m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1789.] gnages do respect du grand Conseil. Elle est assurée de mériter toujours la reconnaissance des compagnies qui désirent aussi sincèrement que la vôtre, la véritable prospérité du royaume, le bien du peuple et le bonheur du Roi. On fait lecture de l’arrêté du grand Conseil, conçu en ces termes : « Le Conseil, pénétré des preuves d’amour et de confiance que le Roi vient de donner à son peuple, et en particulier à la ville de Paris, pour le rétablissement de l’ordre et du calme que son auguste présence y a ramenés ; «A arrêté queM. le premier président se retirera par devers le Roi, à l’effet de lui porter le présent arrêté, comme un hommage delà reconnaissance de son grand conseil pour ses soins paternels. « Arrête en outre que copie du présent sera remise par M. le premier président à l’Assemblée Dationale, dont le zèle et les démarches patriotiques ont procuré à la nation le bien inestimable delà tranquillité publique. » L’Assemblée applaudit, et il est décidé que cet arrêté et le discours de M. le premier président seront insérés dans le procès-verbal. MM. les députés des administrateurs et actionnaires de la caisse d'escompte font demander la permission d'entrer. L’Assemblée ordonne qu’ils soient introduits. Alors entrent MM. Boscary , président de l’administration de la caisse d’escompte ; Cottin , administrateur ; Lavoisier , idem ; Marignier, commissaire des actionnaires ; Monneron, idem ; Le Roi de Camilly, idem. Placés derrière le bureau, ils parlent en ces termes: Nosseigneurs, députés par les actionnaires de la caisse d’escompte, nous venons vous présenter le juste tribut de leur respect et de leur reconnaissance ; à peine échappés aux dangers accumulés sur la tête des paisibles habitants de la capitale, il est glorieux pour nous, Nosseigneurs, d’être les interprètes des sentiments de nos commettants pour l’auguste Assemblée à laquelle la patrie doit son salut. lls.donnent ensuite lecture d’une adresse des actionnaires de la caisse d’escompte à l’Assemblée nationale, et la laissent sur le bureau. M. le Président leur répond : Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit avec d’autant plus de satisfaction la députation de MM. les actionnaires de la caisse d’escompte, qu’elle a l’heureuse confiance de n’avoir jamais, dans toutes ses démarches et ses arrêtés, eu d’autre but quelesalut et le bien de l’Etat, vers lequel elle ne cessera jamais de diriger toutes ses pensées. Elle a vu avec plaisir que, dans les moments de trouble qui viennent d’agiter la capitale, la caisse d’escompte n’a pas suspendu ses payements. Elle désire avec transport arriver au moment ou elle pourra achever l’œuvre complète de la consolidation de la dette, et va s’occuper sans relâche de ce travail, dont cependant la délibération ne peut que suivre celle de la constitution. (On applaudit.) M. le comte de Mirabeau. Commeje compte soumettre demain à l’Assemblée un travail urgent sur la situation actuelle de la caisse d’escompte, je demande que les directeurs et commissaires de la caisse soient autorisés à venir entendre la lecture de mon travail, et qu’ils soient invités à fournir des mémoires, et à nous aider de leurs lumières et de leurs secours. M. le Président. J’observe que les réparations à faire dans la salle ne permettent pas qu’il y ait demain une assemblée générale; la lecture de ce travail doit être différée à un autre jour. M. le comte de Mirabeau. Je demande alors le renvoi au comité des finances. MM. les députés de la caisse, sur l’invitation qui leur en est faite, promettent de donner tous les renseignements et mémoires sur le commerce, le crédit public et la caisse d’escompte. L’Assemblée répond à ces offres par des applaudissements réitérés. M. le comte de Ihally-Tollcndal. Messieurs, appelé par vous à des fonctions bien importantes sans doute, je m’y dérobe un instant pour élever la voix dans cette enceinte, et y venir déposer les alarmes de ma conscience. La paix règne enfin dans la capitale; chaque jour vous la voyez se raffermir de plus en plus ; mais chaque jour aussi l’on apprend que la commotion va se faire éprouver successivement dans les autres villes, si l’on