[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES j « Salioeti ajoute, dans sa lettre, qu’une partie de ce succès est due aux officiers généraux Bonaparte, Servoni et Arena. Il nomme aussi quelques bataillons qui, parmi tous les autres, ont mérité d’être distingués; nous n’avons pu recueillir leurs noms. Une lettre de Dugommier au ministre de la guerre, renferme à peu près les mêmes détails. Barère en fait la lecture, CONVENTION NATIONALE Séance du 16 frimaire an II au soir. (Vendredi 6 décembre 1793) La séance est ouverte à 6 heures 1/2 (1). La Société de Tulle fait part à la Convention nationale, que la raison triomphe aussi dans ses contrées; que le 8 frimaire, le peuple de Tulle s’est porté en masse dans la cathédrale, et y a abattu toutes les images de la superstition; elle donne le détail de cette journée dans Tulle, et dit : « Voilà, représentants, comment le peuple de la Corrèze seconde vos glorieux travaux; con¬ tinuez à bien mériter de vos commettants, qui se regardent tout étonnés de se trouver des hom¬ mes sans préjugés. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Stiit Vadresse de la Société populaire de Tulle (3). Adresse à la Convention nationale par la Société populaire de Tulle. Tulle, ce 9 frimaire de l’an II de la Répu-blique française, une et indivisible. « Citoyens représentants, « La raison triomphe aussi dans nos contrées ; après avoir terrassé le fanatisme, elle vient de s’asseoir d’un air majestueux sur l’autel de la patrie; bientôt elle verra à ses pieds tous ses plus cruels ennemis, c’est-à-dire les prêtres, qui se plaisaient à la ridiculiser et à l’anéantir. « Le huit frimaire, le peuple de Tulle s’est levé en masse, il s’est porté dans la cathédrale et là, de sa massue, dirigée par sa volonté, il a abattu toutes les images de la superstition qui en imposaient depuis tant de siècles aux femmes et aux enfants. Ce n’est pas assez, il a voulu voir s’il était difficile de faire des grimaces sacerdo¬ tales, afin de se convaincre encore plus du mépris qu’il en avait justement conçu. Tous les (1) Procès-verbaux de la Convention , t. 27, p. 29. (2) Ibid. (3) Archives nationales, carton C 285, dossier 834. lr* SÉRIE. T. LXXXI. 49 membres de la Société populaire, couverts du signe de la liberté se sont métamorphosés tout à coup en diacres, en prêtres et en évêques. Revêtus des ornements d’église, armés de croix renversées, de chandeliers, de cierges et d’encen¬ soirs, ils ont parcouru toutes les rues, escaladé les montagnes et ont répandu des bénédictions à grands flots. A leur voix, les bonnes vierges et les saints sont sortis de leurs niches, mais ils se sont cassé le nez parce qu’ils n’étaient pas accoutumés à mettre le pied à terre. « Les clubistes en chapes noires portaient un sarcophage représentant le fanatisme, et pleuraient le sort vraiment déplorable de ce pauvre malheureux qui s’était engraissé du sang de 20 millions d’hommes. Ce sarcophage était surmonté d’un bonnet carré avec deux oreilles d’âne, symbole de l’éteignoir du bon sens des théologiens, du grimoire des prêtres, qui faisaient paraître ou disparaître le diable à leur volonté, c’est-à-dire le rituel; et de cet épistolier qui annonçait au peuple, pour bonne nouvelle, tous les dimanches, qu’il serait damné en récom¬ pense de ce qu’il avait bien sué pendant toute la semaine. Deux prêtres armés de longues piques riaient du bout des dents, et auraient volontiers percé l’autre côté du corps de leur bon Dieu, pour le punir de ce qu’il ne faisait pas de nou¬ veaux miracles en leur faveur. « Tandis que la procession marchait encore depuis trois heures, sans que le père Duchêne, qui en était le conducteur, ait fait un seul pas en arrière, le commissaire député par la Société populaire pour nous avertir de l’arrivée de nos frères de la Haute-Vienne qui nous apportaient cinquante aristocrates en échange de cin¬ quante autres de la Corrèze, vint nous annoncer que les rouliers chargés de cette mauvaise marchandise étaient prêts d’entrer sur la com¬ mune. Aussitôt les prêtres de la raison doublè¬ rent le pas pour aller à la rencontre des braves sans-culottes de la Haute-Vienne, et les char¬ rettes furent découvertes à leur approche. Mais quel coup d’œil pour les détenus ! En aper¬ cevant de loin tant d’hommes revêtus de riches ornements d’église, ils s’imaginèrent d’abord que tous les saints du paradis étaient descendus du ciel pour venir à leur secours et ils commen¬ cèrent à entonner le Te Deum. Mais leur musique changea bientôt de ton et leur visage de couleur, lorsqu’ils entendirent, à mesure que la milice céleste s’avançait, Ça ira et requiescant in pace , et surtout lorsqu’ils reconnurent, sous les étoffes d’or et d’argent, les ouvriers de la manu¬ facture d’armes, qui semblaient leur annoncer par leurs visages barbouillés de noir, qu’il fallait reposer leur tête sur leurs enclumes, et de là pas¬ ser aux enfers. « Les sans-culottes de Limoges et ceux de Tulle se donnèrent l’accolade fraternelle au milieu des cris mille fois répétés : Vive la Répu¬ blique ! Les ornements passèrent des épaules des fantassins sur celles des cavaliers, et la marche de la procession s’ouvrit avec une nouvelle pompe. On promena les aristocrates à travers les rues, on leur fit saluer la guillotine, on fit briller la lanterne à leurs yeux et ensuite on les déposa dans l’antre de réclusion. * « Le lendemain 9 frimaire fut un jour con¬ sacré à une fête de fraternité. La séance de la Société populaire fut ouverte à huit heures du matin par la lecture d’un paquet de l’évêque de la Corrèze, qui envoyait ses patentes d’hypo-| crisie, et sa démission d’entrepreneur de crème 4 50 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 4* JéœXre*!