294 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. aucune dépense qui ne soit autorisée par le pouvoir exécutif, ou par le Corps législatif, et je vous demande si les dépenses qui doivent être autorisées par les corps administratifs, ou du moins si ces corps administratifs n’auront pas une surveillance active pour vérifier si ou non les dépenses qu’ils ont autorisées ont été réellement payées. Je vous observe que si vous ne voulez pas leur donner cette surveillance, vous vous écartez des vues de l’Assemblée nationale. M. Camus. Je répondrai sur la seconde question de M. Troncbet que voici ce que nous avons entendu. L’Assemblée nationale décrète que, dans un département quelconque, il sera reçu un million à titres différents; que dans ce même département il sera fait pour 800,000 livres de dépenses pour différents objets; dans ce même département s’il y avait 800,000 livres de dépenses à faire, elles sont faites; donc il riste au département 200,000 livres, et cela est porté sur le compte général. Je passe à l’observation de M. Defermon ; ceux qui étaient persuadés que les receveurs de districts, par exemple, devaient compter sur lieu, ont proposé d’abord de les faire compter aux directoires, soit de district soit de département; mais bientôt nous nous so mes aperçus qu’il y avait un grand inconvénient, parce que, si les administrateurs de district et de département voulaient favoriser quelques particuliers, alors ils seraieut très portés à mettre en reprise un défaut de recette, ou à allouer une recette ; à cet égard ils seraient aussi en état d’allouer au receveur de district des dépenses qui, d’ailleurs, ne seraient point allouées. Le compte général n’est point l’ensemble des comptes particuliers,, mais il en est le résultat. Mais ne serait-ii pas possible que le compte fût rendu au district, ensuite du district, renvoyé au bureau de comptabilité lequel verrait, sur les observations du departement, si le compte aurait été bien ou mal rendu. Nous avons pensé que cela ne ferait que com cliquer la machine, allonger beaucoup les opérations, et qu’en définitive, il faudrait que ce fût toujours le bureau de comptabilité, ou l’Assemblée législative qui examinât elle-même les comptes, chose encore une fois impossible. Nous nous sommes donc alors déterminés pour le plan que je vous ai présenté. Nous entendons bien que les administrations auront toujours la grande main sur les receveurs de district; on pourrait ajouter même une disposition tendant à ce qu’avant l’envoi du compte du receveur de district au commissaire de la trésorerie nationale, il fût présenté au district, lequel y joindra ses observations; mais si vous adoptez cette proposition, il est très essentiel d’ordonner que l’administration de district sera tenue de fournir les observations dans un délai extrêmement court ; sans quoi vous retombez dans l’inconvénient de l’ancien système. Il faut que vous mettiez positivement que, les 15 jours passés, le compte parviendra sans observations, sauf à rendre les directoires responsables des observations qu’ils n’auront pas faites; avec cette réserve, j’adopte l’observation de M. Defermon. M. Malouet. Messieurs, l’objection de M. Tron-chet subsiste dans son entier avec la différence que je l’applique également, et aux commissaires de la trésorerie auxquels M. Camus transporte les fonctions des 4 commissaires vérificateurs, et aux 15 commissaires vérificateurs qu’on crée-[8 septembre 1791.] rait, si le plan des comités était adopté. Il est certain que les auteurs des 2 plans qui vous ont été soumis ne peuvent pas vous faire sortir de cet embarras-ci : on les commissaires de la Trésorerie jugeront définitivement les comptes des receveurs particuliers, ou ils ne seront que les médiateurs, entre les comptables et le Corps législatif que l’on veut qui les apure. S’ils ne sont que les médiateurs, chargés d’une première inspection, il est clair, qu’ils doivent rendre au tribunal, au Corps législatif, on au bureau de comptabilité, le compte, avec tous ses moyens de vérification et de jugement; si au contraire, ils sont les juges en définitif, alors c’est sur 1 urs bordereaux, c’est sur leur expo-é que se feront les apurements, et je crois que l’un et l’autre de ces deux plans sont également insuffisants. Je pense, Messieurs, que nous nous sommes occupés trop peu et trop tard des comptes et de la comptabilité. La suppression des chambres des comptes est, jusqu’à leur remplacement, l’anéan-tissementmomentanéde toute