765 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r mars 1790.] et même sur les testards que vend un particulier : ce droit a causé beaucoup de procès qui ont été portés devant les parlements des juges intéressés puisqu’ils sont seigneurs. Ce droit s’étend jusque sur les matériaux des maisons qu’on fait démolir. Je demande que ce droit soit aboli, et je fais de cette demande l’objet d’un amendement exprès. M. Goupil de Préfelx, député d'Alençon. Je demande que ce droit, qui s’est établi dans ma province, par la jurisprudence du parlement de Rouen, soit aboli sans indemnité. M. le marquis de Foucault propose de déclarer ce droit rachetable; il dit qu’il peut être l’effet d’une convention et qu’il a pour objet de récupérer le seigneur de la diminution que souffre son fonds lorsque les arbres sont coupés. M. Garat l’ainé considère les arbres comme les fruits de la terre, en sorte que le seigneur n’est pas en droit de prétendre à des lods et ventes, parce que le propriétaire du sol vend sa récolte. M. Moreau, député de Touraine. Les arbres ne sont que les fruits de la terre, ils sont une récolte accumulée pendant plusieurs années et cette récolte est perçue à l’époque de la coupe. M. le marquis de Foucault. Je demande l’ajournement de la motion et son renvoi au comité féodal. M. Regnaud {de Saint-J ean-d' Angèlij). L’Assemblée est suffisamment instruite et l’injustice du droit est généralement sentie. Pourquoi des Français seraient-ils punis pour être propriétaires de biens dans les parlements de Rouen et de Bordeaux ? Pourquoi seraient-ils assujettis à des droits injustes qui ne sont établis sur aucune loi, sur aucune convention et qui ont pour principe une jurisprudence désastreuse, que la cupidité a introduite et que la justice doit proscrire ? L’amendement est mis aux voix et adopté. L’article 12 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 12. Les droits sur les achats, ventes, importations et exportations de biens-meubles, de denrées et de marchandises, tels que les droits de cinquantième, centième, ou autre denier du prix des meubles ou bestiaux vendus, les lois et ventes, treizième, ou autres droits semblables sur les vaisseaux, sur les bois et arbres futaies, testards ou fruitiers, coupés ou vendus pour être coupés, sur les matériaux de bâtiments démolis ou vendus pour être démolis, les droits de leyde sur les poissons, les droits d’accise sur les comestibles, les droits de bouteillage, d’umgeld, ou autres, sur les vins et autres boissons, les impôts et billots perçus au profit des Seigneurs, et autres de même nature, sont abolis sans indemnité, sans rien préjuger, quant à présent, sur les droits de péage, de minage, et de tiers-denier. L’article 12 est lu, mis aux voix et adopté sans discussion, en ces termes : « Art. 13. Tous droits exigés sous prétexte de permissions données par les seigneurs pour exercer des professions, arts ou commerces, ou pour des actes qui, par le droit naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.» M. le Présldeul annonce que M. Bruet, curé d'Arbois, député d’Aval en Franche-Comté a donné sa démission et que son suppléant, M. Royer, curé de Chavanne, est arrivé et que ses pouvoirs sont vérifiés. La discussion est ensuite reprise sur les droits féodaux. M. Merlin, rapporteur , donne lecture des deux articles suivants : « Art. 14. Toutes banalités de fours, moulins, pressoirs à vins ou à huile, de boucheries, de taureau, de Verrat, de forge, et autres, ensemble le droit de verte-moute, usité en Normandie, soit qu’elles soient fondées sur la coutume ou sur un titre, ou acquises par prescription, sont abolies et supprimées sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après. « Art. 15. Seront exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables : «1° Les banalités purement conventionnelles, c’est-à-dire qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre le seigneur et la communauté des habitants pour l’intérêt et l’avantage desdits habitants ; 2° celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d’usages dans ses bois ou près, ou de communes en propriété. » M. Fegrand, député du Berry, propose de rédiger ces articles ainsi qu’il suit : « Toute banalité de four, etc., ensemble le droit de vert moute, sont supprimés sans indemnité, à l’exception de celles qui contiennent des avantages réciproques entre le seigneur et les