SÉANCE DU 25 FLORÉAL AN II (14 MAI 1794) - N° 23 325 d’être dignes de la patrie, depuis l’époque où vous scellâtes par votre décret leur immortalité. » Le PRESIDENT reçoit les dons offerts, et félicite les Nantais sur le patriotisme qui les anime. FOUCHE (de Nantes) : Il est permis à celui d’entre nous qui a parcouru le plus grand nombre des communes de la République, et qui a pu le mieux en apprécier l’esprit public, de s’étonner de la défaveur que l’on a voulu jeter sur la commune de Nantes. Sans doute, il y avait dans cette commune des hommes infâmes et elle en renferme peut-être encore; mais ces restes dégradés sont auprès des sans-culottes nantais, ce que sont les ruines de la monarchie devant les monumens que vous consacrez à la liberté et à l’égalité. Je ne retracerai point les événemens mémorables qui attestent le patriotisme que je défends; je rappellerai seulement une époque pas éloignée où la commune de Nantes étoit environnée de 50,000 brigands, et administrée par des magistrats perfides. En bien ! les sans-culottes, par le développement de leur énergie, résistèrent au dehors et au dedans. Leur voix tonnante étouffa le cri de la terreur. Ils repoussèrent la horde de brigands et royalistes que les obsédoit. Vous décrétâtes alors qu’ils avoient bien mérité de la patrie. Je demande que vous décrétiez que les Nantais n’ont pas mérité de perdre ce témoignage honorable. VILLIERS : Comme il tenoit au vaste plan de conjuration, découvert par les Comités de salut public et de sûreté générale, de jeter de la défaveur sur les communes les plus importantes de la République, je crois qu’il convient de renvoyer à ces deux Comités la pétition qui vous est faite. FOUCHE : J’insiste sur la proposition que j’ai faite, sauf le renvoi proposé par le préopinant. MERLIN (de Thion ville) : J’appuie la proposition de notre collègue Fouché. Dans le long temps que j’ai passé à la Vendée, c’est dans le sein de la Société populaire de Nantes que j’ai trouvé le patriotisme qui étoit chassé des grandes boutiques et de chez les armateurs. C’est là que je trouvois ceux qui venoient avec nous recueillir les bleds et les bestiaux que nous conquérions sur les brigands, mais il faut en convenir, ceux qui tenoient de trop près au commerce ne faisoient rien pour la République. J’appuie donc la proposition de Fouché, parce que la Société populaire de Nantes compose la grande masse des citoyens de Nantes, et que le petit nombre est de ceux contre qui l’on peut former des plaintes. FOUCHE : Voici ma rédaction : La Convention nationale décrète que les saus-culottes de Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie (1) . Décrété comme suit, au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [FOUCHE, appuyée par MERLIN] décrète que les sans-culottes de la commune de (1) Débats, n° 602, p. 342; Mon., XX, 473; J. Sablier, n° 1318; M.U., XXXIX, 412. Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie. Elle ordonne la mention honorable de la nouvelle oblation qui lui est offerte en leur nom, d’une frégate de 44 canons, et de 18 cavaliers jacobins. Elle renvoie le surplus de leur pétition aux Comités de salut public et de sûreté générale » (1) . 23 « La Société populaire d’Emile (2) , disent ses » députés, vient vous offrir sa reconnoissance » pour la justice sévère que vous déployez con-» tre les ennemis du peuple, et pour la justice » magnanime qui vous fait décerner des récom-» penses à ses amis : vous avez puni les traîtres; » mais vous avez ordonné la translation de '» Jean-Jacques dans le temple des grands » hommes. Elle demande que ses cendres vien-» nent se reposer, lors de leur translation, dans » le même lieu où il a médité et écrit pour la » régénération des sociétés et des mœurs » (3) . Un PETITIONNAIRE parlant de la barre: Représentans du peuple, La Société populaire d’Emile vous témoigne sa reconnaissance, et pour la justice sévère que vous avez déployée et que vous déployez tous les jours contre les ennemis du peuple, et pour la justice magnanime qui vous fait décerner des récompenses à ses amis; vous avez puni les traîtres mais vous avez ordonné la translation de Jean Jacques dans le temple des grands hommes. C’était à vous à appeler les récompenses de la justice sur le mérite, sur la vertu; vous qui avez mis la justice et la probité à l’ordre du jour. Jadis, l’Assemblée Constituante, sur la demande de la commune d’Emile, ordonna que Jean Jacques serait mis sur la liste des grands hommes; mais alors la représentation nationale vendue au royalisme, n’accordait qu’à regret les honneurs du Panthéon