292 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. prisonniers de la maison de force de Saint-Venant en Artois ; Une requête de trois bourgeois de Rouen, qui. prétendent avoir été illégalement arrêtés et conduits dans les prisons, où ils sont encore détenus; Une lettre et un mémoire du sieur Perrinet, prisonnier à la tour de Brest en Dauphiné; Une requête du comté de Mâcon ; Une autre des habitants de Ville-Parisis; Une autre des habitants delà paroisse de Cham-bri, élection de Meaux; Une autre des mayeurs et échevins du village de Walincourt en Cambresis. M. le Président a aussi rendu compte de plusieurs lettres et placets, qui lui ont été adressés par les laboureurs de la ville d’Houdan et des campagnes circonvoisines; par les fermiers du seigneur d’Achères-le-Marché ; par M. Niclot, gentilhomme de Normandie, et par M. le commandeur de Thuisy. L’Assemblée ne jugeant pas praticable de se livrer à l’examen des plaintes et réclamations contenues dans les différentes lettres, mémoires et requêtes, qui portent toutes sur des objets particuliers, a paru disposée à prendre incessamment les mesures convenables pour se faire rendre compte de ceux qui peuvent mériter son attention. Sur la demande faite par M. le prince de Poix, au nom de la milice bourgeoise de Versailles, que l’Assemblée nationale voulût bien déférer au vif désir qu’a cette milice de lui fournir une garde d honneur , il a été arrêté qne l’Assemblée recevrait avec plaisir le témoignage du dévouement patriotique des habitants de Versailles: qu'en conséquence, elle trouverait bon qu’ils lui fournissent une garde d’honneur, pour faire le service concurremment avec la prévôté de l’hôtel, qui s’en est acquittée jusqu’à présent à la satisfaction de l’Assemblée nationale. M. de Volney obtient la parole pour reprendre la motion qu’il avait déjà faite sur rétablissement d'un comité des rapports, composé de trente personnes chargées de rendre compte à l’Assemblée de tous les objets d’administration et de police. M. de Volney. L’objet de la motion que j’ai eu l’honneur de vous mettre hier sous les yeux étant d’économiser votre temps, je me bornerai à la discussion très-rapide qu’elle exige. 11 n’y a personne de nous qui De sente que si, sur les moindres objets, il faut toujours délibérer en masse de douze cents personnes, jamais nous ne remplirons le but que nous nous sommes proposé en nous rendant ici. Ma motion me parait donc indispensable pour remédier à cet abus. Je ne suis ici que le porteur d’un voeu général; l’utilité en est évidente. Vous en avez vous-mêmes reconnu, Messieurs, la nécessité, en formant différents comités, et surtout le comité de vérification ; permettez-moi de vous le proposer pour exemple. Vous avez remarqué que, s’il fallait vous entretenir tous de chaque rapport, la vérification des pouvoirs serait interminable, et, pour abréger, vous avez nommé un comité chargé de vous en faire le rapport. Je sais bien que plusieurs personnes ont soutenu le contraire ; mais soutenir un pareil paradoxe, c’est dire qu’une table des matières est plus longue que le livre. En établissant le comité que je vous propose, vous serez maîtres de vous faire donner des dé-[28 juillet 1789.] tails nécessaires à votre religion ; si la matière n’est que légère, alors vous renverrez au comité. Je suppose une lettre écrite à M. le président, il vous en fait part; si elle annonce de grands intérêts, vous vous en constituerez juges; si elle ne présente qu’un objet peu digne de vos moments, vous la renverrez au comité. Si vous n’adoptiez pas le moyen que je vous propose, vous seriez toujours exposés à la multitude de lettres, de requêtes et d’avis, qui nous enlèveront tous nos moments. Qu’importe les communications qui existent entre Trianon et le château de Versailles? qu'importe tous les complots qui existent contre nous ? s’ils sont réels, il y aura toujours assez de bons citoyens pour nous en faire part; s’ils ne sont qu’enfantés par la peur, faut-il qu’ils deviennent notre seule occupation? Placés sur le haut de la pyramide