fi02 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j || novembre &1793 tinction qu’elle établit entra un représentant du peuple et tout autre citoyen. Vous avez décrété, dit l’opinant, qu’aucun de vos membres ne pourrait être mis en état d’ac¬ cusation sans avoir été entendu, et que votre comité de sûreté générale vous ferait un rapport sur les mises en liberté. 7e sais qu’on ne doit parler qu’avec respect de tout ee qui porté l’em-preinte de l’autorité nationale; mais il est aussi du devoir d’un représentant du peuple d’émettre son opinion sur les dangers, sur les abus d’une loi, et de la faire rapporter lorsqu’elle blesse les premiers principes de la liberté et de l’égalité. Il ne doit plus exister de privilège, l’inviolabilité est détruite. H n’y a d’inviolable que le peuple et sa liberté, eh bien! s’il n’y a d’invio¬ lable que le peuple et ses droits, je vous le demande : de quel droit avez-vous établi cette démarcation entre les représentants du peuple et les autres citoyens? Un conspirateur est moins qu’un citoyen. Après avoir développé que la loi doit pour¬ suivre également tous les conspirateurs, que la balance doit être la même, l’opinant se résume sur ces deux points : le premier est que nul ne doit être entendu, en matière d’accusation, que par le jury devant lequel il est renvoyé; le second est que la mise hors de la loi n’est susceptible d’aucun examen, et que par conséquent vous ne devez charger aucun comité de l’examiner. Enfin, une différence établie entre les citoyens tendrait à jeter un venin de défaveur sur les lois, et violerait les principes consignés dans l’Acte constitutionnel de la République. Je dis donc que le décret de décadi ne peut être maintenu, et j’en demande le rapport avec tous les bons citoyens. Beaucoup de membres appuient cette propo¬ sition, et la Convention nationale décrète unani¬ mement le rapport de la loi du 20 brumaire, ainsi qu’il suit : « La Convention nationale, considérant que l’intérêt national, la justice due au peuple et le principe sacré de l’égalité ne sauraient permettre que dans la recherche des coupables et la puni¬ tion des crimes, il soit établi une distinction injuste entre un représentant du peuple et tout autre citoyen, « Rapporte le décret du 20 brumaire (I). » Compte rendu du Moniteur universel (2). Barère. Je demande la parole sur une loi portée avant-hier. Vous avez décrété qu’aucun de vos membres ne pourrait être mis en état d’accusation sans avoir été entendu, et que votre comité 4e sûreté générale vous ferait un rapport sur les mises en liberté. Je sais qu’on ne doit parler qu’avec respect de tout ce qui porte l’ empreinte de l’autorité nationale; mais (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 186. (2) Moniteur universel [n° 55 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 221, col. 1]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° % p. 117, le compte rendu de la même discussion d’après le Journal des Débals et des Décrets et le Mercure uni¬ versel. il est aussi du devoir d’un représentant du peuple d’émettre son opinion sur les dangers, sur le» abus d’une loi, et de la faire rapporter lors¬ qu’elle blesse les premiers principes de la liberté et de l’égalité. Il ne doit plus exister de privi¬ lège. L’inviolabilité est détruite. Il n’y a d’in¬ violable que le peuple et sa liberté. ( On applau¬ dit.) Eh bien, s’il n’y a d’inviolable que le peuple et ses droits, je vous le demande, de quel droit avez-vous établi cette démarcation mitre les représentants du peuple et les autre» citoyens? Un conspirateur est moins qu’un ci¬ toyen. Si nous 4evions mettre une différence entre les accusés, les accusés de conspiration mériteraient moins d’égard que tout autre. Mais ici tous, représentants et citoyens, doivent pas¬ ser sons le même niveau. Devant le juré d’ac¬ cusation, tous sont les mêmes. Le juré d’accu¬ sation doit prononcer sur les pièces, et jamais il ne doit être influencé par l’audition de l’ac¬ cusé. Craignez-vous que la justice souffre de la sévérité de ce principe? Ce serait une erreur de le croire. Envoyons-nous à l’échafaud celui que nous décrétons d’accusation? Non; nous l’envoyons à un tribunal : c’est là qu’il doit être entendu. Si vous n’accusez pas un repré¬ sentant comme tout autre