178 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE le plus grand témoignage à la conduite énergique qu’ont tenue ces deux administrateurs (l).] [Colombel : « Je demande l’insertion au bulletin de cette adresse et que ces deux citoyens se retirent pardevant les comités de salut public et sûreté générale, pour leur donner des renseignemens sur ce qui se passe à Valenciennes, sur ceux qui n’y ont pas trahi la confiance du peuple, et sur ceux qui sont indignes de vivre sur le sol de la liberté » - Applaudissements. Briez : « J’ai été témoin du patriotisme et de l’énergie de ces deux citoyens, au siège de Valenciennes. L’un d’eux a perdu un fils qui est mort en héros dans la Vendée, tandis qu’il étoit exposé lui-même à la fureur des royalistes. Pendant 43 jours et 43 nuits, il n’a cessé d’encourager ses concitoyens; il étoit toujours le premier et le dernier à son poste. Je demande mention honorable de leur conduite ». - Applaudissements (2).] [Plusieurs membres demandent qu’ils soient autorisés à reprendre leurs fonctions. D’autres veulent qu’ils soient invités à se retirer devant les comités de salut public et de sûreté générale, pour y donner des renseignemens sur l’état de Valenciennes et y faire connoître les complices de l’étranger. Goupilleau observe qu’il est inutile de rendre des décrets sur cet objet, que sans doute les deux administrateurs n’auront pas manqué de faire part aux comités des renseignemens qu’ils peuvent avoir, et que la réinstallation dans leurs places leur est due (3).] [La proposition de Briez est décrétée. Sur celle de Colombel, la convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’il n’est pas besoin d’un décret pour cela, et que les deux administrateurs sont assez bons patriotes pour en sentir la nécessité (4)] Sur la proposition d’un membre, « La Convention nationale décrète la mention honorable de la conduite civique de ces deux administrateurs, l’insertion au bulletin de leur adresse, ainsi que de la réponse du président : décrète en outre que ces deux administrateurs donneront aux comités de salut public et de sûreté générale tous les renseignemens qu’ils croiront utiles à la République » (5). 38 Un membre fait lecture des décrets rendus dans la séance du 26 messidor. La rédaction en est adoptée (6). (l) J. Fr., n° 659 ; Ann. R.F., n° 226 ; C. Univ., n° 927 ; ■J. Sablier, n° 1439. (2) J. Perlet, n° 661 ; J.S. Culottes, n° 516; Mess. Soir, n° 695 ; M.U., XLI, 444-445; J. Sablier, n° 1439. (3) J. Fr., n° 659. (41 J. Perlet, n°661. (5) P.V., XLI, 268. Il n’y a pas de mention de ce décret au registre C' II 20, ni de numéro d’enregistrement à la date du 27 Messidor. Audit, nat., n° 660 ; Débats, n° 663 ; J. Sablier, n° 1439; J. Mont., n°80; F.S.P., n°376; J. Paris, n° 562; Ann. patr., n°DLXI; Rép., n° 208; C. Eg., n° 696. (6) P.V., XLI, 268. 39 Un membre [BORDAS] propose, par motion d’ordre, ses vues sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés : il fait sentir l’utilité, la nécessité même d’établir à Paris une commission unique et centrale chargée de cette partie importante (l). BORDAS : Citoyens, permettez-moi de faire une motion d’ordre sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. Les ressources de la nation française parurent autrefois inépuisables; elles augmentent chaque jour à proportion que l’esprit public se développe et s’agrandit. Elles se multiplient chaque jour aux dépens de la fortune de ces être insensibles et insensés, qui, semblables aux enfants de Cadmus, ont cherché à déchirer le sein de leur mère. Les ressources de la république sont immenses; elles sont de nature à effrayer tous nos ennemis, à abattre leur orgueil, à détruire leur espoir. Mais plus elles sont considérables, plus nous devons nous occuper des moyens qui doivent assurer à la nation tous les avantages qu’elle a droit d’en attendre. Il faut faire entendre, avec profit pour la chose publique, la voix pure de la raison. En proscrivant les crimes, en dévorant les anciennes réputations des scélérats, il faut jouir au moins de l’indemnité que leurs successions nous offrent, quelque insuffisante qu’elle soit, pour cicatriser les blessures qu’a reçues la Révolution. Les moyens que les comités de salut public et des finances ont développés dans la séance du 21 de ce mois, sur les biens nationaux des émigrés, condamnés ou déportés, m’ont inspiré cette opinion, que deux choses sont essentiellement nécessaires pour que le but de la Convention ne soit pas manqué, pour que, dans cette partie, les intérêts de la république ne soient pas entièrement sacrifiés : 1° Que ces biens soient fidèlement administrés; que la vente en soit prompte : c’est le moyen de la rendre utile; 2° Que les dettes qui grèvent ces biens soient scrupuleusement examinées; que les créances bien établies et présentées à temps soient seules admises à la liquidation : c’est le moyen de prévenir les erreurs et d’éviter les dilapidations. L’administration et l’aliénation des biens dont il s’agit sont confiées à la régie de l’enregistrement et à la commission des finances. Le produit des ventes journalières prouve assez que cette partie, est surveillée et suivie avec la plus grande exactitude. Qui pourrait accorder le même témoignage à ceux qui, dans l’état actuel des choses, sont chargés de la liquidation des dettes assises sur les mêmes biens ? Cette partie paraît ancrée. Partout elle se montre immobile; et, si elle fait un -pas, c’est dans un sens contraire au but que vous vous êtes proposé, dans un sens opposé à l’intérêt général. Ainsi, vous n’avez fait à cet égard que poser la première pierre de l’angle, et, pour ne pas laisser à d’autres tout l’honneur de l’édifice, il faut tout ramener à une administration unique et centrale. Pour en senti) P.V., XLI, 268. 178 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE le plus grand témoignage à la conduite énergique qu’ont tenue ces deux administrateurs (l).] [Colombel : « Je demande l’insertion au bulletin de cette adresse et que ces deux citoyens se retirent pardevant les comités de salut public et sûreté générale, pour leur donner des renseignemens sur ce qui se passe à Valenciennes, sur ceux qui n’y ont pas trahi la confiance du peuple, et sur ceux qui sont indignes de vivre sur le sol de la liberté » - Applaudissements. Briez : « J’ai été témoin du patriotisme et de l’énergie de ces deux citoyens, au siège de Valenciennes. L’un d’eux a perdu un fils qui est mort en héros dans la Vendée, tandis qu’il étoit exposé lui-même à la fureur des royalistes. Pendant 43 jours et 43 nuits, il n’a cessé d’encourager ses concitoyens; il étoit toujours le premier et le dernier à son poste. Je demande mention honorable de leur conduite ». - Applaudissements (2).] [Plusieurs membres demandent qu’ils soient autorisés à reprendre leurs fonctions. D’autres veulent qu’ils soient invités à se retirer devant les comités de salut public et de sûreté générale, pour y donner des renseignemens sur l’état de Valenciennes et y faire connoître les complices de l’étranger. Goupilleau observe qu’il est inutile de rendre des décrets sur cet objet, que sans doute les deux administrateurs n’auront pas manqué de faire part aux comités des renseignemens qu’ils peuvent avoir, et que la réinstallation dans leurs places leur est due (3).] [La proposition de Briez est décrétée. Sur celle de Colombel, la convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’il n’est pas besoin d’un décret pour cela, et que les deux administrateurs sont assez bons patriotes pour en sentir la nécessité (4)] Sur la proposition d’un membre, « La Convention nationale décrète la mention honorable de la conduite civique de ces deux administrateurs, l’insertion au bulletin de leur adresse, ainsi que de la réponse du président : décrète en outre que ces deux administrateurs donneront aux comités de salut public et de sûreté générale tous les renseignemens qu’ils croiront utiles à la République » (5). 38 Un membre fait lecture des décrets rendus dans la séance du 26 messidor. La rédaction en est adoptée (6). (l) J. Fr., n° 659 ; Ann. R.F., n° 226 ; C. Univ., n° 927 ; ■J. Sablier, n° 1439. (2) J. Perlet, n° 661 ; J.S. Culottes, n° 516; Mess. Soir, n° 695 ; M.U., XLI, 444-445; J. Sablier, n° 1439. (3) J. Fr., n° 659. (41 J. Perlet, n°661. (5) P.V., XLI, 268. Il n’y a pas de mention de ce décret au registre C' II 20, ni de numéro d’enregistrement à la date du 27 Messidor. Audit, nat., n° 660 ; Débats, n° 663 ; J. Sablier, n° 1439; J. Mont., n°80; F.S.P., n°376; J. Paris, n° 562; Ann. patr., n°DLXI; Rép., n° 208; C. Eg., n° 696. (6) P.V., XLI, 268. 