ne prend des mesures pour l’arrêter dans les villes lointaines. Saint-Germain a vu éclore une révolte terrible; peu s’en est fallu que nos députés ne fussent les victimes de leur patriotisme et de leur humanité; peu s’en est fallu qu'ils ne tombassent sous le fer sacrilège. Pontoise est menacé des mômes désordres. Ils existent déjà dans la Normandie, dans la Bourgogne. Et ces détails ne sont points imprudents puisqu’ils sont connus. Gardons-nous de croire qu’ils sont étrangers à la nation, et n’allons pas nous armer de stoïcisme pour ne faire que des lois quand le meurtre répand le carnage autour de nous. C’est à nous ànous opposer aux torrents de sang qui sont prêts à couler. Quand le Roi est venu nous dire de ramener la paix, de sauver l’Etat, invoquer notre autorité, serait-il juste de l’abandonner et de ne pas lui suggérer un seul moyen à la place de ceux qu’il a réprouvés? Il est plus que temps de raffermir l’autorité publique, de resserrer les liens de la société, sans lesquels une société se dissout nécessairement. J’oserai donc vous proposer, Messieurs, de faire une proclamation dont je vous soumets le projet, après laquelle vous vous livrerez infatigablement à la constitution. Le voici : « L’Assemblée nationale considérant que, depuis le premier instant où elles’est formée, elle a fait ce qu’elle a pu, ce qu’elle a dû pour lui mériter la confiance des peuples ; qu’elle a déjà établi les premiers fondements sur lesquels reposent la félicité publique et la régénération de l’Etat: que le Roi a dû obtenir pareillement la confiance de ses fidèles sujets ; qu’il les a invités non-seulement à réclamer leurs droits, mais que, sur la demande de l’Assemblée, il a encore écarté tous les sujets qui pourraient lui porter ombrage; qu’il a éloigné les troupes, banni les conseillers dont la présence était un objet d’inquiétude et d’alarme pour la nation, rappelé ceux dont elle sollicitait le retour; qu’il est venu au milieu de la nation, avec l’abandon d’un père, lui demander des secours pour sauver l’Etat ; qu’il s’est confondu avec les représentants delà nation; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 2o3 [Assemblée nationale.] « Que, dans ce concert parfait entre le chef et les représentants, et après la réunion de tous les ordres, l’Assemblée va s’occuper sans relâche du grand travail delà constitution ; « Que les troubles nouveaux qui pourraient survenir ne pourraient qu’y être contraires ; « Que tout citoyen doit frémir aux mots de troubles qui toujours entraînent des proscriptions arbitraires, la désertion des villes, l’émigration du royaume, la division des familles, enfin tous les renversements de l’ordre social; « L’Assemblée nationale a invité et invite tous les Français à la paix, à l’amour de l’ordre, au respect îles lois, à la confiance qu’ils doivent avoir dans leurs représentants, à la fidélité dans le souverain. Déclare que quiconque se porterait à enfreindre tous ces devoirs sera regardé comme un mauvais citoyen ; « Déclare que tout homme soupçonné, accusé, arrêté, doit être remis dans les mains du juge naturel qui doit le réclamer; f Déclare enfin, en attendant l’organisation qui pourra être fixée pour les municipalités, qu’elle les autorise à former des milices bourgeoises, en leur recommandant d’apporter la plus sévère attention à cette formation, et de n’admettre que ceux qui sont incapables de nuire à la patrie et capables de la défendre. » M. Dupont, député de Nemours. Dans toutes les circonstances difficiles, on ne doit point céder à un premier mouvement : une sage lenteur doit toujours influer sur le choix du moyen. Mais il ne s’agit pas ici de se livrer à des méditations profondes, de renvoyer à des bureaux l’examen d’une chose qui n’en est pas susceptible ; vous n’êtes pas sans doute divisés : je vous en conjure par tout ce que vous avez de vertu, de courage et de patriotisme, délibérons sur-le-champ. Un religieux de l'ordre de Saint-Geneviève observe que la motion deM. Lallv-Tollendal ne tend qu’à l’établissement de la milice dans les villes seulement; mais qu’il faut étendre cet établissement même sur les campagnes. M. de Fermond. J’assure l’Assemblée que la province deBretagne jouit de la plus