censitaires, ou qui proviennent d’une concession de fonds prouvée par les titres primordiaux ou par les titres probatifs des titres primordiaux. » M. Frochot, député de Châtillon-sur-Seine. Votre comité vous propose, Messieurs, par l’article 14 de son projet de loi, de décréter en principe général la suppression, sans aucuneindemnité, desdiverses espèces de banalités; et cependant, par dérogation à cette loi générale, il demande aussitôt, par l’article 15, une exception en faveur des banalités purement conventionnelles. J’avoue, Messieurs, que je ne pressens pas les motifs de cette exception, qui me paraît contraire à tous les principes d'après lesquels votre comité devait se décider en cette matière. Les lois que vous avez à rendre sur la féodalité ne peuvent être qu’une interprétation scrupuleuse des textes que vous avez précédemment consacrés. C’est dans vos arrêtés du 4 août dernier que vous devez chercher les motifs de l’exception proposée ; si ce texte y répugne, l’exception doit être rejetée. Vous avez dit alors, Messieurs, que tous les droits féodaux qui tenaient à la servitude personnelle étaient abolis sans indemnité ; il vous est impossible aujourd’hui d’altérer la force et l’étendue de ce premier décret. Si donc la banalité conventionnelle est elle-même une servitude féodale personnelle, on ne peut hésiter à en prononcer l’abolition sans aucune indemnité. Or, messieurs, il est d’abord évident que toutes les banalités, considérées en elles-mêmes, sont de véritables servitudes personnelles, et qu’elles ne peuvent être considérées comme un droit réel dans les mains de celui au profit de qui elles sont établies, qu’autant que leur établissement est le prix delà cession d’un droit réel. De là, il résulte que les banalités purement conventionnelles ne peuvent être considérées comme des droits réels; et votre ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1er mars 1790. J 766 [Assemblée nationale.] comité lui-même ne le prétend pas, mais simplement comme des droits personnels, qui ont engendré une servitude purement personnelle. 11 reste maintenant à examiner si la convention, en la supposant existante, change quelque chose à la nature du droit, c’est-à-dire si elle l’empêche d’être un droit féodal et une servitude personnelle de l’espèce de celles que vous avez détruites sans indemnité. Si cette convention est de la même nature quecelles qui se font entre les particuliers ; si elle a pu être formée entre toutes sortes de personnes indistinctement; si les deux parties étaient également libres de contracter ou de ne pas contracter; si l’effet de la convention n’a rien qui répugne à la liberté individuelle, ou du moins rien qui enchaîne cette liberté au delà de justes bornes, rien enfin qui soit contraire à la nature des contrats ordinaires du droit civil, je conviens alors qu’un tel engagement quoiqu’il se trouve au profit d’un seigneur, ne participe néanmoins en rien au régime féodal, puisque le seigneur acon-tracté, non pas comme seigneur, mais comme simple particulier; que conséquemment les principes que vous avez consacrés relativement à la féodalité, ne sont pas applicables dans cette circonstance; que si au contraire, la convention ne pouvait pas, de sa nature, être faite entre toutes sortes de personnes, mais simplement entre un seigneur et ses vassaux; si elle diffère entièrement des contrats ordinaires du droit civil qui se forment entre de simples particuliers, soit dans son objet, soit dans ses effets, soit dans la peine, au cas d’inexécution, de manière que l’on y voie partout la rigide application des maximes féodales ; si l’une des parties n’était pas libre de ne pas contracter; si l’effet de la convention est une servitude personnelle, contraire à la liberté individuelle et à l’intérêt public, je ne vois alors dans cette prétendue convention quel’empreinteodieuse du régime féodal, et, dès lors, le droit qui en résulte doit être nécessairement assimilé aux autres servitudes féodales personnelles, et supprimé comme elles, sans aucune indemnité. Eh bien ! Messieurs, si vous considérez que presque toutes ces banalités que vous nommerez, si vous voulez, purement conventionnelles, ap-jartienneut à des seigneurs, n’en induirez-vous oas que cette prétendue convention n’est pas de a nature de celles qui se font entre les particu-iers? n’en induirez-vous pas qu’elle ne pouvait se faire qu’entre