(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1790.J 68 telett par le procureur-syndic de la commune de Paris (1). La lettre est ainsi conçue : « M. le Président, je vous prie de lire à l’Assemblée nationale cette lettre que j’ai l’honneur de vous écrire rapidement. Je viens d’être informé que M. le procureur-syndic de la commune de Paris, à la réquisition du comité des recherches de la ville, qui dit s’être concerté avec le comité des recherches de l’Assemblée nationale, m’a dénoncé au Châtelet, comme prévenu du crime de lèse-nation avec MM. de Maillebois et de Bonne-Savardin. Je crois devoir à la considération, plus que jamais nécessaire à mes fonctions publiques, d’aller au-devant de cette accusation calomnieuse, comme je l’ai déjà fait à deux différentes reprises lorsque j’ai été dénoncé à l’Assemblée nationale. Son comité des rapports n’y ayant donné aucune suite, j’ai respecté l’importance des occupations de l’Assemblée nationale, et j’ai livré à l’oubli d’injustes imputations. Mais aujourd’hui qu’un tribunal juridique est saisi d’une action intentée contre moi, je prends l’engagement solennel de la poursuivre en sacrifiant mes veilles à ma défense, si le travail de ma place emploie le cours entier de ma journée. Peut-être devrais-je être moins affecté de cette nouvel le accusation ; mais le sentiment de confiance que donne une vie honorable de 55 années, dont 40 au service de la patrie, dans de grands et importants emplois; ce sentiment, dis-je, n’est pas assez fort en moi pour me faire supporter patiemment que le mot de crime puisse accompagner mon nom, et atteindre mon exacte probiié. J’ose déclarer à l’Assemblée nationale et à la nation entière, que je n’ai jamais eu aucun rapport de confiance avec MM. de Maillebois et de Bonne-Sa vardin, quoique les connaissant depuis longtemps l’un et l’autre; ce dernier nommément pour l’avoir vu à Constantinople il y a plus de 20 ans, et depuis à l’occasion de mon ambassade en Hollande, parce qu’il était entré au service de cette république avec M. de Maillebois. « Ce que je puis me rappeler, dans le très petit nombre de visites que m’a rendues M. de Bonne-Savardin depuis, c’est qu’il m’a sollicité de m’intéresser au payement des dettes de M. de Maille-bois; qu’il m’a présenté l’inconvénient de laisser ce général français à un service étranger; qu’il me dit enfin que le roi pouvait s’en servir encore utilement, même pour le ministère de la guerre. Je n’ai jamais répondu à tout cela que comme à des objets qui ne regardaient point mon département, et il est à remarquer que ce particulier ne paraît m’avoir cité nulle part, mais bien un sieur Farey , nom que je n’ai jamais ni porté ni emprunté. Je ne puis savoir quelles sont les pièces à l’appui de l’application de ce nom au mien ; mais je la certifie à l’avance fausse et illusoire. — Ce chef d’accusation écarté, il reste à me justifier d’une autre inculpation qu’on m’a rapporté être conçue en ces termes : « Que M. Guignard n’a cessé de témoigner sa haine et son mépris pour l’Assemblée nationale, et les lois décrétées par elle et acceptées par le roi, tandis que le premier devoir d’un ministre est de les faire exécuter et respecter. — Je déclare hautement que je les respecte, je reconnais qu’il est de mon devoir de les faire exécuter en tout ce qui dépend de moi, et ce devoir je l’ai (1) Voy. aux Annexes de la séance la dénonciation de la commune de Paris. rempli, j’ai la conscience intime d’avoir servi avec zèle et fidélité ma patrie et mon roi, et j’invoque à cet égard le glorieux témoignage d’estime dont l’Assemblée nationale m’a honoré l’armée dernière; j’ai juré le maintien de la Constitution, et je serai fidèle à mon serment. » M. Merlin, au nom du comité féodal et du comité d’agriculture et de commerce réunis, fait un rapport sur le péage de M. de Croy , au Ques-noy, près de Lille (1). Messieurs, vos comités de féodalité et de commerce réunis ont examiné les réclamations des Etats de la Flandre gallicane, contre la perception que M. de Groy continue de faire d’un péage sur la rivière de JDeule, au bourg de Quesnoy, près de Lille. Ces réclamations leur ont paru justes, et vous les jugerez, sans doute, Messieurs, de même, d’après le compte très bref que j’ai à vous rendre des faits et des principes