BAILLIAGE DE DOLE; CAHIER Des instructions et doléances de la chambre du clergé de l'assemblée baillivale de Dole, en Franche-Comté, pour être présenté aux Etats généraux en 1789 (1). L’ordre du clergé de l’assemblée du bailliage de Dôle, désirant répondre aux vues de sagesse et de bienfaisance de Sa Majesté Louis XVI, qui veut établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de ses sujets et la prospérité du royaume, estime que, pour remédier aux maux de l’Etat, pour réformer les abus qui les ont occasionnés, leur député doit, après avoir adressé au Roi de très-humbles remercîments de ses bontés pour son peuple, faire aux Etats généraux les demandes suivantes sous le bon plaisir de Sa Majesté. Art. 1er. Dans tous les Etats généraux le nombre des membres du tiers-état sera égal à celui des deux premiers ordres réunis, ainsique Sa Majesté l’a réglé pour les Etats de l’an présent. Art. 2. L’ordre du clergé sera toujours en nombre égal à celui de la noblesse. Art. 3. Toutes les questions seront décidées à la pluralité des suffrages comptés par tète, sauf celles qui regardent la religion et la discipline ecclésiastiques réservées au clergé. Art. 4. Les Etats généraux s’assembleront de nouveau en 1793, et après cette époque, tous les six ans et toutes les fois que de grands motifs en requerront la convocation. Art. 5. Les Etats provinciaux seront établis dans chaque province du royaume, et ils seront organisés sur le modèle des Etats généraux. Les officiers des cours souveraines n’y seront point éligibles et ne pourront y comparaître que par procureurs. Art. 6. L’assemblée dépose au pied du trône, entre les mains de la nation, la renonciation qu’elle a faite unanimement à toutes ses immunités réelles et pécuniaires et son consentement de supporter par égalité et proportionnellement toutes les charges publiques converties en argent, la noblesse ayant également renoncé à toutes exemptions pécuniaires. Art. 7. Il ne sera levé aucune contribution ni fait aucun emprunt sans le consentement des Etats généraux, et les impôts qui seront déterminés par la nation assemblée ne pourront être perçus que jusqu’à l’époque à laquelle les Etats généraux en auront fixé le terme, en sorte que, si les Etats généraux ne se tiennent point, les contributions cesseront à l’instant où la convocation aurait dû être faite. Art. 8. Il n’y aura qu’un seul rôle pour l’impôt, et l’impôt ne sera réglé qu’après un mûr examen de recettes et dépenses des dettes de l’Etat et des (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. pièces originales qui peuvent en constater ; et la répartition des impôts sur les villes et communautés sera entre les mains des Etats provinciaux. Art. 9. Les articles ci-dessus seront consentis avant tout; c’est le vœu unanime de la chambre qui les regarde comme absolument nécessaires au bonheur du peuple français. Art. 10. Tout membre du clergé séculier et régulier aura droit d’être convoqué et de voter pour la nomination des députés aux Etats provinciaux. Art. 11. Les Etats généraux commettront les Etals de chaque province pour faire rentrer tous les domaines aliénés ou échangés au préjudice de la couronne, à commencer depuis 1674, pour la Franche-Comté, et notamment faire révoquer l’échange fait en dernier lieu avec le prince de Montbéliard. Art. 12. Les Etats provinciaux affermeront, tous les neuf ans, tous les biens domaniaux à ceux qui en feront les conditions meilleures, et toutes les fermes du Roi seront mises en régie. Art. 13. L’entretien des routes royales, la confection des nouvelles et leur direction, seront à la disposition des Etats provinciaux, et il sera toujours libre aux communautés de les faire par corvées ou à prix d’argent. Art. 14. Il sera permis de tirer intérêt au taux fixé par le prince pour une somme aliénée sur simple billet à terme. Art. 15. Les lettres de cachet seront supprimées. La liberté individuelle, le droit de n’être jugé que par des tribunaux avoués de la nation, et la propriété des biens seront sacrés. Art. 16. La liberté du commerce aura lieu dans toute l’étendue du royaume, et la nation statuera sur le reculement des barrières. Art. 17. La police veillera avec plus de circonspection sur la liberté de la presse ; les arrêts et règlements seront observés à l’égard des auteurs, imprimeurs et colporteurs, pour le maintien de la religion, des mœurs, de l’obéissance due au souverain et de l’honneur de chaque citoyen. Art. 18. La forme du tirage actuelle de la milice, infiniment à charge, sera abrogée; les Etats provinciaux aviseront aux moyens de la simplifier et de la rendre moins onéreuse. Art. 19. Les intendants seront tenus de rendre compte aux Etals provinciaux des sommes qu’ils ont perçues pour l’habillement des soldats provinciaux et généralement de tout ce qu’ils ont levé sur la province. • Art . 