292 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. IV. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (105). 53 La société populaire de Valborgne-du-Gard [ci-devant Saint-André-de Valborgne, Gard] se plaint que de mauvais citoyens vendent à un prix excessif le bétail sur pied, sous prétexte que la loi du maximum ne l’a pas encore atteint. Renvoyé au comité de Commerce et ap-provisionnemens (106). 54 La société populaire de Carpentras [Vaucluse] réclame contre une prétendue adresse faite en son nom à la Convention par des intrigans et des oppresseurs, et à laquelle elle dit que le comité de Correspondance a répondu qu’il félicitoit les bons citoyens de Carpentras d’avoir fait fuir les aristocrates et les modérés qui s’étoient emparés du bureau de la société populaire. Elle assure que les aristocrates et les modérés n’ont jamais siégé à son bureau. Elle appelle l’attention de la Convention sur les malheureuses victimes immolées avant les mémorables journées des 9 et 10 thermidor, et spécialement sur les femmes, les vieillards et les enfans de la commune de Bédoin, qui a été livrée aux flammes; elle dénonce le tribunal sanguinaire qui a en outre livré à la mort soixante-trois citoyens de tout âge et de tout sexe, pour punir deux ou trois scélérats arracheurs d’un arbre de la liberté, et le nommé Suchet, commandant le quatrième bataillon de l’Ardèche, qui s’est ménagé le barbare plaisir d’une fusillade. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi aux comités de Sûreté générale, de Salut public et des Secours publics (107). ROVÈRE : Je demande la lecture d’une adresse de la société populaire de Carpentras; cette adresse est sur le bureau. (105) P.-V., XLVII, 270-271. C 321, pl. 1337, p. 48, minute de la main de Lozeau. Décret attribué à Cambon par C* II 21, p. 13. Bull., 28 vend. Moniteur, XXII, 288; Débats, n' 757, 423-424 ; Ann. Patr., n' 657 ; Ann. R.F., n° 29 ; C. Eg., n° 792 ; F. de la Républ., n” 29; Gazette Fr., n” 1022; J. Fr., n” 754; J. Paris, n" 29; J. Mont., n° 7 \ J Perlet, n° 756; Mess. Soir, n° 792; M. U., XLIV, 445; Rép., n 29. (106) P.-V., XLVII, 271. (107) P.-V., XLVII, 271. Ann. Patr., n° 657 ; C. Eg., n° 792 ; F. de la Républ., n° 29; J. Fr., n° 754; J. Mont., n° 7 ; J. Paris, n° 29; J Perlet, n” 756; M. U., XLIV, 446; Rép., n” 29. Un secrétaire la lit (108) : Adresse à la Convention nationale délibérée dans la société populaire de Carpentras, Vaucluse, dans sa séance du 14 vendémiaire, l’an troisième de l’ère républicaine (109). Egalité. Probité. Liberté. Législateurs, La vérité, dont les accens avoient été étouffés jusqu’en ce jour, se fait entendre de tous les points de la France. La République ne doit son salut qu’à l’énergie brûlante et au vertueux courage que vous avez déployé au milieu des orages formés pour sa ruine... Recevez de nouveau l’expression de notre gratitude. La présence des vertueux Représentans que vous avez envoyés dans nos Départemens, vient d’arrêter la marche de la scélératesse, en réduisant au silence une faction monstrueuse qui se jouoit impunément de la vie des hommes. Marseille alloit encore devenir le fléau de la République, l’horrible conspiration qui se tramoit dans son enceinte, étoit ourdie par des suppôts de Robespierre, soutenus par tous les fripons du midi, qui, sans moeurs, sans facultés avant la révolution, avoient trouvé, dans la pratique du crime, le secret de vivre dans l’abondance et dans l’oisiveté la plus crapuleuse... C’est à cette classe d’oppresseurs, c’est à leur intrigue qu’est due une dernière adresse, dite de la Société populaire de Carpentras, qu’on ne trouve point dans ses registres, mais à laquelle votre comité de Correspondance a répondu : qu’iZ félicitoit les bons citoyens de Carpentras d’avoir fait fuir les aristocrates et les modérés qui s’étoient emparés du bureau de la Société populaire... Les aristocrates et les modérés s’emparer du bureau!... qu’elle insigne fausseté.... ils n’ont pas eu eux-mêmes la hardiesse de soutenir cette adresse, et nous la désavouons authentiquement. Méfiez-vous, Représentans, de ces circulaires, dictées par l’audace désespérée de voir finir un système oppressif, et n’y voyez que les efforts impuissants de ces ran-çonneurs qui se flattoient de pouvoir traîner encore aux tribunaux de Robespierre des citoyens assez vertueux pour oser dévoiler leurs forfaits. Non, Représentans, les aristocrates et les modérés n’ont jamais figuré au bureau de la société épurée de Carpentras ; elle ne marche que d’après les principes de la Convention nationale. Aussi voue-t-elle à l’exécration publique les intrigans qui ont voulu l’entraîner dans leur chute... Les vrais patriotes vous diront, aujourd’hui, des vérités auxquelles, sans doute, vous n’auriez pas été sourds, s’ils avoient pu se faire entendre plus tôt... Nous ne pourrons nous (108) Moniteur, XXII, 290-291. (109) C 322, pl. 1353, p. 51, adresse imprimée à Carpentras, chez Vincent Raphel, imprimeur de la société populaire, 4 p. Bull., 28 vend. Débats, n° 758, 430-431. SÉANCE DU 28 VENDÉMIAIRE AN III (19 OCTOBRE 1794) - N° 54 293 rappeler les mémorables journées des 9 et 10 thermidor, sans bénir la Convention nationale ; mais aussi sans verser des larmes amères sur les malheureuses victimes immolées dans nos contrées avant cette glorieuse époque. Nous avons, sous nos yeux, les décombres encore fu-mans d’une commune qui, par la