citoyen sur les preuves morales qui résultent de la connaissance des pièces ; si vous exigez plus de preuves contre l’un que contre l’autre, je ne vois plus qu’une grande violation de la Constitution, qu’une aris¬ tocratie nouvelle; il n’y a plus de Constitution, il n’y a que la superstition de l’égalité; ainsi sous les rapports de l’intérêt national, de la jus¬ tice et de l’humanité, votre manière de procé¬ der au décret d’accusation doit être la même pour tous. Tous doivent être soumis à la même loi. Quelle est notre position? Nous sommes, il est vrai, entourés des calomnies répandues par les émissaires de nos ennemis; mais nous som¬ mes aussi environnés de conspirations inté¬ rieures. Que la Convention plane donc sur la calomnie pour conserver toute la sévérité contre les conspirateurs ; elle gravit un rocher glissant et élevé; elle doit marcher toujours au même pas ; celui de la Révolution. Si elle s’arrête, si elle rétrograde, tout est perdu; le salut public tient à ce point essentiel, et si nous perdons un instant de vue le point de mire, le haut du rocher, la liberté nous échappe. Non, nous ne rétrograderons pas. ( Applaudissements unani¬ mes.) Bénissons le moment heureux où notre Révolution a pris un cours majestueux, où elle est devenue un torrent qui, avant deux mois va balayer dans sa course rapide les royalistes., les prêtres et toutes les immondices de la su¬ perstition. ( La salle retentit de nouveaux applau¬ dissements.) La loi doit poursuivre également tous les conspirateurs ; la balance doit être la même, le crime d’un côté et l’échafaud de l’autre. Je sais que chacun de vous peut être l’objet des ca¬ lomnies, elles nous honorent. Tous les jours on nous dénonee; nous répondons dans cette en¬ ceinte par de bonnes lois. (On applaudit.) Que dirions-nous des volontaires qui, placés dans les postes avancés, viendraient se plaindre d’être tous les jours exposés aux coups de fusil? Eh bien ! nous sommes cette avant-garde nationale; nous sommes ces postes avancés dont le cou¬ rage ouvre le chemin à la victoire. C’est du sein des calomnies que brillera notre innocence; et si quelqu’un parmi nous est coupable, il faut, [Convention nationale.-] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f g ibr™*e ,aau f @3 qu’il monte à l’échafaud. Lorsque des preuves d’un délit vous sont présentées, vous devez por¬ ter un décret d’ accusation. L’examen le plus approfondi du fait, l’audition de l’accusé, la dis¬ cussion des circonstances atténuantes sont du ressort du tribunal; c’est aux jurés à distinguer l’erreur du crime, et je ne crois pas que le peuple soit assez insensé pour confondre le crime et l’erreur; mais ce n’est pas à vous à faire cette distinction, c’est aux jurés. Ce que vous avez à faire; c’est d’examiner les preuves qui vous sont présentées, d’entendre avec la plus scru¬ puleuse attention les rapports de votre comité de sûreté générale et d’accuser ensuite. Nous n’avons rien à craindre des hommes qui com¬ battent à côté de nous pour la même victoire; nous devons espérer que personne de nous ne votera légèrement un décret d’accusation contre ses collègues. Il me reste à parler d’une autre partie du décret. Des conspirateurs perfides ont péri : ils cachaient leurs projets de rétablir le pouvoir d’un seul sous les formes déjà coupables du fé¬ déralisme. Les uns, ayant été arrêtés, ont subi un décret d’accusation; les autres ont fui, et ont été mis hors la loi : la République doit s’attendre qu’ils n’échapperont pas à la peine due à leurs crimes liberticides. Décadi, il a sem¬ blé que l’on mît en question la légitimité de la mise hors la loi, au moment, pour ainsi dire, où elle atteint les plus grands coupables. Le conspirateur qui fuit, doit être atteint par tous les amis de la liberté. Voilà le principe; et je vous demande qui oserait le contester depuis que vous avez vu G-orsas venir insulter à la puissance du peuple jusques dans le sein de Paris? Je me résume. 