parfaite tranquillité à l’aide des milices bourgeoises qu’on y a établies; il n’est pas besoin d’y envoyer de proclamation, surtout celle qui est proposée et qui contient des expressions plus propres à soulever les peuples qu’à les calmer. Je demande que la proposition soit renvoyée aux bureaux pour y être discutée après mûre réflexion. M. le marquis de Toulongeon. J’appuie la motion, et je demande qu'on ajoute à la proclamation un projet d’instruction pour diriger la formation des milices bourgeoises. M. ***. On doit de la reconnaissance à tous les citoyens qui se sont armés pour conquérir et défendre la liberté de la nation. Quant à la sanction du Roi, je pense qu'on ne peut la lui demander pour aucun règlement quelconque qu’après que la constitution sera achevée. Je crois qu’il suffit, et je propose d’envoyer dans les provinces nos procès-verbaux depuis mercredi, et d’inviter tous les citoyens à la paix. M. Robespierre. Il faut aimer la paix, mais aussi il faut aimer la liberté. Avant tout, analysons la motion de M. de .Lally. Elle présente d’a-[20 juillet 1189.] bord une disposition contre ceux qui ont défendu la liberté. Mais y a-t-il rien de plus légitime que de se soulever contre une conjuration horrible formée pour perdre la nation ? L’émeute a été occasionnée à Poissy sous prétexte d’accaparement; la Bretagne est en paix, les provinces sont tranquilles, la proclamation y répandrait l’alarme et ferait perdre la confiance. Ne faisons rien avec précipitation ; qui nous a dit que les ennemis de l’Etat seront encore dégoûtés de l’intrigue ? MM-de Custiue et de Lubersac, évêque de Chartres, parlent successivement. Ils sont d’avis qu’on s’occupe d’un projet de règlement pour ramener la tranquillité, et qu’on autorise la formation des milices, sous l’inspection de l’autorité légitime. MM. Fréteau, de Grillon et d’autres membres parlent de la nécessité d’établir des milices nationales ; ils écartent le reste de la motion. M. de Gleizen. Le zèle de M. de Lally égale son éloquence; mais rappelons ce que des hommes éclairés ont si souvent répété : que le plus grand danger qui environne une assemblée délibérante, c’est la magie de l’éloquenee. Gomment blâmer des hommes qui se sont armés pour la liberté? Gomment parler de troubles aux provinces qui jouissent de la pluspar-faite tranquillité ? M. de Lally parie de la sanction du Roi ; mais peut-on la lui demander avant que la constitution lui ait adressé le droit delà donner ? J’insiste pour qu’on imprime les procès-verbaux des séances, et qu’on les envoie dans les provinces. M. Legrand» J’observe qu’il faut joindre à l’établissement de la milice bourgeoise un règlement de discipline, pour que le chef de la milice soit choisi à la pluralité des suffrages, et que son élection ne réside pas dans la volonté de quelques magistrats de municipalité vénale, qui ne peuvent défendre les intérêts d’un peuple qu’ils ne représentent pas. M. ***. 11 est une autre difficulté ; c’est que toute milice bourgeoise est du ressort de l’autorité exécutrice ; qu’il ne dépend pas de nous de pouvoir l’établir dans le royaume. M. ***. Je trouve trois obstacles insurmontables à la motion de M. de Lally: le premier, c’est de déclarer rebelle tout homme qui a pris les armes pour la défense de la patrie; le second, c’est de hasarder une question infiniment douteuse. M. de Lally propose que la proclamation soit publiée dans toutes les villes, du consentement du Roi. Nous ignorons encore si cette sanction est nécessaire aux décrets de l’Assemblée. Le troisième enfin, c’est que ce serait alarmer toutes les provinces où le calme et la paix régnent encore. M. de Lally-Tellendal s’écrie; G’estau nom de la liberté que je vous propose ma motion et que je vous conjure de l’adopter. Au milieu des impies qui renversent le temple des lois, c’est à nous, ministres de la liberté, de prêcher son évangile. M. Blesau, député de Bretagne. C’est ici que l’on sent la grande vérité que les législateurs nous ont apprise : dans les affaires publiques, on doit toujours être en garde contre le charme de l’éloquence, et jamais l’éloquence n’exerce un empire plus puissant que quand elle égale le zèle et la pureté des sentiments de i’orateur.