20. Tous les biens et bénéfices possédés ci-devant par les jésuites, eu Franche-Comté, seront administrés par les Etats provinciaux, auxquels les anciens administrateurs rendront compte depuis le 1er avril 1765. Art. 21. Les receveurs du don gratuit seront également tenus de rendre compte aux Etats provinciaux de leurs recettes et dépenses depuis la. même époque, pour les sommes être déposées dans la caisse provinciale dont il sera parlé. (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de DÔIe.] *53 Art. 22. 11 ne sera plus payé de don gratuit, et la chambre ecclésiastique de Besançon, chargée de le percevoir, sera supprimée. Art. 23. Suppression de tous tribunaux d’excep-i tion, notamment de celui des eaux et forêts, en place duquel sera créé un lieutenant général qui aura dans son département les eaux et forêts. Art. 24. La vénalité des charges de judicature et de municipalité sera supprimée, l’administration de la justice simplifiée, les frais de procédure modifiés, les codes civil et criminel corrigés, tous les droits de commitlimus abolis. Art. 25. Il sera fait de nouveaux tarifs où tous les droits des officiers supérieurs et inférieurs de judicature, ainsi que ceux du notaire et du contrôle des actes, seront clairement déterminés. Art. 26. Les droits de contrôle seront invariablement fixés et perçus conformément à l’édit enregistré au parlement de Besançon, sans avoir égard aux différents arrêts du conseil, et pour ce, le tarif desdits droits sera imprimé et affiché dans les bureaux des contrôleurs et études des notaires; les centièmes et demi-centièmes deniers pour les successions collatérales et usufruitières seront supprimés. Ârt. 27. Le Roi sera très-humblement supplié de laisser sans exécution dans la province de Franche-Comté la déclaration de 1703, qui oblige les gens de mainmorte de passer par-devant notaire les baux de leur fonds, ces fonds devant être daus la suite imposés comme les autres. Art. 28. Le Roi sera très-humblement supplié de rétablir la chambre des comptes dans la ville de Dôle, d’y fixer les Etats provinciaux de la Franche-Comté, ainsi que la commission intermédiaire. Art. 29. Même genre de supplice sera décerné contre le noble et le roturier coupables des mêmes crimes, et l’infamie sera personnelle. Art. 30. Nul ne sera admis à une charge de judicature dans les bailliages ou sénéchaussées, s’il n’a travaillé et fréquenté habituellement le barreau au moins pendant quatre ans, et pour les cours supérieures pendant huit ans, à moins qu’il n’ait été officier dans les bailliages et sénéchaussées pendant quatre années. Art. 31. La mainmorte personnelle sera supprimée dans toute la France ; l’édit concernant le droit de suite ne disant pas assez, on est obligé de quitter le mcix mainmortable, pour jouir de l’avantage de l’homme franc : l’embarras est encore plus grand si le seigneur a généralité de mainmorte. Art. 32. La mainmorte réelle sera également supprimée, moyennant indemnité qui sera, au besoin, fixée par les Etats généraux. Art. 33. Le délai de quarante jours accordé aux seigneurs, pour user du droit féodal, sera fatal ; ce délai commencera à courir du jour que le contrat aura été passé devant le tabellion, ou à lui présenté avec les lods en présence de témoins sans qu’il soit besoiu de le signifier au seigneur ou à aucun autre officier, Art. 34. Les droits de triage sur les bois et communes attribués aux seigneurs hauts justiciers seront supprimés. Art. 35. L’administration des forêts de Sa Majesté sera confiée aux Etats provinciaux; ils présideront aux adjudications qui seront faites cha-3ue année des différents triages ; Sa Majesté sera e plus instamment suppliée de leur enjoindre d’avoir égard aux droits que les villes, villages et seigneurs particuliers feront apparaître (notamment dans la forêt de Chaux), en vertu des concessions faites par les ducs et comtes de Bourgogne. Art. 36. Lorsque les gardes auront fait quelques rapports ou procès-verbaux, on pourra se défendre par la voie de dénégation en demandant la preuve du contraire, sans passer à l’inscription de faux. Art. 37. Les amendes pour délit commis dans les forêts, pour faits de chasse ou de pèche, seront modérés, et la moitié d’icelles appliquées aux œuvres pies. Le recouvrement desdites amendes sera