39 Un membre [BORDAS] propose, par motion d’ordre, ses vues sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés : il fait sentir l’utilité, la nécessité même d’établir à Paris une commission unique et centrale chargée de cette partie importante (l). BORDAS : Citoyens, permettez-moi de faire une motion d’ordre sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. Les ressources de la nation française parurent autrefois inépuisables; elles augmentent chaque jour à proportion que l’esprit public se développe et s’agrandit. Elles se multiplient chaque jour aux dépens de la fortune de ces être insensibles et insensés, qui, semblables aux enfants de Cadmus, ont cherché à déchirer le sein de leur mère. Les ressources de la république sont immenses; elles sont de nature à effrayer tous nos ennemis, à abattre leur orgueil, à détruire leur espoir. Mais plus elles sont considérables, plus nous devons nous occuper des moyens qui doivent assurer à la nation tous les avantages qu’elle a droit d’en attendre. Il faut faire entendre, avec profit pour la chose publique, la voix pure de la raison. En proscrivant les crimes, en dévorant les anciennes réputations des scélérats, il faut jouir au moins de l’indemnité que leurs successions nous offrent, quelque insuffisante qu’elle soit, pour cicatriser les blessures qu’a reçues la Révolution. Les moyens que les comités de salut public et des finances ont développés dans la séance du 21 de ce mois, sur les biens nationaux des émigrés, condamnés ou déportés, m’ont inspiré cette opinion, que deux choses sont essentiellement nécessaires pour que le but de la Convention ne soit pas manqué, pour que, dans cette partie, les intérêts de la république ne soient pas entièrement sacrifiés : 1° Que ces biens soient fidèlement administrés; que la vente en soit prompte : c’est le moyen de la rendre utile; 2° Que les dettes qui grèvent ces biens soient scrupuleusement examinées; que les créances bien établies et présentées à temps soient seules admises à la liquidation : c’est le moyen de prévenir les erreurs et d’éviter les dilapidations. L’administration et l’aliénation des biens dont il s’agit sont confiées à la régie de l’enregistrement et à la commission des finances. Le produit des ventes journalières prouve assez que cette partie, est surveillée et suivie avec la plus grande exactitude. Qui pourrait accorder le même témoignage à ceux qui, dans l’état actuel des choses, sont chargés de la liquidation des dettes assises sur les mêmes biens ? Cette partie paraît ancrée. Partout elle se montre immobile; et, si elle fait un -pas, c’est dans un sens contraire au but que vous vous êtes proposé, dans un sens opposé à l’intérêt général. Ainsi, vous n’avez fait à cet égard que poser la première pierre de l’angle, et, pour ne pas laisser à d’autres tout l’honneur de l’édifice, il faut tout ramener à une administration unique et centrale. Pour en senti) P.V., XLI, 268. SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 39 179 tir la nécessité, l’utilité même, comparons l’ordre et le succès des opérations du moment avec l’ordre et le succès que vous avez à espérer du plan proposé. Les créanciers doivent d’abord faire leur déclaration et le dépôt de leurs titres au district du dernier domicile de leurs débiteurs (loi du 9 ventôse an VI), indiqué par la liste générale, arrêtée en conformité de l’article II de la loi du 27 brumaire. Ces déclaration et dépôt doivent être faits dans les 4 mois (même loi, art. VIII), à compter du jour de la publication faite, au chef-lieu du district du domicile des créanciers, des listes générales sur lesquelles leurs débiteurs sont placés. Il faut ensuite, s’ils sont plus de 12, qu’ils s’assemblent eux-mêmes, ou par leurs fondés de pouvoir (loi du 25 juillet 1793, art. XVII et XXI), au chef-lieu de district du domicile de leur débiteur, à l’effet de procéder à la formation d’un contrat d’union. Ce contrat doit être homologué au département (article XXVI). Le directoire du district entendra les syndics de l’union, avec les préposés de la régie; et ensuite, sur son avis, le directoire du département statuera (article XIV) sur les réclamations portées dans les déclarations et mémoires fournis par les créanciers. En cas de réclamations contre la décision du directoire du département, la réclamation est jugée définitivement par deux arbitres (article XV), et, en cas de partage, par un sur-arbitre. Ces premières opérations terminées, le secrétaire du directoire du district confie, sous récépissé (art. XXXII et XXXIII), tous les titres et papiers au syndic de l’union, qui les remet ensuite avec les observations dont il les a crus susceptibles, et un projet d’ordre de tous les créanciers. Le directoire du district prépare en conséquence la liquidation (art. XXXIV), et la renvoie avec toutes les pièces et avec son avis au directoire du département, pour être par lui liquidée définitivement, sur les observations et l’avis du directeur de la régie (article XXXV). Enfin, le directoire de département adresse à l’administration des domaines nationaux (aujourd’hui la commission des finances) la liquidation lorsqu’elle est achevée; et c’est cette commission qui distribue aux créanciers, soit des certificats de collocation utile, soit de simples certificats de liquidation, suivant l’état de l’actif de l’émigré. Telle est la marche que l’on suit dans ce moment; l’expérience a fait connaître combien elle était lente et pénible, puisqu’il a été impossible jusqu’ici d’obtenir des résultats certains sur la masse des dettes des émigrés. Eh ! si vous laissiez subsister le même ordre des choses, quels seraient donc, en dernière analyse, la confusion et l’embarras lorsque vous voyez s’accumuler, s’amonceler, se multiplier dans les mêmes mains les travaux de la même nature, la liquidation des mêmes charges de l’Etat ! Citoyens, ces difficulés, cette inactivité même étaient faciles à prévoir; elles étaient inhérentes au système adopté. Charger les corps administratifs de l’examen des créances, les obliger à entendre contradictoirement les syndics de l’union et les préposés de la régie, et à renvoyer, en cas de contestation, devant des arbitres; faire, enfin, circuler la liquidation des dettes entre les syndics des créanciers, les directoires de districts, ceux des départements et les directeurs de la régie, pour la faire aboutir à l’administration des domaines nationaux, c’était le premier et le plus sûr moyen de n’en voir terminer presque aucune. En vain observerait-on que la loi a fixé des délais dans lesquels les corps administratifs, les arbitres et les préposés de la régie doivent mettre fin à leurs opérations; car, d’un côté, peu familiers avec ce genre de travail, ne fussent-ils pas d’ailleurs distraits par leurs occupations ordinaires et de tous les instants, une seule liquidation durerait nécessairement plusieurs mois; de l’autre, y a-t-il, peut-il même exister des moyens de coaction contre les corps administratifs ? Peut-on exiger d’un directoire de district ou de département de s’occuper exclusivement de la liquidation des dettes des émigrés ? Peut-on le forcer à laisser de côté toutes les opérations importantes qui lui sont confiées, et dont quelquefois peut dépendre la tranquillité d’un département, le salut même de la republique ! Non, sans doute. Cette liquidation est donc déplacée dans les mains des corps administratifs; elle est pour eux une surcharge accablante et nuisible à la chose publique. Avant qu’elle leur fût imposée, ils avaient peine à suffire à leurs nombreuses, à leurs intéressantes occupations. Combien donc ne serait-il pas dangereux de laisser reposer sur leurs têtes un nouveau fardeau, sous lequel toutes leurs forces réunies deviendraient nulles. L’expérience a déjà appris que plusieurs receveurs particuliers des finances ont attendu dix-huit et quinze mois, et attendent encore aujourd’hui des corps administratifs l’examen et le règlement de leurs comptes. D’ailleurs, avant que les directoires soient en mesure de se livrer à la liquidation des dettes, des préliminaires indispensables peuvent occasionner des retards indéfinis, et nécessiter une correspondance entre les corps administratifs, correspondance qui multiplierait encore naturellement leurs travaux. Les créanciers, comme je l’ai rappelé ailleurs, doivent faire leur déclaration et déposer leurs titres au district du domicile de leurs débiteurs, indiqué par la liste générale des émigrés et des condamnés. Ce dépôt doit être fait dans les quatre mois, à compter de la publication de la liste faite au chef-lieu du district du domicile des créanciers. Sans doute, dans le système actuel, il était impossible d’adopter d’autres mesures; mais de cela même il suit que le délai donné à tous les créanciers d’un même émigré ou condamné ne peut expirer le même jour, puisqu’il dépend de la publication des listes dans les différents chefs-lieux de districts, publication toujours plus ou moins retardée à raison de la distance des lieux, ou par des circonstances particulières qu’il est impossible de prévoir. Voudront-ils opérer également, et porter dans cette partie la surveillance et l’exactitude aussi utiles que nécessaires au bien public ; alors les districts ne pourront s’en rapporter à l’assertion des créanciers sur les retards allégués dans la publication des lois. Il faudra des certificats des pouvoirs constitués, et souvent une correspondance entre eux; de là encore de nouvelles entraves, de nouveaux motifs de retard. J’ajouterai que la lenteur n’est pas le seul inconvénient attaché à la manière prescrite d’opérer. SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 39 179 tir la nécessité, l’utilité même, comparons l’ordre et le succès des opérations du moment avec l’ordre et le succès que vous avez à espérer du plan proposé. Les créanciers doivent d’abord faire leur déclaration et le dépôt de leurs titres au district du dernier domicile de leurs débiteurs (loi du 9 ventôse an VI), indiqué par la liste générale, arrêtée en conformité de l’article II de la loi du 27 brumaire. Ces déclaration et dépôt doivent être faits dans les 4 mois (même loi, art. VIII), à compter du jour de la publication faite, au chef-lieu du district du domicile des créanciers, des listes générales sur lesquelles leurs débiteurs sont placés. Il faut ensuite, s’ils sont plus de 12, qu’ils s’assemblent eux-mêmes, ou par leurs fondés de pouvoir (loi du 25 juillet 1793, art. XVII et XXI), au chef-lieu de district du domicile de leur débiteur, à l’effet de procéder à la formation d’un contrat d’union. Ce contrat doit être homologué au département (article XXVI). Le directoire du district entendra les syndics de l’union, avec les préposés de la régie; et ensuite, sur son avis, le directoire