504 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du jeudi 27 janvier 1791, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Guillaume. Messieurs, lorsqu’on vous a proposé, dans votre séance d’hier, de suspendre l’exécution de votre décret relatif au serment que vous exigez des fonctionnaires publics ecclésiastiques, vous avez rejeté cette mesure; vous avez cru qu’une marche rétrograde ne convenait pas au Corps législatif. Mais, Messieurs, si vous n’avez pas voulu proroger les délais aux fonctionnaires publics ecclésiastiques, vous n’avez pas sans doute voulu non plus les priver du délai que vous leur aviez accordé. Et cependant, Messieurs, c’est ce qui résulterait absolument, et de la manière la plus injuste, de la rédaction de l’article 1er du décret qui a été rendu hier. » Voici les termes de cet article : « Après l’expiration du délai accordé par le décret du 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédéau remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume et qui n’auront pas prêté leur serment civique. » Je dis que dans la forme où cet article est rédigé vous priveriez les ecclésiastiques fonctionnaires publics du délai que vous leur avez accordé. Ceci demande une courte explication ; je sollicite une attention bien soutenue de l’Assemblée, car hier je n’ai pu obtenir la parole pour cette observation . M. Chasset, rapporteur. Je demande la parole. M. Guillaume. Vous l’aurez après. M. de Folleville. Monsieur le Président, rappelez donc M. Ghasset à l’ordre! M. Ghasset, rapporteur, Y a-t-il quelque chose de changé à la rédaction? Avez-vous quelque chose à dire? M. d’JEstourinel. A l’ordre! M. Guillaume. Je ne suis point du tout surpris de la chaleur que met M. Ghasset à s’opposer à ce que je sois entendu. La conséquence du décret qu’il vous a fait rendre, je m’en vais vous la faire sentir. M. Goupllleau. Je demande que M. Guillaume soit rappelé à l’ordre; le décret est rendu. M. Guillaume, Messieurs, le décret du 27 novembre dernier, en prescrivant aux ecclésiastiques fonctionnaires publics de prêter le serment civique ordonné par les décrets des 12 et 24 juillet précédents, règle les délais dans lesquels ils seront tenus de satisfaire à cette obligation. Ges délais sont de huitaine pour ceux de ces ecclésiastiques qui sont dans leurs diocèses ou [27 janvier 1791.] dans leurs cures; d’un mois pour ceux qui sont absents, mais qui sont en France; et de deux mois pour ceux qui sont en pays étrangers; le tout à compter de la publication du décret. L’article 5 de ce décret porte que ceux des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auront pas prêté, dans les délais ainsi déterminés, le serment qui leur estrespectivement prescrit, seront réputés avoir renoncé à leurs offices, et qu’il sera pourvu à leur remplacement, comme en cas de vacance par démission. Ce décret a été accepté par le roi le 26 décembre, et publié immédiatement après à Paris, par exemple, le premier de ce mois, dépendant hier, on vous a fait appliquer aux ecclésiastiques fonctionnaires publics absents du royaume, dont vous avez irrévocablement déterminé le sort par le décret du 27 novembre, un antre décret du 18 décembre suivant, rendu à l’occasion d’une affaire particulière, et dont l’article 5 est conçu en ces termes : « Tous Français fonctionnaires publics, ou recevant des pensions ou traitements quelconques de l’Etat, qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n’auront pas prêté le serment civique dans le délai d’un mois, à compter de la publication du présent décret, sans être retenus dans les pays étrangers par unemission du roi pour les affaires de l’Etat, seront, par le seul fait, déchus de leurs grades et emplois, et privés üe leurs pensions, appointements et traitements. » Cette extension du décret du 18 décembre, aux ecclésiastiques fonctionnaires publics, serait injuste; elle compromettrait votre loyauté et la validité des élections auxquelles on procéderait en conséquence. L’article V du décret du 18 décembre ne déroge point à celui du 27 novembre ; nous avons toujours tenu pour principe que les dérogations ne pouvaient pas se suppléer. Ges décrets ne s’appliquent pas aux mêmes individus ; celui du 18 décembre règle le délai dans lequel les fonctionnaires publics laïcs doivent prêter le serment civique, comme celui du 27 novembre le détermine par rapport aux fonctionnaires publicsecclésiastiques. Le serment prescrit par ces deux lois n’est pas identique. Dans le décret du 18 dééembre, il s’agit du serment ordonné le 4 