fait à la diligence du procureur du Roi, du procureur d’office ou autres officiers, qui seront obligés de le verser dans la caisse de charité établie ou à établir dans chaque paroisse. Art. 38. Tous arrêts de règlement du parlement concernant la chasse et les chiens seront cassés. Art. 39. Toutes les charges et dignités civiles et militaires, qui ne demandent ni résidence ni services personnels, supprimées. Art. 40. La police des grains appartiendra aux Etats provinciaux et à la commission intermédiaire. Art. 41. Il appartiendra également à la commission intermédiaire de garder la caisse où seront versées les sommes provenant de la vente de quarts de réserve des communautés. Art. 42. Sa Majesté sera humblement suppliée de laisser sans exécution dans sa province de Franche-Comté l’édit concernant les non catholiques. Art. 43. Pour empêcher efficacement la bigamie, on demandera une loi générale portant que tous ceux et celles qui voudront contracter mariage feront publier leurs bans dans leurs paroisses d’origine. Art. 44. Les Etats généraux prendront en considération l’inconvénient qui résulte des petites maisons religieuses isolées dans les campagnes, et donneront aux Etats provinciaux qui seront établis la commission expresse de s’en occuper incessamment et de les rappeler au régime de leur première institution. Art. 45. Toutes les abbayes ou prieurés en com-mende seront supprimés lors de leurs vacances. Il en sera de même des prieurés ruraux en com-mende dont la collation est réservée au pape par l’apposition des mains, et les revenus de ces bénéfices seront versés dans la caisse provinciale à établir. Art. 46. La caisse provinciale sera formée et fournie du produit des revenus desdits bénéfices supprimés ; elle sera sous l’inspection d’un bureau formé par les Etats provinciaux et composé des membres des trois ordres. Art. 47. Suppression de tous droits casuels des curés, vicaires eu chef, du secrétariat des archevêques et évêques, où tout s’expédiera gratuitement. Art. 48. Le Roi sera supplié d’établir un conseil de conscience pour arrêter et signer les bénéfices avant de les présenter à Sa Majes té. Art. 49. Les archevêques et évêques rentreront en possession de tous les pouvoirs qui leur appartiennent de droit commun. Art 50. On demandera la suppression des an-nates, et sur cet objet, ainsique sur le précédent, on entrera incessamment en négociation avec la cour de Rome. Art. 51. On demandera la suppression des résignations en faveur. Art. 52. Abolition de toutes prestations curiales dans les lieux où les dîmes, soit ecclésiastiques, soit inféodées, sont suffisantes pour l’entretien lo4 [Etats géû. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Dole. des pasteurs; bien entendu quo l’on ne pourra l’aire aucun retranchement des dîmes appartenant aux chapitres, collégiales, et communautés religieuses q ni n’auraient que leur honnête sustentation. Art. 53. Quanta la porlion congrue et au casuel des curés et vicaires tant des villes que des campagnes, on s’en rapporte à la sagesse des Etats généraux et à la bonté du Roi. Art. 54. Les vicariats en chef ou églises succursales, composées de quatre cents communiants réunis, ou de trois cents dispersés, seront érigés en cure sur la demande des paroissiens. Art. 55. Dans les villes où il y aura plus de quatre mille âmes, ainsi que dans les campagnes où le besoin les requerra, ou établira de nouvelles cures. Art. 56. Les annexes seront désunies, et si l’ordinaire refuse de procéder à l’érection ou désunion, il sera obligé de donner par écrit les raisons de son relus Art. 57. 11 faut simplitier les causes marquées par les canons et les ordonnances pour l’érection des curés et pour l’établissement des vicaires communaux. Dans les paroisses de cinq cents communiants réunis, il y aura un vicaire commensal, de même que dans celles de quatre cents dispersés. Art. 58. La même chose sera observée dans toutes les paroisses où un curé aura deux églises à desservir, et quand un curé, par l’âge ou les infirmités, ne pourra seul desservir la paroisse. Art. 59. Lorsqu’il y aura des fonds suffisants dans la caisse, on assignera des pensions à tous prêtres pauvres ou infirmes qui auront bien mérité de l’Eglise, et les fonds qui ont déjà cette destination et qui sont entre les mains de monseigneur l’archevêque, seront versésdansladite caisse. Art. 60. Dans le cas où un curé ferait option de la portion congrue, il ne pourrait être contraint d’abandonner les fonds de cure dont on fera une estimation juridique, et ils lui resteront au taux de