du département statuera (article XIV) sur les réclamations portées dans les déclarations et mémoires fournis par les créanciers. En cas de réclamations contre la décision du directoire du département, la réclamation est jugée définitivement par deux arbitres (article XV), et, en cas de partage, par un sur-arbitre. Ces premières opérations terminées, le secrétaire du directoire du district confie, sous récépissé (art. XXXII et XXXIII), tous les titres et papiers au syndic de l’union, qui les remet ensuite avec les observations dont il les a crus susceptibles, et un projet d’ordre de tous les créanciers. Le directoire du district prépare en conséquence la liquidation (art. XXXIV), et la renvoie avec toutes les pièces et avec son avis au directoire du département, pour être par lui liquidée définitivement, sur les observations et l’avis du directeur de la régie (article XXXV). Enfin, le directoire de département adresse à l’administration des domaines nationaux (aujourd’hui la commission des finances) la liquidation lorsqu’elle est achevée; et c’est cette commission qui distribue aux créanciers, soit des certificats de collocation utile, soit de simples certificats de liquidation, suivant l’état de l’actif de l’émigré. Telle est la marche que l’on suit dans ce moment; l’expérience a fait connaître combien elle était lente et pénible, puisqu’il a été impossible jusqu’ici d’obtenir des résultats certains sur la masse des dettes des émigrés. Eh ! si vous laissiez subsister le même ordre des choses, quels seraient donc, en dernière analyse, la confusion et l’embarras lorsque vous voyez s’accumuler, s’amonceler, se multiplier dans les mêmes mains les travaux de la même nature, la liquidation des mêmes charges de l’Etat ! Citoyens, ces difficulés, cette inactivité même étaient faciles à prévoir; elles étaient inhérentes au système adopté. Charger les corps administratifs de l’examen des créances, les obliger à entendre contradictoirement les syndics de l’union et les préposés de la régie, et à renvoyer, en cas de contestation, devant des arbitres; faire, enfin, circuler la liquidation des dettes entre les syndics des créanciers, les directoires de districts, ceux des départements et les directeurs de la régie, pour la faire aboutir à l’administration des domaines nationaux, c’était le premier et le plus sûr moyen de n’en voir terminer presque aucune. En vain observerait-on que la loi a fixé des délais dans lesquels les corps administratifs, les arbitres et les préposés de la régie doivent mettre fin à leurs opérations; car, d’un côté, peu familiers avec ce genre de travail, ne fussent-ils pas d’ailleurs distraits par leurs occupations ordinaires et de tous les instants, une seule liquidation durerait nécessairement plusieurs mois; de l’autre, y a-t-il, peut-il même exister des moyens de coaction contre les corps administratifs ? Peut-on exiger d’un directoire de district ou de département de s’occuper exclusivement de la liquidation des dettes des émigrés ? Peut-on le forcer à laisser de côté toutes les opérations importantes qui lui sont confiées, et dont quelquefois peut dépendre la tranquillité d’un département, le salut même de la republique ! Non, sans doute. Cette liquidation est donc déplacée dans les mains des corps administratifs; elle est pour eux une surcharge accablante et nuisible à la chose publique. Avant qu’elle leur fût imposée, ils avaient peine à suffire à leurs nombreuses, à leurs intéressantes occupations. Combien donc ne serait-il pas dangereux de laisser reposer sur leurs têtes un nouveau fardeau, sous lequel toutes leurs forces réunies deviendraient nulles. L’expérience a déjà appris que plusieurs receveurs particuliers des finances ont attendu dix-huit et quinze mois, et attendent encore aujourd’hui des corps administratifs l’examen et le règlement de leurs comptes. D’ailleurs, avant que les directoires soient en mesure de se livrer à la liquidation des dettes, des préliminaires indispensables peuvent occasionner des retards indéfinis, et nécessiter une correspondance entre les corps administratifs, correspondance qui multiplierait encore naturellement leurs travaux. Les créanciers, comme je l’ai rappelé ailleurs, doivent faire leur déclaration et déposer leurs titres au district du domicile de leurs débiteurs, indiqué par la liste générale des émigrés et des condamnés. Ce dépôt doit être fait dans les quatre mois, à compter de la publication de la liste faite au chef-lieu du district du domicile des créanciers. Sans doute, dans le système actuel, il était impossible d’adopter d’autres mesures; mais de cela même il suit que le délai donné à tous les créanciers d’un même émigré ou condamné ne peut expirer le même jour, puisqu’il dépend de la publication des listes dans les différents chefs-lieux de districts, publication toujours plus ou moins retardée à raison de la distance des lieux, ou par des circonstances particulières qu’il est impossible de prévoir. Voudront-ils opérer également, et porter dans cette partie la surveillance et l’exactitude aussi utiles que nécessaires au bien public ; alors les districts ne pourront s’en rapporter à l’assertion des créanciers sur les retards allégués dans la publication des lois. Il faudra des certificats des pouvoirs constitués, et souvent une correspondance entre eux; de là encore de nouvelles entraves, de nouveaux motifs de retard. J’ajouterai que la lenteur n’est pas le seul inconvénient attaché à la manière prescrite d’opérer. 180 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les corps administratifs sont chargés de statuer sur les réclamations portées dans les mémoires des créanciers vrais ou supposés, c’est-à-dire qu’ils doivent prononcer sur la légitimité des créances. Voilà, sans contredit, la mission la plus importante par rapport aux intérêts de la république : l’examen le plus sévère des réclamations qui tendraient à diminuer l’indemnité, faible encore, quoique immense, qu’offrent à la nation les biens de ses ennemis, peut à peine rassurer sur le résultat des procédés. Non que je doute du zèle et de l’attention que porteront dans cet examen les corps administratifs ; mais trop souvent distraits par d’autres objets, peut-être même moins familiers avec les principes qui doivent diriger et leurs premières opérations et le classement des créanciers, commettront-ils des erreurs, qui, quoique involontaires, n’en tourneront pas moins au détriment de la nation. Citoyens, c’est ce qui est trop fréquemment arrivé dans la liquidation des créances exigibles sur l’Etat, qui étaient soumises à l’examen préparatoire des corps administratifs. Dans la révision dont il est chargé, le directeur général de la liquidation a souvent reconnu que ces créances avouées, et quelquefois même acquittées par les directoires, n’avaient rien de réel. Aussi la Convention nationale a-t-elle décrété, le 9 germinal, que l’agent du trésor public poursuivra, par la médiation des agents nationaux, sur les extraits des décisions qui les auront révoquées en définitive, le recouvrement des liquidations provisoires indûment faites par les corps administratifs pour les créances qui étaient soumises à leur vérification. Dans la liquidation des dettes des émigrés, ce moyen de relever les erreurs n’existe pas. Les corps administratifs agissent et prononcent définitivement. Pourquoi ne remarquerait-on pas même que ce définitif n’a lieu que lorsque leur décision est contre la nation, c’est-à-dire lorsqu’ils admettent les créances; car, s’ils les rejettent, les réclamants ont droit d’en appeler devant des arbitres, ce qui n’établit pas une juste balance entre toutes les parties. La loi semble bien avoir prévu une partie de ces inconvénients ; car, pour éclairer et guider les corps administratifs, elle a voulu opposer des contradicteurs à ceux qui se prétendraient créanciers des émigrés; car enfin elle a voulu que le directoire de district entendît le syndic de l’union contradictoirement avec le préposé de la régie. Mais l’effet le plus certain de cette formalité sera la perte d’un temps considérable. Croit-on en effet que le préposé de la régie pourra se livrer assidûment à un examen scrupuleux de tous les titres ? Et, quant au syndic de l’union, on sent assez qu’il n’aura un véritable intérêt à la critique des réclamations qu’autant que leur total en somme excédera le montant présumé de l’actif; car autrement, que lui importe le rejet ou l’admission des créances, dès qu’il est sûr que toutes seront acquittées ? Ces réflexions, citoyens, se présentent naturellement a la lecture de la loi sur la liquidation des dettes des émigrés. Je pourrais en ajouter d’autres; mais il est temps de passer au moyen que je crois propre à parer à tous ces inconvénients. Je le trouve, ce moyen, dans l’établissement d’une administration unique et centrale, fixée à Paris, et exclusivement chargée de la liquidation de cette nature de dettes. Si cet établissement avait suivi de près la confiscation des biens des émigrés, comme on l’avait demandé, la liquidation de leurs dettes serait maintenant bien avancée ; mais alors le système dominant n’était pas de ramener tout à l’unité, à un centre commun. On voulait donner aux corps administratifs le plus d’influence possible. On voulait diviser, et l’on trouvait dans ce projet l’occasion de punir Paris de ses efforts constants pour la liberté. Heureusement ce système s’est anéanti avec ceux qui l’avaient conçu. L’unité, l’indivisibilité de la république sont reconnues, sont affermies à jamais; toutes les administrations, tous les établissements publics, tendent vers un point unique et central. Tous les renseignements, tous les tableaux, tous les