400 [Assemblée nationale.] A R CTI I vas PARLEMENT AIR ES. [12 août 1789.] jours à l'Assemblée son zèle et ses vœux pour le bien public, vœux trop longtemps contrariés par des mandats impératifs. La proposition de M. Lavie est décrétée. M. PisonduGalland propose l’établissement d’un comité composé de trente -quatre membres élus par généralités pour la liquidation des droits féodaux et des rentes foncières. Cette proposition est adoptée. M. le Président invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procédera l’élection des membres qui doivent former les divers comités dont l’établissement a été décrété, et à l’élection d’un archiviste. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 12 août 1789. CHARTE CONTENANT LA CONSTITUTION FRANÇAISE DANS SES OBJETS FONDAMENTAUX Proposée à l’Assemblée nationale par Charles-François Bouche, avocat au Parlement et député de la sénéchaussée d’Aix (1). DIEU, LA LOI, LA PATRIE ET LE ROI. Le .... du mois de....; de l’an 1789 après Jésus-Christ, 1371 ans après Pharamond, premierRoi de France; 892 ans après Ilugues-Capet, tige de l’auguste Maison des Bourbons, actuellement régnante, et la seizième année du règne de Louis XVI, proclamé le restaurateur de la liberté française , la nation, considérant que la succession des siècles, le changement de règne, les guerres de terre et de mer, le luxe, de nouvelles mœurs, de nouveaux besoins, ont altéré la constitution politique, économique, civile, militaire et fiscale de la monarchie française, a, sous les yeux d’une multitude innombrableide spectateurs de tous les Etats, proposé, discuté, rétabli et lixé la constitution par l’organe de l’Assemblée nationale convoquée à Versailles le 27 du mois d’avril dernier, séante en cette ville, et composée de représentants librement élus dans toutes les provinces, villes, bourgs et villages du royaume, et chargés de pouvoirs exprès pour régénérer la constitution. Elle l'a recueillie dans les maximes suivantes, destinées à devenir Ja charte des droits de l’homme, du citoyen, du monarque et du sujet français, et à faire le bonheur de Ja génération présente et de celles qui lui succéderont, Art. 1er. En se dégageant des mains de lasimple nature pour vivre en société, l’homme n’a point renoncé à sa liberté ; il ne s’est soumis qu’à eu régler l’exerciôe et l’usage par des lois modérées, justes et convenables; ou ce qu’il a perdu de la liberté, la société s’est obligée de le lui rendre en protection. Art. 2. Chercher des soutiens, se rendre heureux, futle motif qui fondales premières sociétés; rendre heureux les autres, ne leur jamais nuire dans leurs propriétés, leurs personnes et leur liberté, fut le lien de ces sociétés ; il doit l’être encore de toutes celles qui existent. Art. 3. Toute société que les hommes forment entre eux, doit être l’effet d’une convention libre. Les lois, les devoirs et les peines, la promotion et la sûreté, doivent y être égaux, lors même que les talents, l’industrie, les litres, les dignités, la fortune ou la naissance n’y admettent point une égalité de profits, d’honneurs et de préséances. Art. 4. La société est imparfaite, si elle n’a pas pour but le bien de tous les associés en général, et de chacun en particulier. Art. 5. La sûreté y dépend des services mutuels. Art. 6. Le bien commun doit donc être, en société, la règle de nos actions. On ne doit jamais y chercher l’avantage particulier, au préjudice de davantage public. Art. 7. Les hommesinégaux en moyens moraux et physiques, sont égaux en droits aux yeux des lois qui dirigent la société dontils sont membres. L’inégalité des premiers a donc dû établir l’égalité des seconds. Art. 8 .Rien n’étant plus convenable à la société que la compassion, la douceur, la bénéficence, la générosité, il suit que les hommes vivant eu société doivent se secourir dans leurs infirmités, leur vieillesse et leur indigence : ce qui établit la loi de la reconnaissance, de l’hospitalité, de l’humanité. Art. 9. Les devoirs, qui nous règlentpar rapport à nous-mêmes, nous aident à nous régler aussi par rapport aux autres hommes. Art. 10. De ces devoirs, nous voyons naître la religion et la morale, bases nécessaires de toute société. Art. 