-" fouettée. Des commissaires nommés pour pré¬ parer la fête de la sans-culotterie, et tous les vrais républicains se disposèrent à une joie franche et naïve. « A une heure, chaque sans-culotte se rend dans la ci-devant église des Réeollets, appor¬ tant son plat et son vin avec lui; tous partagè¬ rent comme frères; on chanta des hymnes civi¬ ques, on but aux mânes de Pelletier et de Marat, au civisme de Limoges et de Tulle et aux heu¬ reux succès de la Convention nationale, à l’im¬ mortalité de la Montagne et à l’éternité de la nature. « Il existait encore à trois heures, le point central du charlatanisme, et à quatre heures il n’exista plus. Tout le peuple se porta à un cal¬ vaire à peu près semblable à celui qui avoisine Paris, et là arriva un événement que les prophè¬ tes avaient oublié de prédire : Hérode, Caïphe, les juifs et le bon larron et le mauvais larron et l’abbé Jésus et le petit valet des bourreaux furent mis au feu. Jamais flammes ne furent plus actives, chaque étincelle était comme un flambeau qui portait la lumière dans l’âme des assistants. Ils dansèrent autour du foyer, ils chantèrent la Carmagnole et firent des libations en l’honneur du genre humain régénéré et ra¬ mené à l’empire de la raison. « Voilà, représentants, comment le peuple de la Corrèze seconde vos glorieux travaux; conti¬ nuez à bien mériter de vos commettants qui se regardent tous étonnés de se trouver des hommes sans préjugés. « Salut et fraternité. « Les membres de la Société 'populaire de Tulle. « Suyel, président; Dulac, secrétaire; Jumel, secrétaire; Birot aîné, secrétaire. » Une députation de la commune de Saint-Mandé près Paris annonce, que, le 20 frimaire, elle doit célébrer une fête républicaine, et demande deux commissaires de la Convention nationale pour y assister. La députation est accordée; les représentants du peuple Philippeaux et Deville sont nommés (1). Suit la lettre du maire de Saint-Mandé (2). Le maire de Saint-Mandé, au citoyen Président de la Convention nationale. « A Saint-Mandé, ce 15 frimaire de l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyen Président, « La commune de Saint -Mandé-lez-Paris, pé¬ nétrée d’un patriotisme égal à celui des com¬ munes qui, déjà, ont rendu publiquement des honneurs à la mémoire des grands hommes martyrs de la liberté, a pris ses mesures pour faire sur le même objet, décadi prochain (mardi 10 décembre vieux style), une fête républicaine à Saint-Mandé. « Je suis, en conséquence, chargé par le Conseil général et par tous les habitants de (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 29. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 823. ladite commune de te prier, citoyen Président, de nommer deux commissaires de la Conven¬ tion nationale pour assister à ladite fête. La présence de ces représentants du peuple flat¬ tera tous les citoyens et ajoutera à la majesté de la cérémonie. « Le rendez-vous est pour 10 heures du matin à la porte du bois de Vincennes, dite du Bel-Air. « Moreau, maire de Saint-Mandé. » Le procureur syndic du district de Tarbes (Candellé-Bayle) instruit la Convention nationale, qu’un domaine estimé 40,285 liv. 10 s. a été vendu 119,000 liv.; que cette différence règne dans toutes les ventes qui se font des biens dn ci-devant ordre de Malte et des émigrés. A l’é¬ gard de ceux des prêtres déportés, le procureur syndic observe qu’ils n’avaient jamais fait fixer leurs droits légitimaires, et demande à la Con¬ vention d’en régler le mode. Insertion au « Bulletin » et renvoi au comité de législation (1). Suit la lettre du procureur syndic du district de Tarbes (2). Le procureur syndic du district de Tarbes , au citoyen Président de la Convention natio¬ nale. « Tarbes, le 7 frimaire de la 2e année républicaine. « Citoyen, « Et nous aussi nous avons la douce satisfac¬ tion de voir s’accroître dans notre district les ressources de la République. Dis à l’assem¬ blée montagnarde que tu présides, qu’un domaine national qui n’avait été estimé que 40,285 liv. 10 mis fut vendu hier 119,000 livres, et que cette différence sensible entre le prix de l’estimation et celui de l’adjudication règne dans toutes les ventes qui se font chaque jour, soit des biens du ci-devant ordre de Malte, soit des émigrés. Nous commençons de nous occuper de la recherche de ceux des prêtres déportés de notre arrondissement qui, heu¬ reusement, dans cette circonstance, sont en grand nombre. Ces biens, à la vérité, sont illi¬ quides, puisque les propriétaires, qui vivaient des sueurs d’un peuple ignorant et crédule. n’avaient jamais fait fixer leurs droits légiti¬ maires. Il serait peut-être nécessaire que la Convention réglât un mode d’expertage pour la fixation de ces sortes de biens, afin que sans délai ils puissent être mis en vente et opérer la restitution de ce que les calotins, à qui ils appartenaient, ont volé à la nation. « Vive la République, une et indivisible ! Vive et reste à son poste jusqu’à la paix la sainte Montagne ! « F.-L, Candellé-Bayle. « (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 29.. (2) Archives nationales, carton Dm 208.