sur lesquels elles sont fondées. Dans le fait, M. de Croy possède au Quesnoy un péage qui lui a été confirmé par un arrêt de la commission des péages, du 16 octobre 1734; ce péage, dont le produit annuel n’a été, jusqu’en 1788, que de 52 livres, était chargé de l’entretien d’un pont qui, étant de bois, exigeait de temps en temps une entière reconstruction. En 1788, M. de Groy a représenté au conseil que, pour éviter à l’avenir ces fréquentes reconstructions en bois, le feu maréchal de Groy, son père, avait tout récemment fait reconstruire le pont en pierre ; qu’il y avait employé 33,500 livres, et que cette dépense extraordinaire méritait bien que le roi étendît et augmentât son péage origi nairement trop modique pour l’en dédommager. Sur cet exposé, arrêt du conseil, du 28 septembre 1788, qui, sans consulter les Etats de Flandre et sans lettres patentes, arrête, pour le péage de M. de Groy, un nouveau tarif au moyen duquel ce droit, qui précédemment ne rapportait que 52 livres par an, doit, par aperçu, produire année commune 29,945 livres, et dans les bonnes années 38,918 livres. Les Etats de Flandre ont aussitôt réclamé contre cette manière, aussi illégale que tyrannique, d’établir de nouveaux impôts, mais jusqu’à présent leurs réclamations n’ont été, dans les bureaux des ministres, que vox clamantis in deserto. Heureusement, ils ont appris par l’article 16 du titre II de votre décret du 15 mars, qu’à vous seuls appartient actuellement le droit de statuer sur la conservation ou l’extinction des péages, parce qu’à vous seuls appartient celui d’établir, de conserver ou de supprimer les impôts; et c’est, Messieurs, d’après cet article que, sans vous regarder comme un tribunal judiciaire, mais en vous considérant tels que vous êtes, c’est-à-dire comme le Corps législatif, ils ont fait demander et ont obtenu, le 11 de ce mois, un décret par lequel vous avez enjoint à vos comités de commerce et de féodalité de vous rendre compte de cette affaire dans trois jours. Gette affaire, Messieurs, se réduit à des points très simples par l’article 15 du titre II de votre décret du 15 mars. Vous avez, en supprimant les droits de péage, excepté et maintenu par provision ceux de ces droits qui avaient été concé-(1) Le rapport de M. Merlin n’a pas été inséré au Moniteur. Nous rempruntons au Point-du-Jour, t. XII, p. 83. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1790.] Qg dés, non pour cause d’entretien, mais pour cause de construction de canaux ou autres ouvrages d’art, entrepris sous cette condition. Vous avez en même temps ordonné, article 16, que les possesseurs de péages, qui se prétendraient dans celte exception, ne pourraient continuer leur perception que sur le pied du tarif de la création primitive, et qu’ils seraient tenus de représenter leurs titres par devant les assemblées de département, sur l’avis desquelles il serait ensuite statué définitivement par le Corps législatif. Dès lors, Messieurs, il est évident que si, ce qu’on ignore, le péage confirmé à M. de Croypar l’arrêt du conseil, du 16 octobre 1734, lui a été originairement concédé pour dédommagement de la construction d’un pont fait sous cette condition, ce péage se trouve excepté de la suppression ; que cependant la perception n’en peut être continuée, même provisoirement et en attendant l’avis du département du Nord, que sur le pied du tarif de 1734. En conséquence, le tarif de 1788 et l’arrêt du conseil auquel il doit l’existence, sont rentrés, par votre décret même du 15 mars, dans le néant dont les avait tirés l’abus de la faveur. C’est sur ces motifs qu’est basé le projet de décret que nous vous proposons. M. le Président met le décret aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de féodalité et de commerce réunis, sur les réclamations qui lui ont été adressées contre la perception que le ci-devant seigneur de Quesnoy, près de Lille, continue de faire d’un péage et pontonage sur la rivière de Deule, a décrété et décrète : « 1° Que l’arrêt du conseil, du 28 septembre 1788, portant extension dudit péage et pontonage, est et demeure comme non-avenu ; « 2° Que, provisoirement et jusqu’à ce que, sur l’avis de l’assemblée du département du Nord ou de son directoire, il ait été statué definitivement à cet égard par le Corps