552 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 12“ juin 1791.) Art. 9. « Les gardes et éclusiers des fortifications recevront un logement en argent ou en nature, au lieu fixé pour leur résidence. Art. 10. « Les gardes et éclusiers des fortifications ne pourront exercer aucun emploi ou charge de communauté dont le service empêcherait celui qui leur est confié en qualité de gardes etd’éclu-s.ers des fortifications. Art. 11. « Tous privilèges et exemptions, de quelque espèce qu’ils soient, dont ont joui ou pu jouir les employés des fortifications aux entrées des villes sur les objets de consommation, seront et demeureront supprimés, à dater de l’époque de la publication du présent décret. » (Ces divers articles sont successivement décrétés.) M. le Président. Messieurs, les trois commissaires que vous avez nommés hier pour entendre et recevoir par écrit les déclarations du roi et de la reine demandent à rendre compte de leur mission. (Ouil oui!) M. Tronchet, un des commissaires, donne lecture du rapport rédigé par ces trois commissaires et ainsi conçu : « Messieurs, « En exécution des ordres contenus dans votre décret d’hier, nous nous sommes réunis MM. Duport, d’André et moi, et nous nous sommes rendus au château des Tuileries vers les 7 heures du soir, précédés de deux de vos huissiers. Nous avons été introduits dans la chambre à coucher du roi, où nous l’avons trouvé seul. Après avoir fait lecture de la totalité de votre décret, j’ai cru devoir observer au roi que la déclaration que nous étions chargés de recevoir, par l’article 3 du décret, se référant aux mêmes objets sur lesquels l’Assemblée nationale avait ordonné une information par l’article 1er, nous paraissait devoir porter, conformément au texte de cet article, sur les événements de la nuit du 20 au 21 de ce mois, ainsi que sur les faits antérieurs qui y étaient relatifs. « Le roi a pris alors la parole; et après nous avoir observé qu’il n’entendait pas subir un interrogatoire, mais qu’il consentait de répondre au vœu de l’Assemblée, en s’expliquant sur l’objet qui lui était indiqué, il nous a fait la déclaration que vous trouverez contenue dans notre procès-verbal, et que nous avons recueillie de sa bouche, et dans les mêmes expressions dont il s’est servi. « L’opération finie, le roi a pris lui-même de nos mains le papier, dont il a fait lecture à voix haute ; et ayant reconnu qu’il ne contenait que lu rédaction fidèle de sa déclaration, sauf un objet qu’il avait omis, et qu’il nous a fait ajouter, il a signé le procès-verbal et paraphé, ainsi que nous, lès bas des pages. « Après avoir reçu la déclaration du roi, non.' nous sommes transportés à l’appartement de la reme : nous y avous trouvé le roi et Madame Elisabeth, qui étaient prêts à se mettre à table. Madame Elisabeth nous ayant observé que la reine ne pouvait pas nous recevoir en ce moment, parce qu’elle venait de se mettre au bain, nous l’avons priée de vouloir bien nous faire indiquer par la reine l’heure à laquelle elle pourrait nous recevoir. Madame Elisabeth nous étant venue rapporter elle-même que la reine pourrait nous recevoir ce matin vers onze heures, nous nous sommes retirés. « Etant retournés ce matin chez la reine, nous avons été introduits dans sa chambre à coucher, où nous l’avons trouvée seule. Nous lui avons fuit la lecture de voire décret ; nous lui avons fait la même observation préliminaire que nous avions faite au roi ; après quoi, elle nous a dicté la déclaration que vous trouverez contenue dans un second procès-verbal. La reine a relu elle-même cette déclaration, Je même que le roi l’avait fait, et a signé et paraphé le bas de la page. « Telle est, Messieurs, la manière dont nous avons exécuté la mission que vous nous aviez confiée. Nous désirons avoir rempli nos devoirs avec l’exactitude scrupuleuse que son importance exigeait. « Signé : Tronchet, Adrien Duport et d’ André. » M. Duport, un des commissaires , donne lecture des procès-verbaux dressés par les trois commissaires et ainsi conçus : Déclaration du roi. Cejourd’hui dimanche 26 juin 1791 , nous François-Denis Tronchet, Adrien-Jeau-François Duport et Antome-Balthazar-Joseph d’André, commissaires nommés par l’Assemblée nationale pour l’exécution de soii décret