comptabilité légale; car ce qui a été fait et ce qu-on vous propose, ne remplit pas l’objet de la première institution qui était sage et bien combinée, it dont il suffisait, je crois, de réformer les abus. Je ne pense pas même que votre établissement de bureau de liquidation, et la sanction que vous donnez à ses opérations par des formules de décret-, soit maintenu par vos successeurs. Moins occupés que vous, ils examineront, probablement, avec une grande attention, l’état des finances et de la comptabilité. Si vous voulez qu’ils en reçoivent de vous les moyens, et qu’ils ne détruisent pas votre ouvrage, je vous engage à adopter un autre plan que celui de votre comité. Car il est impossible qu’un bureau de comptabilité, composé de quinze commissaires, vérifie tous les comptes du royaume; il n’est pas plus raisonnable que le Corps législatif se charge autrement que pour la forme de l’apurement de ces comptes. Vous rendriez, par là, nulle et dérisoire l’inspection qu’il doit conserver sur la comptabilité et sur l'administration des finances. Cette action du Corps législatif sur la fortune publique n’a encore été saisie ni déterminée de manière à s’exécuter utilement et avec facilité ; je vais vous dire comment je la conçois, mais je dois auparavant vous rappeler sommairement l’ordre ancien de la comptabilité, ses avantages et ses abus ; je vous montrerai ceux du nouveau mode qu’on vous propose, et je finirai par vous soumettre le plan que je crois convenable de substituer à ce que vous avez détruit. Lus comptes, dans l’ancien régime, passaient par deux degrés de vérification avant d’arriver à l’apurement qui avait lieu par le jugement final de la chambre. Tout comptable se trouvait à côté d’un contrôleur ou d’un ordonnateur, et souvent tous les deux à. la fois suivaient ses opérations. Tout payeur rendait compte à l’administrateur immédiat dont il avait reçu les ordres de payement; celui-ci vérifiait et garantissait l'authenticité des pièces et la balance du compte. De ce premier degré de vérification, le comptable passait à une seconde inspection, qui était celle de l’administrateur général ou ministre de son département. Près de celui-ci était un bureau de vérification, dans lequel on recommençait le contrôle de chaque pièce et la vérification des sommes. Enfin le compte ainsi vérifié était présenté au jugement de la Guambre. Ces divers degrés d’inspection paraissent en [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 septembre 1791.] 295 théorie le complément des précautions que l’expérience peut suggérer pour la parfaite surveillance des comptables, et il est, en effet, impossible d’imaginer un meilleur ordre en en réformant les abus qui s'y étaient introduits. Voici quels étaient ces abus. Dans la première vérification, celle qui s’exécutait par l’administration immédiate, je suppose celle delà guerre ou de la marine, s’il y avait des dépenses exagérées, l’administrateur qui les avait ordonnées n’avait garde d’en contester la validité, et sa responsabilité qui formait en même temps la garantie du comptable, était rarement compromise après un certain laps de temps, qui effaçait la trace ou le souvenir des dépenses qu’il aurait pu éviter ou modérer. Dans la seconde vérification du ministre, cet abus se reproduisait ou pouvait se reproduire avec plus de gravité, c’est-à-dire que les dépenses que celui-ci avait ordonnées sans des motifs suffisants non contestés par l’administrateur subordonné, étaient revêtues dans les bureaux du ministre de toutes les formes légales qui pouvaient les faire allouer par la Chambre. C’est ainsi que la comptabilité des vivres, des fourrages, des hôpitaux, des étapes, des ponts et chaussées, celle de la marine et des colonies, était en quelque sorte insaisissable par la distance des époques de la dépense à celle de la vérification définitive; ces grands couloirs du Trésor public étaient et sont encore à la disposition des premiers agents préposés à leur inspection; et, si leur administration immédiate n’est pas pure, économique, éclairée, 20 comités réunis de l’Assemblée nationale n’y connaîtront rien lorsqu’on leur présentera, après 8 ou 10 années, des comptes informes, revêtus de toutes les signatures, de toutes les pièces qui en opèrent l’apurement. Cependant le jugement final de ces mêmes comptes étant attribué à des hommes très exercés dans cette matière, et qui portaient dans les moindres détails une attention scrupuleuse, il y avait encore très ordinairement des rejets, des