l’estimation. Art. 61. Toutes les cures de patronages ecclésiastiques seront pourvues au concours, pendant huit mois; quant aux quatre mois réservés aux patrons, le concours leur présentera trois sujets, parmi lesquels ils en choisiront un. Art. 62. Les prêtres pourvus de cures dans la province ne seront plus astreints à subir examen de doctrine par-devant aucuns de Messieurs du parlement, pour obtenir l’arrêt de leur envoi en possession. Art. 63. L’arrêt du règlement du 12 août 1762, concernant l’envoi en possession de tout bénéfice, sera cassé. Art. 64. Le synode diocésain sera rétabli comme il existait en 1636; tous les curés pourront y paraître par eux-mêmes ou par procureur pris clans la classe des curés, et les corps ecclésiastiques auront droit d’y assister par députés. Art. 65. Les grades pris dans les universités, faisant preuve de capacité, seront refusés à ceux qui n’en seront pas dignes, et conférés gratuitement à ceux qui les mériteront. Les Etats provinciaux pourvoiront à l’indemnité des professeurs s’il y a lieu. Art. 66. Les officiers de police donneront l’at-lontion la plus scrupuleuse à faire observer exactement les ordonnances concernant la sanctification des dimanches et fêtes, la fréquentation .des cabarets, la défense de servir du gras dans les auberges les jours d’abstinence, les apports et les pèlerinages superstitieux et abusifs. Art. 67. Les Etats provinciaux s’occuperont de l’éducation chrétienne et civile des jeunes gens de l’un et l’autre sexe, et Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner qu’il sera fait un plan d’éducation nationale pour les citoyens des villes et des campagnes. Art. 68. Les vues du gouvernement par rapport aux sages-femmes n’ayant pas été remplies Jusqu’à présent, les Etats provinciaux en feront un objet important de leur surveillance. Art. 69. On déterminera chaque année une somme pour subvenir à des besoins pressants en cas de grêle, d’incendie , d’inondation , etc. ; laquelle somme sera prise dans la caisse provinciale. Art. 70. Sa Majesté sera suppliée de retirer l'article concernant l’émission des vœux solennels, fixée par son édit de 1768 à vingt et un ans, et de les autoriser à dix-huit ans. Art. 71 . Sa Majesté sera demême suppliée d’établir un conseil pour décider les pensions qu’il voudra accorder, et pour modérer, révoquer même celles qui seront déjà accordées; dans ce même conseil seront réglées les gratifications que Sa Majesté voudra donner aux princes de son sang. Art. 72. Sa Majesté sera de même suppliée de révoquer la disposition du nouveau code militaire qui exclut les non noble des grades supérieurs, et d’admettre dans les cours souveraines les gens du tiers-état qui en seront jugés dignes. Art. 73. Tout archevêque dont l’archevêché rendra 30,000 livres de rente, et tout évêque dont l’évêché rendra 20,000 livres, seront inhabiles à posséder d’autres bénéfices, et le bref qu’ils auraient obtenu pour retenir leurs anciens bénéfices vacants par la promotion à l’épiscopat sera abusif. Nota. M. le député du clergé, quoique chargé des pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui sera décidé à la pluralité des suffrages, ne pourra demander cet article que dans le cas où Sa Majesté se déciderait à accorder la suppression des commendes. Art. 74. Cette assemblée, remplie de sentiments d’humanité et de justice, recommande à son député de ne pas souffrir les distinctions humiliantes que supportèrent les communes aux derniers Etats généraux de Blois et de Paris, et le charge de pré-.senter, sans aucune distinction de forme, le présent cahier et ses pouvoirs. Tous les articles ci-dessus, au nombre de soixante-quatorze, ont été arrêtés par la chambre, qui a requis MM. les commissaires de les signer. A Dôle, le 14 avril 1789. Signé à la minute : P. -F. Guillot.curé delà paroisse d’Orchamps-en-Yennes, commissaire; le chevalier du Dechaux, commissaire; Trouillot, curé de Menottey, commissaire; Trouillet, curé d’Ornans , commissaire; Moyse , professeur de théologie, commissaire; D. Mercier, principal du collège de Saint-Jérôme, commissaire; Courtot, curé de Champvans, commissaire; Roumette le cadet, prêtre familier de Dôle ; Perrot, curé de Villers-Robert; commissaire; Boisson, président élu; Breton, curé de Rochefort, secrétaire élu de l’ordre du clergé. CAHIER De l'ordre de la noblesse de Dôle , Ornans et Quin-gey, assemblée au siège principal de Dôle , pour être présenté aux Etats généraux (1). L’an mil sept cent quatre-vingt-neuf, le treize (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.