des intérêts, ce n’est pas à nous d’examiner les pierres et les angles qui la composent ; le bien général, la constitution, voilà notre travail ; hâtons-nous de le consommer. Le nombre de trente personnes convient à plusieurs membres; il convient aussi à cause des bureaux ou des généralités. Je vais relire ma motion. « L’Assemblée nationale, attendu les distractions et les retards qu’apportent aux travaux de l’Assemblée et à l’œuvre important de la constitution les affaires de détail, qui se multiplient de jour en jour, arrête qu’il sera fixé un comité pour y être renvoyé tous les cas de police et d’administration, et qu’il en sera fait ensuite rapport à l’Assemblée, s’il y a lieu. » Un membre propose, par amendement, que le rapport se fasse à toutes les séances, à une heure fixe. Un autre, que l’on fixe un jour seulement dans la semaine pour ce rapport. Plusieurs appuient le second amendement et rejettent le,premier. Chaque député arrive, disent-ils, dans la salle, avec des idées neuves, et ce rapport les ferait perdre. D'autres, mais en petit nombre, combattent la motion. Toute affaire d’administration et de police est du ressort du pouvoir exécutif ; c’est usurper ce second pouvoir que d’ériger un tribunal qui en décidera. Un autre propose, pour éviter cet inconvénient. de changer les mots police et administration , et de mettre en place affaire qui ne concernerait pas la constitution. En adoptant ces mots, dit-il, on raffermit le pouvoir exécutif. Et dans quel moment sa force et son activité ont-elles été plus nécessaires? Les provinces se soulèvent; le peuple refuse de payer les impôts ; toute la France gémit dans l’anarchie. M. Hermann atlaque l’établissement de ce comité. Il dit que ce serait donner de la consistance à de petits objets de détail qui ne méritent pas d’occuper l’Assemblée. M. Bouche, en adoptant cet établissement, propose, par amendement, que le comité soit autorisé à renvoyer aux ministres la connaissance des objets qu’il jugerait être du ressort du pouvoir exécutif. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1789.1 293 M. Enmiery combat l’amendement de M. Bouche. Il dit qu’il ne faut pas laisser au comité la faculté de déterminer les cas du renvoi au ministre, des demandes et pétitions à l’Assemblée ; que ce serait accorder au comité une influence qui pourrait devenir dangereuse, dont il serait facile d’abuser ; que ses seules fonctions devaient se borner à examiner, à rendre compte, et que le droit de décider devait appartenir à l’Assemblée seule. Il a proposé ensuite quelques changements dans les termes de la motion. M. de Custine veut que l’Assemblée s’occupe directement de tous les objets de détail. En conséquence, il propose qu’il soit tenu des séances de relevée, qui seraient destinées à cet objet. M. Guillaume regarde comme très-inutile l’établissement de ce comité. Renvoyons, dit-il, un certain nombre d’adresses à chaque bureau, et chacun en fera le rapport à son tour. M. P u pan t de Nemours s’oppose à la motion par des vues et des considérations générales. Les législateurs, dit-il, ne doivent s’occuper que de faire des lois, et ils doivent s’interdire la connaissance des affaires auxquelles ils ne peuvent pas pourvoir par des lois générales. L’on rappelle aussi la motion de M. le marquis de Sillery, qui tend à une proclamation générale dans tout le royaume, proclamation dans laquelle l’Assemblée déclarerait son incompétence pour décider sur les affaires d’administration et de police ; qu’elle inviterait aussi toutes les provinces à envoyer au pouvoir exécutif tout ce qui en dépend. M. Dupont insiste pour cette motion, l’Assemblée ne devant pas, selon lui, se charger d’affaires sur lesquelles elle ne pourrait statuer par aucune loi. La discussion était déjà épuisée, toutes les idées étaient communiquées, connues, répétées. M. de Volney demande à relire sa motion, pour faire part à l’Assemblée du changement qu’il y a apporté d’après le vœu général: Etablir un comité des rapports, auquel seront renvoyés tous les mémoires, plaintes et