états relatifs à l’actif des émigrés et des condamnés, viennent de tous les points de la République se réunir à la commission des finances; il faut qu’il en soit de même à l’égard du passif. Je vais présenter les avantages qui résulteraient, pour les intérêts de la république, d’un établissement auquel on confierait exclusivement la liquidation des dettes qui grèvent les biens acquis à la nation par les crimes de leurs anciens possesseurs. D’abord la Convention nationale y trouvera, toutes les fois qu’elle le jugera à propos, des renseignements prompts et fidèles sur la quotité des dettes; renseignements que très-souvent il lui importe d’avoir pour connaître au vrai sa situation. Il s’établira ensuite entre cette administration et la commission chargée de constater l’actif des émigrés, etc., une correspondance facile, que l’intimité de leurs rapports rend indispensable entre elles, et qui reste impraticable tant qu’il faut l’ouvrir avec quatre-vingt-six administrations particulières, qui elles-mêmes sont obligées de correspondre avec tous les districts de la république. Voilà pour les rapports généraux. L’opération en elle-même en sera beaucoup plus rapide. Plus de délais sujets à variation pour la production des titres. Comme ils devront être tous déposés au même établissement, le délai ne sera plus relatif à chaque créancier en particulier. Il sera le même, il sera général pour tous. Aussitôt qu’une liste d’émigrés ou de condamnés sera promulguée, un décret ordonnera que tous les créanciers des individus compris dans cette liste produiront avant telle époque, sous peine de déchéance, leurs titres et papiers originaux au bureau de la liquidation générale des émigrés. On a senti, dans la liquidation des dettes exigibles de l’Etat, tout l’avantage de ces délais fixés et communs à tous. Peu de jours après leur expiration, le directeur général de la liquidation était en état de faire connaître à la nation ce qu’elle avait réellement à payer. Le délai affecté à chaque liste une fois révolu, le commissaire à l’établissement et ses coopérateurs s’occuperont de l’examen des créances prétendues sur chacun de ceux qui s’y trouveront portés. Comme l’établissement sera composé de sujets assez instruits des formes pour n’en être pas les esclaves, et qu’ils seront toujours disposés, toujours à portée d’écouter les moyens des parties, chaque créance sera promptement examinée et scrupuleusement critiquée. Quand ce travail particulier à chaque émi-180 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les corps administratifs sont chargés de statuer sur les réclamations portées dans les mémoires des créanciers vrais ou supposés, c’est-à-dire qu’ils doivent prononcer sur la légitimité des créances. Voilà, sans contredit, la mission la plus importante par rapport aux intérêts de la république : l’examen le plus sévère des réclamations qui tendraient à diminuer l’indemnité, faible encore, quoique immense, qu’offrent à la nation les biens de ses ennemis, peut à peine rassurer sur le résultat des procédés. Non que je doute du zèle et de l’attention que porteront dans cet examen les corps administratifs ; mais trop souvent distraits par d’autres objets, peut-être même moins familiers avec les principes qui doivent diriger et leurs premières opérations et le classement des créanciers, commettront-ils des erreurs, qui, quoique involontaires, n’en tourneront pas moins au détriment de la nation. Citoyens, c’est ce qui est trop fréquemment arrivé dans la liquidation des créances exigibles sur l’Etat, qui étaient soumises à l’examen préparatoire des corps administratifs. Dans la révision dont il est chargé, le directeur général de la liquidation a souvent reconnu que ces créances avouées, et quelquefois même acquittées par les directoires, n’avaient rien de réel. Aussi la Convention nationale a-t-elle décrété, le 9 germinal, que l’agent du trésor public poursuivra, par la médiation des agents nationaux, sur les extraits des décisions qui les auront révoquées en définitive, le recouvrement des liquidations provisoires indûment faites par les corps administratifs pour les créances qui étaient soumises à leur vérification. Dans la liquidation des dettes des émigrés, ce moyen de relever les erreurs n’existe pas. Les corps administratifs agissent et prononcent définitivement. Pourquoi ne remarquerait-on pas même que ce définitif n’a lieu que lorsque leur décision est contre la nation, c’est-à-dire lorsqu’ils admettent les créances; car, s’ils les rejettent, les réclamants ont droit d’en appeler devant des arbitres, ce qui n’établit pas une juste balance entre toutes les parties. La loi semble bien avoir prévu une partie de ces inconvénients ; car, pour éclairer et guider les corps administratifs, elle a voulu opposer des contradicteurs à ceux qui se prétendraient créanciers des émigrés; car enfin elle a voulu que le directoire de district entendît le syndic de l’union contradictoirement avec le préposé de la régie. Mais l’effet le plus certain de cette formalité sera la perte d’un temps considérable. Croit-on en effet que le préposé de la régie pourra se livrer assidûment à un examen scrupuleux de tous les titres ? Et, quant au syndic de l’union, on sent assez qu’il n’aura un véritable intérêt à la critique des réclamations qu’autant que leur total en somme excédera le montant présumé de l’actif; car autrement, que lui importe le rejet ou l’admission des créances, dès qu’il est sûr que toutes seront acquittées ? Ces réflexions, citoyens, se présentent naturellement a la lecture de la loi sur la liquidation des dettes des émigrés. Je pourrais en ajouter d’autres; mais il est temps de passer au moyen que je crois propre à parer à tous ces inconvénients. Je le trouve, ce moyen, dans l’établissement d’une administration unique et centrale, fixée à Paris, et exclusivement chargée de la liquidation de cette nature de dettes. Si cet établissement avait suivi de près la confiscation des biens des émigrés, comme on l’avait demandé, la liquidation de leurs dettes serait maintenant bien avancée ; mais alors le système dominant n’était pas de ramener tout à l’unité, à un centre commun. On voulait donner aux corps administratifs le plus d’influence possible. On voulait diviser, et l’on trouvait dans ce projet l’occasion de punir Paris de ses efforts constants pour la liberté. Heureusement ce système s’est anéanti avec ceux qui l’avaient conçu. L’unité, l’indivisibilité de la république sont reconnues, sont affermies à jamais; toutes les administrations, tous les établissements publics, tendent vers un point unique et central. Tous les renseignements, tous les tableaux, tous les états relatifs à l’actif des émigrés et des condamnés, viennent de tous les points de la République se réunir à la commission des finances; il faut qu’il en soit de même à l’égard du passif. Je vais présenter les avantages qui résulteraient, pour les intérêts de la république, d’un établissement auquel on confierait exclusivement la liquidation des dettes qui grèvent les biens acquis à la nation par les crimes de leurs anciens possesseurs. D’abord la Convention nationale y trouvera, toutes les fois qu’elle le jugera à propos, des renseignements prompts et fidèles sur la quotité des dettes; renseignements que très-souvent il lui importe d’avoir pour connaître au vrai sa situation. Il s’établira ensuite entre cette administration et la commission chargée de constater l’actif des émigrés, etc., une correspondance facile, que l’intimité de leurs rapports rend indispensable entre elles, et qui reste impraticable tant qu’il faut l’ouvrir avec quatre-vingt-six administrations particulières, qui elles-mêmes sont obligées de correspondre avec tous les districts de la république. Voilà pour les rapports généraux. L’opération en elle-même en sera beaucoup plus rapide. Plus de délais sujets à variation pour la production des titres. Comme ils devront être tous déposés au même établissement, le délai ne sera plus relatif à chaque créancier en particulier. Il sera le même, il sera général pour tous. Aussitôt qu’une liste d’émigrés ou de condamnés sera promulguée, un décret ordonnera que tous les créanciers des individus compris dans cette liste produiront avant telle époque, sous peine de déchéance, leurs titres et papiers originaux au bureau de la liquidation générale des émigrés. On a senti, dans la liquidation des dettes exigibles de l’Etat, tout l’avantage de ces délais fixés et communs à tous. Peu de jours après leur expiration, le directeur général de la liquidation était en état de faire connaître à la nation ce qu’elle avait réellement à payer. Le délai affecté à chaque liste une fois révolu, le commissaire à l’établissement et ses coopérateurs s’occuperont de l’examen des créances prétendues sur chacun de ceux qui s’y trouveront portés. Comme l’établissement sera composé de sujets assez instruits des formes pour n’en être pas les esclaves, et qu’ils seront toujours disposés, toujours à portée d’écouter les moyens des parties, chaque créance sera promptement examinée et scrupuleusement critiquée. Quand ce travail particulier à chaque émi- SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N" 39 181 gré ou condamné sera terminé, quand le commissaire aura distingué les réclamations admissibles, selon lui, de celles susceptibles de rejet, il en fera son rapport à un des comités de la Convention, qui sera exclusivement chargé de cette partie. Ainsi, il n’y aura plus de parties à entendre contradictoirement, ni d’arbitrages à former. On sera sûr que toutes les créances admises seront légitimes, et que les intérêts de la nation auront été ménagés. C’est de cette manière qu’on