de ce jour, ledit décret portant que l’Assemblée nationale nommera 3 commissaires pris dans son sein pour recevoir par écrit, de la bouche du roi, sa déclaration, laquelle sera signée du roi et des commissaires, et qu’il en sera de même pour la déclaration de la reine ; Nous étant réunis au comité militaire, nous en sommes partis à l’heure de 6 et demie pour nous rendre au château des Tuileries, où étant, nous avons été introduits dans la chambre du roi ; et, seuls avec lui, le roi nous a fait la déclaration suivante : « Je vois, Messieurs, par l’objet de la mission qui vous est donnée, qu’il ne s’agit point ici d’un interrogatoire ; mais je veux bien répondre au désir de l’Assemblée nationale, et je ne craindrai jamais de rendre publics les motifs de ma conduite. « Les motifs de mon départ sont les outrages et les menaces qui ont été faits le 10 avril à ma famille et à moi-même. Depuis ce temps, plusieurs écrits ont cherché à provoquer des violences contre ma personne et contre ma famille, el ces insultes sont restées jusqu’à présent impunies. J’ai cru dès lors qu’il n’y avait pas de sûreté, ni même de décence pour ma famille et pour moi, de rester à Paris. « J’ai désiré en conséquence de quitter cette ville. Ne le pouvant faire publiquement, j’ai résolu de sortir de nuit et sans suite. Jamais mon intention n’a été de sortir du royaume; je n’ai eu aucun concert sur cet objet, ni avec les puissances étrangères, ni avec mes parents, ni avec aucun des autres Fiançais sortis du royaume. « Je pourrais donner pour preuve de mon intention, que des logemems étaient préparés à Montmédy pour me recevoir, ainsi que ma famille. J’avais choisi cette place, parce qu’étant fortifiée, ma famille y aurait été en sûreté, et (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 127 juin 1791.J 553 qu’étant près de la frontière, j’aurais été plus à portée de m’opposer à toute espèce d’invasion dans la France ( Rires ironiques.), si on avait voulu en tenter quelqu’une, et de me porter moi-même partout où j’aurais pu croire qu’il y avait quelque danger. Enfin, j’avais choisi Mont-médy comme le premier point de ma retraite, jusqu’au moment où j’aurais trouvé à propos de me rendre dans telle autre partie du royaume qui m’aurait paru convenable. « Un de mes principaux motifs, en quittant Paris, était de faire tomber l’argument qu’on tirait de ma non-liberié ; ce qui pouvait fournir une occasion de troubles. « Si j’avais eu intention de sortir du royaume, je n’aurais pas publié mon mémoire le jour même de mon départ, mais j’aurais attendu d’être hors des frontières. « Je conservais toujours le désir de retourner à Paris ; c’est dans ce sens qu’il faudra entendre la dernière phrase de mon mémoire, dans laquelle il est dit : « Français, vous surtout Pari-« siens, quel plaisir n’aurais-je pas à me trouver « au milieu de vous ! •> « Je n’avais dans ma voiture que 13,200 livres en or et 560,000 livres en assignats, contenus dans le portefeuille qui m’a été renvoyé par le département. « Je n’ai prévenu Mousieur de mon départ que peu de temps auparavant ; il n’a passé dans le pays étranger que parce qu’il avait été convenu entre lui et moi que nous ne suivrions pas la même route, et il devait revenir en France auprès de moi. « J’avais fait donner des ordres, peu de jours avant mon départ, aux trois personnes qui m’accompagnaient en courriers, de se faire faire des habits de courrier, parce qu’ils devaient être envoyés porter des dépêches. Ce n’est que la veille que l’un d’eux a reçu verbalement mes ordres. « Le passeport était nécessaire pour faciliter mon voyage; il n’a été indiqué pour un pays étranger, que parce qu’on n’en donne pas au bureau des affaires étrangères pour l’intérieur eu royaume ; et la route indiquée par Francfort n’a pas même été suivie dans le voyage. « Je n’ai jamais fait aucune autre protestation que dans le mémoire que j’avais laissé à mon départ. « Cette protestation même ne porte pas, ainsi que le contenu du mémoire l’atteste, sur le fond des principes de la Constitution, mais sur la forme des sanctions, c’est-à-dire sur le peu de liberté dont je paraissais jouir, caries décrets n’ayant pas été présentés en masse, je ne pouvais pas juger de l’ensemble de la Constitution. Le