205 [États gén. 1789. Cahiers.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] CORVÉES. Art. 5. Nous n’étions sujets, comme il vient d’être dit, à l’entretien d’aucuns chemins, mais nous l’étions à une corvée de chevaux pour aider au passage des troupes du Roi. Nous sommes à plus de deux lieues de Louvres, où les troupes passent et séjournent. Le maire ou syndic de Louvres envoie des ordres dans les paroisses cir-convoisines de fournir tel nombre de chevaux de trait ou de selle, qu’il lui plaît. Il n’y a que nos deux fermiers qui aient des chevaux ; tous les habitants ensemble ne possèdent que trois maset-tes, dont la meilleure ne vaut pas 30 livres ; on demande cependant à les leur louer ; et l’amende, faute de les fournir, est de 12 livres, qui font plus de moitié de la valeur de l’animal. L’abolition des corvées semblait comprendre celle-là.. Nous supplions Sa Majesté et les Etats généraux de nous décharger de cette corvée, d’où les chevaux reviennent le plus souvent dans le plus pitoyable état, et hors d’état de travailler de plusieurs jours. MESSAGERIES. Art. 6. Nous demandons aussi d’être délivrés de la tyrannie qu’exercent sur nous les fermiers des messageries. Ils n’ont de voitures que pour les gens aisés; ils n’ont, pour tout notre canton, qu’une seule guinguette à huit places, qui ne part que trois jours de la semaine. La place est de 36 sous pour aller à Paris, sans compter le pour-boire au cocher, et autant pour revenir. Ils n’ont aucune voiture pour les pauvres, qui sont réduits ou à payer les 36 sous ci-dessus, qu’ils n’ont pas, ou à aller à pied. On aurait cru au moins avoir la liberté de monter dans une charrette, allant ou revenant à vide: l’avidité des fermiers des messageries a mis un impôt sur les charrettes. Ils ont établi qu’elles seraient obligées de prendre une permission d’eux qu’ils fixent à volonté; à défaut de quoi, ils saisissent charrettes et chevaux, et font condamner à des amendes considérables. Ils portent plus loin la cruauté : un pauvre homme qui à peine peut marcher, une nourrice ayant son nourrisson dans ses bras, sont rencontrés, par leur commis, dans une charrette, sans permission ; ils les font descendre et aller à pied jusqu’au premier village, où on leur fait prendre une permission. Nous demandons d’être délivrés de cette vexa*- tion. Suit la teneur de la permission délivrée par le bureau : N° 5046. BUREAU DU BOURGET. DE PAR LE ROI. Bureau des carrosses et messageries royales des environs de Paris et autres y réunies. Il est permis au nommé Lacroix, voiturier de... de conduire à... une personne dans un... attelé de ses chevaux; ce qu’il a déclaré faire dans un... et parti pour Paris. Pour lequel permis, j’ai reçu la somme de 6 sous, avec défenses audit... de* se charger d’un plus grand nombre de personnes que ci-dessus énoncées, et de n’en ramener aucune pour le retour, ni paquets, sans une permission expresse d’un des directeurs ou contrôleurs desdites messageries. Il lui est expressément ordonné de n’aller qu’au pas et au trot, journée réglée, et sans relais. En outre sera tenu ledit conducteur de faire viser le présent dans les bureaux, même aux contrôleurs sur les chemins, s’ils l’exigent, aux peines portées par les édits, déclarations, ordonnances et arrêts concernant lesdites messageries. Le présent nul après les jours ci-dessus expirés. Fait à Bourget, le... 1789. Signé Barré. GIBIER. Art. 7. On aurait le plus grand tort de se plaindre du gibier dans le territoire de Villeron; mais comme des paroisses plus éloignées de nous s’en plaignent avec raisop, nous chargerons nos députés ci-après nommés de les aider, de tout leur pouvoir, à obtenir du soulagement. Art. 8. Nous demandons la suppression de la gabelle. Art. 9. Nous demandons la suppression des fermes générales. Les deux fermiers, mentionnés ci-dessus, Antoine-Félix Boisseau, fermier de la seigneurie, et Jean-François Michel, fermier, de la ferme de Yollerand, présents en l’assemblée, ont refusé de signer le