a procédé dans la liquidation des dettes de l’Etat, et la nation n’a pas eu lieu de s’en plaindre. Si l’on eût admis des arbitrages, les parties en auraient demandé dans toutes les affaires, et l’on verrait encore s’effectuer avec lenteur une opération qui, sous plusieurs rapports, aujourd’hui touche à sa fin. Le commissaire de la liquidation des dettes des émigrés, lorsque son premier travail aura été approuvé par le comité, s’occupera de suite du classement des créances dans le rang que leur assigneront les privilèges et la date des hypothèques. Cette dernière opération terminée passera également à la censure du comité, qui fera un rapport de tous les travaux du commissaire à la Convention ; et enfin, c’est cet ordre, s’il est approuvé par la Convention, qui sera adressé à la commission des finances, pour qu’elle ait à distribuer les certificats de collocation utile, ou de simple liquidation, conformément aux lois existantes. Peut-être me dira-t-on, citoyens, que le dépôt à faire, au bureau central de Paris, des titres de créance contre un émigré, serait plus difficile que le dépôt à faire à l’administration du dernier domicile du débiteur ? Peut-être argumentera-t-on de l’embarras à porter ou envoyer des registres de marchands à l’établissement central ? Mais je répondrai à mon tour : Tout l’avantage se trouve dans l’hypothèse du dépôt à Paris, lorsque surtout le même individu est créancier de plusieurs émigrés ou condamnés, qui ont eu des domiciles très distants. J’ajouterai encore : Où est l’obstacle de faire viser par le district le registre d’un marchand, et d’en envoyer l’expédition (qui tiendra lieu de registre) au bureau central ? Attachons-nous spécialement à simplifier les lois, à en faciliter l’exécution, si nous voulons arriver au terme de ce nouveau travail. C’est ici, citoyens, le moment d’examiner l’opinion que quelques personnes ont manifestée sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. Elles ont pensé que, lorsqu’il était évident, par la comparaison de l’aperçu de l’actif avec celui du passif, que le débet excédait l’avoir, la nation ne devait plus se charger d’une liquidation qui, ne lui offrant en dernier résultat aucun bénéfice, ne lui occasionnerait que des soins inutiles, et qu’elle devait tout céder aux créanciers qui s’arrangeraient entre eux. Cette idée, qui tend à simplifier la liquidation dont il s’agit, est bonne à certains égards; mais elle ne me paraît pas admissible sans distinction. Sans doute lorsque la succession d’un condamné n’offrira aucun actif, ou que cet actif ne consistera qu’en mobilier dont le prix sera inférieur à la somme des dettes qu’il aura laissées, l’intérêt de la nation est alors de tout abandonner aux créanciers. Mais doit-il en être de même s’il se trouve dans une succession quelque immeuble ? A mon avis, la nation ne doit renoncer à la confiscation qu’avec de grandes précautions, c’est-à-dire qu’après la vente de l’immeuble; car on sait que l’estimation est toujours beaucoup inférieure au prix réel, c’est-à-dire qu’après une critique bien réfléchie des créances réclamées; car leur examen peut en faire rejeter assez pour rétablir au moins le niveau entre la recette et la dépense. Mais quand même ces opérations établiraient un excédant de dettes, la saine politique ne s’opposerait-elle pas à ce que la nation remît entre des mains particulières les immeubles placés dans les siennes par la confiscation ? Pourquoi établir une concurrence dans les ventes différentes de la même nature de biens ? Pourquoi rendre moins fréquentes les occasions de diminuer la masse des assignats en circulation, ou de retirer du commerce les certificats de liquidation remis aux créanciers ? Ces considérations, citoyens, me paraissent dignes de la plus grande attention. Mais quel risque peut encore courir la nation en vendant ces immeubles ? Aucun. Elle ne paie les dettes que jusqu’à concurrence de leur prix; et le sou pour livre qu’elle retient sur ce même prix l’indemnise suffisamment des frais d’administration et de liquidation. J’ai dit, en commençant cet article, que quelquefois la nation pourrait n’avoir aucun intérêt à liquider les dettes d’un condamné qui ne laisserait pour actif qu’un mobilier inférieur à la somme du passif. De cette réflexion même résulte la nécessité de l’administration unique et centrale dont j’ai parlé; car, pour savoir si la nation a ou n’a pas intérêt à liquider, il faut d’abord connaître les forces de chaque succession et la nature des biens qui la composent. Cette connaissance ne pouvant s’acquérir que par une correspondance active et journalière avec la commission des finances, il est facile de sentir combien ces opérations deviendraient plus rapides si, au lieu de les étendre à tous les corps administratifs de la république, vous les concentriez entre deux administrations voisines qui peuvent se communiquer à tous les instants du jour. Combien aussi une administration unique est-elle plus aisée à surveiller ! Combien il est plus facile d’en accélérer le mouvement et de surveiller ses opérations, d’en prévoir et d’en fixer le terme ! Examinez, citoyens, ce qui s’est passé relativement à la liquidation générale des dettes de l’État : si, comme d’abord on en avait formé le projet, on l’eût disséminée sur tous les points de la république, croit-on que la Convention nationale eût été aussi facilement instruite des obstacles qui pouvaient entraver sa marche ? Croit-on qu’elle aurait pu rendre toutes ces lois qui l’ont successivement hâtée ? Croit-on qu’elle eût pu dire : « Au 30 fructidor, une grande partie de la liquidation sera terminée ?» Et si la Convention l’eût dit, l’exécution de son décret eût-elle été aussi certaine de la part de la direction générale ? Il faut dire le mot. L’expérience a fait connaître que les parties de la liquidation de la dette publique, dont l’examen provisoire a été confié aux corps administratifs, ou pour lesquelles il a fallu des renseignements et des états de la part de ces administrations, ont toujours été et seront toujours les plus lentes et les moins avancées. D’après cela, SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N" 39 181 gré ou condamné sera terminé, quand le commissaire aura distingué les réclamations admissibles, selon lui, de celles susceptibles de rejet, il en fera son rapport à un des comités de la Convention, qui sera exclusivement chargé de cette partie. Ainsi, il n’y aura plus de parties à entendre contradictoirement, ni d’arbitrages à former. On sera sûr que toutes les créances admises seront légitimes, et que les intérêts de la nation auront été ménagés. C’est de cette manière qu’on a procédé dans la liquidation des dettes de l’Etat, et la nation n’a pas eu lieu de s’en plaindre. Si l’on eût admis des arbitrages, les parties en auraient demandé dans toutes les affaires, et l’on verrait encore s’effectuer avec lenteur une opération qui, sous plusieurs rapports, aujourd’hui touche à sa fin. Le commissaire de la liquidation des dettes des émigrés, lorsque son premier travail aura été approuvé par le comité, s’occupera de suite du classement des créances dans le rang que leur assigneront les privilèges et la date des hypothèques. Cette dernière opération terminée passera également à la censure du comité, qui fera un rapport de tous les travaux du commissaire à la Convention ; et enfin, c’est cet ordre, s’il est approuvé par la Convention, qui sera adressé à la commission des finances, pour qu’elle ait à distribuer les certificats de collocation utile, ou de simple liquidation, conformément aux lois existantes. Peut-être me dira-t-on, citoyens, que le dépôt à faire, au bureau central de Paris, des titres de créance contre un émigré, serait plus difficile que le dépôt à faire à l’administration du dernier domicile du débiteur ? Peut-être argumentera-t-on de l’embarras à porter ou envoyer des registres de marchands à l’établissement central ? Mais je répondrai à mon tour : Tout l’avantage se trouve dans l’hypothèse du dépôt à Paris, lorsque surtout le même individu est créancier de plusieurs émigrés ou condamnés, qui ont eu des domiciles très distants. J’ajouterai encore : Où est l’obstacle de faire viser par le district le registre d’un marchand, et d’en envoyer l’expédition (qui tiendra lieu de registre) au bureau central ? Attachons-nous spécialement à simplifier les lois, à en faciliter l’exécution, si nous voulons arriver au terme de ce nouveau travail. C’est ici, citoyens, le moment d’examiner l’opinion que quelques personnes ont manifestée sur la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. Elles ont pensé que, lorsqu’il était évident, par la comparaison de l’aperçu de l’actif avec celui du passif, que le débet excédait l’avoir, la nation ne devait plus se charger d’une liquidation qui, ne lui offrant en dernier résultat aucun bénéfice, ne lui occasionnerait que des soins inutiles, et qu’elle devait tout céder aux créanciers qui s’arrangeraient entre eux. Cette idée, qui tend à simplifier la liquidation dont il s’agit, est bonne à certains égards; mais elle ne me paraît pas admissible sans distinction. Sans doute lorsque la succession d’un condamné n’offrira aucun actif, ou que cet actif ne consistera qu’en mobilier dont le prix sera inférieur à la somme des dettes qu’il aura laissées, l’intérêt de la nation est alors de tout abandonner aux créanciers. Mais doit-il en être de même s’il se trouve dans une succession quelque immeuble ? A mon avis, la nation ne doit renoncer à la confiscation qu’avec de grandes précautions, c’est-à-dire qu’après la vente de l’immeuble; car on sait que l’estimation est toujours beaucoup inférieure au prix réel, c’est-à-dire