413 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1790.1 [Assemblée natioDale.1 rural, et le comité vous en doit l'idée. Tous vos principes, tous vos travaux, tous vos discours, tous vos projets nous ont paru marcher vers ce but. Par la suppression de la gabelle et ce la dîme, par l'anéantissement de mille privilèges oppresseurs, par le reculement des barrières aux frontières, par la suppression du régime vexatoire des droits d’aides, n’avez-vous pas, on n’aurez-vous pointconstammentbrisé quelques chaînes de l’agriculture et du commere-? Le comité n’a donc qu'adopté le principe que partout vous avez consacré, et il n’aura d’autre mérite que d’avoir gravé le dernier mot de l’inscription sur le monument qui est votre ouvrage. M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination de son 'président. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du lundi 30 août 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Gillet de La Jacqueminière, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. (Ce procès-verbal est adopté.) M. Malouet. Vous avez renvoyé hier à votre comité des colonies une adresse des habitants des Indes-Orientales, demeurant à Paris. Précédemment, vous aviez ordonné le renvoi à votre comité d’agriculture et de commerce de diverses pétitions relatives à l’évacuation de Pondichéry : je crois qu’il serait convenable que les deux comités s’occupassent ensemble de ces diverses réclamations. (Cette proposition est adoptée.) M. Dupont (de Nemours), président , fait connaître le résultat du second tour de scrutin pour la nomination du président de V Assemblée. M. de Jessé a réuni la majorité des suffrages pour la présidence. Il dit ensuite : « Messieurs, je n’avais eu l’honneur de vous promettre que du zèle, pour remplir les fonctions que vous m’avez confiées, et du courage pour maintenir votre dignité; je n’ai manqué ni de l’un, ni de l’autre; votre indulgence couvrira le reste. » M. de Jessé, nouveau président , prend le fauteuil et s’exprime en ces termes : « Messieurs, appelé par votre choix à l’hoDneur inestimable de prononcer vos déciets, d’être momentanément l’organe de la loi qui va régir l’Empire français, je vous prie de recevoir l’hommage de ma vive et respectueuse reconnaissance; je reconnais n’avoir point mérité ces boutés si flatteuses, et je me demande quelles qualités peuvent me les avoir obtenues, dans une Assemblée où tant de talents distingues, tant de vertus civiques appelaient votre préférence. Vous avez peut-être cru remarquer en moi, et vous avez récompensé avec munificence, quelque amour du bien et de la concorde, et une persuasion profonde que les révolutions commencées par le courage ne se consolident que par la modération. Ce sont vos sentiments; ils marquent déjà de leur empreinte la fia de vos travaux. C’est à vous qu’il appartient de montrer que, dans le champ de la victoire, le fort et le prudent s’arrêtent où le vainqueur ordinaire s’ensevelit sous son propre trophée. « Hâtez-vous, Messieurs, de faire parvenir à son achèvement cette Constitution si désirée; séparez-la de tout travail étranger; n’admettez même qu’avec la plus grande réserve celui qui ne serait qu’accessoire : ses ennemis seraient ceux qui voudraient l’étayer de toutes les parties qui peuvent la rendre parfaite; car, dans une époque où la nation française est affamée du bonheur qu’elle lui promet, tout ce qui n’est pas elle est contre elle : ni le temps présent, ni la postérité ne vous accuseront de n’avoir pas assez aimé la liberté, de n’avoir pas assez fait pour elle. Votre renommée est désormais hors du domaine des hommes et des événements. Vous avez posé des bases vastes comme le génie, immortelles comme le temps; vous laisserez dans votre Constitution un mode réparateur des défauts inséparables des conceptions humaines. Vous avez donc tout fait pour la France, vous avez tout fait pour le monde entier, qui attend avec une impatience avide le succès de votre sublime expérience. « Il serait ou compromis, ou détruit, si, par une marche rapide, vous ne parveniez à achever de démarquer les pouvoirs, l’ordre public, épouvanter les méchants dont l’espoir calomnie les temps de révolution, et rassurer les bons, seuls hommes avec qui les lois, ces tilles du ciel, aient voulu contracter alliance. Frappé de ces idées je payerai mon faible tribut à la chose publique, en essayant de hâter vos délibérations , autant que pourront le permettre l’importance de vos décisions et les principes de l’inflexible justice. Je succède à un homme dont les veilles ont de quoi nous instruire souvent et nous étonner toujours, et qui, dans plusieurs genres, a cherché à accélérer les progrès de l’ait social. La force de ses titres fait ressortir la faiblesse des miens, et sa richesse mon dénuement; mais si je ne me dissimule point combien la tâche que vous m’imposez est difficile, j’espère aussi que vos bontés, qui me l’ont prescrite, voudront m’aider à la remplir : je ferai sans doute des fautes; mais elles seront seulement d’esprit : mon cœur ne peut connaître que l’amour de la patrie, le désir de sa prospérité et i’abnégation de tout sentiment particulier devant l’irréfragable loi de la majorité de ses législateurs. (L’Assemblée vote des remerciements à M. Du-poni (de Nemours pour sa présidence). M. d’Estourmel fait lecture d'une lettre et d’une adresse des officiers, sous-officiers et cavaliers du régiment du commissaire-général de la cavalerie, portant adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, notamment à celui du 6 août dernier. L’Assemblée décrète que l’adresse sera honorablement mentionnée et que la lettre sera insérée au procès-verbal, ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, le régiment du commissaire-général de la cavalerie, au retour de ses députés à la fédération générale du 14 juillet (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 414 (Assemblé® nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 août 1790.] dernier, a eu l’honneur de vous