aux ennemis des rois, aux amis du peuple et de la République, différait ces honneurs pour les voir annuler par le triomphe du despotisme; alors on admettait au Panthéon des hommes qu’il fallait conduire à l’échafaud; alors les vertus d’un grand homme étaient la propriété d’un individu; et il n’était pas permis à la nation de placer dans le temple de ses bienfaiteurs celui qui n’avait pensé et écrit que pour le bonheur des hommes. Ces temps ne sont plus. Le peuple par ses victoires sur le despotisme a recouvré ses droits sur tout ce qui a servi à la conquête de sa souveraineté. (1) P.V., XXXVII, 210. Minute anonyme, C 301, pl. 1073, p. 27. Décret n° 9157. Reproduit dans Bin, 25 flor. et 26 flor. (suppl4); mention dans J. Matin, n° 693; Audit, nat., n° 599; C. Eg., n° 635; Rép., n° 146; J. Sans-Culottes, n° 454; Ann. patr., n° 499; J. Paris, n° 500; Ann. R.F., n° 167; Feuille Rép., n° 316; J. Perlet, n° 600; J. Mont., n° 19; Mess, soir, n° 635. (2) Cidevant Montmorency, Seine-et-Oise, auj. Val-d’Oise. (3) P.V., XXXVII, 210. Débats, n° 602, p. 345; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mon., XX, 474; Mess, soir, n° 635. SÉANCE DU 25 FLORÉAL AN II (14 MAI 1794) - N° 23 325 d’être dignes de la patrie, depuis l’époque où vous scellâtes par votre décret leur immortalité. » Le PRESIDENT reçoit les dons offerts, et félicite les Nantais sur le patriotisme qui les anime. FOUCHE (de Nantes) : Il est permis à celui d’entre nous qui a parcouru le plus grand nombre des communes de la République, et qui a pu le mieux en apprécier l’esprit public, de s’étonner de la défaveur que l’on a voulu jeter sur la commune de Nantes. Sans doute, il y avait dans cette commune des hommes infâmes et elle en renferme peut-être encore; mais ces restes dégradés sont auprès des sans-culottes nantais, ce que sont les ruines de la monarchie devant les monumens que vous consacrez à la liberté et à l’égalité. Je ne retracerai point les événemens mémorables qui attestent le patriotisme que je défends; je rappellerai seulement une époque pas éloignée où la commune de Nantes étoit environnée de 50,000 brigands, et administrée par des magistrats perfides. En bien ! les sans-culottes, par le développement de leur énergie, résistèrent au dehors et au dedans. Leur voix tonnante étouffa le cri de la terreur. Ils repoussèrent la horde de brigands et royalistes que les obsédoit. Vous décrétâtes alors qu’ils avoient bien mérité de la patrie. Je demande que vous décrétiez que les Nantais n’ont pas mérité de perdre ce témoignage honorable. VILLIERS : Comme il tenoit au vaste plan de conjuration, découvert par les Comités de salut public et de sûreté générale, de jeter de la défaveur sur les communes les plus importantes de la République, je crois qu’il convient de renvoyer à ces deux Comités la pétition qui vous est faite. FOUCHE : J’insiste sur la proposition que j’ai faite, sauf le renvoi proposé par le préopinant. MERLIN (de Thion ville) : J’appuie la proposition de notre collègue Fouché. Dans le long temps que j’ai passé à la Vendée, c’est dans le sein de la Société populaire de Nantes que j’ai trouvé le patriotisme qui étoit chassé des grandes boutiques et de chez les armateurs. C’est là que je trouvois ceux qui venoient avec nous recueillir les bleds et les bestiaux que nous conquérions sur les brigands, mais il faut en convenir, ceux qui tenoient de trop près au commerce ne faisoient rien pour la République. J’appuie donc la proposition de Fouché, parce que la Société populaire de Nantes compose la grande masse des citoyens de Nantes, et que le petit nombre est de ceux contre qui l’on peut former des plaintes. FOUCHE : Voici ma rédaction : La Convention nationale décrète que les saus-culottes de Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie (1) . Décrété comme suit, au milieu des applaudissements : « La Convention nationale, sur la motion d’un membre [FOUCHE, appuyée par MERLIN] décrète que les sans-culottes de la commune de (1) Débats, n° 602, p. 342; Mon., XX, 473; J. Sablier, n° 1318; M.U., XXXIX, 412. Nantes n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie. Elle ordonne la mention honorable de la nouvelle oblation qui lui est offerte en leur nom, d’une frégate de 44 canons, et de 18 cavaliers jacobins. Elle renvoie le surplus de leur pétition aux Comités de salut public et de sûreté générale » (1) . 