février. Le serment dont il est question dans celui du 27 novembre, est celui que prescrivent les décrets du 12 et 24 juillet; en un mot, ces décrets diffèrent essentiellement, et dans leurs dispositions, et dans leurs objets : et le premier n’est pas abrogé par celui qui l’a suivi. Il y a plus, il ne pouvait pas l’être; car quoique le décret du 18 décembre soit postérieur à celui du 27 novembre, en tant que décret, celui-ci en tant que loi est postérieur à celui du 18 décembre, puisque la sanction a été donnée à ce dernier le 22, et que l’autre n’en a été revêlu que le 26. Gomment donc appliqueriez-vous tout à coup aux fonctionnaires publicsecclésiastiques absents du royaume, et à qui vous avez accordé, en vertu d’une loi toujours subsistante, un delai de deux mois pour se rendre dans leurs diocèses ou dans leurs cures; comment, dis-je, leur appliqueriez-vous un décret relatif à d’autres fonctionnaires publics, et qui donne à ces derniers un moindre terme? Dans quel instant feriez-vous aux fonctionnaires publics ecclésiastiques l’application de cette loi qui leur est étrangère ? G’est lorsque, par une instruction publique, vous avez exposé les principes qui vous ont guidés dans la constitution civile que vous avez dounéeau clergé, et que vous pouvez espérer, par ce moyen, d’amener à l’obéissance à vos lois, des hommes qui ne s’y refusaient que par les scrupules que vous avez (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARGH1YES PARLEMENTAIRES. [27 janvier 1791.] 505 dissipés ; c’est surtout lorsqu’il reste encore à ces ecclésiastiques pour revenir à vous, une partie du terme qui leur est accordé par la première de vos lois, et que le délai prescrit par la seconde est entièrement expiré. Quoi! Sans prévenir ces ecclésiastiques, que votre intention est de leur appliquer le décret du 18 décembre, sans leur accorder un délai quelconque pour s’y soumettre, sans les mettre eu demeure d’y satisfaire, vous voudriez tout à la l'ois, et dans le même instant, les priver du béné-lice de la loi qui les concerne, pour les soumettre à une loi qui ne les regarde pas, et les priver de leurs bénéfices, faute de s’y être conformés. Qu’auriez-vous donc à dire à ces ecclésiastiques si, revenant dans leurs diocèses ou dans leurs cures, dans le délai qui leur est fixé par le décret du 27 novembre, ils offraient d’y prêter leur serment ? Certes, quand vous déclareriez valables des élections faites au mépris de cette loi, l’opinion publique, juge à la longue toujours impartial, ne manquerait pas d’en faire justice. Je finis par une observation faite pour produire une profonde impression sur vos âmes. Le décret d’nier, quoique conçu en termes généraux, n’a cependant qu’un obje*t particulier. Cet objet est de déposséder de son siège un prélat notre collègue, absent sur la foi d’un passeport que nous lui avons accordé, et demeurant encore en pays étranger sur celle du decret du 27 novembre ; prélat qui a fait l’édification de deux diocèses, prélat dont s’honorera toujours l’église gallicane; prélat dont un ambitieux peut désirer le siège, mais qu’un ambitieux ne remplacera jamais. Je n’ai pas besoin de vous dire que je veux parler ici de M. l’évêque de Paris; c’est contre lui qu’est principalement dirigé le décret d’hier. J’en tire la preuve du décret même dans lequel il est dit, art. 24 : « Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics ecclésiastiques, il sera d’abord , de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l’évêque » ; et le département de Paris, qu’on n’a pas voulu vous nommer, est le seul dans lequel il y ait actuellement un corps électoral en activité. J’en tire une autre démonstration de ce qui vous a été exposé au commencement du rapport. On vous a dit que le service du secrétariat de l’évêché de Paris manquait absolument, qu’avant-hier on avait refusé des dispenses qu’on avait promises la veille, et que dès lors il était urgent d’y pourvoir ; cependant ce fait a été démenti à l’instant même par M. Juigné l’aîné, et je puis vous attester que j’en ai depuis vérifié la fausseté. Je ne suis entré dans ces détails relativement à M. l’évêque de Paris, que pour acquitter envers ce vertueux prélat, la dette sacrée pour moi du respect et delà reconnaissance; pour vous faire revenir sur le décret d’hier, il me suffit de vous avoir démontré que, contraire à l’équité la plus rigoureuse, contraire à la franchise que vous avez toujours montrée, il compromettrait encore la sûreté des élections auxquelles on procéderait prématurément, sion le faisait avant