773; M. U., XLIV, 140-141; Rép., n 10. (101) Rép., n° 10. (102) Ann. R. F., n 10. (103) P.-V., XLVI, 195. Décret de renvoi attribué à Ben-tabole par C* II 21, p. 4.