23 « La Société populaire d’Emile (2) , disent ses » députés, vient vous offrir sa reconnoissance » pour la justice sévère que vous déployez con-» tre les ennemis du peuple, et pour la justice » magnanime qui vous fait décerner des récom-» penses à ses amis : vous avez puni les traîtres; » mais vous avez ordonné la translation de '» Jean-Jacques dans le temple des grands » hommes. Elle demande que ses cendres vien-» nent se reposer, lors de leur translation, dans » le même lieu où il a médité et écrit pour la » régénération des sociétés et des mœurs » (3) . Un PETITIONNAIRE parlant de la barre: Représentans du peuple, La Société populaire d’Emile vous témoigne sa reconnaissance, et pour la justice sévère que vous avez déployée et que vous déployez tous les jours contre les ennemis du peuple, et pour la justice magnanime qui vous fait décerner des récompenses à ses amis; vous avez puni les traîtres mais vous avez ordonné la translation de Jean Jacques dans le temple des grands hommes. C’était à vous à appeler les récompenses de la justice sur le mérite, sur la vertu; vous qui avez mis la justice et la probité à l’ordre du jour. Jadis, l’Assemblée Constituante, sur la demande de la commune d’Emile, ordonna que Jean Jacques serait mis sur la liste des grands hommes; mais alors la représentation nationale vendue au royalisme, n’accordait qu’à regret les honneurs du Panthéon aux ennemis des rois, aux amis du peuple et de la République, différait ces honneurs pour les voir annuler par le triomphe du despotisme; alors on admettait au Panthéon des hommes qu’il fallait conduire à l’échafaud; alors les vertus d’un grand homme étaient la propriété d’un individu; et il n’était pas permis à la nation de placer dans le temple de ses bienfaiteurs celui qui n’avait pensé et écrit que pour le bonheur des hommes. Ces temps ne sont plus. Le peuple par ses victoires sur le despotisme a recouvré ses droits sur tout ce qui a servi à la conquête de sa souveraineté. (1) P.V., XXXVII, 210. Minute anonyme, C 301, pl. 1073, p. 27. Décret n° 9157. Reproduit dans Bin, 25 flor. et 26 flor. (suppl4); mention dans J. Matin, n° 693; Audit, nat., n° 599; C. Eg., n° 635; Rép., n° 146; J. Sans-Culottes, n° 454; Ann. patr., n° 499; J. Paris, n° 500; Ann. R.F., n° 167; Feuille Rép., n° 316; J. Perlet, n° 600; J. Mont., n° 19; Mess, soir, n° 635. (2) Cidevant Montmorency, Seine-et-Oise, auj. Val-d’Oise. (3) P.V., XXXVII, 210. Débats, n° 602, p. 345; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mon., XX, 474; Mess, soir, n° 635. 326 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les grands hommes sont les enfants de la nature, mais leurs écrits, leurs vertus, leurs cendres sont l’héritage des nations. Jean Jacques fut l’adversaire de la tyrannie, de l’aristocratie, de la superstition, il osa, sous le fer du despotisme, appeler les peuples à la liberté, à l’égalité, à la raison. Jean Jacques fut l’ami de la morale, de la vertu, il enseigna l’une et l’autre, et jamais la raison n’a mieux parlé pour les faire aimer. Représentans du peuple, c’est au milieu de nous que Jean Jacques a mis au jour ces écrits immortels qui ont tant aidé la révolution et qui concourent si puissamment à la régénération des mœurs, vous avez déjà consacré la retraite de Jean Jacques dans notre commune en lui donnant le nom d’Emile; nous vous demandons aujourd’hui que vous ordonniez que l’auteur d’Emile, lorsqu’il sera transféré du lieu de sa dernière retraite au temple des grands hommes, vienne se reposer un instant au milieu de nous, dans le même lieu où il a médité et écrit pour la régénération des sociétés et des mœurs, afin que renouvelant parmi nous l’amour de la vertu, l’attachement aux principes de la morale, de la raison, la haine des tyrans et des préjugés, il vive éternellement dans nos cœurs et dans celui de nos enfants régénérés par une éducation républicaine. Nous voulons mériter de porter le nom d’Emile que vous nous avez donné; nous voulons que les leçons d’un grand homme ne soient point vaines parmi nous : nous voulons que l’image d’un philosophe tout occupé du bonheur de ses semblables, frappe sans cesse nos esprits et appelle sans cesse à l’imitation de ses exemples. L’imitation des grands hommes est la meilleure manière de les honorer. L’imitation des grands hommes produit l’enthousiasme de la vertu; cet enthousiasme est le caractère du républicain et nous avons juré de mourir ou de vivre sous la République)'(l). (Applaudi.) Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au Comité de salut public (2) . 24 Le citoyen Joseph-François Lescalle, de Roquefort, département des Landes, fait don à la patrie d’une pension de 407 liv. 2 sous, que lui avoient acquise ses services militaires, et en dépose le brevet. Mention honorable, insertion au bulletin, et le renvoi au Comité de liquidation (3) . 