[Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [26 juillet 1790.] 37 1 prudence, et qu’il nous est si doux de manifester, nous fait une loi de ne rien taire et nous impose l’obligation de vous éclairer sur des maux qui seront sans doute prévenus dès que vous en connaîtrez le danger. Nous avons pu contenir et réprimer sa colère, j’ignore si nous aurions le même pouvoir sur l’affection et la reconnaissance. Vous suppléerez, Messieurs, à notre faiblesse, à l’impuissance de nos moyens, ou plutôt vous chercherez à maintenir et à cimenter la paix dont notre ville jouit; nous vou3 l’attestons, Messieurs, à notre départ, elle offrait l’image du bonheur et de la concorde : la cérémonie auguste de la fédération avait ému tous les cœurs et réchauffé toutes les âmes, on se couvrait de lauriers et de fleurs, et les élans du patriotisme se mêlaient à tous Jes plaisirs et à tous les jeux. On a voulu vous persuader qu’un grand nombre de familles étaient errantes et fugitives, qu’elles n’osaient se rapprocher de leurs foyers, qu’une prodigieuse émigration avait dépeuplé cette ville turbulente. Erreur, Messieurs, erreur ; je ne veux pas dire imposture. Nous vous attestons ne pas connaître une seule maison transplantée (1); quelques individus se sont dispersés à Toulouse, dans cette capitale; mais ce sont des voyages ou des absences; leurs pères, leurs familles, leurs établissements restent à Montauban, et rien n’annonce qu’ils aient quitté leur patrie. Ce doux nom les rapprochera, elle leur ouvre son sein. Vous avez vu comme la garde nationale presse affectueusement les membres séparés de se réunir à ses drapeaux. Le vœu secret de mon cœur et celui de mes collègues aurait été un oubli général et absolu : à ce prix le sacrifice des injures ne nous eût rien coûté; l’honneur même y aurait souscrit. C’est dans cette vue que les deux partis avaient signé un traité solennel de concorde et d’amitié, auquel je me fais gloire d’avoir coopéré par mes puissantes exhortations : j’en avais béni le ciel. Ce jour qui est le 3 juin, où la municipalité déposa dans ses registres, cet acte pacifique, me parut un jour fortuné qui devait ramener le calme et la sérénité dans nos mœurs, et recommencer nos belles destinées. Comment cette espérance a-t-elle échoué? Il n’est plus temps de la former, elle ne saurait renaître; nous sommes traduits comme criminels, et nous devons être jugés. Mais une procédure légale doit préparer le jugement, cette procédure existe, etquelquedéfiaoce qu’elle pût nous inspirer, elle seule doit nous absoudre ou nous condamner. Jusque-là nous ne pouvons avec justice être privés de nos fonctions. Vous venez d’entendre notre justification, Messieurs, qui n’a pu recevoir l’étendue et le développement dont elle était susceptible. Elle n’est pas moins solide, elle n’est pas moins concluante , car la vérité agit toute seule et n’a besoin que de se montrer. Nous ne formons aucune demande, c'est en votre sagesse que nous plaçons notre confiance; il suffit que vous nçus reconnaissiez innocents, tous nos vœux sont remplis. M. Combes-Dounous, un des membres de la députation, dit: « Citoyen de Montauban, chargé d’une mission. honorable, c’est au nom de citoyens opprimés que je viens parler. Le mois de juillet 1789 vit éclore à Montauban un comité patriotique, composé de citoyens de toute condition. La paix régnait dans la ville ; on les calomnia, on les inquiéta, on intrigua, on réveilla le fanatisme religieux; l’appareil militaire fut même déployé; les bons citoyens découragés se retirèrent des assemblées primaires, et le petit nombre de ceux qui y restèrent forma la municipalité que vous connaissez : elle commença par retirer des mains du général les clefs de l’arsenal, qu’il avait toujours eues, c’était sans doute pour eu faire le fatal usage auquel elle les destinait; elle permit des assemblées incendiaires et fanatiques, où se trouvaient des femmes et des enfants ; elle défendit celles de la garde nationale ; elle a souffert que le frère d’un officier municipal publiât dans la ville de faux décrets, dans un journal auquel il donnait le nom de Journal des Débats, et qu’il falsifiait à son gré ; elle n’a nommé que depuis peu un collecteur; elle a éludé l’exécution du décret qui autorise un emprunt de 18,000 livres en faveur des malheureux, et les a ainsi privés des secours qu’ils étaient en droit d’attendre ; elle a saisi avec empressement l'occasion d’établir un corps rival de la garde nationale, au mépris de 60 pères de famille, qui lui en ex-osaient le danger, et de 999 soldats contre 336. Ile avait annoncé publiquement que le lundi 10 mai, jour des Rogations, elle irait faire l’inventaire des maisons religieuses. Les portes des églises étaient défendues deux heures avant leur arrivée. Douze sotdats auraient pu empêcher le désordre ; les officiers municipaux ne réclamèrent aucun secours. M. Romagnac, négociant, est informé que les troubles vont fondre sur l’hôtel de ville ; il en instruit la municipalité, on lui répond qu’il se fait des monstres pour avoir le plaisir de les combattre; il offre de se transporter à l’endroit avec la municipalité ; on se contente de lui envoyer un capitaine du guet. Déjà le peuple dépave les rues, et fait voler les pierres par-dessus les murs de l’hôtel de ville: les dragons sont retirés dans leur corps de garde, où ils sont assaillis à coups de pierre et de fusil. M... dit à un officier municipal : « Voulez-vous que je fasse retirer le peuple, sans occasionner aucun malheur? — On n'a pas besoin de vous, lui répondit-on; quand on en aura besoin , on vous appellera. » La municipalité a dit qu’on avait fait plusieurs décharges sur le peuple ; mais il y aurait eu des morts sur la place ; personne n’a été ni tué, ni dangereusement blessé, quelques-uns ont reçu de légères atteintes; c’est l’effet du désordre qui* régnait entre eux; on entendait les cris de : Vive le roi , vive la noblesse, vive V aristocratie, à bas la nation et la cocarde nationale ! Loin de nous opposer à l’information de tous ces faits, nous nous soumettons à tel tribunal qu’il vous plaira d’ordonner, et telle est notre confiance, que nous ne craindrons pas de nous constituer prisonniers sous la sauvegarde de la loi. » {On applaudit dans une grande partie de la salle et de toutes les tribunes.) M. le Président invite ensuite un des députés de l’ancienne garde nationale montaubanaise à présenter la défense de cette garde. (1) Il a été remarqué verbalement qu’il fallait excepter celle du sieur Joaubou qui disparut le matin au 10 mai. M. de Mirabeau, le jeune. Les tribunes sont vendues. M. le Président dit aux uns et anx antres : L’Assemblée nationale prendra, Messieurs, en considération les deux mémoires dont vous venez de faire la lecture et la remise sur le bureau. Elle