11. Les lois dont la société est armée, n’ont de force que pour empêcher les hommes de violer la justice et leurs devoirs envers les autres. Art. 12. C’est à la société que l’homme est redevable d’un nouveau genre de devoir, l'amour de la patrie, sentiment qui n’existe pas dans l’état de nature, et qui doit surtout caractériser le Français. Art. 13. La religion n’a aucun pouvoir coactif semblable à celui qui est dans les mains des lois civiles, parce que des objets qui diffèrent absolument de leur nature, ne peuvent s’acquérir par le môme moyen. Art. 14.’Dans toute société, il doit y avoir un culte publie et dominant; mais cette loi ne peut gêner la croyance ou les opinions particulières des individus associés, lorsqu’elles ne troublent point l’harmonie générale et l’ordre reçu, public et dominant dans la société. Art. 15. Considéré du côté des lois naturelles, tout homme a le droit de vendre, d’acheter, de trafiquer, de se livrer à tous les genres d’industrie dont il est capable, de parcourir l’étendue des terres et des mers qui se présentent à ses regards, de rester, de sortir, de revenir, de penser comme il le juge à propos, de publier ses pensées, de les faire circuler librement ; mais considéré du côté des lois sociales, il ne peut et ne doit jouir de ce droit, qu’autant qu’il ne blesse point les lois de la société. Art. 16. Une société bien ordonnée a des principes et des lois. Les premiers soumettent la raison, les secondes commandent à la volonté. Art. 17. Une république, un peuple, une nation ne font qu’une grande société qui doit être régie par les maximes qu’on vient d’exposer. Ces maximes regardent donc tous les Français réunis en corps de nation. Art. 18. Plus que tout autre peuple de la terre, les Français naissent et viventlibres. La magnait) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1789.] 401 nimité, la générosité, le courage, la bienfaisance, la loyauté, sont le caractère distinctif des Français ; d’où il suit que les Français sont les hommes de la terre dont le gouvernement paraît avoir le plus développé, formé et adouci les facultés physiques et morales. Art. 19. Tout esclave reprend sa liberté en entrant dans les terres de la domination française. Art. 20. La France est un Etat monarchique, c’est-à-dire un état où un seul gouverne par des lois fixes et fondamentales. Art. 21. Ces lois ne peuvent être faites que par la nation assemblée par ses représentants. Elle s’est donnée librement au monarque ; elle peut et pourra toujours se donner des lois, ou changer et modifier celles qu’elle se sera données. Art. 22. Le monarque les sanctionne, et, dès ce moment, elles obligent touslesindividus de l’Etat. Art. 23. G’est dire en d’autres termes, que la nation seule a la puissance législative, et que le monarque a la puissance exécutrice. Art. 24. Go double droit résidait originairement dans les mains de la nation ; elle a gardé le premier ; elle a fait le dépôt du second dans les mains du monarque. Art. 25. La monarchie française est héréditaire de mâle en mâle, dans la maison des Bourbons, suivant l’ordre de primogéniture. Art. 26. Les filles sont exclues de la succession au trône. Art. 27. Lorsque la branche régnante manque par défaut d’enfants mâles, le plus proche parent du monarque défunt succède au trône. Art. 28. Lorsque ce parent sera accusé par la voix publique d’avoir donné au monarque défunt des conseils perfides et préjudiciables à la nation, celle-ci s’assemblera par des représentants, examinera et jugera la nature de ces accusations. Si le parent est trouvé coupable, la nation se réunira contre lui, et il sera déclaré indigne du trône, avec toute sa descendance directe et collatérale, et le plus proche parent, après lui, du monarque défunt, sera reconnu monarque parla nation (1). Art. 29. Les rois de France seront désormais majeurs à dix-huit ans complets et révolus. Art. 30. Si le roi régnant laisse, en mourant, un successeur au-dessous de cet âge. La nation s’assemblera tout de suite par des représentants librement élus, et confiera la régence du royaume au parent du jeune monarque, qu’elle croira le plus digne et le plus capable de ces fonctions. Un jeune roi destiné à devenir