adresses..... pour en faire le rapport à l’Assemblée, s’il y a lieu. L’on va aux voix sur la motion, sans fixer le nombre des membres du comité. Elle passe à la grande majorité. Ensuite on va aux voix sur le nombre, et sur la question de savoir si ce comité sera composé par bureaux ou généralités. Quant au nombre, tout le monde paraît d’accord pour trente personnes ; il n’y a de débats que pour savoir si on prendra les membres dans les bureaux ou dans les généralités. Ceux qui proposent l’élection par généralités disent que les malheurs arrivés dans les provinces nécessitent des détails locaux que les personnes seules de la province pourraient donner. Nonobstant ces réflexions, l'opinion par bureaux l’emporte. Enfin, l’on examine la dernière question. Dans quL'l temps le bureau fera-t-il son rapport ? le fera-t-il une fois par semaine? le fera-t-il tous les jours avant les séances? Il est décidé qu’il se fera dans des assemblées extraordinaires, tenues le soir après les bureaux. M. Duport, qui avait demandé la parole depuis plusieurs jours, l’obtient aujourd’hui. M. Duport. Messieurs, je partage avec les autres membres de l’Assemblée le désir qu’ils manifestent de s’occuper promptement de la constitution, et présenterai bientôt mes idées sur ce point. Mais les nouvelles qui nous viennent chaque jour des provinces nous pressent de délibérer. Les événements désastreux du Sois-sonnais et le complot de Brest rendraient notre silence coupable. Les destins de la France nous sont confiés : elle attend de nous son salut ; nous lui devons compte des moyens que nous emploierons ..... On trame des complots contre la chose publique, nous ne devons pas en douter. Il ne doit pas être question de renvoi devant les tribunaux : vous me dispenserez d’entrer dans aucune discussion ; il faut acquérir d’affreuses et d’indispensables connaissances. C’est là ce qui doit nous occuper. Nous apprendrons des vérités terribles, mais indispensables. Vous me dispenserez ici de toute discussion: mettons la plus grande activité; que l’œil de notre surveillance soit ouvert de tous côtés. Je me résume, et je propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale, considérant tous les maux qui nous environnent, a arrêté et arrête qu’il sera établi une commission de quatre personnes, qui seront chargées spécialement d’entendre le rapport et les indices sur l’affaire de Brest et autres semblables. » La motion de M. Duport est très-applaudie. Plusieurs membres trouvent bon que des objets aussi intéressants ne soient confiés qu’à un petit nombre de personnes. D'autres , tout en rendant justice à tous les honorables membres, insinuent qu’il serait dangereux de confier des choses si essentielles à quatre personnes seulement, et concluent pour que cette commission soit composée de douze membres. Un autre ne veut point de commission, mais un tribunal provisoire. M. Rewbell, député de Colmar. Mes efforts pour l’éloignement des troupes, l’alarme et l’effroi qu’elles nous inspiraient, vous faisaient croire que la nation était en danger, que vous aviez tout à craindre dans le temple même de la liberté ; que des mains forcenées.... je me tais; mais hélas I croyez-vous être dans une position moins critique aujourd’hui? et moi je dis et je soutiens que nos malheurs ont augmenté. Que d’indices, que de preuves de ce que j’avance ! le port de Brest menacé, nos moissons perdues, les brigands répandus sur la surface de la France? Qui les a appelés ? Je ne veux faire aucune application ; mais il existe un principal moteur. Vous l’avez nommé alors, et votre prudence vous a fait deviner ses associés. Ces papiers saisis sur M. de Castelnau me rappellent qu’il en existait d’autres. Le 14, lafrayeur et l’horreur s’emparèrent de vos âmes, et vous fîtes alors la proclamation que l’instruction du crime de lèse-nation appartiendrait à ses représentants. Pourquoi donc aujourd’hui cette facilité à laisser échapper des papiers qui peuvent vous conduire à l’indice des trames horribles dont nous avons pensé être les victimes ? On doit déposer