radiations d’articles, et une sévérité imnertur-bable sur l’exigence des formes essentielles et minutieuses. Mais les difficultés qu’éprouvait le comptable ne retombaient presque jamais à sa charge, à moins qu’il n‘y eût de sa part des négligences ou omissions de pièces qu’il avait été en son pouvoir de se procurer; lorsque la négligence était de l’administrateur, il ne manquait d’y pourvoir par un ordre du roi ou par un arrêté du conseil, et la juridiction de la Chambre ne s’exerçait en dernière analyse que sur des erreurs de date ou de calcul, ou sur des noms tronqués, des certificats de vie, des quittances ou des procurations informes. Son autorité était nulle pour rechercher, prévenir ou punir les fausses dépenses, le gaspillage, lorsque les pièces étaient en forme comptable. Ainsi l’institution la mieux combinée dans toutes ses parties pour la surveillance des dépenses publiques se réduisait à de vaines formalités. La dégradation de cette institution provenait de deux causes : 1° l’arrièrement des comptes, qui ne permettait plus que la vérification des pièces, sans aucune trace ni rapprochement des faits; 2° l’autorité du tribunal qui les jugeait enchaînée par lepouvoir supérieur des ordonnateurs qui devaient être jugés comme les comptables. En faisant cesser ces deux causes, vous ne pouvez rien imaginer de mieux qu’une première reddition de comptes à l’administrateur immédiat de la caisse, un contrôle ou vérification de ce compte par une autorité supérieure, et un jugement final par un tribunal dont les membres soient spécialement voués à ce genre de service; car, pour juger un compte de la guerre, ou de la marine, ou des ponts et chaussée, il faut des hommes exercés dans tous les détails de dépense qui appartiennent à chacun de ces départements. Je puis citer de préférence les comptes de la guerre et de la marine, parce que ces deux seuls départements forment en temps de paix la moitié de la dépense publique, et en temps de guerre il est telle campagne de mer qui a coûté 180 millions. Or, qu’est-ce que l’on vous propose pour vérifier la masse totale des recettes et dépenses de l’Etat ? Un bureau de comptabilité composé de 15 commissaires vérificateurs; Le Corps législatif apurant tous les comptes d’après leur rapport fait à un comité, c’est-à-dire, éteisnant par un décret d’apurement toute responsabilité. Enfin un tribunal spécial pour juger toutes les contestations, toutes les parties contentieuses de ces comptes. Il est facile de vous démontrer l’insuffisance, la nullité même d’un tel établissement. J’estime à 800 par année le nombre des comptes et des comptables principaux. Celui des pièces à vérifier s’élève peut-être à 2 ou 300,000. Que vouh z-vous que fassent 15 commissaires au milieu de cette immensité de papiers? dans quel ordre procéderont-ils ? Remarquez bien que c’est dans ce centre unique en première et dernière instance qu’on fait arriver tous les comptes; n’apercevez-vous pas là tous les signes du chaos? les receveurs, les trésoriers et les ordonnateurs arrivant directement à ce centre de comptabilité, n’auront-ils pas toute facilité de s’y rendre arbitres de leur propre gestion ? Quel temps et combien d’agents subalternes ne faudrait-il pas pour vérifier les détails de chaque compte? que) moyen auront les commissaires de surveiller le travail de leurs subalternes? et que restera-t-il à faire au tribunal supérieur des comptes, si toutes les contestations, toutes les difficultés se terminent dans le bureau de comptabilité, dont les membres seront les maîtres de faire ou ne pas faire des difficultés? Je maintiens que ces vérificateurs ne pourront rien vérifier, et que le Corps législatif ne pourra rien apurer en connaissance de cause ; enfin je dis que le tribunal supérieur, réduit à ne prononcer que sur les objets contentieux, serait presque inutile s’il n’était aussi chargé de prononcer sur la légalité de tous les comptes. Le vice essentiel de la nouvelle institution consiste donc dans la suppression des premiers degrés de vérification, sans lesquels le jugement définitif et l’apurement sont impossibles. La sûreté de tous les comptes de l’Etat repose essentiellement dans la fidélité des registres des comptables. La première vérification de ces registres est la plus importante : elle doit être locale, instantanée, habituelle; et ce sont des administrations partielles que vous devez ordonner avec une grande attention, si vous voulez avoir une comptabilité générale, claire et facile. 