qu’après une critique bien réfléchie des créances réclamées; car leur examen peut en faire rejeter assez pour rétablir au moins le niveau entre la recette et la dépense. Mais quand même ces opérations établiraient un excédant de dettes, la saine politique ne s’opposerait-elle pas à ce que la nation remît entre des mains particulières les immeubles placés dans les siennes par la confiscation ? Pourquoi établir une concurrence dans les ventes différentes de la même nature de biens ? Pourquoi rendre moins fréquentes les occasions de diminuer la masse des assignats en circulation, ou de retirer du commerce les certificats de liquidation remis aux créanciers ? Ces considérations, citoyens, me paraissent dignes de la plus grande attention. Mais quel risque peut encore courir la nation en vendant ces immeubles ? Aucun. Elle ne paie les dettes que jusqu’à concurrence de leur prix; et le sou pour livre qu’elle retient sur ce même prix l’indemnise suffisamment des frais d’administration et de liquidation. J’ai dit, en commençant cet article, que quelquefois la nation pourrait n’avoir aucun intérêt à liquider les dettes d’un condamné qui ne laisserait pour actif qu’un mobilier inférieur à la somme du passif. De cette réflexion même résulte la nécessité de l’administration unique et centrale dont j’ai parlé; car, pour savoir si la nation a ou n’a pas intérêt à liquider, il faut d’abord connaître les forces de chaque succession et la nature des biens qui la composent. Cette connaissance ne pouvant s’acquérir que par une correspondance active et journalière avec la commission des finances, il est facile de sentir combien ces opérations deviendraient plus rapides si, au lieu de les étendre à tous les corps administratifs de la république, vous les concentriez entre deux administrations voisines qui peuvent se communiquer à tous les instants du jour. Combien aussi une administration unique est-elle plus aisée à surveiller ! Combien il est plus facile d’en accélérer le mouvement et de surveiller ses opérations, d’en prévoir et d’en fixer le terme ! Examinez, citoyens, ce qui s’est passé relativement à la liquidation générale des dettes de l’État : si, comme d’abord on en avait formé le projet, on l’eût disséminée sur tous les points de la république, croit-on que la Convention nationale eût été aussi facilement instruite des obstacles qui pouvaient entraver sa marche ? Croit-on qu’elle aurait pu rendre toutes ces lois qui l’ont successivement hâtée ? Croit-on qu’elle eût pu dire : « Au 30 fructidor, une grande partie de la liquidation sera terminée ?» Et si la Convention l’eût dit, l’exécution de son décret eût-elle été aussi certaine de la part de la direction générale ? Il faut dire le mot. L’expérience a fait connaître que les parties de la liquidation de la dette publique, dont l’examen provisoire a été confié aux corps administratifs, ou pour lesquelles il a fallu des renseignements et des états de la part de ces administrations, ont toujours été et seront toujours les plus lentes et les moins avancées. D’après cela, 182 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’on juge de quel pas marcheraient les travaux qui leur seraient confiés définitivement et en totalité ? J’ajouterai que la liquidation des dettes des émigrés et des condamnés, confiée à une seule administration, serait beaucoup moins coûteuse à l’Etat. Si les directoires en demeuraient chargés, il faudrait créer dans chaque département, dans chaque district, des bureaux, et y placer, et avant tout se procurer des personnes propres à ces opérations, tandis que, pour composer l’établissement général que l’on propose, il ne faudrait pas la dixième partie de ces commis. Et cet établissement même ne se trouve-t-il pas, pour ainsi dire, par le fait déjà existant à Paris ? Considérez, citoyens, le grand nombre d’émigrés qui y étaient domiciliés, celui des traitres que le glaive de la loi y frappe tous les jours, et dont plusieurs étaient possesseurs de richesses immenses, et vous vous ferez une idée de la multitude des préposés chargés à la municipalité de la réception, et au département de la vérification des titres et des réclamations de ceux qui se prétendent créanciers de nos émigrés et de nos traîtres. Non, citoyens, non, il n’est pas possible de laisser subsister plus longtemps cet ordre de choses qui place une administration entière dans une administration même, qui accumule et mêle tous les genres de travaux, et qui ne donne à cette partie importante de la liquidation aucun chef stable et direct, à qui l’on puisse s’adresser, et qui soit personnellement responsable aux yeux de la loi. Ces réflexions sont bien propres encore à écarter l’idée, si on l’avait eue, de confier l’opération générale de la liquidation des dettes dont il s’agit à une administration déjà existante. Celui qui la présenterait, cette idée, prouverait assez, dans mon opinion, qu’il n’en a pas une bien juste de l’importance et de l’immensité des travaux auxquels cette liquidation donnera lieu. A mes yeux, ils sont tels que toute l’attention et tout le zèle de l’homme le mieux organisé n’y pourraient suffire, et qu’il faudrait même donner un adjoint au commissaire que l’on mettrait à la tête de cet établissement. Et l’on voudrait qu’un homme déjà chargé d’autres fonctions importantes se chargeât encore de celles-ci ! L’on voudrait que ses facultés déjà absorbées par d’autres travaux dirigeassent encore cette immense opération ! Un tel projet ne serait pas supportable. Accumuler les responsabilités, c’est le sûr moyen de les rendre toutes nulles. Vouloir qu’un individu surveille au-delà de l’étendue de sa vue morale et physique, c’est lui imposer la nécessité d’emprunter les yeux d’autrui; c’est manquer le but qu’on se propose. Peut-être serait-on tenté de proposer la réunion de l’établissement que je crois le seul utile, que je regarde même comme indispensable, à la direction générale déjà établie; mais si l’on pouvait dans un instant perdre de vue que les travaux de cette partie sont incalculables, au point qu’il est impossible aujourd’hui de fixer, de prévoir même le terme de toutes les opérations, peut-être considérerez-vous, citoyens, que si vous accabliez encore du poids de la liquidation des émigrés le directeur général en exercice, ces deux établissements, ainsi réunis dans les mêmes mains, se nuiraient forcément, se nuiraient mutuellement, et ne marcheraient jamais d’un pas égal; et, je dois l’ajouter, rien de commun entre eux que quelque ressemblance dans leur dénomination. Dans la liquidation des dettes de l’Etat, dès que la légitimité d’une créance est vérifiée, ce que la nature du titre rend presque toujours si facile ; dès que la propriété en est constatée, tout est fini, parce que la nation s’est chargée de payer indéfiniment toutes les dettes légitimes de l’ancien gouvernement et des anciennes corporations. Mais il n’en sera pas de même à l’égard des créances sur les émigrés et les condamnés. Quand on les aura vérifiées, on n’aura fait que la moitié de l’ouvrage : il restera à les classer suivant l’ordre des privilèges, parce que la nation ne paie les dettes des émigrés et des condamnés que jusqu’à concurrence de leur actif. J’en ai trop dit, citoyens, pour prouver que cette liquidation ne peut être réunie à aucun établissement actuellement existant. L’attention qu’a eue la Convention nationale, dans la création des commissions exécutives, de séparer exactement tous les objets d’administration, et de ne réunir sous un même commissaire que les parties absolument homogènes cet esprit d’ordre est une preuve certaine qu’elle ne se prêtera pas au mélange dont je crois avoir fait sentir les inconvénients. La rapidité avec laquelle j’ai tracé mes vues m’a fait omettre, citoyens, de vous rappeler un grand avantage que la nation retirera du parti que je propose, de ramener à Paris la liquidation des émigrés. L’article XXII de la loi du 25 juillet 1793 porte que, « lorsque la nation aura des créances directes contre un émigré, ou qu’elle représentera des émigrés créanciers, le préposé de la régie sera tenu de s’unir avec les créanciers ». Mais les créances directes de la nation sur des émigrés ou condamnés ne peuvent être bien connues que par les administrations résidant à Paris et chargées de la vérification ainsi que de la rentrée de ces créances, telles que le bureau de la comptabilité, la trésorerie nationale, l’agent du trésor public, la commission des finances; et il faudra donc, si la liquidation des émigrés reste disséminée dans les districts, que toutes ces administrations correspondent avec tous les préposés de la régie établie dans tous les chefs-lieux des districts; correspondance immense qui se trouvera réduite à un simple mémoire, si vous établissez à Paris un bureau unique et central de liquidation. Cet établissement sera d’un égal avantage lorsque la nation représentera des émigrés créanciers d’autres émigrés. La connaissance de ces créances était du ressort de la commission des finances, qui a la surveillance de l’actif des émigrés; il lui sera bien plus facile de correspondre avec un seul bureau à Paris qu’avec tous les préposés de la régie dans les départements. L’intérêt de la république exige donc que l’on confie cette liquidation à une administration centrale uniquement occupée de cet objet. Mais je n’aurais pas atteint le but que je me suis proposé si je ne prouvais qu’un pareil établissement sera également favorable aux intérêts des particuliers. Et d’abord, d’après la loi actuellement existante, tout créancier d’émigré ou de condamné doit faire sa déclaration au secrétariat du district du dernier domicile de son débiteur indiqué par la liste