le père de ses peuples, ne peut et ne doit recevoir que des mains de la nation dont il est l’enfant, celui qui doit l’élever à faire le bonheur de son empire, et lui apprendre à le régir un jour comme un bon père et un roi éclairé. Art. 31. La personne du monarque est sacrée et inviolable. Sa couronne ne dépend d’aucune puissance de la terre -, aucune ne peut délier ses sujets du serment de fidélité qu’ils lui ont prêté. Art. 32. Le monarque a le droit de choisir ses ministres et ses conseils; mais, autant qu’il est possible, il doit les choisir tels que la nation puisse avoir confiance en eux, et celle-ci a toujours le droit de les dénoncer. Ils ne peuvent sortir du royaume, avant d’avoir rendu, à l’Assemblée nationale, compte de leur gestion; c’est (1) Loi faite après la mort de Louis V, en faveur do Hugues Capet, en 897. tM SÉRIE, T. VIII. d’après ce compte qu’ils doivent être jugés par les représentants de la nation. Art. 33. La liberté individuelle, l’honneur, la vie des hommes, les propriétés de tout genre, ne sont en France que dans les mains des lois consenties parla nation. Tout ce qui ne s’y fait pas au nom des lois est criminel, et tout sujet a le droit de ne point obéir. Art. 34. Rendre, ou faire rendra la justice à tous ses sujets indistinctement, est dans les mains du monarque un droit, un devoir, une espèce d’apanage ; et cette justice doit être rendue promptement, exactement, gratuitement, et de la manière la plus impartiale. Art. 35. Les tribunaux de justice ne peuvent être établis en France, que de la manière la plus conforme aux intérêts des sujets, des provinces et des villes. Ils font partie des pouvoirs publics, et n’appartiennent. à aucun individu en particulier. Ils ne peuvent être constitués que par la nation, et ne peuvent changer la forme de leur constitution. Art. 36. Les tribunaux de justice, dont l’établissement a été consenli par la nation, sont seuls chargés de poursuivre, de punir, ou d’absoudre, conformément aux lois faites par la nation, et suivant les formes établies par elle. Art. 37. Tout acte de despotisme et arbitraire, les lettres closes, dites lettres de cachet, les prisons d’Etat, les ordres ministériels, toutes les violences que les hommes en place pourraient commettre dans les provinces et les villes, sont condamnés et proscrits à perpétuité. Les lois seules ont le droit de commander l’obéissance la plus prompte. La force sans la loi n’est qu'une violence ; et tout homme qui n’agit pas au nom de la loi, se rend coupable du crime de lèse-nation, parce qu’il rompt le fil qui lie l’homme au citoyen et au sujet. Art. 38. Les directeurs des postes aux lettres et leurs commis porteront le plus grand respect au secret des lettres, et seront fidèles à les faire parvenir à leur destination. S’ils manquent à cette loi, ils seront poursuivis extraordinairement. Aucun négociant ou marchand ne pourra occuper des places dans les directions des postes aux lettres. Art. 39. Il est expressément défendu aux tribunaux de justice, quels que soient le nom, la forme et le district que la nation trouvera à propos de leur donner, de se mêler de l’administration de l’Etat, des provinces ou des villes, ni d’aucun objet de politique et d’économie publiques. Les fonctions des juges sont bornées à rendre la justice. Ils usurpent s’ils vont au delà, et deviennent perturbateurs de l’ordre public. Art. 40 Les dépositaires du pouvoir exécutif, tous les agents de ce pouvoir, soit politique, civil ou militaire ou fiscal, sont responsables envers la nation de leur conduite, et de la perfidie ou de la corruption des conseils qu’ils donnent au monarque. Art. 41. Le monarque a le droit défaire la paix, la guerre, des traités d’alliance ou de commerce; mais la nation lorsqu’elle s’assemble, a le droit de juger si des paix conclues, des guerres déclarées, et des traités d’alliance ou de commerce signés, sont utiles ou nécesssaires. Art. 42. Sans le consentement exprès de la nation, le monarque ne peut établir des impôts, en proroger la durée, leur donner des extensions : sans son consentement exprès, il ne peut faire des emprunts : les uns et les autres ne peuvent être que le résultat de la volonté générale. c26 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1789.] 