principal reproche qui est contenu dans ce mémoire, se rapporte aux difficultés dans les moyens d'administration et d’exécution. < J’ai reconnu dans mon voyage que l’opinion publique était décidée en faveur de la Constitution. {Ah! ah!) Je n’avais nas cru pouvoir connaître pleinement cette opinion publique à Paris : mais, dans les notions qne j’ai recueillies personnellement dans ma route, je me suis convaincu combien il était nécessaire, même pour le soutien de la Constitution, de donner de la force aux pouvoirs établis pour maintenir l’ordre public. « Aussitôt que j’ai reconnu la volonté générale, je n’ai noint hésité, comme je n’ai jamais hésite, de faire le sacrifice de tout ce qui m’est personnel pour le bonheur du peuple, qui a toujours été l’objet de mes dé.-irs. * J’oublierai volontiers tous les désagréments que je peux avoir essuyés, pour assurer la paix et là félicité de la nation. » « Le roi, après avoir fait lecture de la présente déclaration, a observé qu’il avait omis d’ajouter que la gouvernante de son fils et les femmes de la suite n’ont été averties que peu de temps avant son départ. « Et le roi a signé avec nous. « Ainsi signé : LOUIS, Tronchet, Adrien Duport et d’André. » Déclaration de la reine. « Cejourd’hui lundi 27 juin 1791, nous François-Denis Tronchet, Adrien-François Duport, et Ântome-Balihazar-Joseph d’André, commissaires nommés par l’Assemblée nationale pour l’exécution de son décret d’hier, ledit décret, portant que l’Assemblée nationale nommera 3 commissaires pris dans son sein pour recevoir par écrit, de la bouche du roi, sa déclaration, laquelle sera signée du r i et des commissaires, et qu’il en sera usé de même pour la déclaration de de la reine; nous étant réunis au comité de Constitution, nous en sommes partis à 10 heures et demie du matin pour nous rendre au château des Tuileries, où étant, nous avons été introduits dans la chambre de la reine ; et, seuls avec elle, la reine nous a fait la déclaration suivante » : « Je déclare que le roi désirant partir avec ses enfants, rien dans la nature n’aurait pu m’empêcher de le suivre : j’ai assez prouvé depuis 2 ans, dans plusieurs circonstances, que je ne le quitterai jamais. « Ce qui m’a encore plus déterminée, c’est l’assurance positive que j’avais, que le roi ne voudrait jamais quitter le royaume. S’il en avait eu le désir, toute ma force aurait été employée pour l’en empêcher. (Murmures.) « La gouvernante de mon fils, qui était malade depuis 5 semaines, n’a reçu les ordres que dans la journée du départ; elle ignorait absolument la destination du voyage; elle n’a emporté avec elle aucune espèce dé hardes : j’ai été obligée moi-même de lui en prêter. « Les 3 courriers n’ont pas su la destination ni le but du voyage ; sur le chemin, on leur donnait l’argent pour payer les chevaux, et ils recevaient l’ordre pour la route. « Les 2 femmes de chambre ont été averties dans l’instant même du départ; et l’une d’elles, qui a son mari dans le château, n’a pas pu le voir avant de partir. « Monsieur et Madame devaient venir nous rejoindre en France, et ils n’ont passé par le pays étranger que pour ne pas embarrasser et faire manquer de chevaux sur la route. (Murmures.) « Nous sommes sortis par l’appartement de M. Yillequier, en prenant la précaution de ne sortir que séparément et à diverses reprises. « Et après avoir fait lecture à la reine de la présente déclaration, elle a reconnu qu’elle était conforme à ce qu’elle nous avait dit : « Et elle a signé avec nous. « Signé : MARIE-ANTOINETTE, Tronchet, Adrien Duport et d’André. » M. Tronchet. Je crois devoir ajouter que le roi nous a témoigné le désir d’avoir un double de sa déclaration. Je l’annonce à l’Assemblée pour qu’elle ordonne à cet égard ce qu’elie croira convenable. 