fertilité de son terroir et l’industrie de ses habitans, alimen-toit nos marchés... Nous frémissons d’horreur en rencontrant, tous les jours, les femmes, les vieillards et les enfans de Bédoin devenus la proie des flammes... Mais hélas! un tableau de ce genre peut-il être tracé par des coeurs républicains? Pères du Peuple, transportez-vous un instant sur la scène de ces dégoûtantes horreurs; voyez-y des cabanes ouvertes à toutes les intempéries des saisons, servant d’asile à des familles plongées dans la plus affreuse misère; voyez-y un malheureux vieillard, qui, privé du seul appui de ses jours, et ne voyant, dans tout ce qui l’entoure, que la tristesse et le deuil, se trouve dans l’impuissance d’être secouru sur le reste d’une vie trop lente à s’évanouir. Et toi, patrie reconnoissante, verras-tu sans émotion, deux cent quatre-vingt-seize de tes défenseurs qui versent leur sang pour détruire tes ennemis, tandis qu’un tribunal inhumain répand froidement celui des auteurs de leurs jours, et livre leurs maisons et leurs propriétés aux flammes et au pillage? Voyez-y enfin le spectacle déchirant des exécutions les plus révoltantes... Le sol qui est encore teint de sang, vous désignera la place où un énorme échafaud servoit de perspective à de malheureux agriculteurs ; jugez vous-mêmes ensuite des intentions d’un tribunal qui, pour punir deux ou trois scélérats arracheurs d’arbres de la liberté par spéculation, a fait traîner au supplice, soixante-trois citoyens de tout sexe et de tout âge... Leurs mânes y citeroient surtout à votre tribunal auguste, un monstre abominable puant le sang humain; un être que sa nature paroît avoir vomi pour le malheur de nos contrées ; Suchet, commandant du quatrième bataillon de l’Ardèche, qui, pour se ménager la jouissance d’une fusillade, demande et obtient la moitié des victimes, pour donner à ses soldats le barbare plaisir d’une chasse nouvelle. Ah ! Législateurs, le sang de ces malheureux fume encore, c’est à la justice nationale à consoler celles de ces familles infortunées, qui n’ont pas à pleurer des coupables ; c’est à elle à donner de grands exemples, soit qu’il faille punir le crime, soit qu’il faille réparer l’injustice. Achevez donc de purger le sol républicain de tous les fripons : frappez indistinctement tous les scélérats, de quelque masque qu’ils se couvrent et quelque parti qu’ils embrassent; que le gouvernement révolutionnaire ne soit plus que la terreur des méchans, seuls ennemis qui restent à la République; restez à votre poste; dirigez sur eux la foudre nationale, et vous aurez sauvé la République. Lecture faite de la présente adresse, les membres ont délibéré de la faire imprimer, au nombre de cinq cents exemplaires, pour être envoyée à la Convention nationale, aux comités de Salut public et de Sûreté générale, aux autorités constituées des principales communes de la République, et à toutes les sociétés populaires avoisinantes. Duret le jeune, président, Liely, Imbert, Bosquier, secrétaires, suit un grand nombre de signatures. Il s’élève quelques discussions sur l’adresse de Carpentras, relativement à une lettre contraire aux principes, qu’elle dit lui avoir été écrite par le comité de Correspondance, et sur les secours qu’elle sollicite pour indemniser les habitans de Bédoin, des pertes qu’ils ont faites (110). Rovère demande que cette adresse soit renvoyée aux comités de Sûreté générale et des Secours. Il demande en outre que les représentans qui sont en mission à Carpentras, puissent donner aux malheureux habitans de cette ville, des secours provisoires. Barras demande que la Convention fasse un acte de justice en donnant du pain à ces malheureux victimes qu’on n’a pas jugé dignes de la mort, mais dignes de mourir de faim. Il appuie la proposition de Rovère (111). Barras appuie la proposition tendante à accorder des secours aux malheureux habitans de Bédoin; mais il demande que la Convention désapprouve la réponse faite par le comité de correspondance, à la prétendue société populaire de Carpentras. Bassal nie que jamais le comité de Correspondance ait écrit à personne. Barras demande que le désavoeu de Bassal soit consigné au procès-verbal. Rovère demande que les propositions soient divisées : que d’abord on s’occupe des secours à accorder aux Bédoins. Ensuite, dit-il, nous nous occuperons de la proposition de Barras. Un membre voudrait que la demande des secours fut renvoyée au représentant du peuple en mission dans le département de Vaucluse (112). [Rovère appuyé la demande de la société, et demande que le comité des Secours soit chargé de faire un prompt rapport sur ces malheureux, il est appuyé par Barras, qui demande de plus qu’une somme de 50 mille livres soit envoyée par la commission des secours aux autorités constituées pour le soulagement provisoire de ces malheureux. Plusieurs membres demandent le renvoi pur et simple au comité des secours qui en fera son rapport dans trois jours. Ce dernier avis est adopté.] (113) Un autre membre demande à donner des explications : il déclare que, dans la commission des dépêches, section du comité de correspondance, il est effectivement d’usage d’accuser ré-(110) Débats, n° 757, 422; M. U., XLV, 7. Les journaux placent la lecture de cette adresse après celle de la lettre du représentant Goupilleau (voir plus bas, n° 56). (111) J. Mont., n” 7. (112) Débats, n" 757, 422. (113) J. Paris, n° 29.