84 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JJ Sbre’l793 notre ignominie ; . notre curé n’est pas même si utile que saint Biaise, qui peut nous chauffer. La Société populaire du bourg de Bis, ayant par ses soins élevé tous les individus à la hau¬ teur des circonstances, reconnaissant enfin l’abus des préjugés, s’est engagée d’être la pro¬ tectrice des opprimés, de prêcher la saine morale conforme à la liberté et l’égalité, même de con¬ soler le moribond expirant, de lui faire regretter seulement de ne pas vivre assez longtemps pour jouir des droits sacrés de l’homme que vous nous avez rendus. Beconnaissant enfin l’inutilité d’un curé, nous ne vous l’offrons pas, ce serait un mauvais cadeau; mais nous venons vous offrir la remise de 1.200 livres attachées à notre cure, et nous vous apportons notre saint Biaise, ses calices et tous ses hochets, afin qu’ils se réunissent au creuset de l’égahté : et comme Brutus, nous poursuivrons les têtes jusque sur l’échafaud. Il faut, législateurs, que les conspirateurs de tous genres disparaissent, et la liberté triom¬ phera. Vivre et mourir pour la liberté et l’égalité sont des expressions franches de tous les citoyens de notre bourg. Nous demandons qu’il vous plaise de décréter que le bourg de Bis, district de Corbeil, départe¬ ment de Seine-et-Oise, s’appellera Bourg-Brutus ; qu’il n’y aura plus de curé au Bourg-Brutus, à compter de ce jour, que nous soyons autorisés à faire correspondre un ou plusieurs commissaires sur un fait d’accaparement trouvé dans notre commune. Nous ne croyons pas devoir vous inviter à rester à votre poste, Il nous suffit de savoir que vous avez juré de sauver la patrie. Vous la sauverez sans doute, cette sainte patrie; et nous, nos enfants, nos petits-enfants, dirons sans cesse : Vivent la Convention nationale et la sainte Mon¬ tagne ! Le total de l’argenterie est de 16 marcs. La Convention nationale décrète les deux premières propositions et renvoie la dernière au comité dé sûreté générale et de surveillance. Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Un sans-culotte de la commune de Mis. Citoyens, nous vous apportons le fruit de notre reconnais¬ sance Nous venons contempler avec enthou¬ siasme, sur cette Montagne tutélaire, le génie de la liberté. Oui, depuis votre régénération, nous avons compté nos jours par vos bienfaits. A votre exemple, c’est à qui sera le plus patriote et le premier prêt à voler aux combats. Un jeune républicain, fils de notre maître d’école, nous a parlé de Brutus. A ce nom sublime, nos cœurs ce sont électrisés. Son image, ses vertus républicaines nous ont pénétrés de respect. Entraînés par l’exemple de ce héros, nous avons soudain délogé saint Biaise, et pris Brutus pour notre patron. Au pied de sa statue, élevée dans notre place publique, nos enfants s’essaient à devenir (1) Journal de la Montagne [n° 152 du 11e jour du 2e mois de l’an II (vendredi 1er novembre 1793), p. 1114, col. 2]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, p. 90, le compte rendu de l’admission à la barre de cette députation, d’après divers jour¬ naux. républicains, et nos pères de famille, sur son front sévère, lisent leurs devoirs. Dans ses yeux, notre jeunesse guerrière puise cette énergie qui fait trembler les tyrans. Us nous jurent même qu’ils reviendront dignes d’un tel père. Enfin Borne entière est dans notre bourg; mais, législateurs, pour des Bomains sans-culot¬ tes, le nom d’un marquis, ci-devant notre tyran, et la présence d’un curé sont deux objets bien choquants. Ce nom de Bis nous rappelle notre servitude et notre ignominie. Notre curé n’est pas même aussi utile que saint Biaise, qui peut du moins nous chauffer. La Société populaire, ayant élevé tous les individus à la hauteur des circonstances, 'et désabusée enfin de tout préjugé, a pris l’enga¬ gement de protéger les opprimés, de prêcher la sainte morale, de consoler le moribond, et de ne lui laisser que le regret de ne pas vivre assez pour jouir des droits sacrés de l’homme. Nous ne vous offrons pas notre curé : ce serait vous faire un trop mauvais cadeau. Mais nous vous faisons l’hommage des 1.200 livres atta¬ chées aux grimaces de ce saltimbanque, et nous vous apportons notre saint Biaise, ses calices et tous ses hochets, afin qu’ils se réunissent au creuset de l’égahté. Nous vous prions de décréter que le bourg de Bis, district de Corbeil, département de Seine-et-Oise, s’appellera désormais bourg de Brutus ; qu’à compter de ce jour, il n’y aura plus de curé dans ce bourg, et que nous sommes autorisés à faire correspondre un ou plusieurs commissaires sur un fait d’accaparement trouvé dans notre commune. La Convention décrète les deux premières propositions et renvoie la dernière au comité de sûreté générale. Le citoyen Magnauville, volontaire au batail¬ lon des 5 légions de Paris, qui a été fort maltraité dans la guerre de la Vendée, paraît à la barre. La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture de sa pétition, décrète un secours provisoire de 150 livres pour ce citoyen, payable par la trésorerie, à vue du présent décret, et le renvoie, pour le surplus de ses réclamations, con¬ formément aux lois militaires, à se pourvoir par-devant le ministre de la guerre (1). Le citoyen Nalbec [Malbec] demande que tous les citoyens soient tenus, sous peine d’être réputés suspects et traités comme tels, de renon¬ cer, dans les conversations et rapports de tout genre entre eux, à la formule mensongère, avilissante pour celui qui l’emploie, et flatteuse pour celui auquel elle s’adresse, de « vous », qui désigne plusieurs personnes alors qu’il ne s’agit que d’un seul, et qu’il dit être une faute de lan¬ gage, en même temps que c’est une contraven¬ tion formelle au principe de l’égalité en politique. Cette pétition est convertie en motion par un membre [Basire (2)] : il s’engage à ce sujet une légère discussion, qui se termine par un décret portant que la pétition du citoyen Nalbec [Mal-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 226. (2) D’après V Auditeur national et le Moniteur universel , [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 3? S™ 1793 8° bec] sera insérée au « Bulletin », avec une invita¬ tion à tous les citoyens à n’user dans leur langage que d’expressions propres à pénétrer tous les esprits du principe immuable de l’égalité (1). Suit la pétition du citoyen Malbec (2). « Citoyens représentants, « Les principes de notre langue doivent nous être aussi chers que les lois de notre république. « Nous distinguons trois personnes pour le singulier et trois pour le pluriel, et au mépris de cette règle, l’esprit de fanatisme, d’orgueil et de féodalité nous a fait contracter l’habitude de nous servir de la seconde personne du pluriel, lorsque nous parlons à un seul. « Beaucoup de maux résultent encore de cet abus, il oppose une barrière à l’intelligence des sans-culottes, il entretient la morgue des pervers, et l’adulation, sous le prétexte du respect, éloigne les principes des vertus fra¬ ternelles. « Ces observations, communiquées à toutes les sociétés populaires, elles ont arrêté à l’una¬ nimité que pétition vous serait faite de nous donner une loi portant réforme de ces vices. « Le bien qui doit résulter de notre soumission à ces principes sera une preuve première de notre égalité, puisqu’un homme quelconque ne pourra plus croire se distinguer en tutoyant un sans-culotte, lorsque celui-ci le tutoiera, et de là moins d’orgueil, moins de distinction, moins d’inimitiés, plus de familiarité apparente, plus de penchant à la fraternité, conséquemment plus d’égalité. « Je demande au nom de tous mes commet¬ tants un