générale. Il doit se transporter ensuite, soit en personne, 182 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’on juge de quel pas marcheraient les travaux qui leur seraient confiés définitivement et en totalité ? J’ajouterai que la liquidation des dettes des émigrés et des condamnés, confiée à une seule administration, serait beaucoup moins coûteuse à l’Etat. Si les directoires en demeuraient chargés, il faudrait créer dans chaque département, dans chaque district, des bureaux, et y placer, et avant tout se procurer des personnes propres à ces opérations, tandis que, pour composer l’établissement général que l’on propose, il ne faudrait pas la dixième partie de ces commis. Et cet établissement même ne se trouve-t-il pas, pour ainsi dire, par le fait déjà existant à Paris ? Considérez, citoyens, le grand nombre d’émigrés qui y étaient domiciliés, celui des traitres que le glaive de la loi y frappe tous les jours, et dont plusieurs étaient possesseurs de richesses immenses, et vous vous ferez une idée de la multitude des préposés chargés à la municipalité de la réception, et au département de la vérification des titres et des réclamations de ceux qui se prétendent créanciers de nos émigrés et de nos traîtres. Non, citoyens, non, il n’est pas possible de laisser subsister plus longtemps cet ordre de choses qui place une administration entière dans une administration même, qui accumule et mêle tous les genres de travaux, et qui ne donne à cette partie importante de la liquidation aucun chef stable et direct, à qui l’on puisse s’adresser, et qui soit personnellement responsable aux yeux de la loi. Ces réflexions sont bien propres encore à écarter l’idée, si on l’avait eue, de confier l’opération générale de la liquidation des dettes dont il s’agit à une administration déjà existante. Celui qui la présenterait, cette idée, prouverait assez, dans mon opinion, qu’il n’en a pas une bien juste de l’importance et de l’immensité des travaux auxquels cette liquidation donnera lieu. A mes yeux, ils sont tels que toute l’attention et tout le zèle de l’homme le mieux organisé n’y pourraient suffire, et qu’il faudrait même donner un adjoint au commissaire que l’on mettrait à la tête de cet établissement. Et l’on voudrait qu’un homme déjà chargé d’autres fonctions importantes se chargeât encore de celles-ci ! L’on voudrait que ses facultés déjà absorbées par d’autres travaux dirigeassent encore cette immense opération ! Un tel projet ne serait pas supportable. Accumuler les responsabilités, c’est le sûr moyen de les rendre toutes nulles. Vouloir qu’un individu surveille au-delà de l’étendue de sa vue morale et physique, c’est lui imposer la nécessité d’emprunter les yeux d’autrui; c’est manquer le but qu’on se propose. Peut-être serait-on tenté de proposer la réunion de l’établissement que je crois le seul utile, que je regarde même comme indispensable, à la direction générale déjà établie; mais si l’on pouvait dans un instant perdre de vue que les travaux de cette partie sont incalculables, au point qu’il est impossible aujourd’hui de fixer, de prévoir même le terme de toutes les opérations, peut-être considérerez-vous, citoyens, que si vous accabliez encore du poids de la liquidation des émigrés le directeur général en exercice, ces deux établissements, ainsi réunis dans les mêmes mains, se nuiraient forcément, se nuiraient mutuellement, et ne marcheraient jamais d’un pas égal; et, je dois l’ajouter, rien de commun entre eux que quelque ressemblance dans leur dénomination. Dans la liquidation des dettes de l’Etat, dès que la légitimité d’une créance est vérifiée, ce que la nature du titre rend presque toujours si facile ; dès que la propriété en est constatée, tout est fini, parce que la nation s’est chargée de payer indéfiniment toutes les dettes légitimes de l’ancien gouvernement et des anciennes corporations. Mais il n’en sera pas de même à l’égard des créances sur les émigrés et les condamnés. Quand on les aura vérifiées, on n’aura fait que la moitié de l’ouvrage : il restera à les classer suivant l’ordre des privilèges, parce que la nation ne paie les dettes des émigrés et des condamnés que jusqu’à concurrence de leur actif. J’en ai trop dit, citoyens, pour prouver que cette liquidation ne peut être réunie à aucun établissement actuellement existant. L’attention qu’a eue la Convention nationale, dans la création des commissions exécutives, de séparer exactement tous les objets d’administration, et de ne réunir sous un même commissaire que les parties absolument homogènes cet esprit d’ordre est une preuve certaine qu’elle ne se prêtera pas au mélange dont je crois avoir fait sentir les inconvénients. La rapidité avec laquelle j’ai tracé mes vues m’a fait omettre, citoyens, de vous rappeler un grand avantage que la nation retirera du parti que je propose, de ramener à Paris la liquidation des émigrés. L’article XXII de la loi du 25 juillet 1793 porte que, « lorsque la nation aura des créances directes contre un émigré, ou qu’elle représentera des émigrés créanciers, le préposé de la régie sera tenu de s’unir avec les créanciers ». Mais les créances directes de la nation sur des émigrés ou condamnés ne peuvent être bien connues que par les administrations résidant à Paris et chargées de la vérification ainsi que de la rentrée de ces créances, telles que le bureau de la comptabilité, la trésorerie nationale, l’agent du trésor public, la commission des finances; et il faudra donc, si la liquidation des émigrés reste disséminée dans les districts, que toutes ces administrations correspondent avec tous les préposés de la régie établie dans tous les chefs-lieux des districts; correspondance immense qui se trouvera réduite à un simple mémoire, si vous établissez à Paris un bureau unique et central de liquidation. Cet établissement sera d’un égal avantage lorsque la nation représentera des émigrés créanciers d’autres émigrés. La connaissance de ces créances était du ressort de la commission des finances, qui a la surveillance de l’actif des émigrés; il lui sera bien plus facile de correspondre avec un seul bureau à Paris qu’avec tous les préposés de la régie dans les départements. L’intérêt de la république exige donc que l’on confie cette liquidation à une administration centrale uniquement occupée de cet objet. Mais je n’aurais pas atteint le but que je me suis proposé si je ne prouvais qu’un pareil établissement sera également favorable aux intérêts des particuliers. Et d’abord, d’après la loi actuellement existante, tout créancier d’émigré ou de condamné doit faire sa déclaration au secrétariat du district du dernier domicile de son débiteur indiqué par la liste générale. Il doit se transporter ensuite, soit en personne, SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 39 183 soit par un fondé de pouvoirs, au chef-lieu du même district, à l’effet de procéder à la formation du contrat d’union. Ainsi, qu’un domicilié dans le département du Nord ait une créance sur un émigré de Perpignan, le voilà obligé de traverser diamétralement la France, ou d’envoyer sa procuration dans un pays où vraisemblablement il a peu de relations. Il en serait de même de l’habitant de Perpignan, dont le créancier émigré aurait eu son domicile à Dunkerque. Placez au contraire la liquidation des émigrés à Paris, et vous donnez à tous les citoyens un centre commun où ils viennent aboutir avec beaucoup moins de temps et de peines. Cet avantage, citoyens, devient encore plus sensible dans l’hypothèse très naturelle où un citoyen aurait des créances sur plusieurs émigrés ou condamnés de différents districts. Dans l’ordre actuel des choses, il faudra qu’il parcoure presque tous les points de la France, qu’il cherche souvent avec beaucoup de peine des personnes auxquelles, dans ces divers chefs-lieux, il puisse confier sa procuration. Il faudra qu’il corresponde souvent avec elles, et tout cela exigera nécessairement de sa part beaucoup de soins, beaucoup de frais, et une sollicitude continuelle. Dans l’ordre proposé, au contraire, ces inconvénients disparaissent. Qu’un citoyen soit créancier de vingt émigrés, étrangers les uns aux autres, il n’a jamais aucun dépôt à faire, il n’a besoin que d’un seul fondé de pouvoirs à Paris, où il est rare qu’un Français n’ait déjà quelque relation. Enfin une seule correspondance suffit pour la suite de toutes ses affaires. Ce qui a sans doute déterminé à confier la liquidation des dettes des émigrés au secrétariat du district du domicile indiqué par les listes, c’est qu’on a présumé que ce domicile désigné devait être le dernier de l’émigré, et qu’il était naturel de penser qu’il avait principalement contracté ses dettes dans le lieu où il résidait ordinairement. Ce raisonnement, à bien des égards, pourrait n’être pas juste. Mais il y a mieux : c’est que le domicile fixé par les listes n’est pas très souvent le dernier de l’émigré. Un ci-devant noble résidait à Paris au moment de son émigration; ses propriétés étaient situées dans un ou plusieurs districts éloignés. Chaque directoire ne recevant plus les certificats de sa résidence l’a déclaré ce qu’il est, émigré. Chaque arrêté des différents districts est confirmé par l’arrêté de chaque département. Cet ex-noble est porté sur plusieurs listes. Chaque commune où il a ses biens situés lui assigne un domicile; et quoiqu’il n’ait jamais habité de fait aucune de ces communes, dès lors ses créanciers cependant sont obligés de les parcourir, d’aller, d’envoyer, pour faire constater leurs droits, dont tous les titres sont souscrits à Paris. Soyez donc convaincus, citoyens, que le but ambitionné par la loi du 25 juillet est tout à fait manqué. Soyez-le