l’expiration des délais accordés par le décret du 27 novembre. M. Camus. Messieurs, M. de Mirabeau prenant la parole sur le décret que vous avez rendu hier, a dit : Il y a trois articles dans ce décrel, le premier est un acte de toute justice et que personne ne peut refuser, car il tend à prolonger les délais accordés ou, du moins, attribués aux fonctionnaires publics qui sont hors de la France. Voilà ce que M. de Mirabeau vous disait; ainsi cela ne peut donc pas souffrir de difficulté. Je vous prie, Messieurs, d’observer que, quand M.de Mirabeau vous eut fait cette observation sur le premier ainsi que sur les deux autres articles, on demanda à relire les articles présentés par M. Ghasset, pour voir s’ils étaient conformes à ce que M. de Mirabeau avait dit ; mais il n’y eut pas moyen d’obtenir une nouvelle lecture des articles. Je demande donc que le décret soit rédigé d’après les termes de la loi du 26 décembre. M. Ilahey. Doit-on accorder le même délai à ceux qui sont sortis du royaume un moment après que la publication a été faite? Il est plusieurs prélats qui sont sortis exprès du royaume depuis; le comité a été d’un avis différent lorsque la question lui a été présentée. M. Chasset, rapporteur. Je commence par déclarer que je ne parle point en mou nom, parce que je n’ai point présenté le décret en mon nom, comme M. Guillaume l’a voulu faire croire. J’ai présenté le décret au nom du comité; il est vrai que, dans le comité, M. Guillaume, qui en est membre, a été d’un avis différent. La question a été agitée pendant deux heures; et sur douze ou treize voix que nous étions, il y a eu neuf ou dix voix contre trois. J’ai doue présenté le décret à la majorité du comité. En ce moment, je veux seulement vous supplier, Messieurs, de ne rien précipiter à cet égard, parce qne si vous changiez quelque chose au premier article, il faudrait changer dans tous les autres. Je ne veux point m’opposer à ce que F Assemblée revienne sur ce qu’elle a décrété hier ; mais je rappellerai que lorsque j’ai commencé mou rapport, lorsque j'allais entrer dans le développement du décret, on a demandé d’aller aux voix ou, du moins, d’en faire la lecture tout de suite. En conséquence, mon rapport n’a donc point ouvert les moyens et les développements du décret, de manière qu’il est impossible dans ce moment-ci de décréter une chose sans entendre le comité; et, je le répète, vous ne pouvez toucher au premier article sans absolument détruire ou changer les autres, surtout le second, et recommencer une discussion. Ainsi, si vous voulez refaire le décret, je ne puis pas m’opposer à cela. Voilà, Messieurs, quelle est mon observation ; après celà, il vous est permis de faire tout ce qu’il vous plaira. M. Martineau. J’appuie la motion de M. Guillaume et j’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que, dans le premier article, il y a une injustice choquante % On prétend faire courir les délais contre les évêques absents du royaume, d’après le décret du 18 décembre au lieu de celui du 27 novembre. Mais moi, Messieurs, qui était absent du royaume pour cause de santé, qui ai vu votre décret du 27 novembre, qui me donnait deux mois entiers pour faire la prestation de mon serment, j’ai calculé en conséquence ; et aujourd’hui, par un nouveau décret, vous allez dire que ce n’est pas le décret relatif aux ecclésiastiques fonctionnaires publics qui me regarde, que c’est le décret relatif à tous les fonctionnaires publics en générai, et que c’est ce décret qui doit faire ma ioi, tandis que vous m’avez annoncé, par un décrel particulier, que ma loi était dans le décret du 27 novembre, que c’est sur la foi de ce décret que j’ai dormi jusqu’à présent ! 506 (27 janvier 1791.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f Assemblée nationale.] Hier, j’avais demandé la parole et malheureusement M. de Cazalès a tenu un discours absolument étranger à l’affaire ; cela a été cause que je n’ai pas parlé. Mais pu'sque l’occasion s’en présente, j’en fais l’observation et je vous déclare que j’ai protesté au comité ecclésiastique contre l’injustice que renfermait ce premier article et je proteste encore en ce moment (Murmures.) contre toute innovation à cet égard. Je demande que le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 décembre, soit maintenu. M. d’Estourmel. J’appuie l’amendement de M. Guillaume ; il y a des départements dont les évêques sont hors du royaume. Ces départements ont déjà fixé l’élection avant le terme marqué par le décret du 27 novembre; parmi ceux-ci, se trouve