402 Art. 43. La nation reconnaît que la plus grande partie de ceux qui existent aujourd’hui, que tous ceux qui existent principalement depuis 1614, n’ont été ni établis, ni consentis par elle ; et à ce sujet, elle réclame tous les droits qu’elle trouve dans son contrat primitif avec le monarque. Art. 44. Le payement des impôts est le prix de la protection et de la sûreté publique. Tous les impôts, de quelque nature qu’ils soient, sous quelque nom qu’on les connaisse, seront payés par tous les sujets et citoyens, de l’Eglise, de la noblesse et des communes, sans aucune distinction, exemption ou privilège, et proportionnément aux biens et revenus de tous, de quelque source qu’ils viennent. Les impôts ne pourront être établis et et perçus que d’une tenue d’assemblées nationales à l'autre. Art. 45. Sans le consentement exprès de la nation, le monarque ne peut changer, diminuer ni augmenter la valeur de l'or et de l’argent, ni d’aucun métal monnaie. Sans ce consentement, il ne peut ordonner la refonte des monnaies. Art. 46. Toute perception pécunaire de joyeux-avénement au trône, est abolie et supprimée. Art. 47. — En France, nul ne peut être contraint, ou décrété de prise de corps et emprisonné qu’au nom des lois faites et consenties par la nation. Art. 48. Ce n’est qu’au nom de ces lois qu’un Français, un sujet du monarque, peuvent, dans les ca*s marqués par elles, perdre leur liberté, leur honneur, leur vie ou leur propriété. Art. 49. D’une tenue d’assemblées nationales à l’autre, le monarque a le droit de faire des lois provisoires d’administration et de police générales; mais les assemblées nationales ont celui de juger si ces lois sont utiles ou nécessaires, si elles doivent être continuées ou abrogées, rester telles qu’elles ont été faites, ou être modifiées. Art. 50. La religion catholique, apostolique et romaine est et demeurera en France la seule religion nationale, dominante et publique, comme la seule vraie, la seule qui prêche la saine morale, qui ennoblisse, et qui rende durable tout ce qui se fait pour le bonheur des hommes dans un gouvernement juste et modéré. Art. 51. On ne peut faire un crime à personne de ses opinions ou de sa croyance religieuse, pourvu qu’elles ne troublent point l’ordre public et le culte national. Art. 52. Chacun aura désormais en France la liberté la plus illimitée d’imprimer, de faire imprimer et de faire circuler ses pensées et ses ouvrages. Il n’en sera garant et responsable à la loi, que dans le cas où ils nuiront à autrui dans son honneur ou sa propriété, à l’ordre public et au culte religieux national. Art. 53. Les seuls ouvrages sur la religion nationale seront soumis à la censure publique. Une funeste expérience n’a que trop appris que, dans ce genre, on n’écrit, on ne fait jamais rien qui ne soit du plus dangereux exemple. Art. 54. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour Futilité publique; et, dans ce cas, elle doit lui être payée sur-le-champ et au plus haut rix. Sur-le-champ, parce qu’il est privé de son ien; ou plus haut prix , pour le dédommager de la peine qu’il souffre à céder ce qu’il désirerait garder. Art. 55. Dans les besoins publics, dans les circonstances urgentes, la nation a le droit de s’assembler par des représentants. Art. 56. Dans les mêmes cas, les provinces et les villes ont le même droit. Art. 57. Pendant les dix premières années, à compter du premier mai 1790, les assemblées nationales seront convoquées tous les ans. Art. 58. Après ces dix premières années, elles ne seront plus convoquées que de trois en trois ans. Leur ouverture sera fixée au premier mai. Art. 59. Aucun officier de judicature, aucun agent du fisc, aucun homme attaché au service ou à la suite du monarque, ne pourrayêtre admis. Art. 60. Les lois que ces assemblées feront et qui seront sanctionnées par le monarque, seront, ainsi que les lois provisoires faites par lui dans l’intervalle d’une assemblée nationale à l’autre, adressées aux Etats de chaque province. Ces Etals les adresseront aux tribunaux de justice, pour les enregistrer purement et simplement, et pour les faire exécuter. Art. 61. Le droit