554 [27 juin 1791.J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres : C’est juste ! (L’Assemblée autorise les commissaires à remettre au roi un double de sa déclaration.) M. Chabroud. L’Assemblée a ordonné qu’il lui serait fait un rapport tant des déclarations du roi et de la reine, que des interrogatoires et des dépositions de témoins énoncés dans son décret, et elle s’est réservée de prendre sur ce rapport tel parti qu’elle croirait convenable. Dans cet état, je crois que, dans ce moment-ci, il ne peut être question d’aucune délibération et que les deux déclarations qui viennent d’être lues doivent demeurer réservées et déposées aux archives pour être ensuite renvoyées, avec les interrogatoires et les dépositions, au comité qui sera chargé d’en faire le rapport à l’Assemblée. (Oui! oui!) (L’Assemblée, consultée, décrète que les déclarations du roi et de la reine seront déposées aux Archives pour être renvoyées au comité qui sera chargé de lui faire le rapport, tant des deux déclarations, que des interrogatoires et dépositions des témoins qu’elle a ordonnés.) M. Fréteau-Salnt-JTust, au nom des comités réunis des recherches et des rapports , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’elle charge son comité diplomatique de lui présenter, dans le plus court délai, des mesures générales pour l’expéditio i des passeports nécessaires aux étrangers qui désireront sortir du royaume. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet du Code pénal (1). M. Fe Pelletier-Saiiit-Fargean, rapporteur. Nous sommes restés, Messieurs, à l’article 10 de la lre section du titre II ainsi conçu : Art. 10. « L'assassinat sera réputé consommé, et puni de la peine portée ci-dessus, lorsque l’attaque à dessein de tuer aura eu lieu. » Un membre propose, pour amendement, d’ajouter à l’article ces mots : « A moins que le coupable, maître de consommer son crime, ne se soit volontairement arrêté ». (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l’article 10 sans modification). M. Fe Pelletier - Saint - Fargeau, rapporteur, donne lecture des deux articles suivants qui sont successivement mis aux voix : Art. 11. « L’homicide par poison sera réputé consommé, et puni de la peine portée ci-dessus, lorsque l'empoisonnement aura été effectué, ou lorsque Je poison aura été présenté, ou lorsque le poison aura été mêlé avtc des aliments, des breuvages spécialement destinés, soit à l’usage de la perso ne contre laquelle ledit attentat aura été dirigé, soit à l’usage de toute une famille, société ou habitants d’une même maison, soit à l’usage du public. » Art. 12. « Toutefois, si, avant l’empoisonnement effectué, ou avant que l’empoisonnement des aliments ou des breuvages ait été découvert, l’empoisonneur arrêtait l’exécution du crime, soit en supprimant lesdits aliments ou breuvages, soit en empêchant qu’on n’en fasse usage, les peines portées contre ledit crime ne seront point encourues. » (Ces deux articles sont successivement adoptés.) M. le Président. J’ai reçu de M. le curé et de la fabrique de Sainl-Germain-l’Auxerrois une lettre par laquelle ils demandent à l’Assemblée si ses occupations lui permettront d’assister jeudi prochain à la procession de l’octave de la Fête-Dieu. (L’Assemblée arrête qu’une députation de 12 membres se rendra jeudi prochain à cette procession). (La séance est levée à trois heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Séance extraordinaire du lundi 27 juin 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Plusieurs commissaires des guerres sont introduits à la barre. Ce sont : MM. Gapet, ordonnateur. D’Alency, id. Cappe, id. Roussière, id. Lagrave, id. Lamolère, Belonde. Lasaulsaye, Ghesnel, Seigneur, Baudouin de Montarge, Teyssère, Le Mounier, Boilleau, Beauvallon, Guillemard. L'un d'entre eux prend la parole et dit : « Messieurs, «< L’attachement à la Constitution, l’obéissance à la loi font aujourd’hui la gloire et la vertu des Français. Les commissaires des guerres ont toujours été l’organe des lois militaires; préposés à leur exécution et à leur maintien, nous devons l’exemple d’une soumission entière à celles de l’Etat, et nous venons jurer devant vous de les observer, de les défendre et de mourir, s’il le faut, pour elles. « Nous osons vous garantir ce sentiment pour nos camarades répandus dans tous les départements de la France ; ils envieront sans doute le bonheur que nous avons aujourd’hui d’en présenter l’hommage à ses législateurs, et s’ils ont été asspz heureux pour que jusqu’ici le patriotisme d’aucun d’eux ne méritât ni soupçon ni reproche, ils mettront, comme nous, leur hon-(1) Yoy. ci-dessus, séance du 21 juiu 1791, page 389. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur •