700 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791. 1 organisée à l’époque qui sera indiquée par l’Assemblée nationale. Dans le moment actuel, il serait plus qu’impolitique d’autoriser sur-le-champ cette formation. M. Thouret, rapporteur. Votre objet va être rempli ; il n’y a certainement pas, dans ce qu'on vient de décréter, de quoi mettre en activité une maison du roi, et pour arriver à ce but je demande que l’Assemblée renvoie au comité militaire pour faire un rapport sur le règlement d’organisation de cette garde et pour présenter un projet de décret. (Ce renvoi est décrété.) M. de Croix. Je demande que l’Assemblée renvoie sa garde. M. Rœderer. Je demande s’il résulte de la première disposition décrétée, que l’officier de la maison du roi, devenu général, puisse commander à ce titre. M. Alexandre de Lameth. Ouil M. Rœderer. Messieurs, le comité ou au moins un de ses membres, me répond oui, et qu’un homme parvenu au grade de général dans la maison du roi, sera général d�armée. Eh! bien, j’attaque cette disposition, je dis que cela n’a pas été entendu ainsi par toute l’Assemblée ; j’observe, en second lieu, qu’il serait absurde que cela eût été entendu ainsi. En effet, il serait contradictoire que vous eussiez dit: un sous-lieutenant dans la maison du roi ne pourra être lieutenant dans l’armée de ligne et que l’on pût dire cependant que le grade le plus éminent de l’armée lui sera confié, parce que, montant de grade en grade, il pourrait parvenir au commandement de l’armée. M. Alexandre de Lameth. M. Rœderer établit une similitude qui me paraît absolument fausse, de ce que l’on a dit qu’un officier ne pourrait être tiré de la maison du roi pour être Ïiorté aux places de l’armée, il en conclut que 'officier ou Jes officiers généraux que l’on y attachera, ne devrait pas faire partie de l’armée ; mais ce qui a fait parler ainsi M. Rœderer, c’est qu’il n’a pas vu que, si l’on interdisait la faculté de faire passer les officiers de la maison du roi dans la ligne, c’était pour empêcher que les places des régiments ne fussent accordées par la faveur et données d’une manière arbitraire : mais certes, lorsque l’Assemblée, déterminée par l’inconvenance qu’il y aurait à ce que la garde du roi ne fût pas militaire, a adopté la proposition du comité, certes, l’intention de l’Assemblée n’a pas été de décréter un ou plusieurs officiers généraux qui ne fussent pas officiers généraux ; ils doivent l’être comme l’est celui attaché à la gendarmerie nationale ; et s’ils avaient des talents pour commander, certainement on ne veut pas priver la nation de l’utilité qu’elle pourrait en tirer. Je le demande à toute l’Assemblée, je demande s’il est un homme de bonne foi qui puisse, après toutes les précautions que vous avez prises pour assurer la liberté, pour parera tous les inconvénients, s’il est, dis-je, un homme de bonne foi qui puisse conserver quelque inquiétude. A l’extrême gauche : Oui! oui I Au centre: Non! non! M. Alexandre de Lameth. Messieurs, la vérité est, que l’avis de M. Rœderer et celui de ceux qui l’appuient, n’a d’autre but que d’avilir le chef du pouvoir exécutif et tout ce qui approche de sa personne ( Applaudissements .) ; et je demande qu’on ferme une discussion déjà trop longue suruneproposition qui ne peut et nedoit souffrir aucune espèce de difficulté. M. Rœderer. Je propose de décréter que l’officier général d’une maison domestique ne puisse pas être général d’armée. Plusieurs voix : L’ordre du jour ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Thouret, rapporteur. L’article suivant est relatif à l’état des parents du roi dans l’exercice des droits politiques*, les comités proposent l’exclusion de l’exercice de ces droits. (Mouvements divers.) Les raisons de principes constitutionnels et d’intérêts politique et social qui appuient cette proposition vous ont déjà été développées dans le premier débat, qui a eu lieu sur cette matière. Vous avez trouvé ces raisons assez importantes pour les renvoyer, par un décret positif, à l’examen de vos comités : nous pensons que l’exclusion de l’exercice des droits politiques dans la personne des parents du roi est fondée sur l’intérêt de conserver la pureté de la représentation nationale et le maintien de la distinction des pouvoirs. En effet, la famille dans laquelle la Constitution a placé, assuré et garanti la substitution au trône n’est, sous aucun rapport, dans l’état commun des autres familles du royaume; elle a politiquement un droit très différent du droit commun des autres; et, à raison de ce droit différent, elle a aussi un intérêt différent; et, pour le dire en un mot, c’est que le pouvoir exécutif est en quelque sorte patrimoine de cette famille. Or, s’il y a union entre tous les individus de cette famille, il est indubitable qu’ils ont une sphère d’influence immense, toujours tendante à établir les prérogatives de la couronne et les attributions du pouvoir exécutif : si, au contraire, ils sont désunis entre eux, et surtout désunis avec le chef, il résulte de là un foyer d’agitation, de troubles politiques et de désordres sociaux incalculables. J’ajoute qu’aucun principe n’est blessé quand la Constitution fixe une part exclusive, spéciale, héréditaire, à la première des fonctions publiques, et la fixe par hérédité dans une famille; aucun principe, dis-je, n’est blessé de ce qu’on ne cumulera pas en même temps dans ies individus de cette même famille l’exercice des droits de la représentation nationale; au contraire, l'exclusion de ces droits est une conséquence indubitable du principe. On a objecté qu’il ne pouvait pas être au pouvoir d’une Assemblée, même constituante, de priver de l’exercice des droits attachés à la qualité de citoyen actif un certain nombre d’individus qui sont cependant citoyens. Je réponds, qu’au contraire, la Constitution en a le droit, par la raison qu’elle a eu le droit de placer la substitution perpétuellle et héréditaire de la couronne dans cette même famille. (Murmures et rires à droite.) L’interruption que je viens d’éprouver n’est pas, je crois, de nature à ébranler dans cette As-sembléel’évidence et l’imperturbabilité de ce principe; car à quel titre les parents du roi ont-ils cette superbe expectative ? A quel titre en sont- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLËMENTAIKES. [24 août 1791. J 7()| ils investis? Au titre de la Constitution; donc si la Constitution par des motifs d’intérêt social prononce qu’en recevant l’avantage de cette substitution les mêmes individus ne participent pas aux droits politiques des autres citoyens dans l’ordre de la représentation nationale, elle a le droit de prononcer cette exclusion. Ceci entendu, comme ce n’est pas par l’effet d’une dégradation que cette exclusion peut exister, il est juste, il est même nécessaire de concentrer entre tous ceux qui en sont l’objet la participation à un titre honorifique qui les signale et à la nation et aux nations étrangères; et pour répondre à l’objection faite que ce serait conserver un noyau dangereux de distinctions personnelles et héréditaires, je dis au contraire que c’est là le moyen le plus sûr et le plus indubitable de tous ceux qu’on peut employer pour consolider à jamais et d’une manière indestructible l’abolition des distinctions entre les citoyens ; car quand la Constitution, après avoir détruit énergiquement les distinctions, en aurait consacré une motivée sur un principe particulier, sur une raison politique exclusive, qui n’est applicable qu’aux individus de la famille du roi, je demande par quel prétexte, sous quelle couleur aucun autre citoyen, ne pouvant invoquer ni les mêmes raisons ni les mêmes principes, pourrait prétendre à des distinctions! Il me paraît donc indubitable que c’est renforcer la destruction des distinctions que d’en conserver une particulière, exclusive, et n’ayant pour motif que la substitution au trône dans la famille du roi régnant. Par là, non seulement, vous désintéressez les individus de la famille royale dans l’opposition qui tourmente cette classe qui s’agitera longtemps pour la conservation des distinctions, mais vous les intéresserez, au contraire, à soutenir la destruction de ces distinctions, car il en est des distinctions comme des objets de curiosité pour les amateurs ; on les prise d’autant plus qu’elles sont plus rares. (. Applaudissements .) Quoique ce ne soit pas une raison pour consacrer une maxime constitutionnelle d’examiner les circonstances où l’on se trouve, cependant il est très heureux, quand on fait une Constitution au milieu d’une révolution, et qu’il faut pour consolider la Constitution terminer la révolution ; il est très heureux, dis-je, que les maximes constitutionnelles concourant à ce but permettent d’adopter une disposition qui détacherait non seulement les individus de la maison du roi, mais encore toutes les maisons régnantes de l’Europe, de la cause impie de ceux de nos concitoyens qui, nos égaux par la nature, nos égaux par le pacte social, s’appliquent cependant à armer l’Europe contre la France, pour conserver ces distinctions! C’est, d’après cela, que nous avons pensé qu’en principe indubitable, comme en politique bien entendue, l’exercice des droits politiques dans la ligne de la représentation nationale ne peut pas être accordé par la Constitution aux individus qui ont des droits héréditaires au trône. En revenant sur mon observation qu’il ne faut pas voir là une dégradation, qu’il faut y voir au contraire l’illustration qui résulte de l’appel à la première place de la nation, il faut consacrer cette exclusion par une distinction honorifique quelconque sous des rapports politiques ; en conséquence, nous croyons que la disposition que nous vous proposons ne doit être adoptée qu’en entier. Nous avons cherché un titre convenable pour les individus de la famille du roi, malheureusement nous nous sommes trouvés entravés par le décret de question préalable que vous avez prononcé le 14 de ce mois contre la qualification de rince ; peut-être ne vous croirez-vous pas dé-nitivement engagé par ce décret ; mais s’il termine la question, nous espérons recevoir dans cette Assemblée, où les lumières sont plus multipliées qu’aux comités, quelques ouvertures plus heureuses que les nôtres pour arriver à la dénomination que nous avons vainement cherché à remplacer. {Applaudissements.) Voici la teneur de l’article : Droits politiques des parents du roi. « Les membres de la famille du roi étant seuls appelés à une diguité héréditaire, forment une classe distinguée des citoyens, ne peuvent exercer aucun des droits de citoyens actifs, et n’ont d’autre droit politique que celui de la succession éventuelle au trône : ils porteront le titre de... » M. d’Orléans. 3e n’ai qu’un mot à dire sur la seconde partie de l’article qui vous est proposé, c’est que vous l’avez rejeté directement, il y a peu de jours. Quant à la qualité de citoyen actif, je demande si c’est ou non, pour l’avantage des parents du roi qu’on vous propose de les en priver. Si c’est pour leur avantage, un article de votre Constitution s’y oppose formellement, et cet article le voici : « Il n’y a plus pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les Français. » Si ce n’est pas pour l’avantage des parents du roi qu’on vous propose de les rayer de la liste des citoyens actifs, je soutiens que vous n’avez pas le droit de prononcer cette radiation. Vous avez déclaré citoyens français ceux qui sont nés en France d’un père français. Or, c’est en France, et c’est de pères français que sont nés les individus dont il s’agit dans le projet de vos comités. Vous avez voulu qu’au moyen de conditions faciles à remplir, tout homme dans le monde pût devenir citoyen français; or, je demande si les parents du roi sont d*es hommes. Vous avez dit que la qualité de citoyen français ne pouvait se perdre que par une renonciation volontaire, ou par des condamnations qui supposent un crime : si donc ce n’est pas un crime pour moi d’être né parent du monarque, je ne peux perdre la qualité de citoyen français que par un acte libre de ma volonté. Et qu’on ne me dise pas que je serai citoyen français, mais que je ne pourrai être citoyen actif; car, avant d’employer ce misérable subterfurge, il faudrait expliquer comment celui-là peut être citoyen, qui, dans aucun cas ni à aucune condition, ne peut en exercer les droits. Il faudrait expliquer aussi par quelle bizarrerie le suppléant le plus éloigné du monarque ne pourrait pas être membre du Corps législatif, tandis que le suppléant le plus immédiat d’un membre du Corps législatif, peut, sous le titre de ministre, exercer toute l’autorité du monarque. Au surplus, je ne crois pas que vos comités entendent priver aucun parent du roi de la faculté d’opter entre la qualité de citoyen fançais et l’expectative, soit prochaine, soit éloignée du trône. Je conclus donc à ce que vous rejetiez purement et simplement l’article de vos comités ; mais dans le cas où vous l’adopteriez, je déclare que je dé- 702 [Assemblée nationale,) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.) poserai sur le bureau ma renonciation formelle aux droits de membre de la dynastie régnante, pour m’en tenir à ceux de citoyen français. (M. d’Orléans descend de la tribune au milieu des applaudissement réitérés de la grande majorité de l’Assemblée et des tribunes; quelques minutes se passent au milieu d’une grande agitation, à laquelle succèdent un moment de silence et une nouvelle salve d’applaudissements.) M. Dupont (de Nemours). L’Assemblée a décidé qu’elle ne préjugeait rien sur les faits des renonciations des membres de la famille actuellement régnante au droit de succéder à la couronne ; ainsi, l’acte de patriotisme que vient de faire M. d’Orléans et qui n’engage à rien d’après ce décret, ne doit point influer sur la délibération actuelle, ni déranger l’ordre de la question-Je demande que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. d’Orléans. Une renonciation personnelle est toujours bonne. M, de Bonneville. Je vais parler dans l’hypothèse où l’Assemblée adopterait le projet des comités et contre le projet de renonciation fait par M. d’Orléans. Plusieurs membres : A l'ordre du jour ! M. de Bonneville. Si, comme on doit le supposer, et comme j’aime à me le persuader, la renonciation que propose M. d’Orléans au droit éventuel que sa naissance lui donne au Trône, est l’effet du sentiment profond d’un pratriotisme pur et désintéressé, c'est un acte de civisme dont l’histoire fournit sans doute peu d’exemples ; mais avant de me livrer à son apologie, qu’il me soit permis de l’examiner dans son principe et dans ses conséquences ..... plusieurs membres : A l’ordre du jour 1 M. d’André. La discussion dans laquelle l’opinant va entrer me fait lever pour appuyer la proposition de M. Dupont sur une raison très simple, c’est que M. d’Orléans n’a pas le droit de renoncer à rien du tout, ni pour lui, ni pour ses enfants, ni pour ses créanciers. ( Eclats de rires et applaudissements à droite ; murmures à gauche.) M. de Bonneville. Si l’Assemblée adopte la motion de M. d’André et rejette la renonciation présentée, je me retire. M. Rewbell. Lorsque l’Assemblée a décrété qu’il ne serait rien préjugé sur l’effet des renonciations, il ne s’agissait que de la branche d’Espagne. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. de Sillery. Messieurs, je viens combattre le projet de décret qui vous est présenté par votre comité de révision : qu’il me soit permis, avant d’entrer en matière, de gémir sur l’étonnant abus que quelques orateurs ont fait de leurs talents, dans l’importante discussion qui nous occupe depuis plusieurs jours. Quel étrange langage a-t-on tenu dans celte tribune, lorsque l’on a cherché à vous faire entendre que ceux qui demandaient l’exécution littérale de vos décrets, étaient des ennemis de l’ordre, des factieux qui voulaient perpétuer l’anarchie , comme si l’ordre ne pouvait exister qu’en satisfaisant l’ambition de quelques individus, et que l’anarchie pût jamais être le résultat de l’exécution de vos décrets ! Ce que j’ai à vous dire, n’est pas l’opinion d’une coalition factieuse ; c’est la mienne, que j’ai le droit d’énoncer ; et, j’ose le dire, elle est celle d’un citoyen dévoué au bonheur public. (Rires à droite ; applaudissements à gauche.) — On vous propose d’accorder à tous les individus de la famille royale le titre de prince, et de les priver en même temps des droits de citoyeus actifs. J’avoue que je ne me serais point attendu que ce serait votre comité de Constitution, qui nous a répété tant de fois que le titre de citoyen français était le plus honorable que l’on pût obtenir, qui viendrait proposer pour la famille royale l’étrange marché de troquer ce titre contre celui de prince, que vous avez déjà proscrit par un de vos décrets. (Applaudissements dans une grande partie de la salle et dans les tribunes.) Gomment n’a-t-il pas senti les conséquences funestes qui pouvaient résulter en formant une caste particulière d’hommes, ennemis-nés de la nation, puisqu’ils ne jouiraient d’aucun des avantages de la Constitution, et que se trouvant isolés au milieu d’une nation libre, seuls dans la dépendance du roi, ils ne jouiraient ni de la liberté ni de l’égalité, bases fondamentales de votre Constitution ? Rappelez-vous, Messieurs, tout ce qui vous a été dit dans cette tribune par les mêmes orateurs qui soutiennent l’opinion que je combats, lorsqu’il a été question d’abolir la noblesse. On vous a démontré l’impossibilité d’admettre des distinctions de naissance dans un Etat constitué comme le nôtre; et en abolissant les privilèges, en confiant au peuple la nomination de tous les fonctionnaires publics, n’avez-vous pas reconnu ce principe élernel d’égalité dont il ne vous est plus permis de vous écarter? Dans une question de cette importance, il faut tout examiner, et avoir le courage de tout dire. Je vais tâcher de vous démontrer que le projet que votre comité vous propose