le département du Pas-de-Calais, où l’élection est fixée au 6 lévrier. M. Eanjulnals. Messieurs, vos décrets ne sont pas des pièges; c’est manquer à votre dignité que de vous proposer de changer vos lois en trébuchet et, cependant, ce n’est que cela qu’on vuus propose. En effet, le décret du 18 décembre n’est point relatif aux évêques. Il est indigne et inique de vous proposer une autre mesure. Vue voix : Il faut renvoyer le décret au comité. M. Eanjulnals. J’entends qu’on vous demande le renvoi au comité ; cela me paraît utile. M. Regnand (de Saint-Jean-d'1 Angèly ) appuie ces observations. M. d’André. Messieurs, je suis de l’avis du renvoi au comité, mais seulement pour rédiger le premier article du décret d’hier dans le sens qui a été effectivement décrété. Hier, après des débats orageux qu’on aurait pu nous éviter, M. de Mirabeau a expliqué très clairement quel devait être le sens du décret, à savoir que le délai pour les ecclésiastiques fonctionnaires publics, absents lors de la publication du premier décret, ne fût pas raccourci et que, pour le reste, tout demeurât dans le même état. Le rapporteur a adopté l’avis de M. de Mirabeau et l’Assemblée l’a décrété. Je demande donc qu’on ne renvoie au comité que la rédaction de ce premier article dans le sens que je viens d’indiquer et qu’on ne lui donne pas le droit de nous présenter un nouveau décret qui nous rejetterait encore dans de nouvelles discussions. (Cette proposition est adoptée.) M. Lclen de la Ville-aux-Rois, secrétaire, fait lecture de la lettre suivante de la Société des amis de la Constitution monarchique : « Monsieur le président, « Nous avons été outragés hier dans le sein de l’Assemblée nationale; nous demandons aujourd’hui d’y être entendus. « Nous sommes, avec respect, Monsieur le président, etc. « Les commissaires de la Société des amis de la Constitution monarchique. » De nombreuses voix à gauche : L’ordre du jour I M. Malonet. Il est abominable d’allumer la fureur du peuple contre d’honnêtes citoyens. M. (■aultier-Rianzat. Quand nous donnons du pain, nous le donnons entièrement gratis. M. de Clermont-Tonnerre. On n’a pas distribué de pain . M. Oonpilleau. Quand on avoue la Constitution, on se soumet aux décrets. M. Malonet. C’est donc une chose bien importante que d’être dénoncé à l’Assemblée? M. le Président. Je vais consulter l’Assemblée. (L’Assemblée décide de passer à l’ordre du jour.) M.Ie Président. M. de La Croix, auteur d’un ouvrage intitulé les Constitutions des principaux peuples de V Europe et des Etats-Unis de V Amérique , lait hommage à l’Assemblée de son travail. — M. Buisson, libraire, demande la permission d’en déposer un exemplaire aux archives de l’Assemblée. M. l’abbé Sicard supplie l’Assemblée de vouloir bien hâter la fondation d’un établissemnt pour les sourds et muets de naissance, dans l’institution desquels il a succédé à M. l’abbé de l’Epée; il y joint deux mémoires sur l’art de les instruire, qu’il offre à l’Assemblée. Un membre demande le renvoi de cette adresse au comité de mendicité. Un membre du comité de mendicité. Le comité s’est occupé de cet établissement; il en rendra compte incessamment à l’Assemblée. M. le Président. J’ai reçu de M. l’abbé Le Coz, principal du collège et procureur syndic du district de Quimper, la lettre suivante : « Monsieur le Président, « Si j’étais laïc, je serais soldat, et je répandrais mon sang pour la défense de ma patrie et pour le maintien de la sage Constitution que l’Assemblée nationale vient de nous donner. « J’ai l’honneur d’être ministre de la religion de Jésus-Christ et, conformément à l’esprit de cette religion sainte, les bras tendus vers le ciel, je demande tous les jours à mon divin maître qu’il rétablisse l’union parmi tous mes frères et qu’il fasse régner une paix chrétienne dans tout l’Empire français. « Dans ces vues, Monsieur le Président, j’avais écrit sur la constitution civile du clergé des observations qui ont paru mériter l’éloge de citoyens éclairés et patriotes; je viens, Monsieur le président, vous eu offrir un exemplaire. Daignez l’accepter et, si vous le jugez à propos, offrez-euun autre à l’Assemblée nationale. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc... « Signé : Le Coz, prêtre principal du collège et procureur syndic du district de Quimper. M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, les commissaires de l'extraordinaire ont été avant-hier pour procéder au brûlement des effets qui ont été donnés dans l’emprunt de ! 80 millions; mais ils ont cru que cette opération,