que le moyen le plus sûr d’y arriver est de placer à Paris le bureau de la liquidation générale. Par cet établissement, les citoyens auront la certitude que leurs réclamations seront examinées avec soin, et que leurs droits seront exactement conservés dans l’ordre que leur assurent la nature et la date de leurs créances ; la nation ne sera pas exposée à de faux emplois, à des doubles liquidations, à des payements illégitimes; et la justice qu’elle doit à tous sera sévère, sera exacte, et plus prompte. Projet de décret. « Art. I. Il sera établi à Paris une commission unique et centrale, exclusivement chargée de la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. En conséquence, les dispositions des lois antérieures, et notamment de celle du 25 juillet 1793 (vieux style), qui renvoyaient cette liquidation devant les corps administratifs, sont rapportées. » II. Cette commission sera composée d’un commissaire et d’un adjoint qui, sur la présentation du comité de salut public, seront nommés par la Convention nationale. » III. La commission chargée de la rédaction du code sur les émigrés, condamnés ou déportés, prendra pour base de la partie de son travail relative à la liquidation des dettes des émigrés les dispositions des deux articles précédents. «Elle fera son rapport général d’ici au... et se concertera à cet effet avec les comités de salut public et des finances. » IV. Deux décades après le décret sur les bases définitives de la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés, la commission nommée par le présent décret organisera ses bureaux, sous l’approbation du comité de salut public. Les nominations des employés lui seront aussi soumises, et seront par lui confirmées. »V. Le traitement du commissaire sera de 12,000 liv. ; celui de l’adjoint sera de 10,000 liv. ; celui des employés sera arrêté par le comité de salut public, et ne pourra excéder 6,000 liv. » VI. Dans le mois, à compter de la publication du décret portant nomination du commissaire et de son adjoint, les directoires de districts et de départements adresseront audit commissaire tous les titres, pièces, mémoires et réclamations déposés en temps utile à leurs secrétariats, en exécution des lois des 26 juillet 1793 (vieux style), 27 brumaire et 9 ventôse dernier. Ils y joindront les projets d’ordre, et le tableau des liquidations définitives qu’ils peuvent avoir faites, et qui ne seront considérées que comme provisoires. » VII. La commission des finances adressera, dans le même délai, au commissaire la note des certificats de collocation utile, ou de simple liquidation, qu’elle peut avoir délivrés conformément à la loi du 25 juillet 1793, et qu’elle continuera à délivrer sur les liquidations définitives qui lui auront été adressées jusqu’à ce jour par les directoires de départements. » VIII. Ceux qui, se prétendant créanciers d’émigrés, condamnés ou déportés, n’ont déposé en temps utile que des copies collationnées, seront tenus d’en produire les originaux dans le délai de... sous peine de déchéance, entre les mains du commissaire. » IX. Les créanciers qui, n’ayant pas encore produit leurs titres et papiers au secrétariat des districts, se trouvent encore en temps utile pour en faire le dépôt, conformément aux lois des 27 brumaire et 9 ventôse derniers, les remettront, dans ce même délai, au commissaire, sous peine de déchéance. SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 39 183 soit par un fondé de pouvoirs, au chef-lieu du même district, à l’effet de procéder à la formation du contrat d’union. Ainsi, qu’un domicilié dans le département du Nord ait une créance sur un émigré de Perpignan, le voilà obligé de traverser diamétralement la France, ou d’envoyer sa procuration dans un pays où vraisemblablement il a peu de relations. Il en serait de même de l’habitant de Perpignan, dont le créancier émigré aurait eu son domicile à Dunkerque. Placez au contraire la liquidation des émigrés à Paris, et vous donnez à tous les citoyens un centre commun où ils viennent aboutir avec beaucoup moins de temps et de peines. Cet avantage, citoyens, devient encore plus sensible dans l’hypothèse très naturelle où un citoyen aurait des créances sur plusieurs émigrés ou condamnés de différents districts. Dans l’ordre actuel des choses, il faudra qu’il parcoure presque tous les points de la France, qu’il cherche souvent avec beaucoup de peine des personnes auxquelles, dans ces divers chefs-lieux, il puisse confier sa procuration. Il faudra qu’il corresponde souvent avec elles, et tout cela exigera nécessairement de sa part beaucoup de soins, beaucoup de frais, et une sollicitude continuelle. Dans l’ordre proposé, au contraire, ces inconvénients disparaissent. Qu’un citoyen soit créancier de vingt émigrés, étrangers les uns aux autres, il n’a jamais aucun dépôt à faire, il n’a besoin que d’un seul fondé de pouvoirs à Paris, où il est rare qu’un Français n’ait déjà quelque relation. Enfin une seule correspondance suffit pour la suite de toutes ses affaires. Ce qui a sans doute déterminé à confier la liquidation des dettes des émigrés au secrétariat du district du domicile indiqué par les listes, c’est qu’on a présumé que ce domicile désigné devait être le dernier de l’émigré, et qu’il était naturel de penser qu’il avait principalement contracté ses dettes dans le lieu où il résidait ordinairement. Ce raisonnement, à bien des égards, pourrait n’être pas juste. Mais il y a mieux : c’est que le domicile fixé par les listes n’est pas très souvent le dernier de l’émigré. Un ci-devant noble résidait à Paris au moment de son émigration; ses propriétés étaient situées dans un ou plusieurs districts éloignés. Chaque directoire ne recevant plus les certificats de sa résidence l’a déclaré ce qu’il est, émigré. Chaque arrêté des différents districts est confirmé par l’arrêté de chaque département. Cet ex-noble est porté sur plusieurs listes. Chaque commune où il a ses biens situés lui assigne un domicile; et quoiqu’il n’ait jamais habité de fait aucune de ces communes, dès lors ses créanciers cependant sont obligés de les parcourir, d’aller, d’envoyer, pour faire constater leurs droits, dont tous les titres sont souscrits à Paris. Soyez donc convaincus, citoyens, que le but ambitionné par la loi du 25 juillet est tout à fait manqué. Soyez-le que le moyen le plus sûr d’y arriver est de placer à Paris le bureau de la liquidation générale. Par cet établissement, les citoyens auront la certitude que leurs réclamations seront examinées avec soin, et que leurs droits seront exactement conservés dans l’ordre que leur assurent la nature et la date de leurs créances ; la nation ne sera pas exposée à de faux emplois, à des doubles liquidations, à des payements illégitimes; et la justice qu’elle doit à tous sera sévère, sera exacte, et plus prompte. Projet de décret. « Art. I. Il sera établi à Paris une commission unique et centrale, exclusivement chargée de la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés. En conséquence, les dispositions des lois antérieures, et notamment de celle du 25 juillet 1793 (vieux style), qui renvoyaient cette liquidation devant les corps administratifs, sont rapportées. » II. Cette commission sera composée d’un commissaire et d’un adjoint qui, sur la présentation du comité de salut public, seront nommés par la Convention nationale. » III. La commission chargée de la rédaction du code sur les émigrés, condamnés ou déportés, prendra pour base de la partie de son travail relative à la liquidation des dettes des émigrés les dispositions des deux articles précédents. «Elle fera son rapport général d’ici au... et se concertera à cet effet avec les comités de salut public et des finances. » IV. Deux décades après le décret sur les bases définitives de la liquidation des dettes des émigrés, condamnés ou déportés, la commission nommée par le présent décret organisera ses bureaux, sous l’approbation du comité de salut public. Les nominations des employés lui seront aussi soumises, et seront par lui confirmées. »V. Le traitement du commissaire sera de 12,000 liv. ; celui de l’adjoint sera de 10,000 liv. ; celui des employés sera arrêté par le comité de salut public, et ne pourra excéder 6,000 liv. » VI. Dans le mois, à compter de la publication du décret portant nomination du commissaire et de son adjoint, les directoires de districts et de départements adresseront audit commissaire tous les titres, pièces, mémoires et réclamations déposés en temps utile à leurs secrétariats, en exécution des lois des 26 juillet 1793 (vieux style), 27 brumaire et 9 ventôse dernier. Ils y joindront les projets d’ordre, et le tableau des liquidations définitives qu’ils peuvent avoir faites, et qui ne seront considérées que comme provisoires. » VII. La commission des finances adressera, dans le même délai, au commissaire la note des certificats de collocation utile, ou de simple liquidation, qu’elle peut avoir délivrés conformément à la loi du 25 juillet 1793, et qu’elle continuera à délivrer sur les liquidations définitives qui lui auront été adressées jusqu’à ce jour par les directoires de départements. » VIII. Ceux qui, se prétendant créanciers d’émigrés, condamnés ou déportés, n’ont déposé en temps utile que des copies collationnées, seront tenus d’en produire les originaux dans le délai de... sous peine de déchéance, entre les mains du commissaire. » IX. Les créanciers qui, n’ayant pas encore produit leurs titres et papiers au secrétariat des districts, se trouvent encore en temps utile pour en faire le dépôt, conformément aux lois des 27 brumaire et 9 ventôse derniers, les remettront, dans ce même délai, au commissaire, sous peine de déchéance.