un seigneur et des vassaux, que conséquemment, elle est moins une convention libre, quand elle en aurait d’ailleurs tous les signes, qu’une véritable émanation delà puissance seigneurale ? Si vous considérez que les simples particuliers qui jouissent aujourd’hui de ques banalités, ont eu besoin du consentement du seigneur pour les établir, avant même que le seigneur n’en eût et sans que la coutume locale lui assurât le droit d’en avoir, n’en induirez-vous pas que tous les seigneurs se regardaient comme ayant un droit exclusif à la chose; de telle sorte que, s’ils ont fait ailleurs une convention, c’est moins une convention libre, que le commencement de l’exercice d’un droit qu’ils prétendaient avoir ? Si vous considérez ensuite que presque toutes les banalités sont incessibles, vous en conclue-rez que la prétendue convention est un véritable droit seigneurial, et qu’elle ne tient en rien de celles qui se font entre les particuliers, puisque toutes celles-ci sont cessibles de leur nature. Si vous remarquez encore que le droit résultant de la prétendue convention est imprescriptible, que la peine de celui qui fraude le droit, est l’amende et la confiscation, vous direz : ce n’est point là une véritable convention, mais bien en véritable droit seigneurial. Si vous considérez de plus que le seigneur, en donnant à ceux qu’il nommait ses sujets, la faculté d’aller moudre ou pressurer ailleurs, n’était pas obligé d’entretenir le moulin ou le pressoir; que quand le sujet banier avait attendu pendant vingt-quatre heures au moulin sans obtenir son tour, il lui était à la vérité permis de s’en aller ailleurs, mais sens conserver aucune action contre son seigneur, vous en concluerez que ce n’était pas là une convention de la nature des autres, car enfin, au premier cas, le seigneur aurait été forcé d’entretenir le moulin ou le pressoir, et n’aurait pu se dégager de sa convention sans le concours des autres parties contractantes; et en second cas, il aurait été obligé aux dommages et intérêts résultant soit de la perte du temps, soit de l’inexécution du traité. Si vous considérez enfin que presque toujours les nobles et les prêtres domiciliés dans la seigneurie étaient exempts de ce droit, et que ceux-là seuls que l’on nommait alors les manants ou vilains y étaient rigoureusement assujettis, vous ne verrez dans la prétendue convention que l’asservissement forcé d’une portion d’hommes à qui il était impossible de se soustraire à l’autorité seigneuriale, et qui, presque partout, obligés de payer l’air qu’ils respiraient, semblaient ne devoir jouir d’aucune des franchises réservées aux hommes d’une classe supérieure. Ainsi donc, Messieurs, l’on voit partout dans la banalité prétendue conventionnelle les vrais caractères de l’asservissement féodal, et rien qui tienne de la nature des contrats ordinaires ; partout c’est le sujet qui obéit à son maître. D’un côté, on ne voit que puissance et autorité ; de l’autre, on ne découvre que crainte, faiblesse et servitude; et certes, ce n’est pas entre de telles parties qu’il se forme des contrats vraiment libres et faits pour être respectés Mais je vais plus loin, Messieurs; je suppose qu’un seigneur vous oppose son titre qui constate que ses vassaux l'ont prié, l’ont supplié de leur bâtir un moulin , en se soumettant à. y porter leurs grains, sans pouvoir les faire moudre ailleurs. Certainement il serait difficile d’admettre une hypothèse plus favorable au système de ceux qui réclament une exception en faveur de ce qu’ils nomment des banalités purement conventionnelles : eh bien, Messieurs, en concluerez-vous que la convention intervenue sur cette requête a été UDe convention parfaitement libre de la part des vassaux? Je soutiens qu’elle ne l’a pas été; et, en effet, MM. les seigneurs ayant imaginé de se faire propriétaires de l’eau, les seigneurs s’étant rendus maîtres de disposer de cet élément, souvent même jusqu’au point d’en vendre l’usage à leurs vassaux, car vous n’ignorez pas qu’il existait aussi des rivières banales, c’est-à-dire prohibées aux sujets de la seigneurie, qui ne pouvaient y abreuver leurs bestiaux qu’en payant une certaine re ¬ devance, était-il donc possible aux malheureux habitants de construire un moulin sur la prétendue propriété de leurs seigneurs; et s’il leur était utile d’en avoir un, ne fallait-il pas de toute nécessité qu’ils se soumissent au