est injuste et impolitique. La loi ne peut dépouiller qui que ce soit d’un droit accordé à tous les autres citoyens, sans démontrer rigoureusement que cette spoliation est fondée sur la raison et sur la justice, et que, par conséquent, elle a un grand but d’uti-tilité publique. Les parents du roi qui sont présentement en France, ont constamment montré le patriotisme le plus pur; ils ont rendu de grands services à la cause publique par leurs exemples et les sacrifices qu’ils ont faits. D’après les décrets de l’Assemblée nationale, ils ont abjuré leurs titres, et renoncé à leurs prérogatives : pénétrés de l’esprit qui a dicté les décrets, ils ont regardé comme les plus beaux de tqus les titres, Geux de patriotes et de citoyens; ils ont joui de tous les droits de citoyens actifs : et l’on propose aujourd’hui de les en dépouiller 1 -L’Assemblée nationale a dit à tous les parents du roi : Vous n’êtes plus princes; vous êtes les égaux de tous les autres citoyens. A cette déclaration, qu’est-il arrivé? Les princes fugitifs ont fait une ligue contre la patrie; les autres se sont rangés avec joie dans la classe de simples citoyens. Si l’on rétablit aujourd’hui le titre de prince, on accorde aux ennemis de la liberté tout ce qu’ils ambitionnent; on prive de bons patriotes de tout ce qu’ils estiment : (Vifs applaudissements) je vois le triomphe et la récompense du côté des réfractaires; je vois la punition et tous les sacrifices du [Assemblé® nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [24 août 1794 J 703 côté des patriotes. Quelles raisons peuvent motiver cet étrange renversement de toute justice? Est-ce pour donner plus de dignité au trône, que l’on veut rendre ces titres aux parents du roi? Mais, Messieurs, en détruisant tous les préjugés, vous avez anéanti le prix imaginaire de ces vaines distinctions : elles avaient de l’éclat quand vous les avez abolies: et, après en avoir fait connaître toute l’absurdité, vous voudriez les rétablir 1 Serait-ce rendre ce que vous aviez ôté? Non, sans doute, puisque l’opinion n'est plus la même : ces titres brillants et pompeux quand on vous les a sacrifiés, ne sont plus aujourd’hui que des chimères ridicules : ainsi vous ne ferez point une restitution, vous ne rendrez rien {Applaudissements) ; et vous dépouillerez du bien que vous aviez donné en échange, si vous ôtez aux parents du roi les droits de citoyens actifs : que dis-je? non seulement vous ne leur accordez rien, non seulement vous les dépouillez, mais avez-vous réfléchi à la classe où vous allez les assimiler? Relisez ce code criminel que vous avez décrété; voyez les malfaiteurs, les banqueroutiers, les faussaires, les déprédateurs, les calomniateurs : vous les punissez par la dégradation civique, et voilà la classe où vous voulez ranger ceux que vous prétendez honorer. {Applaudissements.) Songez combien vous allez être en contradiction avec les principaux décrets que vous avez prononcés. Les droits de l’homme, évangile immortel de la raison, sont tous violés. N’avez-vous pas dit que les hommes étaient tous nés égaux en droit ? N’avez-vous pas déclaré que tous les citoyens étaient sujets aux mêmes peines pour les mêmes délits ? Imaginez donc un nouveau code criminel pour cette caste proscrite; car s’ils se rendent coupables d’un crime qui mérite la privation du droit de citoyen, vous ne pouvez trouver le moyen de les punir par vos lois, puisque déjà leur naissance a prononcé l’anathème sur eux. {Applaudissements.) On prétend qu’il serait dangereux d’admettre dans le Corps legislatif des membres delà famille royale : ils seraient, dit-on, ou pour ou contre la cour. Dans le premier cas, ils chercheraient à augmenter le pouvoir du roi. Dans le second, ils seraient des factieux qui pourraient tout bouleverser... Mais comment auraient-ils donc cette puissante influence qu’on leur suppose? Par leur naissance? Cet avantage n’est imposant que dans les temps de préjugés ; et vous l’avez rendu nul. Par leurs talents? Les députés de toutes les classes peuvent en avoir comme eux. Par leurs richesses ? Les sacrifices qu’ils ont faits à la cause commune ne leur laissent pas de grands moyens d’exercer ce vil genre de corruption ; et si ce dernier mal était à craindre, il faudrait donc encore exclure du Corps législatif tous les gens possesseurs d’une grande fortune, tous les riches négociants, tous les banquiers; car je n’avance rien d’extraordinaire en disant qu’il existe maintenant plusieurs citoyens plus riches