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 septembre 1791.] Or, le plan du comité vous présente un point central dont on n’aperçoit ni les rayons, ni la circonférence; ce bureau de vérification sera un vaste magasin où les messageries voitureront des papiers de toutes les parties du royaume, et c’est là que le Corps législatif et les comités puiseront des lumières. Mais, dira-t-on, le Corps législatif peut-il être étranger à la comptabilité des recettes et dépenses publiques ? n’est-ce pas à lui qu’appartient cette inspection suprême ? et comment pourra-t-il l’exercer si vous soutenez qu’il lui est impossible d’apurer tous les comptes? Oui, sans doute, le Corps législatif doit inspecter et vérifier; c’est pour que cette inspection ne soit pas illusoire, pour lui assurer les moyens de l’exercer utilement que je rejette l’institution qu’on vous propose; c’est en voulant tout faire, en attirant à vous tous les détails que l’ensemble vous échappera, et que vous ne pourrez porter sur aucuns une attention sévère. Voyez ce qui vous est arrivé dans cette session et ce que vous avez pu obtenir de vos comités en comptabilité, en vérification de comptes; la situation des finances ne vous a été connue que par bordereaux, mais vous n’avez pu vérifier ni juger aucune opération de finance, ni en recette, ni en dépense. On n’a cessé de demander des états au ministre, et le contrôle de ces états, les pièces qui les appuient, les pièces dont sera composé chacun des comptes dont ils présentent les sommaires, ne seront peut-être pas rassemblées et vérifiés dans 10 ans. J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, un état signé, certifié par un ministre, qui expose ce qui est entré, ce qui est sorti du Trésor public, n'est qu’un exposé sommaire de son administration, et c’est cependant tout ce que vous pouvez lui demander; mais ce n’est là que la préface d’un compte, et tant que les pièces probantes ne sont pas réunies et vérifiées, la comptabilité effective n’existe pas. Or, la cause de sa non-existence, je le répète, cW l’arrièrement des comptes partiels de chaque caisse, de chaque département, qui doivent former la balance du compte général des recettes et des dépenses d’une année. Mais quelle est donc la cause de cet amèrement, et comment la faire cesser? faut-il bouleverser pour cela l’ancienne institution? non, les retards, les désordres de la comptabilité sont nés des désordres inévitables d’une administration arbitraire. Les chefs de cette administration ayant été longtemps indépendants les uns des autres, et absolus chacun dans leurs parties, il n’existait point d’autorité supérieure à la leur, qui pût les soumettre à la sévérité des formes, et le pouvoir qu’ils exerçaient sur les comptables leurs subalternes était presque annulé par l’influence de ceux-ci sur toutes les opérations de finances : car un homme habile les complique à volonté d’une manière inextricable pour un homme inexpérimenté, et le cardinal de Richelieu eût été, pour un trésorier, un inspecteur moins redoutable, qu’un auditeur des comptes exercé dans sa partie. En considérant donc l’intérêt des comptables à éloigner leur reddition de compte et à prolonger le maniement de leurs fonds, l’intérêt des administrateurs immédiats à atténuer leur responsabilité par la distance de l’époque où ils opèrent à celle où on vérifie leurs opérations; en considérant l’impuissance où était la cour des comptes d’exercer sur les ordonnateurs, comme sur les comptables, une véritable juridiction; en ajoutant à ces observations celle de l’inexactitude des payements, des longs crédits, des acomptes multipliés sur une même dépense, et de la complication d’écritures qui en résultait, on aura trouvé toutes les causes de l’arrièrement des comptes et des désordres de la comptabilité. Ces abus ne doivent plus exister, il n'y aura plus d’ordonnateurs absolus, ils reconnaîtront une autorité supérieure qui les surveillera tous; il n’y aura plus de dépense arbitraire, et dont les fonds ne soient exactement assignés; les payements par acompte d’un exercice à l’autre ne compliqueront plus les écritures : ainsi il n’existera plus de cause de retards pour la reddition des comptes partiels et du compte général des recettes et des dépenses de l’Etat. Voici le moment d’examiner si l’ancienne institution peut s’adapter au nouvel ordre cte choses que vous avez établi, et si elle peut suffire à la reddition des comptes anciens et nouveaux. N’oubliez pas, Messieurs, que j’ai démontré impossible