législatif, le ci-devant seigneur de Quesnoy peut continuer la perception des droits énoncés dans l'arrêt du conseil du 16 octobre 1734, en se conformant à l’article 16 du titre II du décret du 15 mars dernier, et à la charge de restitution, s’il y a lieu. » M. Cfiabroud, organe du comité des rapports 1 rend compte des désordres qui se sont produits à Lyon. Messieurs, on a cbercbé à persuader au peuple de Lyon qu’il dépendait des officiers municipaux de supprimer tous les droits d’aides et barrières qui se perçoivent aux entrées de cette ville. Les barrières auraient, en effet, été forcées sans les efforts qu’a fait la municipalité pour désabuser le peuple. Cependant, comme il y a toujours du danger, tant que l’Assemblée lie se sera pas expliquée à ce sujet, c’est par ce motif que nous vous proposons un projet de décret. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angèly). Il est impossible de ramener le calme dans la ville de Lyon, tant qu’il subsistera des privilèges. Les cabaretiers paient à Lyon et dans plusieurs villes des provinces méridionales, un droit particulier de détail qui n’est pas acquitté parles bourgeois ; de manière que, pendant tout le temps que le bourgeois a du vin à vendre, le cabaretier n’en vend pas. Je demande qu’à la suite du décret proposé par le comité des rapports, on décrète la suppression de ce privilège. M. Périsse. Le droit qui appartient aux bourgeois de Lyon n’est pas un privilège; ils vendent leur vin en gros ou en détail sans payer de droit, au même titre que d’autres propriétaires vendent leurs blés, leurs bois ou leurs bestiaux. M. Bouche. La faculté accordée aux propriétaires de vignes de vendre leurs vins sans payer les droits du détail, est un puissant encouragement à l’agriculture ; cette faculté est en usage dans presque toutes les contrées méridionales et ce serait les mettre en feu que de vouloir y por ter atteinte. M. d’André. Nous aurions peut-être à parler longuement sur cette question qui ne saurait être traitée avec maturité à propos d’une affaire locale. Je demande l’ajournement et le renvoi au comité d’imposition. D'autres membres proposent le renvoi au comité des finances. L’Assemblée prononce le renvoi aux comités réunis d’imposition, d’agriculture et des finances. Le projet de décret proposé par M. Ghabroud est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu de la part de son comité des rapports, de ce qui s’est passé le 8 de ce mois dans la ville de Lyon ; « Considérant qu’il importe de maintenir, selon ses différents décrets, la perception des impôts subsistants, jusqu’à ce qu’elle puisse faire jouir le peuple du bienfait d’un régime nouveau; qu’il est du devoir des municipalités, d’en protéger le recouvrement de toute l’autorité qui leur est confiée, et que le peuple de la ville de Lyon a été induit en erreur, lorsqu’il a pensé qu’il dépendait de ses officiers municipaux de l’exonérer des droits d’aides, octrois et barrières ; « A décrété et décrète que son président se retirera dans le jour vers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire donner des ordres, afin d’assurer la perception des droits d’aides, octrois et barrières, établis aux entrées de la ville de Lyon. « Au surplus, l’Assemblée autorise son président à écrire aux officiers municipaux et conseil général de la commune de Lyon, pour leur témoigner qu’elle approuve la conduite qu’ils ont tenue, et leurs efforts pour le maintien de la tranquillité, publique, et du bon ordre. M. le Président. M. Barrère de Vieuzac demande à faire un rapport sur les ruines de la Bastille, au nom du comité des domaines. M. Barrère. Vous avez décrété, il y a quelques jours, l’aliénation des biens domaniaux; votre comité des domaines va solliciter une exception à cette règle générale. Vous ne voulez pas que la main de l’homme élève jamais pierres sur pierres sur un lieu qui a été l’opprobre de l’humanité. La municipalité de Paris a présenté deux ou trois adresses relatives au terrain de la Bastille. Elle désire élever un monument sur ce rempart du despotisme. Aux cris de la liberté naissante, ces murs formidables se sont écroulés, et de leurs débris sont sortis les droits de la natioa. Il faut imprimer sur cette terre le signe de votre liberté, pour instruire les hommes et effrayer les