décret portant que tous les républi¬ cains français seront tenus, à l’avenir, pour se conformer aux principes de leur langue, en ce qui concerne la distinction du singulier au pluriel, de tutoyer sans distinction ceux ou celles à qui ils parleront en seul, à peine d’être déclarés suspects, comme adulateurs, et se prêtant, par ce moyen, au soutien de la morgue qui sert de prétexte à l’inégalité entre nous. « Malbec. » Compte rendu du Moniteur universel (3). Une députation des Sociétés populaires de la ville de Paris, demande que tous les individus qui ont quitté les villes où ils étaient domiciliés pour aller habiter leurs châteaux, soient tenus, ainsi que ceux qui sont inutiles à la culture de la terre, de rentrer dans les villes sous peine (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 226. (2) Archives nationales, carton G 280, dossier 762. — Bulletin de la Convention du 10e jour de la lre dé¬ cade du 2e mois de l’an II (jeudi 31 octobre 1793). — Moniteur universel [n° 42 du 12 brumaire an II (samedi 2 novembre 1793), p. 171, col. 3]; Journal de la Montagne [n° 152 du 11e jour du 2e mois de l’an II (vendredi 1er novembre 1793), p. 115, col. 1]. (3) Moniteur universel [n° 42 du 12 brumaire an II (samedi 2 novembre 1793), p. 171, col.;4 3]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 2, p. 91, le compte rendu, d’après divers journaux, de l’admission à la barre de cette députation et de la discussion à la¬ quelle donna lieu la pétition du citoyen Malbec. d’être regardés comme suspects et traités comme tels. Cette pétition (1) est renvoyée au comité de sûreté générale. Un membre de la députation prenant ensuite la parole. (Suit le texte de la pétition que nom avons insérée ci-dessus.) Philippeaux. Je demande la mention hono¬ rable de cette adresse et l’insertion au Bulletin, L’approbation solennelle que lui donnera l’As¬ semblée sera une invitation qui équivaudra à un décret, et tous les citoyens s’empresseront d’adopter ce langage fraternel. Basire. Une invitation ne suffit pas; il faut un décret, qui imprimera aux citoyens un carac¬ tère analogue à notre régime républicain, et duquel il résultera de grands avantages. Charlier. Je voudrais, si cela pouvait faire l’objet d’un décret, que par le mot vous on désignât un aristocrate, comme on le fait par le mot de Monsieur. La proposition de Philippeaux est décrétée. Sur le rapport d’un membre du comité des finances [Frécine* (2)], section des assignats et monnaies, la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances, section des assignats et monnaies; « Considérant que les besoins du service exi¬ gent que les coupures de l’assignat de 75 livres, et celles de 10 et 15 sous, décrétées le 6 du 1er mois, soient converties; savoir ; celles de 75 livres en celles de 25 livres, et celles de 10 et 15 sous en celles de 5 livres; « Considérant en outre que tous les emblèmes de royalisme et les effigies du dernier tyran, gra¬ vées et fondues pour être imprimées sur les assi¬ gnats, doivent être anéanties comme les assi¬ gnats qui portaient ces empreintes; « Décrète ce qui suit : Art. 1er, « Les 100 millions d’assignats de 75 livres, les 60 millions d’assignats de 15 sous et les 40 millions d’assignats de 10 sous, décrétés le 6 du 1er mois, seront convertis en une pareille somme d’assignats; savoir, ceux de 75 livres en une pareille somme d’assignats de 25 livres, et ceux de 10 et 15 sous en une pareille somme d’assignats de 5 livres, dont la fabrication sera sur-le-champ mise en activité d’après les formes déterminées par la section des assignats et monnaies. (1) Nous n’avons pu découvrir le texte exact de cette pétition, qui, d’ailleurs, ainsi que le lecteur a pu s’en rendre compte, n’est pas mentionnée au pro¬ cès-verbal. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277, dossier 729.