de réclamer, de remontrer sur ces lois, n’appartiendra qu’aux Etats de chaque province. Art. 62. Ces Etats seuls pourront fixer le lieu de la résidence des tribunaux de justice et l’étendue de leurs districts, sous la ratification des assemblées nationales. Artr 63. Les assemblées nationales une fois formées ne peuvent être dissoutes que par elles-mêmes. Elles ont le droit de s’ajourner. Art. 64. Si le monarque voulait les dissoudre avant que les grands intérêts pour lesquels elles auraient été convoquées fussent décidés par elles, le payement des impô;s sera arrêté sur-le-champ dans tout le royaume. Art. 65. Le compte des finances des provinces et des villes sera rendu public toutes les années. Celui des finances de la France sera rendu aux assemblées nationales. Ce qu’on appelait trésor royal sera appelé trésor national. Art. 66. Pendant l’intervalle d’une assemblée nationale à l’autre, il n’y aura jamais de commission intermédiaire (1). Art. 67. Tous les membres de ces assemblées nationales, sans distinction d’ordres, d’état et de citoyens, seront réunis dans une même chambre, et y opineront en commun sur tous les objets. Art. 68. Les députés des communes y formeront toujours la moitié de l’Assemblée. Les présents, plus un, y feront les délibérations. Mais il faudra que les présents forment au moins le quart de l’Assemblée. Art. 69. Il en sera usé de même dans les Etats particuliers des provinces. Art. 70. Toutes les provinces du royaume seront établies en pays d’Etats. Celles qui ont déjà ce genre d’administration serontautoriséesà s’assembler pour le rectifier, en corriger les abus, et mettre dans son organisation toute la plénitude de liberté de confiance et de représentation qu’elles croiront nécessaire, à moins que l’Assemblée nationale ne pourvoie elle-même à celte organisation avant de se séparer. Art. 71. Le monarque est le commandant sû-prêmedes milices et des armées ; mais ces armées et ces milices appartiennent à la nation. Elle a le droit de leur faire prêter serment de fidélité, de respect et d’obéissance. Art. 72. Elles ne peuvent être employées contre les citoyens, à moins que les villes ou les pro-(1) Délibération des Etats généraux de 1776. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1789.] [Assemblée nationale.] 403 vinces, dans des cas de révolte, de sédition ou d’incursion de brigauds, ne demandent leurs secours au monarque ou à ceux qu’il aura délégués dans le commandement. Art. 73. Toutes les villes auront le droit de se garder elles-mêmes, si elles y trouvent leur intérêt ou leur commodité, et à cet effet elles pourront établir des milices bourgeoises. Art. 74. Les talents distingués, les vertus éminentes, de grands services rendus au public, donnent à tous les citoyens français, sans distinction de nobles et de roturiers, le droit d’aspirer à toutes les places, à toutes les charges, à toutes les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 75. Les lois non consenties par la nation, qui excluaient des places distinguées et des corps privilégiés les citoyens non nobles, sont révoquées, annulées et supprimées à jamais. Art. 76. Le monarque a seul le droit d’accorder la noblesse, de rétablir ceux qui en sont déchus, de relever de la dérogeance, de commuer les peines, de donner des lettres de grâce, de rémission, d’abolition et de réhabilitation. Art. 77. La noblesse ne pourra jamais être acquise à prix d’argent. L’Assemblée nationale examinera s’il convient ou non qu’elle reste transmissible et héréditaire. Art. 78. Le régime féodal, la vénalité et l’hérédité des offices de judicature sont abolis. Les justices seigneuriales sont supprimées. Un nouvel ordre judiciaire sera établi. La justice royale sera rapprochée, autant qu’il sera possible, des justiciables. Tout sujet sera désormais jugé par ses pairs, dans les tribunaux qui seront établis en dernier ressort. Art. 79. L’Assemblée nationale prononce la suppression du casuel des curés et de la dîme ecclésiastique. Mais l’un et l’autre seront payés exactement, jusqu’à ce qu’elle ait pourvu aux moyens de les remplacer. Art. 80. L’Assemblée nationale décrète qu’elle prendra des moyens pour mettre dans le commerce les biens du