"Ô18 [Assemblée .nationale.] ARCHIVES RAjRLEMEftTÀlRES [21 janvier 1790,] ides rapports, soumet à l’Assemblée un.projet de décret interprétatif de ceux déjà rendus pour empêcher l’exportation des grains et farines à l’étranger et pour favoriser leur. libre circulation dans l’intérieur du royaume. Ce projet de décret ajoute aux précautions déjà prises pour l’approvisionnement des frontières, celle d’obtenir et faire viser des acquits-à-caution dans les bureaux des fermes générales. Plusieurs députés proposent des amendements à ce projet de décret. M./Emmery le combat dans son ensemble et i attaque notamment i la disposition qui met dans îles mains de la ferme générale la police des acquits-à-caution, employés pour l'approvisionnement des frontières. Il observe que l’Assemblée doit préférablement se reposer de ce soin sur les municipalités qui vont être constitutionnellement .formées. 11 demande la question préalable. ■M. Goifpilleau soutient que toutes les dispositions de ce projet de décret ont été rejetées lors des premières lois faites sur la défense de J'ex-Eortation des grains et farines à l’étranger et sur t.Iibre circulation dans l’intérieur. ILa question préalable est mis aux voix, et l’Assemblée, décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. ---- On reprend la discussion des articles proposés par M. Guillotin sur les lois criminelles. M. l’abbé Papin. Ce n’a jamais été sans succès .que les droits de lajustiee eide l’humanité ont été réclamés parmi vous. Un cœur sensible qui s'intéresse pour le juste persécuté peut donc parler avec confiance. Hier un honorable membre a parlé peut-être pour des coupables : le vice de la procédure contre laquelle il a réclamé était qu’elle ait été tenue secrète ; il craignait le sort d’un jugement pour des hommes dont les délits n’étaient pas notoirement constatés. Vous avez admis aussitôt sa réclamation, vous avez à l’ins-, tant . statué .que votre président écrirait pour qu’il fût sursis â l’exécution. Que ne dois-je donc pas espérer lorsque je prends la parole, non pour un coupable, non pas même pour un juste, mais pour une foule d’individus honnêtes, irréprochables, qui. ont bien mérité. de leurs concitoyens, et qui ,se trouvent sur le point de subir un châtiment plus terrible que la mort même, pour des fautes auxquelles ils n’ont eu aucune part, qu’ils abhorrent, qu’ils . n’ont pu empêcher, et qu’ils voudraient avoir , pu prévenir ? G’est pour de telles ■personnes, .Messieurs, que j’invoque votre clémence,. que je réveille votre commisération; elle a été sollicitée peur la même cause en deux fois différentes. Des circonstances impérieuses, des affaires mültipliées et instantes ont suspendq jus-,qu!à présent votre décret ; mais il n’y a plus à différer aujourd’hui. Le tribunal est assemblé, les coupables vont être cités devant le juge intègre.' Ils méritent la mort ; qu’ils la subissent. Détournez-en vos regards; il faut des réparations, il faut des exemples, qu’ils en servent; mais né soülfrez pas que leurs tourments passagers .rpjaiUissent éternellement sur leurs familles plon-tées dans la tristesse, et qui n’ont d’espoir que ans votre justice compatissante, il existe pour nous un préjugé barbare qui dévoue à l’infamie les proches d’un criipinel. Cédez aux cris de la raison ; réprouvez ce que la saine philosophie condamne; que les fautes soient, dans une nation sage, uniquement personnelles. Sar un reste de la tyrannie féodale, la confiscation des biens du condamné, en certains cas et pour certains délits, étendait la peiné à une .génération innocente, à des enfants, à des proches déjà trop malheureux d’appartenir à un coupable. Réduisez, messieurs, par votre sagesse, la peine du délit au seul criminel ; abrogez cette loi trop rigoureuse, qui tue dans ses descendants celui qui a déjà subi la peine de ses forfaits. Enfin, Messieurs, au milieu de tant de préjugés contre lesquelsje m’élève, quelle barbarie de ne pcmyoir justifier, dans la suite.des temps, qu’un criminel n’est plus, qu’en produisant sa sentence de mort. Souffrez, messieurs, que la famille réclame le cadavre; ordonnez au moins qu’il soit admis à la sépulture commune, et que rien, dans l’acte qui atteste son décès, ne retrace Je souvenir du châtiment qu’il a subi. C’est à ces trois points essentiels que je réduis la motion de M. Guillotin. J’espère qu’il ne me désapprouvera pas d’avoir remis à votre décision des articles qu’il a . sollicités : c’est entrer dans ses vues que d’en accélérer le succès. Il en a, mieux que je ne le pourrais faire, exposé la nécessité et l’importance. Ne la différez donc plus ; rendez la vie, sauvez l’honneur des familles nombreuses de cette capitale et des provinces; prononcez uni décret qui deviendra pour le royaume un bienfait universel. L’orateur observe que le premier article portant que « les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état des coupables, » a été décrété1 le premier décembre dernier. M. Guillotin, auteur du projet de décret, propose d’ajourner les articles 2 et 4, de les renvoyer au comité des sept, établi pour la réforme de1 la jurisprudence criminelle et de délibérer sur les articles 3, 5 et 6. Cette proposition est adoptée, et le président donne lecture de l’article 3 qui deviendrait le deuxième du décret. M. l’abbé Maury. Messieurs, rien n’est plus sage qu’une loi qui détruit un préjugé barbare qui fait porter à une famille innocente, jusqu’aux dernières. générations, le déshonneur d’un coupable. Il est beau de commander à l’opinion et de détruire d’antiques erreurs lorsqu’elles sont préjudiciables au bien de la société ; mais il faut commander à l’opinion avec empire; il faut le faire avec un appareil qui maîtrise les sens, fixe l’attention du peuple nt serve de guide à sa raison. Or, c’est par le ministère de l’homme de la loi que le décret dont je vous parle doit être exécuté. Je propose que sur le lieu même du supplice, le juge réhabilite la mémoire du condamné. Gette sentence de réhabilitation anéantira toute flétrissure et ne donnera plus de prise au préjugé. M. Barnave. Gette réhabilitation serait vicieuse, en ce qu’elle mettrait le crime du décédé au même niveau que l’innocence. Il faut y substituer la simple lecture à faire, à haute voix, au peuple, par le greffier, de l’article dont il est question. M. Emmery, Cet amendement est inapplicable aux condamnations du coupable aux galères à temps, attendu qu’il n’y a point de lieu d’exécution ni de temps précis où cette lecture pourrait être faite. M. JLarrey re. Toutes ces précautions donne- I Assemblée nationale.] ÆfiHiVES (PARLEMENTAIRES . t£l janvier 1790.1 '279 raient au préjugé une «force nouvelle: au lieu de le détruire ; il ne faut pas ainsi « douter de l'insuffisance de la loi ni témoigner des craintes de son inobservation ; le législateur ne doit jamais présumer que l’opinion puisse prévaloir sur la sagesse des principes. La question préalable est demandée et prononcée. L’article 3 est admis sauf rédaction. M.. le Président donne lecture de l’article 5 qui deviendrait le troisième. M. JLanjuinais observe qu’en abolissant la confiscation, l’Assemblée se trouverait en contradiction avec quelques-uns de ses décrets, et il cite la confiscation prononcée contre ceux pris en contravention en exportant des grains à l’étranger. M‘ Le Pelletier de Saint-Fargeau répond qu’il faut bien se garder de confondre la confiscation générale des biens d’un condamné avec la saisie de choses qui constatent un corps de délit. G’est cette confusion d’idée qui sert de base àl’ob-servation du préopinant. L’article 5 est mis aux voix et adopté. M. le Président donne lecture de l’article 6 qui deviendrait le quatrième. M. Cruillotin demande à présenter quelques observations et dit : Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel sera décapité., 11 le sera par l’effet d’un simple mécanisme. JNul ne pourra reprocher à un citoyen le supplice ni les condamnations infamantes quelconques d’un de ses parents. Celui qui osera le faire sera réprimandé publiquement par le juge. La sentence qui interviendra sera affichée à la porte du «délinquant : de plus, elle sera et demeurera ..affichée au pilori pendant, trois mois. Ne doutez pas un seul instant que le préjugé ne se dissipe. Cette révolution sera l’ouvrage du temps. Rien n’est si difficile que de détruire une sottise qui s’est: accrochée au prétexte imposant del’hoDneur; elle tient à un sentiment presque «irrésistible, que l’habitude a identifié avec notre existence sociale; mais quand cette sottise fait une partie de nos mœurs et s’est mariée avec d’autres usages aussi peu réfléchis, il semble «qu’elle soit indestructible : or tel est le préjugé de cette infamie héréditaire que nos ancêtres «avaient consacrée depuis tant de siècles. La révolution étant universelle, elle frappera sur cette inconséquence morale, qui fait partager à l’innocence les peines d’un crime ou d’un délit. «Sans ce bouleversement général de la législation* celte terreur aurait résisté encore pendant plusieurs siècles aux déclamations des orateurs, aux efforts combinés de la philosophie et des lois. G’est dans le. peuple surtout qu’elle s’était fixée; car la noblesse en avait secoué le joug : or les vérités morales sont difficilement saisies par un peuple égaré, qui respecte, par habitude tout ce qui lui a été transmis par ses pères, et adore religieusement jusqu’au mensonge qu’il a entendu répéter dès son berceau. 11 faut espérer que le peuple s’empressera, de s’instruire. Admis dans différents emplois à quelques parties de l’administration, il S’éclairera promptement; il apprendra les lois de son pays, qu’il ignorait ; et la vérité' sera substituée à une foule de sottises avec lesquelles la cupidité sacerdotale ou le despotisme des souverains amusait sa faiblesse et sa crédulité. M. le Président met aux voix l’article G qui est. adopté. Enfin les quatre articles adoptés ont été1 rédigés et décrétés en ces termes : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit: « Art. 1er. Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état des coupables. « Art. 2. Les délits et les crimes étant personnels, le supplice d’un coupable, et 1 les condamnations infamantes quelconques n’impri ment aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent n’est nullement entaché, et tous continueront d’être admissibles à toutes sortes de professions, (Remplois et de dignités. « Art. 3. La confiscation des biens des condamnés ne pourra , jamais 'être prononcée dans aucun cas. « Art. 4.-� Lecorps du supplicié sera délivrée sa famille, si elle le demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. » Il est arrêté, en outre, que les quatre articles ci-dessus seront présentés incessamment àla sanction royale, pour être envoyés aux tribunaux, corps administratifs et municipalités. M. le Président. M. Lamy, député de Caen, a déposé sur le bureau une motion sur l’importance de décréter la responsabilité des chefs de bureaux de l’administration, comme suite nécessaire de celle des ministres. ( Voy . ci-dessous le texte de la motionne M. Lamy.) M. le Président lève ensuite la séance-en indiquant celle de demain, pour 9 heures du matin. lr0 ANNEXE à la séance , de l'Assemblée nationale du 21 janvier 1790. M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre. Sonopinion sur la motion de M. Gui Uotin tendant à réduire les supplices à la mort simple (.1). Messieurs, on doit approuver les vues, qui ont dicté la motion que vous discutez aujourd’hui; l’égalité des peines pour les délits semblables, quel que soit le rang des condamnés, est une suite rigoureuse de votre déclaration des «droits de l’homme: c’est une de ces maximes incontestables que les préjugés avaient seuls . fait méconnaître, et qui a dû. n’exciter en vous qu’un sentiment «de regret de ne l’avoir pas encore décrétée. A cette proposition que vous avez justement accueillie, l’auteur de la motion joint deux propositions nouvelles. (1) Cette opinion n’a pas été prononcée. (Note (de M.de Clermont-Tonnerre , Elle n’a pas été insérée �Moniteur.