présent cahier ; d’après quoi : D’une seule et unique voix, et d’un commun accord, les paroissiens assemblés ont nommé le sieur Etienne Regnard, bourgeois et ancien laboureur, et sieur Gabriel Claude, prévôt, syndic de la municipalité, députés ; et avons signé : Signé Provin; Pierre David; Louis Mhit; Tau-pin ; Ceitaux; Petrus ; de Ghosal ; Alexandre Vincent ; Antoine Devouges ; Mathias Vincent ; De-rintez; Michel Dubray; Vincent. CAHIER Des plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Villetaneuse (1). Art. 1er. Etablissement des Etats généraux et permanents ; et constitution nouvelle du royaume, qui tende à rendre les hommes heureux. Art. 2. Que les Etats généraux se tiennent le plus souvent possible, tous les ans, ou deux au plus tard. Art. 3. Abolition de tous les impôts, et érection d'un seul impôt sur les terres, qui puisse compenser les anciens, et subvenir aux besoins de l’Etat, et qui sera payé par les nobles, le clergé, et le tiers-état. Art. 4. Destruction des monopoles sur les blés. Art. 5. Abolition des lettres de cachet; et que toutes les lettres, écrits de confiance, soient déclarés sacrés et inviolables. Art. 6. Qu’aux Etats, les voix se comptent par tête et non par ordres. Art. 7. Que la justice soit administrée promptement et gratuitement à tous, et particulièrement aux pauvres, par juges compétents et non suspects. Art. 8. Que la loterie de France, et autres loteries, et les jeux du hasard, soient supprimés. Art. 9. Que les Etats généraux du royaume soient composés de douze cents, au moins. Art. 10. Abolition du déshonneur des familles. Art. 11. Que les voitures publiques n’empêchent pas les pauvres de monter dans les charrettes qu’ils trouvent vides sur les routes. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 206 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] Art. 12. Abolition du droit des chasses, et destruction du gibier et des pigeons. Art. 13. Abolition du dépôt de mendicité et de fainéants ; et que l’on procure de quoi subsister aux pauvres et infirmes, et vieillards, et estropiés. Art. 14. Abolition d’une multitude de serments inutiles. Art. 15. Réduire les fermiers à 300 arpents, afin que les familles se multiplient dans l’Etat. Art. 16. Abolition de la dîme en nature, tant du vin que du blé, et légumes, et autres denrées, en donnant la somme due en argent au gros dé-cimateur, qui sera réglée par les Etats généraux, pour chaque arpent. Art. 17. Que les çabaretiers des paroisses ne vendent de vin, les dimanches, à aucun habitant de la paroisse, chez lui, afin que le service divin soit mieux observé. Art. 18. Et en outre, nous chargeons lesdits députés de dire tout ce qui leur viendra dans la mémoire pour le bien public. Art. 19. La suppression des barrages et péages, et de tous autres impôts qui interrompent la liberté du commerce et la circulation des denrées de première nécessité pour les aliments des habitants d’un village à un autre. Art. 20. L’abolition des milices, fléau des habitants des campagnes, qui empêchent la population, les jeunes gens se retirant à Paris, ou se mettant domestiques pour s’en affranchir. Art. 21 . L’entretien 'des pavés pour communiquer d’un village à un autre. Fait et arrêté en l’assemblée des habitants de la paroisse de Villetaneuse, tenue le 13 avril 1789. Signé Jérôme Couty; Henri Beaugrand ; Antoine Gilles; Guimot; Boridoux ; Jacques Dru; Boulard; Fauveau ; Vincent Ledru; Bréauté ; Jean-Jacques Fauveau. Côté par première et dernière page, et paraphé ne varietur , par nous, Gabriel-Denis Luanneau, au désir du procès-verbal de cejourd’hui, 13 avril 1789, et avons signé et fait coritre-signer par notre commis greffier. Signé Lanneaü ; Riveau. CAHIER Des demandes et représentations des habitants corps , et communauté de la paroisse de la Vil - lette-lès-Paris (1). L’assemblée des habitants de la paroisse de la Villette, pénétrés de reconnaissance pour la bonté paternelle de Sa Majesté, porte à ses pieds l’born-mage de ses respects et