prétendu propriétaire du cours, qu’ils subissent sa loi, toute rigoureuse qu’elle pût être, et qu’ils contractassent forcément avec lui? Il me paraît difficile de réfuter cette objection, à moins que l’on ne me repré- 767 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] sente un titre qui prouve très clairement que les rivières ont été formées pour être exclusivement la propriété de quelques hommes qui devaient s’appeler un jour des seigneurs. Si ce titre n’existe pas, comme il y a lieu de le croire, et si, au contraire, par la nature même des choses, les rivières ne peuvent appartenir à personne en particulier, mais bien à tous en général, de telle sorte que le droit de propriété prétendu sur elles par les seigneurs ait été une véritable usurpation du droit de tous, une violation manifeste des droits de la nature, je demande si cette première usurpation a pu devenir la base d’une convention légititime et libre? Et n’en résulte-t-il pas, au contraire, pour la solution de la question qui nous occupe, que cette prétendue convention étant l’effet nécessaire et inévitable d’une usurpation féodale que la nature et la raisôn désavouent, l’engagement qui en est émané ne peut lui-même être considéré autrement que comme une servitude personnelle forcée, dérivant de la féodalité? Voilà cependant, Messieurs, les banalités que l’on vous propose de conserver, parce que, dit-on, elles sont fondées sur des conventions. Mais les corvées personnelles, la mainmorte personnelle, qui n’existent pas en vertu d’une disposition textuelle et expresse de la coutume locale, n’ont-eiles fias été ou ne sont-elles pas nécessairement présumées avoir été établies en vertu d’une convention? S’ensuivra-t-il donc aussi qu’elles seront rachetables? Le contraire a été décrété ; et remarquez, Messieurs, que, si vous adoptiez l’exception qu’on vous propose, il en résulterait que la suppression sans indemmité serait uniquement applicable aux pays soumis à des coutumes qui font de la banalité un droit essentiellement inhérent à la seigneurie, et dans ceux, au contraire, où la coutume locale a négligé d’en parler, les seigneurs seraient assez bien fondés à répondre que la coutume ne leur assurant pas ce droit, il ne peut s’être établi en leur faveur que par une convention, d’où ils en induiraient la rachetabilité par une suite même de vos décrets; et ceci, Messieurs, est particulièrement applicable à la province de Bourgogne, dont j’ai l’honneur d’être député; car, malgré que la coutume du pays n’assure pas aux seigneurs le droit de banalité, cette province n’en gémit pas moins sous ie poids des servitudes qui naissent de la diverse nature de ces droits, et surtout de la banalité des pressoirs, l’une des plus contraires à l’intérêt particulier et à l’intérêt général dans un pays vignoble, où un quart d’heure d’attente décide souvent de la qualité du vin. Mais, au surplus, Messieurs, quel si grand intérêt doit-on mettre à conserver ces droits? En les détruisant, ne dirait-on pas que l’on ordonne aussi la démolition des fours, des moulins et des pressoirs. Si le moulin est en bon état, s’il est commode, des gens du lieu auront-ils intérêt de porter leurs grains ailleurs ? Non, sans doute; mais on veut continuer d’obtenir d’eux, par la contrainte, ce qu’ils feraient librement. Si le pressoir est bien servi, s’il est suffisant, en fera-t-on construire d’autres? Non, sans doute-, mais s’il est insuffisant, eh bien ! alors, il est très probable que chacun cherchera à éviter la perte que lui causerait un service trop lent; mais y a-t-il de la justice à s’y opposer ? Je demande donc, Messieurs, que, par une conséquence des principes que vous avez précédemment consacrés, et que je crois vous avoir démontré être entièrement applicables aux banalités purement conventionnelles, si toutefois on peut les nommer ainsi, l’exception proposée en leur faveur par la première disposition de l’article 15 du projet de décret soit définitivement rejetée ; mais, en finissant, je me permettrai de proposer encore un amendement à l’article 14 de ce projet de décret. Je demande qu’après ces mots banalités de fours, moulins, etc., etc., et autres, il soit ajouté : même celles qui pourraient avoir été établies en remplacement de la main morte. Cet amendement ne me paraît pas devoir souffrir la moindre difficulté, même de la part de votre comité, puisqu’il a énoncé nettement