clergé et de l’ordre de Malte, et pour donner des revenus fixes aux ministres de l’autel. Art. 81. Avant de se séparer, l’Assemblée nationale, continuant d’user de son droit primitif, inaliénable, imprescriptible et supérieur à toute entreprise du monarque, fera les lois et les règlements qu’elle croira nécessaires sur la formation et l’organisation des assemblées nationales, des Etats ou assemblées des provinces, du régime municipal; sur la composition des tribunaux de justice, les bornes de leur juridiction, et l’étendue de leurs districts, sur la justice civile et criminelle, la religion et les mœurs, l’administration des finances du royaume, des provinces et des villes; sur le nombre, l’objet, la levée des impôts et la manière d’en faire l’emploi, les suppressions, les réformes, les établissements divers, en un mot sur tout ce qui pourra appeler et fixer le bonheur et la gloire au dedans et au dehors de la France. IDÉES SUR LES BASÉS DE TOUTE CONSTITUTION, soumises à l'Assemblée nationale , parM. Rabaud DE Saint-Etienne (1). De la Constitution. La Constitution est une forme précise adoptée pour le gouvernement d’un peuple. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur, Ce mot vient de cum statuta , établi ensemble, établi de concert : il suppose donc une convention, un accord, c’est à dire le consentement général à être gouverné ainsi. Toute constitution suppose donc que les contractants ont fait des lois en se réunissant en société; et en effet les lois sont des contrats, des conventions. Des hommes qui vont former une société et devenir un peuple conviennent ensemble de se soumettre à telles ou telles conditions. Par le consentement de tous, ces conditions deviennent obligatoires pour tous, et on les appelle des lois. Mais ces lois seraient inutiles, s il n’v avait un ordre établi, une forme convenue pour les faire exécuter : c’est cette forme qu’on appelle gouvernement. La Constitution réunit donc deux choses; des lois convenues par tous, et une forme pour les faire exécuter, convenue également par tous : les lois et le gouvernement; c’est de ces deux choses que l’Assemblée nationale doit s’occuper. De l'objet des lois ou conventions. Les lois ou conventions obligatoires, passées entre des hommes formant ensemble une société, ont pour objet de les rendre plus forts et plus heureux : les hommes doivent donc gagner à entrer en société; et, sans cela, ils n’y entreraient pas. Us sont plus forts par l’association de plusieurs forces; ils sont plus heureux par l’association des secours. De l’association des forces naît une protection de tous en faveur de chacun, et, par conséquent, la sûreté de chacun sous la sauvegarde de tous. De l'association des secours naît la garantie de tous, pour procurer la félicité de chacun. Cependant les hommes entrant en société y viennent avec tous leurs droits, car on ne peut pas dire qu’ils en aient fait quelque sacrifice; ils peuvent y être disposés, mais ils ne l’ont pas fait encore. Non-seulement ils viennent avec tous leurs droits, mais ils viennent pour les y conserver, pour les mettre en sûreté, et sous une garantie plus puissante : la société doit donc donner à chaque homme une jouissance plus assurée de tous les droits qu’il y apporte. Des droits des hommes. Pour connaître les droits de l’homme, il faut connaître le but pour lequel il a été créé, et qu’il ne perd jamais de vue : c’est celui de sa conservation. Tout ce qui tend à le délruire, il le fuit ; tout ce qui tend à le conserver, il le cherche. Ce sentiment lui vient du droit qu’il a à l’existence : être, être bien, être le plus longtemps possible, voilà l’objet pour lequel il a été créé; c’est son droit primitif, inaliénable, et dont tous les autres ne sont que l’application. Il suit de là qu’aucun autre homme ne peut l’empêcher de se procurer les moyens de conserver son existence; qu’il a lui-même le droit de s’opposer aux torts qu’on pourrait lui faire à cet égard; qu’il a par conséquent le droit de conserver son être, et de faire tout ce qu’il juge nécessaire pour cela : c’est ce droit que l’on, appelle liberté. Mais chaque homme a ce droit, autant et tout aussi pleinement que les autres : c’est ce droit