de ses vœux, et la supplient de vouloir bien considérer avec bonté les différents articles ci-après : Art. 1er. Aucunes lois n’auront le caractère de loi, si elles ne sont sanctionnées par les Etats généraux, et ensuite enregistrées au parlement, qui sera responsable envers la nation de l’exécution d’icelles. Art. 2. Que les ministres et leurs préposés se-ront responsables envers la nation. Art. 3. Que les Etats généraux seront convoqués au moins tous les trois ans. Art. 4. L’établissement d’Etats provinciaux composés de membres librement élus suivant des formes constantes, et dans lesquelles le tiers-état soit égal en nombre au clergé et à la noblesse ; (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de t’ Empire. lesquels Etats provinciaux dureront pendant l’intervalle des tenues d’Etats généraux, et connaîtront de la répartition à faire, dans chaque district, des impôts établis par les Etats généraux ; qu’ensuite, chaque district, composé des représentants des paroisses, procédera aune répartition qui fixera ce que chaque paroisse devra supporter, et qu’enfin, chaque paroisse répartira sa quote part entre tous les habitants. Art. 5. La liberté individuelle de tous les citoyens, et de tous les Français, qui ne pourront être privés de la liberté que par ordonnance de leur juge naturel et compétent ; et dans le cas que, par des raisons d’Etat ou pour la sûreté des familles, quelqu’un serait arrêté en vertu d’ordres du Roi, qu’il soit remis, dans les vingt-quatre heures, entre les mains dé la justice ordinaire, pour être procédé contre lui, suivant l’exigence des cas et la rigueur des ordonnances. Art. 6. Que le secret des lettres soit inviolable, et qu’elles ne soient ni arrêtées ni décachetées à la poste. Art. 7. La suppression des capitaineries, et que les seignenrs soient tenus de s’abstenir de chasser dans aucune terre ensemencée ni dans les clos. Art. 8. La suppression de tous privilèges pécuniaires, tant des nobles que du clergé, et des bourgeois de Paris, pour leurs maisons'j jardins, clos et terres. Art. 9. L’abolition de tous les privilèges exclusifs, qui attaquent la culture, l’industrie, les arts et le commerce. Art. 10. La réformation des lois civiles et criminelles, et la diminution des frais et des longueurs de la procédure. Art. 11. Qu’il n’y ait aucunes distinctions d’ordres, rangs ni qualités, pour la punition des crimes; et que la peine soit égale et commune entre le clergé, la noblesse et le tiers-état. La suppression de toute question quelconque, et du supplice de la roue, et de la confiscation des biens. Art. 12. La fixation du pain à un taux où le pauvre puisse atteindre, à moins qu’il ne soit prouvé que les récoltes ont entièrement et généralement manqué. Gomme aussi, la fixation de la viande de boucherie à un taux modéré où le malheureux puisse atteindre, à moins qu’il n’y ait preuve que les fourrages et les bestiaux ont manqué. En conséquence, que le prix de la viande et du pain ne sera plus à l’arbitraire du boulanger et du boucher, mais sera fait en pleine audience, tous les huit jours, par les officiers de police, d’après le prix courant du marché le plus voisin. Art. 13. L’établissement de travaux publics, notamment dans l’hiver et les années calamiteuses, où tous les pauvres, en état de travailler, soient admis, et où ils puissent trouver un salaire proportionné au prix des denrées de la première nécessité. Art. 14. La suppression du dépôt de mendicité établi à Saint-Denis, ou, au moins, une meilleure administration, afin que le pauvre, vraiment pauvre, ne puisse y être confondu avec le scélérat et les vagabonds,' et gens sans aveu ; qui, en conséquence, ne pourront être conduits et renfermés audit dépôt; lequel ne servira que pour la mendicité, et où les pauvres pourront y trouver le travail, le pain et les secours, en cas de maladies ou d’infirmités; le tout sous l’inspection des juges des lieux, sans que la police de Paris ni le sieur intendant en puissent prendre connaissance.