son avis à cet égard, à la page 37 de son rapport, où il déclare que ces sortes de banalités doivent être supprimées sans indemnité ; mais je n’en ai pas moins pensé que cet amendement fût très nécessaire, afin d’éviter de fausses interprétations que l’on pourrait donner à cet égard à votre décret de samedi dernier. M. le marquis de Mirepoix. Je prouverai, quand on voudra, que quatre-vingt-dix ecclésiastiques sont soumis à la banalité d’un moulin qui appartient à mon père. La banalité n’est donc pas une servitude, puisque ces ecclésiastiques étaient libres. M. Àlongins de Roquefort développe et adopte l’avis du comité. M. Oérard, laboureur , député breton. Je demande que les banalités soient détruites toutes : il y a longtemps que le peuple gémit des banalités. Les seigneurs auraient moins de soins à prendre ; chacun moudra son grain s’il le juge à propos, ou ira au moulin où on lui fera le moins de tort. M. Tronchet. De tout temps ia jurisprudence a reconnu une grande différence entre les banalités conventionnelles et les banalités seigneuriales. 11 y a beaucoup d’endroits où des particuliers non seigneurs possèdent des banalités: elles ont été établies pour l’utilité du peuple. Le seigneur pouvait toujours abandonner sa banalité quand elle lui était onéreuse. De simples particuliers ne le pouvaient pas. Je l’ai fait juger ainsi au parlement de Paris. Sur quoi ce jugement était-il fondé? C’est sur ce que le contrat était synallagmatique, et qu’il engageait à perpétuité les parties, quels que pussent être dans l’avenir les avantages ou les inconvénients de cet engagement. Nous avons entendu par banalités conventionnelles uneconvention entre le propriétaire et la communauté des habitants. La pré-v somption sera toujours, surtout si le propriétaire n’est pas seigneur, que cette convention a eu lieu pour l’intérêt et pour l’avantage de ces habitants : nous l’avons ainsi exprimé. Beaucoup de paroisses seraient dans un grand embarras, si le seigneur venait à fermer ou à détruire les établissements banaux. Si vous refusez de décréter l’exception, des villages demanderont bientôt des fours ou des pressoirs banaux à telle ou telle condition. M. Delandine rappelle des faits, par lesquels il prouve combien les banalités ont été utiles à la province qu’il représente. H réclame pour le Forez l’admission de l’article 15. Plusieurs autres amendements sont proposés. M. BouUeville-Duiuetz propose d’ajouter 768 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] aux droits dont l’article 14 prononce la suppression ceux de Chasse-Mannée ou de Quette-Moute, usités dans la coutume de Péronne. M. Merlin, rapporteur, adoptant la plus grande partie des amendements, propose de substituer à la première rédaction une nouvelle rédaction. On demande la division des articles. La division est repoussée. M. Merlin, rapporteur. Le comité reconnaît que la rédaction nouvelle qu’il propose est défectueuse pour l’article 15. Il vous demande de décréter le fond, sauf à vous représenter l’article à la séance de demain, avec les corrections de style dont il est susceptible. Sous le bénéfice de cette observation, les articles 14 et 15 sont mis aux voix et adoptés en ces termes : Art. 14. « Tous les droits de banalité de fours, moulins, pressoirs, boucheries, taureau, varrat, forges et autres, ensemble les sujétions qui y «ont accessoires, les droits de verte-moute et de vent, le droit prohibitif de la quête-mouture ou chasse des meuniers, soit qu’ils soient fondés sur la coutume ou sur un titre acquis par prescription, ou confirmés par des jugements, sont abolis et supprimés sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après : « Art. 15. Sont exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables : « 1° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d’habitants et un particulier non -seigneur; « 2° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d’habitants et un seigneur, pour l’intérêt et l’avantage desdits habitants, et par laquelle le seigneur ne se sera pas seulement obligé à bâtir ou entretenir les usines et objets nécessaires au service de la banalité; 3° Celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d’usages dans ses bois ou prés, ou de communes en propriété. » M. le Président. Demain, la séance ouvrira à 9 heures. Elle commencera par la lecture, de la part du rapporteur du comité féodal, de l’article 15 qui vient d’être voté sous réserve de rédaction, après quoi viendra l’affaire des colonies. (La séance est levée à quatre heures.) ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du Ier mars 1790. M. Pellerin, députéde Nantes (1). Réflexions sur la traite des noirs (2). Messieurs, une société qui dit (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Le jour que la députation de Bordeaux (25 février) vint supplier l’Assemblée nationale de décréter la continuation de la traite des noirs, je me fis inscrire pour porter la parole dans cette affaire. Comme elle a été renvoyée au comité nommé par l’Assemblée nationale pour l’examen de tout ce qui intéresse nos colonies, je me suis décidé à imprimer le discours que je me proposais de faire afin de le servir aux membres de ce comité. ( Note de M. Pellerin.) tenir sa mission de l’humanité, vous demande Vabo-lition de la traite des noirs. Cette société est formée d’hommes choisis, et pour soutenir la cause qu’elle porte au tribunal de la nation, elle fait valoir de puissants moyens. Composée d’une multitude de gens de lettres, de savants académiciens, de citoyens distingués, elle compte encore parmi ses coopérateurs et peut-être parmi ses membres des étrangers illustres, qu’un intérêt commun paraît avoir rapprochés d'elle, malgré les rivalités qui jusqu’ici avaient divisé leur nation de la nôtre. Les moyens que ces deux sociétés alliées, au grand étonnement de l’Europe, invoquent à l’envi dans l’affaire majeure de l’affranchissement des nègres, c’est la liberté de l’homme, le premier don de la nature ; c’est l’humanité, la première de toutes les vertus. La société des Amis des noirs veut venger une nombreuse portion du genre humain de l’oppression, sous laquelle elle assure qu’elle gémit depuis deux siècles. Les adversaires de cette sociétédéjà trop célèbre, ce sont tous les habitants des colonies, nos compatriotes, et nos frères ; ce sont les négociants de toutes les villes maritimes de France; ce sont tous les manufacturiers, tous les artistes, ce sont les marins nombreux qui remplissent nos ports; que dis-je, Messieurs? C’est la France entière qui défend à cette réclamation inconsidérée, dont le succès, s’il pouvait avoir lieu, ruinerait pour toujours le plus beau royaume, l’état le plus ancien de l’Europe, le plus florissant de l’univers. La France ne combat ce système combiné de la société qui a pris naissance dans la capitale, et de celle que Londres a produit, que pour conserver l’existence à des milliers de colons, menacés d’être égorgés par leurs esclaves, que pour soutenir la fortune et la vie de plusieurs millions d’hommes, nos concitoyens, qu’alimente le commerce des colonies; gue pour défendre ses ports qui seraient bientôt insultés, des provinces qui seraient bientôt ravagées, si sans marine et sans forces, elle n’était plus en état de repousser ses ennemis, devenus plus puissants et plus hardis que jamais, par notre chute et notre faiblesse. À ces raisons qui ne sont pas sans mérite dans une assemblée nationale, les adversaires des amis prétendus des noirs, joignent encore des considérations de quelque crédit. C’est que l’humanité bien entendue, ne favorise pas le système de cette société, autant qu’elle se plaît à le croire; c’est que, dans cette cause de la liberté qu’elle réclame à si grands cris pour ses protégés, obtiendrait-elle tous les succès qu’elle poursuit aujourd’hui, jamais elle ne fera du peuple africain un peuple libre; elle n’assurera pas même la liberté des familles éthiopiennes, transplantées dans nos colonies. Ainsi, Messieurs, une société philanthropique d’un côté, la France et nos idées de l’autre ; un beau système de philosophie, d’une part; et d’autre part, l’intérêt politique de tout un royaume concilié avec les principes sacrés d’une humanité sagement réglée: voilà en deux mots toute l’affaire relative à la traite des noirs, telle qu’elle se présente devant cette auguste Assemblée. Permettez, Messieurs, à un citoyen qui n’est ni commerçant, ni planteur, de plaider dans cette cause que l’on vous dit être celle de la liberté. Il désire vous prouver qu on abuse encore de ce beau nom, de la même manière qu’on abuse un peuple qui s’égare et qui appelle liberté les excès de la licence. Je ne vous dirai pas, comme plusieurs des fauteurs de l’esclavage des Africains attachés à la culture de nos colonies, que ces peuples