qu’eux. Mais dans cette hypothèse, on établit qu’à l’avenir tous les individus de la famille royale seront à perpétuité, ou des factieux, ou des courtisans vendus. Cependant n’est-il pas possible aussi de supposer qu’il s’en trouve de patriotes; et ceux-là mériteront-ils d’être flétris de cette tache originelle qu’on veut imprimer sur toute la race? Quelle loi, que celle qui suppose toujours le vice ou le crime, et qui n’admet pas l’existence de la vertu, tandis qu’au contraire, la loi doit avoir mille fois plus de vigilance et d’activité pour découvrir et récompenser la vertu, que pour réprimer le vice ! En matière grave, il lui faut toutes les lumières de l’évidence la plus frappante pour condamner ; au lieu que, pour absoudre, elle saisit avidement un simple doute ; et quoi de plus grave, quoi de plus important que la question dont il s’agit ? question qui n’en sera pas une, si l’on respecte vos décrets constitutionnels, ou si l’on n’enfreint pas tous les principes de l’équité. Enfin, j’ose avancer que l’infaillible moyen de rendre la famille royale une caste véritablement dangereuse, c’est d’adopter le décret que l’on vous propose. En effet, en la privant du noble droit de servir son pays, en écartant d’elle toute idée de gloire et de bien public, vous la dévouez à tous les vices produits par l’intrigue et l’oisiveté. Ceux qui parmi eux n’auront aucune énergie, ramperont servilement au pied du trône, et obtiendront pour eux et leurs amis les grâces dues aux seuls mérites. Ils cabaleront, ils intrigueront dans l’Assemblée nationale avec moins de pudeur que s’ils y étaient eux-mêmes, et qu’ils fussent par conséquent obligés d’y manifester personnellement leurs opinions. Ceux, au contraire, qui seront nés avec du courage et des talents, chercheront à se faire un parti ; et n’ayant rien à attendre de la patrie qui les a rejetés de son sein, s’ils parviennent à acquérir du crédit, iis ne l’emploieront qu’à satisfaire une ambition, qui, dans leur position, ne pourra jamais être noble et pure, et tous seront animés d’un sentiment commun : la haine de la Constitution qui les exclut de tout, et le désir de la renverser. {Applaudissements.) Voyez, au contraire, ce qu’il est possible d’en attendre, si l’amour de la patrie les enflamme. Jetez vos regards sur un des rejetons de cette race que l’on vous propose d’avilir ; à peine sorti de l’enfance, il a déjà eu le bonheur de sauver la vie à 3 citoyens, au péril de la sienne. La ville de Vendôme lui a décerné une couronne civique : malheureux enfant, sera-ce la première et la dernière que ta race obtiendra de la nation? {Vifs applaudissements.) Non, Messieurs, vous sentiez les conséquences du décret que l’on vous propose : la justice et la saine politique le réprouvent également. Vous avez sagement fait d’accorder à l’héritier présomptif, des prérogatives particulières ; mais les autres membres de la famille royale, jusqu’à l’époque où, par leur naissance, ils peuvent monter sur le trône, ne doivent être que de simples citoyens: eh! combien il serait heureux pour celui qui serait appelé à ce poste redoutable, d’avoir connu et rempli les devoirs de citoyen {Applaudissements), et d’avoir eu l’honneur de défendre ses compatriotes contre les usurpations du pouvoir qu’il est à l’instant d’exercer ; tandis qu’au contraire, si ce décret passait, la nation ne pourrait attendre pour l’avenir, de cette famille dégradée et proscrite civilement, que des régents ambitieux, des rois imbéciles, et des tyrans ! {Applaudissements.) Je conclus à la question préalable sur le nouveau projet présenté par le comité de révision, et au maintien du décret constitutionnel que vous avez déjà solennellement d-écrété. {Applaudissements.) Voix nombreuses : L’ipapression 1 l’impression ! (L’Assemblée ordonne Impression du discours de M. de Sillery.) 704 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791.J Voix diverses : La question préalable sur i’ar-ticle I — A demain ! à demain ! (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion à demain.) M. le Président lève la séance à trois heures un quart. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 24 AOUT 1791. Opinion de M. de Bonneville, sur la renonciation proposée par M. d'Orléans , à la succession au trône. Messieurs, Si, comme on doit le supposer, et comme j’aime à me le persuader, la renonciation que propose M. d’Orléans au droit éventuel que sa naissance lui donne au trône, est l’effet du sentiment profond d’un patriotisme pur et désintéressé, c’est un acte de civisme dont l’histoire fournit sans doute peu d’exemples ; mais avant de me livrer à son apologie, qu’il me soit permis de l’examiner dans son principe et dans ses conséquences. Je sens qu’il est possible que la malignité qui s’attache à tout, suppose à cette action des motifs dont je repousse l’idée, pour ne l’apercevoir que dans son jour le plus favorable. Mais cette renonciation qui, à son premier aspect, paraît simple, et semble ne présenter qu’un résultat de principes philosophiques et de vertus civiques, me paraît cependant susceptible de plusieurs observations, desquelles découlent naturellement quelques questions que je supplie l’Assemblée de me permettre de mettre sous ses yeux. La première qui s’offre à mon imagination est de savoir si un membre de la famille royale qui, dans le moment actuel, n’est pas appelé au trône, peut renoncer au droit éventuel que sa naissance lui donne d’y parvenir, le cas échéant, afin de pouvoir partager, avec tous les autres citoyens, les droits politiques dont ils jouissent, et dont la sagesse exige que les membres de la dynastie régnante soient privés. L’idée qui se présente naturellement pour résoudre cette question, est que ce membre en a le droit. Mais, en adoptant ce principe, il en ressort une autre question sur laquelle il est nécessaire que l’Assemblée prononce. Si ce membre a des enfants, sa renonciation doit-elle avoir son effet par rapport à eux ? Je ne le pense pas ; et, dans ce cas-là, je supplie l’Assemblée de considérer à quel danger serait exposée la liberté, s’il pouvait être admis dans les Assemblées politiques de la nation, un individu considérable par le sacrifice même qu’il aurait fait de son rang, puissant par une grande fortune, et père d’un autre individu dont le droit éventuel au trône aurait été conservé. J’écarte, sans doute, toute supposition appli-(1) Cette opinion, commencée au cours de la séance, a été interrompue par l’Assemblée (Voir ci-dessus, page 702.) cable aux circonstances présentes, mais en généralisant ces idées, n’est-on pas naturellement porté à sentir combien il serait à craindre qu’un personnage qui se trouverait dans une pareille position, ne se servît de la popularité qu’il aurait acquise par son sacrifice et de son influence sur le corps politique dont il serait membre, pour préparer l’élévation de son fils aux dépens de la tranquillité de l’Etat, de la liberté publique et, peut-être, de la branche régnante? Je ne crois pas devoir donner un plus long développement à ces réflexions dont les conséquences n’échapperont sûrement pas à l’Assemblée ; aussi je me borne à demander que la renonciation proposée par M. d’Orléans ne soit pas admise; qu’il soit privé de tous les droits de citoyen actif, comme les autres membres de la famille royale, et que, comme eux, il ne jouisse d’autres droits politiques, que de celui de la succession éventuelle au trône. Si malgré ces observations, l’Assemblée croyait devoir admettre la renonciation que vient de lui offrir M. d’Orléans, alors je demande que, dans ce moment, sa pension apanage lui soit retirée, sauf à la transmettre à sa postérité masculine, s’il y a lieu. Mes motifs, pour appuyer cette demande, sont que la nation accorde cette rente aux membres de la famille royale, pour les mettre en état de soutenir avec éclat, le rang que leur donne leur naissance, et les droits qui y sont attachés. Or, lorsqu’on abdique ce rang, on ne doit plus prétendre à l’éclat qui l’environne ; ainsi, sous ce rapport, la pension apanagère doit être supprimée, et le prince, redevenu citoyen, ne doit plus prétendre d’autre traitement de la nation que celui auquel ses services lui auraient acquis des droits. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du jeudi 25 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 21 août , qui est adopté. M. le Président annonce que, par le résultat du scrutin qui a eu lieu à l’issue de la séance du mardi 23 août, MM. de Tracy, Caslellanet, de La Rochefoucauld, Brostaret, Louis Monneron et Périsse-Duluc sont adjoints au comité des colonies. M. le Président. Je suis chargé, Messieurs, de vous demander une séance du soir pour samedi prochain; elle est nécessaire pour terminer plusieurs affaires pressantes. (L’Assemblée décrète qu’elle tiendra séance samedi soir.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Dupor-tail , ministre de la guerre , ainsi conçue : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.