11 est deux points qu’on ne peut mettre en doute. Le premier est que nul ne doit être entendu, en matière d’accusation, que par le jury devant lequel il est renvoyé : le second est que la mise hors la loi n’est sus¬ ceptible d’aucun examen et que, par consé¬ quent, vous ne devez charger aucun comité de l’examiner. Enfin, une différence établie entre les citoyens tendrait à jeter un venin de défa¬ veur sur les lois, et violerait les principes con¬ signés dans l’acte constitutionnel de la Répu¬ blique. Je dis donc que le décret de décadi ne peut être maintenu, et j’en demande le rapport, avec tous les bons citoyens. (Applaudissements una¬ nimes.) Merlin (de TMonville.) Je ne m’oppose point aux principes présentés par Barère ; j e les adopte, et je veux seulement les étendre. Oui, tous les citoyens doivent être poursuivis sans distinc¬ tion. Eh bien ! je demande que les députés eux-mêmes ne soient plus traduits à la Convention pour être décrétés d’accusation. On demande de toutes parts la question préalable sur cette proposition. Thuriot. Je demande la parole pour que la vérité reprenne ses droits. Je n’attaque point les principes énoncés par Barère, je les appuie. Si, dans le moment où le décret sur lequel Barère a parié, fat rendu, l’on eût développé les prin¬ cipes qu’il vient d’énoncer, la Convention n’au¬ rait sans doute rien décrété. Je viens présenter quelques faits. Décadi, au moment où j’entrai à la Conven¬ tion, Basire se plaignait des dénonciations. Un autre membre appuya ses observations. On a dit depuis que cette discussion s’était engagée au sujet d’Osselin. Je dois déclarer ici que mon opiniona été indépendante de cette circonstance ; que j’eus toujours le plus profond mépris pour Osselin; qu’ ainsi, à sa considération, je n’eusse pu rien faire qui lui fût avantageux; et que, d’ailleurs, je n’ai jamais eu aucun rapport avec lui. Ainsi, je le répète, si j’avais pu penser qu’il s’agît de lui, j’aurais appuyé des mesures de rigueur. On m’a accusé hier, dans une Société que j’ai toujours chérie, et qui, je l’espère, reconnaîtra mon innocence et me rendra justice. On m’a accusé d’avoir combattu pour Custine; moi qui déclarai hautement, au moment où on propo¬ sait de lui donner le commandement du Nord, qu’il n’était nullement propre à remplir l’at¬ tente de la nation ; moi qui, avec Jean-Bon-Saint -André et Prieur, pris sur ma responsa¬ bilité d’envoyer Drouet pour l’arrêter, et qui ai signé l’ordre d’arrestation. On a dit encore qu’il y avait eu un rapport au comité de Salut public pour savoir si Cus-tine serait accusé ou non. J’en appelle à mes collègues, et je les somme de déclarer s’il n’est pas vrai que Custine fut accusé avant qu’il fût question de faire aucun rapport au nom du comité de Salut public. Enfin, je puis encore adjurer tous mes col¬ lègues et Barère, qui est ici présent, de cette vérité, que tous les arrêtés, toutes les mesures générales ou révolutionnaires du comité de Sa¬ lut public ont toujours reçu mon entier assen¬ timent. Billaud-Varenne. J’avais demandé la parole pour répondre à la proposition de Merlin. La Convention doit se tenir également en garde contre les mesures exagérées, et contre les sug¬ gestions du modérantisme. Il faut que rien n’al¬ tère ce principe ; qu’aucun tribunal, aucune au¬ torité dans la République ne peut prononcer sur un représentant du peuple, avant que ras¬ semblée elle-même ait pris connaissance des mo¬ tifs qui déterminent son arrestation,; autrement, il n’y a plus de représentation. La première autorité contre-révolutionnaire pourrait para¬ lyser l’autorité nationale. A l’égard de ce qu’a dit Thuriot, peu importe que ce soit pour Osselin ou pour tout autre qu’on ait fait rendre le décret dont le rapport est demandé. Il est évident que nul ne doit se faire entendre avant l’acte d’ accusation ; car on ne peut se justifier que sur une accusation en forme. Peu importe que des hommes de tel ou tel côté, se croyent menacés ! Je ne vois que la justice, que la nécessité de conserver votre énergie. Non, nous ne rétrograderons pas,; notre zèle ne pourra être étouffé que dans le tom¬ beau; nous mourrons tous, ou la révolution triomphera. (On applaudit à plusieurs reprises.) Je demande donc le rapport de la loi Au20, d’après laquelle un député aurait le privilège d’être entendu avant le décret d’accusation. L’Assemblée décrète unanimement le rapport de la loi du 20 brumaire. An nom du comité des finances, un memtee [Cambon (1)] fait un rapport sur tes domaines appartenant à la nation qui, presque tous, ont (1) D’après les divers journaux de l’époque,