[Convention nationale.-] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f g ibr™*e ,aau f @3 qu’il monte à l’échafaud. Lorsque des preuves d’un délit vous sont présentées, vous devez por¬ ter un décret d’ accusation. L’examen le plus approfondi du fait, l’audition de l’accusé, la dis¬ cussion des circonstances atténuantes sont du ressort du tribunal; c’est aux jurés à distinguer l’erreur du crime, et je ne crois pas que le peuple soit assez insensé pour confondre le crime et l’erreur; mais ce n’est pas à vous à faire cette distinction, c’est aux jurés. Ce que vous avez à faire; c’est d’examiner les preuves qui vous sont présentées, d’entendre avec la plus scru¬ puleuse attention les rapports de votre comité de sûreté générale et d’accuser ensuite. Nous n’avons rien à craindre des hommes qui com¬ battent à côté de nous pour la même victoire; nous devons espérer que personne de nous ne votera légèrement un décret d’accusation contre ses collègues. Il me reste à parler d’une autre partie du décret. Des conspirateurs perfides ont péri : ils cachaient leurs projets de rétablir le pouvoir d’un seul sous les formes déjà coupables du fé¬ déralisme. Les uns, ayant été arrêtés, ont subi un décret d’accusation; les autres ont fui, et ont été mis hors la loi : la République doit s’attendre qu’ils n’échapperont pas à la peine due à leurs crimes liberticides. Décadi, il a sem¬ blé que l’on mît en question la légitimité de la mise hors la loi, au moment, pour ainsi dire, où elle atteint les plus grands coupables. Le conspirateur qui fuit, doit être atteint par tous les amis de la liberté. Voilà le principe; et je vous demande qui oserait le contester depuis que vous avez vu G-orsas venir insulter à la puissance du peuple jusques dans le sein de Paris? Je me résume. 11 est deux points qu’on ne peut mettre en doute. Le premier est que nul ne doit être entendu, en matière d’accusation, que par le jury devant lequel il est renvoyé : le second est que la mise hors la loi n’est sus¬ ceptible d’aucun examen et que, par consé¬ quent, vous ne devez charger aucun comité de l’examiner. Enfin, une différence établie entre les citoyens tendrait à jeter un venin de défa¬ veur sur les lois, et violerait les principes con¬ signés dans l’acte constitutionnel de la Répu¬ blique. Je dis donc que le décret de décadi ne peut être maintenu, et j’en demande le rapport, avec tous les bons citoyens. (Applaudissements una¬ nimes.) Merlin (de TMonville.) Je ne m’oppose point aux principes présentés par Barère ; j e les adopte, et je veux seulement les étendre. Oui, tous les citoyens doivent être poursuivis sans distinc¬ tion. Eh bien ! je demande que les députés eux-mêmes ne soient plus traduits à la Convention pour être décrétés d’accusation. On demande de toutes parts la question préalable sur cette proposition. Thuriot. Je demande la parole pour que la vérité reprenne ses droits. Je n’attaque point les principes énoncés par Barère, je les appuie. Si, dans le moment où le décret sur lequel Barère a parié, fat rendu, l’on eût développé les prin¬ cipes qu’il vient d’énoncer, la Convention n’au¬ rait sans doute rien décrété. Je viens présenter quelques faits. Décadi, au moment où j’entrai à la Conven¬ tion, Basire se plaignait des dénonciations. Un autre membre appuya ses observations. On a dit depuis que cette discussion s’était engagée au sujet d’Osselin. Je dois déclarer ici que mon opiniona été indépendante de cette circonstance ; que j’eus toujours le plus profond mépris pour Osselin; qu’ ainsi, à sa considération, je n’eusse pu rien faire qui lui fût avantageux; et que, d’ailleurs, je n’ai jamais eu aucun rapport avec lui. Ainsi, je le répète, si j’avais pu penser qu’il s’agît de lui, j’aurais appuyé des mesures de rigueur. On m’a accusé hier, dans une Société que j’ai toujours chérie, et qui, je l’espère, reconnaîtra mon innocence et me rendra justice. On m’a accusé d’avoir combattu pour Custine; moi qui déclarai hautement, au moment où on propo¬ sait de lui donner le commandement du Nord, qu’il n’était nullement propre à remplir l’at¬ tente de la nation ; moi qui, avec Jean-Bon-Saint -André et Prieur, pris sur ma responsa¬ bilité d’envoyer Drouet pour l’arrêter, et qui ai signé l’ordre d’arrestation. On a dit encore qu’il y avait eu un rapport au comité de Salut public pour savoir si Cus-tine serait accusé ou non. J’en appelle à mes collègues, et je les somme de déclarer s’il n’est pas vrai que Custine fut accusé avant qu’il fût question de faire aucun rapport au nom du comité de Salut public. Enfin, je puis encore adjurer tous mes col¬ lègues et Barère, qui est ici présent, de cette vérité, que tous les arrêtés, toutes les mesures générales ou révolutionnaires du comité de Sa¬ lut public ont toujours reçu mon entier assen¬ timent. Billaud-Varenne. J’avais demandé la parole pour répondre à la proposition de Merlin. La Convention doit se tenir également en garde contre les mesures exagérées, et contre les sug¬ gestions du modérantisme. Il faut que rien n’al¬ tère ce principe ; qu’aucun tribunal, aucune au¬ torité dans la République ne peut prononcer sur un représentant du peuple, avant que ras¬ semblée elle-même ait pris connaissance des mo¬ tifs qui déterminent son arrestation,; autrement, il n’y a plus de représentation. La première autorité contre-révolutionnaire pourrait para¬ lyser l’autorité nationale. A l’égard de ce qu’a dit Thuriot, peu importe que ce soit pour Osselin ou pour tout autre qu’on ait fait rendre le décret dont le rapport est demandé. Il est évident que nul ne doit se faire entendre avant l’acte d’ accusation ; car on ne peut se justifier que sur une accusation en forme. Peu importe que des hommes de tel ou tel côté, se croyent menacés ! Je ne vois que la justice, que la nécessité de conserver votre énergie. Non, nous ne rétrograderons pas,; notre zèle ne pourra être étouffé que dans le tom¬ beau; nous mourrons tous, ou la révolution triomphera. (On applaudit à plusieurs reprises.) Je demande donc le rapport de la loi Au20, d’après laquelle un député aurait le privilège d’être entendu avant le décret d’accusation. L’Assemblée décrète unanimement le rapport de la loi du 20 brumaire. An nom du comité des finances, un memtee [Cambon (1)] fait un rapport sur tes domaines appartenant à la nation qui, presque tous, ont (1) D’après les divers journaux de l’époque, 104 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j ?! boVemb�ai7«3 été engagés, inféodés ou échangés par le ci-de¬ vant roi qui prétendait en avoir reçu le droit de la nation. L'abus qui est résulté de ces espèces d’aliénations, a porté ce comité à proposer un projet de décret dont la Convention a ordonné l’impression et l’ajournement (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Cambon. Le peuple, après avoir abattu de sa main le tronc de la féodalité, vous a abandonné le soin d’en détruire toutes les ramifications. Vos comités des domaines, de liquidation et des (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 187. (2) Moniteur universel [n° 54 du 24 brumaire an II {jeudi 14 novembre 1793), p. 220, col. 1] et [n° 55 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 222, col. 1]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 420, p. 298) rend compte du rapport de Cambon dans les termes sui¬ vants : « Cambon est à la tribune. Il fait un rapport sur la révocation des ci-devant domaines de la Cou¬ ronne. La Convention en ordonne l’impression et ajourne la discussion à trois jours. « Cambon a dit en substance que presque tous les domaines, appelés de la Couronne, avaient été inféo¬ dés ou échangés par le ci-devant roi, avec des grands qui, soit pour cause de services essentiels vendus à l’État, soit sous la promesse d’une rétribu¬ tion qui n’a jamais été payée, sont devenus proprié¬ taires de ces biens. L’Assemblée constituante, à la fin de sa session, trompée ou gagnée par les hommes de loi qui la dominaient, se faisant rendre compte de ces enga¬ gements, se contenta de décréter, au mois de dé¬ cembre 1790, que ces domaines rentreraient entre les mains de la nation, sauf par les propriétaires à indemniser les possesseurs obligés d’abandonner ces domaines. A son tour, l’Assemblée législative s’occupa de cet objet important. Influencée de même, sans doute, elle décréta que les propriétaires remettraient leurs titres au comité de liquidation de domaines inféodés. Cependant, elle les maintint dans leur pos¬ session. Ainsi, ces hommes froids, patriotes à la manière des rois, récompensés comme tant d’autres du produit des sueurs du peuple, furent confirmés dans une possession, illégitime d’ailleurs, jusqu’à ce qu’une Révolution contraire et favorable à leurs vues vînt leur rendre l’impunité. Alors, dis-je, les seigneurs gardèrent leurs titres et leur impudence. « Votre comité des finances, dit Cambon, le moins peureux des trois, le plus révolutionnaire de tous, s’est, en dernière analyse, occupé de cet objet. Il a réduit à leur juste valeur les prétentions de ces mes¬ sieurs. Il a examiné la question au fond; il a bien voulu ne voir dans les engagistes que des créan¬ ciers; il a pensé qu’ils devaient être traités comme tels, obligés de porter leurs titres pour faire masse sur l’État, ou déchus; mais, il a cru qu’en tout état de cause, la République devait rentrer en posses¬ sion de tous les domaines dont elle acquittait le prix. « Mais, il est peut-être une sorte d’exception qui pourra être réclamée. Le ci-devant roi et ses ges¬ tionnaires ont vendu, inféodé ou cédé des terrains vagues; et, dans ce cas, les possesseurs, ou plutôt les propriétaires pourront réclamer des distinctions. Votre Commission ne connaît qu’une sorte de dis¬ tinction, celle-ci : « On a cédé des terrains vagues, mais ces terrains vagues ont été défrichés par des sans-culottes; ils ont été mis en valeur. Voilà des droits à votre atten¬ tion; je les réclame pour ces cultivateurs utiles qui ont tiré parti de ces terrains vagues destinés, dans l’origine, aux plaisirs des ci-devant seigneurs, et des fossés ou remparts restés libres, ou par la paix, ou par leur situation intérieure. « Mais la liquidation des inféodations exigera le finances, se sont concertés pour faire rentrer dans le Trésor de la République, environ 2 mil¬ liards provenant de la rentrée des domaines en¬ gagés par la ci-devant cour. Cet objet est im¬ portant; la République soutient 18,000 procès contre les engagistes; mon rapport ne sera pas long; je prie la Convention de m’entendre. La Convention décrète qu’elle entendra Cam¬ bon dans la séance. Cambon, au nom du comité des finances. Les domaines appartenant à la couronne, avaient été presque tous engagés, inféodes, ou échangés par le ci-devant roi, qui prétendait en avoir reçu le droit de la nation. Ils avaient été ainsi cédés aux grands qui environnaient le trône, sur de prétendus services, ou à la décharge par eux de verser une certaine somme dans le Tré¬ sor public; ils promettaient bien, mais ils ne payaient pas. L’Assemblée constituante, à la fin de sa ses¬ sion, trompée par les hommes de loi qui la do¬ minaient, se contenta de décréter que ces do¬ maines rentreraient entre les mains de la na¬ tion ; mais en laissant aux possesseurs la faculté de jouir, et n’ordonna la vente pendant la vie des possesseurs, qu’autant qu’ils le jugeraient convenable; elle provoqua la dépossession, mais les nobles n’étaient pas disposés à abandonner leur proie; ils gardèrent les domaines, et le Trésor public ne reçut rien. L’Assemblée législative s’occupa de ce même objet; elle décréta que tous les domaines en¬ gagés, qui avaient été déclarés révocables, étaient révoqués; mais elle laissa les engagistes en possession, en les obligeant de remettre leurs titres au comité de liquidation, jusqu’à ce que les acquéreurs se présentassent et les indemni¬ sassent. Les hommes de loi s’en mêlèrent encore; par des chicanes de procureur ils paralysèrent tous les décrets, mirent la République en pro¬ cès avec tous les engagistes, et maintenant 18,000 procédures sont pendantes devant les tribunaux. Votre comité des finances a pensé qu’il fal¬ lait réduire les prétentions de ces • messieurs à leur juste valeur; ils rendront à la République les domaines dont ils sont en possession; ils remettront leurs titres, et seront traités comme les autres créanciers de l’État. Ainsi, commen¬ çons par nous emparer de tous les domaines ministère d’experts : Votre Commission a pensé que si cette mesure était utile, elle devait être débar¬ rassée de toutes les entraves de convenance et de faveur : en conséquence, son premier soin, pour l’épurer, a été d’exclure de cette fonction les avo¬ cats, les ci-devant procureurs, toujours faibles de¬ vant l’or, toujours enclins à favoriser la caste ci-de¬ vant privilégiée. « Mais il est impossible d’éviter les procès dans une matière qui naît des réclamations : Eh bien ! votre Commission a pensé que des arbitres devaient être nommés, mais que le moyen d’éviter et la prévention et la faveur était de composer les tri¬ bunaux de vrais sans-culottes, d’ordonner que l’ins¬ truction sera faite sommairement et sans frais. Mais il serait possible, car tout est possible à l’intrigue, que les arbitres fussent gagnés ; eh bien ! le comité a pensé qu’il en devait être référé au Corps légis¬ latif, avec pouvoir d’annuler. » Telles sont les bases du décret proposé par Cam¬ bon, auquel la Convention applaudit.