ou au moins insuffisant îe mode qu’on vous propose. Je n’oublie pas moi-même que je dois placer ici l’action du Corps législatif et son inspection effective sur toutes les recettes et dépenses. Je propose donc, premièrement, de transporter sous les yeux de l’Assemblée nationale, et immédiatement sous ses ordres, le contrôle général de toutes les recettes et dépenses publiques. Ce contrôle ne peut être exercé dans sa partie active et responsable par l’Assemblée elle-même ou par ses comités; le contrôleur, ses adjoints, ses bureaux, ses registres, doivent former un dépôt permanent, où l’Assemblée puisse prendre à tous les instants les renseignements qui lui seront nécessaires sur l’état des finances; ces officiers doivent être à sa disposition; aucun détail d’administration ne doit leur être confié ni en recette, ni en dépense, ni en liquidation; mais tous les receveurs et tous les payeurs de l’Etat leur adresseront chaque mois un bordereau de leur caisse. Tous les comptables adresseront chaque année au contrôle un compte sommaire de la recette et dépense de l’année précédente. Les comptes annuels et les borderaux de chaque mois, vérifiés les uns par les autres, le seront encore sur les grands livres du Trésor public; et leur résultat formera le tableau général de recette et dépense qui sera mis sous les yeux de la législature; ce travail sera à la charge et sous la responsabilité de son contrôle. Voilà, Messieurs, comment je conçois la partie de comptabilité qui vous regarde, celle que vous pouvez saisir, d’après laquelle vous pouvez rechercher et connaître le déficit dans les reèettes, l’exagération dans les dépenses. Voici maintenant comment cet établissement se lie à un système général de comptabilité, qui est tout autre chose. 11 faut prendre les recettes et dépenses à leur origine, et ne jamais les perdre de vue pour les conduire à un jugement légal et définitif, qui corresponde au contrôle général que je vous propose, sans y employer ni les mêmes agents, ni les mêmes moyens. Indépendamment de l’administration supérieure qui est le conseil du roi, chaque receveur et payeur est soumis à l’administration immédiate "d’un seul ordonnateur ou de plusieurs administrateurs, tels que les officiers municipaux et les directoire? de districts et de département. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[8 septembre 1791.] Je remarque d’abord que toute administration [ collective, qui peut acheter, payer et dépenser, est la plus dangereuse des institutions; et si vous n’y prenez garde, vos municipalités ou directoires ruineront le royaume en 10 années; vous aurez beau les rendre comptables et responsables, outre que vous n’avez pris aucune mesure pour assurer cette comptabilité, je la soutiens impossible dans l’état actuel des choses. Les corps ne sont propres qu’à surveiller, délibérer et juger, mais toute administration de revenus et de dépenses entre leurs mains aura toujours le sort d’une direction de créanciers. AiDsi la première opération que prescrit un bon système de comptabilité, est de laisser aux corps administratifs, dans chaque département, la surveillance des recettes et dépenses, mais d’en attribuer le contrôle journalier et responsable à un administrateur spécial qui n’exécuterait que les ordres approuvés par le roi. J’attache particulièrement à cette condition la sûreté et le succès de tout système de comptabilité. Je donnerais pareillement la charge de la régie des biens nationaux à un administrateur spécial, sous la surveillance des directoires. Cet ordre naturel ainsi rétabli dans la comptabilité première, vous avez, dans les conseils des départements, des bureaux de vérifications tout formés. Ce serait, dans les lieux mêmes de leur exercice, que les receveurs, les payeurs et les administrateurs responsables subiraient un premier jugement; les directoires permanents prépareraient la vérification des pièces à charge et à décharge; le conseil du département en arrête-terait la balance. Ges comptes ainsi arrêtés seraient envoyés au contrôle établi près la législature, qui l’adresserait, avec ses observations, au tribunal suprême de comptabilité, que je proposerais d’établir dans la capitale, tant pour recevoir et juger en première et dernière instance les comptes du Trésor public, ceux de la guerre, de la marine, des affaires étrangères, des ponts et chaussées, que pour prononcer définitivement sur tous les comptes particuliers des départements. Ce tribunal suprême de comptabilité ne peut être