adresser un acte contenant les expressions sincères de son respect, de son adhésion et de sa soumission à la Constitution acceptée par le roi, et aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par Sa Majesté. Ce régiment vous suppliait, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre cet acte sous les yeux des représentants de la nation, comme un hommage qu’il était empressé d’offrir à l’Assemblée nationale, et comme un témoignage authentique de son patriotisme et de son respect pour les lois. Nous craignons que par une erreur de la poste, ou que parmi un grand nombre d’adhésions respectueuses qui vous parviennent, la nôtre n’ait été égarée, et nous avons l’honneur de vous en adresser un duplicata , en vous suppliant, pour notre gloire, d’en faire donner lecture à l’Assemblée nationale. « Nous avons accueilli avec transport, Monsieur le Président, les décrets du 6 août, sanctionnés par le roi, et ayant pour objet la discipline dans les corps de troupes réglées. Le régiment du commissaire général est glorieux d’y retrouver ses devoirs énoncés par les expressions de ses plus chers sentiments, le respect pour les lois, la fidélité à ses devoirs et l’obéis-saDce absolue aux ordres du roi, chef suprême de l’armée : daignez en offrir le témoignage respectueux à l’Assemblée nationale. Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les officiers, sous-of liciers, brigadiers et cavaliers du régiment du commissaire général, signé : La Liberté, premier appointé; Lafleur, premier brigadier; Romary, premier maréchal des logis; Febur, premier maréchal des logis chef; Dubuisson, brigadier fédéré; Joseph, brigadier fédéré ; Poitou, maréchal des logis fédéré ; Marés, officier député à la fédération ; Puloleau, premier adjudant ; Gaumont, premier porte-étendard ; Charbuy-Moismont, sous-lieutenant quartier-maître; Lejai, premier lieutenant; Louis de Ghamoy, capitaine ; DeÜers, commandant d’escadron ; Béru, major; de Ghamoy, colonel. » M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur les traitements à fixer pour les juges , les commissaires du roi, les greffiers , les administrateurs de département et de district et leurs secrétaires. M. Thouret, rapporteur . Je vais vous entretenir du traitement des officiers de justice et des administrateurs. 11 est bien essentiel, dans une pareille opération, de ne pas se laisser guider par un esprit de parcimonie, qui, en diminuant en peu de choses les charges de la nation, pourrait lui faire perdre tout le fruit de la bonne institution de la justice actuelle. Le comité avait pensé que le traitement des juges et celui des administrateurs ne devaient pas être égaux, parce que le juge est tenu à plus de travail, à plus d’assiduité, parce qu’entin il serait plus dangereux, pour la chose publique que le juge fût gêné dans ses moyens de subsistance; que la mesure du traitement et du juge et des administrateurs ne devait pas être la meme pour tous les cantons et toutes les villes; en conséquence, le comité avait cru devoir les diviser en quatre classes: la première, des villes et cantons au-dessous de vingt mille âmes; la seconde, de ceux depuis vingt mille âmes jusqu’à soixante mille; la troisième, de ceux au-dessus de soixante mille; enfin il avait cru devoir mettre la ville de Paris dans une classe particulière, et avait pensé qu’il était convenable qu’une partie du traitement, tant des juges quedes administrateurs, fût établie en droit d'assistance, pour forcer par ce moyen les uns et les autres à une assiduité indispensable pour le bon exercice de l’objet de leurs fonctions. Le résultat du calcul, fait par le comité, des frais de justice et de ceux d’administration portait les premiers à onze millions, et les seconds à huit millions. Le total de ces frais paraîtra peut-être considérable à quelques personnes; mais c’est une vérité d’expérience que, dans les gouvernements libres, l’administration est beaucoup plus chère que dans les gouvernements despotiques, qui n’ont besoin que de très peu d’argent. Et d’ailleurs il y aura, dans le fait, une grande économie dans la gestion qui aura lieu dans le nouvel ordre de choses, comparée avec les abus et les déprédations de l’ancien. Je vais vous faire lecture de l’article premier. Justices de paix. Art. 1”. Le traitement sera dans les cantons et dans les villes au-dessous de vingt mille âmes, savoir : Pour le juge de paix, 600 livres. Pour le greffier, indépendamment du produit des expéditions, suivant le tarif modéré qui en sera fait, 200 livres. Dans les villes, depuis vingt mille âmes jusqu’à soixante mille : Pour le juge de paix, 900 livres. Pour le greffier, indépendamment du produit des expéditions, 300 livres. Dans les villes au-dessus de soixante mille âmes : Pour le juge de paix, 1,200 livres. Pour le greffier, indépendamment du produit des expéditions, 500 livres. A Paris, pour le juge de paix, de 2,400 livres, et pour le greffier 800 livres. M. Delley d’Agier. Je demande par amendement qu'il ne soit adjugé que 300 livres aux juges de canton, et 800 livres à ceux des villes dont la population sera de plus de 10,000 âmes. M. d’André. Avant d’émettre mon opinion, je demanderai à M. le rapporteur s’il a entendu donner aux juges de paix de quoi les payer de tout leur temps, ou bien s’il ne fait que leur accorder une simple indemnité ? M. Thouret. L’augmentation des fonctions du juge de paix nous a obligés à augmenter son traitement. Le comité, chargé de l’organisation de la police, doit encore lui attribuer des fonctions dans cette partie ; et comme la plus grande difficulté de ce plan consiste dans la rareté des sujets, le comité n’a rien négligé pour écarter ce qui serait capable d’arrêter les bons citoyens. M. d’André. D’après cette réponse, je demande la question préalable sur l’amendement de M. Delley d’Agier. M. Martineau. Il faut examiner ce plan dans son ensemble, afin d’apercevoir le fardeau dont on va charger la nation. En calculant ce que rapportaient à l’Etat les anciennes charges de