composé de juges élus par le peuple. Il faut nécessairement choisir des hommes exercés dans ce genre de travail et de connaissance. Les cours des comptes supprimées, fourniraient à la première composition qui, dans mon opinion, doit être confiée au roi. (Murmures.) Messieurs, remarquez bien que le Corps législatif permanent ayant tous les moyens d’une inspection suivie, très efficace de toutes les parties de l’administration, il ne peut y avoir d’inconvénient à adopter ce que je vous propose. Je pense même que, si vous voulez avoir un établissement vraiment utile, c’est parmi les membres des anciennes chambres des comptes qu’il faudrait en prendre actuellement les premiers éléments; car je ne sais trouver des hommes capables de telle ou telle chose, que là où iis se trouyent, et non pas ailleurs. Rappelez-vous, Messieurs, ce qu'on vous a dit de l’impéritie de plusieurs receveurs de district, élus par le peuple ; 'e ne pense pas qu’il soit raisonnable de courir e même risque pour la composition d’un tribunal de comptabilité. Tel est donc le résumé de mon plan. Je donne au Corps législatif ce qui lui appartient, une inspection active et continue, en plaçant sous ses yeux et sous ses ordres le contrôle 297 général de toutes les recettes et dépenses de l’Etat. J’établis la vérification première de chaque compte, dans le lieu même où elle peut s’exécuter le plus facilement par les conseils de département. Je les sépare ainsi de toute administration immédiate des dépenses, qui ne peut leur être abandonnée sans de grands inconvénients; et, lorsque vous y regarderez, lorsque vous serez instruits comme je le suis moi-même, pour quelques localités, de la facilité avec laquelle certains corps administratifs se livrent à une extension de frais et dépenses ; vous ne douterez pas de la nécessité de les réduire à une surveillance habituelle, sans aucune action directe. Dans chaque administration, dans chaque lieu, il ne doit y avoir qu’un seul agent responsable des dépenses directes. Les comptes ainsi vérifiés sur les livres et sur les pièces, doivent parvenir au contrôle général pour subir un nouvel examen, et leur jugement définitif appartient à un tribunal qui ne peut être le Corps législatif : car s’il y a lieu à accusation contre les ordonnateurs, administrateurs et comptables, c’est au Corps législatif qu’il appartient de les dénoncer et de les poursuivre. Je viens, Messieurs, de vous exposer le plan que je propose de substituer à ceux qui vous sont présentés. Ce plan, s’il était adopté, exigerait un développement que je voudrais contester avec vos comités; mais en voici les bases que j’ai rédigées dans les 7 articles dont je vais vous donner lecture : « Art. 1er. Il sera établi près l’Assemblée nationale, et sous ses ordres, un contrôle général de toutes les recettes et dépenses de l’Etat ; le contrôleur, ses adjoints et ses bureaux seront à la nomination du Corps législatif. « Art. 2. Tous les comptables adresseront au contrôleur général un bordereau par chaque mois, et un compte sommaire par chaque année de leurs recettes et dépenses. « Art. 3. Lesdits comptes et bordereaux seront vérifiés sur les registres de la Trésorerie, et leur résultat sera compris dans un tableau présenté à la fin de chaque année à la législature. « Art. 4. Les directoires et conseils de départements et de districts conserveront la surveillance de toutes les recettes et dépenses ; mais aucunes dépenses ne pourront être exécutées, lorsqu’elles auront été approuvées par le roi, que sur les mandats d’un des administrateurs à ce commis spécialement par le roi. « Art 5. Les conseils de département vérifieront et arrêteront les comptes de tous les receveurs et payeurs de leur departement ; lesdits comptes, ainsi vérifiés, seront adressés au contrôleur en exercice près l’Assemblée nationale. « Art. 6. Il sera établi à Paris un tribunal suprême de comptabilité, dont les membres seront choisis par le roi parmi ceux des chambres des comptes supprimées. « Art. 7. Ledit tribunal jugera en première et dernière instance les comptes de la Trésorerie, ceux de la guerre, de la marine, des affaires étrangères, des ponts et chaussées, et jugera définitivement les comptes des départements qui lui seront adressés par le contrôleur des recettes et dépenses, avec ses observations. » M. Boissy-d’Anglas. Le discours de M. Ma-louet renferme des vues très saines et très sages : je propose que M. Malouet veuille bien se retirer au comité de liquidation et rédiger, de cou-