25 Une députation de la Société populaire des Tuileries, vient à la barre exposer les motifs qui avoient porté les citoyens de cette section à se réunir en société : leur premier but étoit (1) Adresse signée Ploven (présid.), Gouffe (secrétaire) . (2) P.V., XXXVII, 210. (3) P.V., XXXVII, 210. Bln, 25 flor. (suppP). d’anéantir le fédéralisme, et de s’instruire par la lecture des lois; leur point de ralliement étoit la Convention et le Comité de salut public; mais comme les Sociétés sectionnaires pourroient ralentir la marche du gouvernement révolutionnaire, ces citoyens ont arrêté la dissolution de celle qu’ils avoient formée (1). L’ORATEUR de la députation: Citoyens Législateurs, Une grande révolution s’était opérée le 31 mai. Les mouvements de fédéralisme qui s’étaient manifestés sur les différents points de la République et avaient donné lieu à cette mémorable journée, avaient éveillé le zèle de tous les bons citoyens. Us se rappelèrent alors le droit de se réunir en Sociétés populaires et les sections des Tuileries conçurent et réalisèrent le projet d’en établir une au sein de laquelle ils pussent surveiller les ennemis du bien publie. Notre première idée a été de rejeter toute espèce d’association qui peut tendre au fédéralisme que nous voulions combattre. Nous n’avons point voulu nous isoler. Nous avons laissé à tous les bons citoyens de quelque section qu’ils fussent, la liberté d’être admis parmi nous, et notre règlement renferme une disposition particulière à cet égard. Notre Société n’a présenté qu’une réunion de frères et d’amis occupés à se surveiller eux mêmes, et nous ne nous sommes jamais permis d’exercer aucun droit qui pût être une infraction aux loix générales de la République, et une atteinte à la souveraineté du peuple. Nous n’avons point influé sur la délivrance ou le refus des certificats de civisme parce que nous connaissons le droit des autorités constituées à cet égard et que nous avons toujours été persuadés que c’était au peuple en masse à prononcer sur le civisme de ceux qui en réclamaient un témoignage. Nous n’avons point influé sur les délibérations de l’assemblée générale, ni sur le choix des nominations aux places dont elle pouvait disposer. C’est au sein de notre Société qu’a pris naissance l’idée de l’établissement des fêtes à la Raison qui, dès le mois de brumaire dernier, ont été instituées dans notre section. Le monstre de l’athéisme n’y a jamais eu d’accès; le premier ouvrage qui a paru a été une hymne à l’Etre suprême qui depuis a été chantée en chœur par tous les citoyens à l’ouverture de chaque fête décadaire. Nous avons armé et équipé un cavalier qui est actuellement au nombre des défenseurs de la patrie. Enfin nos séances étaient destinées uniquement à nous éclairer, à lire les loix, et à applaudir, soit aux actions mémorables des héros de la patrie, soit aux travaux de la Convention nationale. La Convention nationale, le Comité de salut public, voilà quel fut toujours notre point de ralliement; ces noms n’ont jamais été prononcés parmi nous qu’avec respect; et nos procès-ver-(1) P.V., XXXVH, 210. Bin, 26 flor.; Audit, nat., n° 599; Ann. patr., n° 499; J. Sans-Culottes, n° 454; C. Eg., n° 635; Feuille Rép., n° 316; J. Paris, n° 500; J. Perlet, n° 600; M.U., XXXIX, 413; J. Mont., n° 19; J. Lois, n° 594; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mess, soir, n° 635. 326 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les grands hommes sont les enfants de la nature, mais leurs écrits, leurs vertus, leurs cendres sont l’héritage des nations. Jean Jacques fut l’adversaire de la tyrannie, de l’aristocratie, de la superstition, il osa, sous le fer du despotisme, appeler les peuples à la liberté, à l’égalité, à la raison. Jean Jacques fut l’ami de la morale, de la vertu, il enseigna l’une et l’autre, et jamais la raison n’a mieux parlé pour les faire aimer. Représentans du peuple, c’est au milieu de nous que Jean Jacques a mis au jour ces écrits immortels qui ont tant aidé la révolution et qui concourent si puissamment à la régénération des mœurs, vous avez déjà consacré la retraite de Jean Jacques dans notre commune en lui donnant le nom d’Emile; nous vous demandons aujourd’hui que vous ordonniez que l’auteur d’Emile, lorsqu’il sera transféré du lieu de sa dernière retraite au temple des grands hommes, vienne se reposer un instant au milieu de nous, dans le même lieu où il a médité et écrit pour la régénération des sociétés et des mœurs, afin que renouvelant parmi nous l’amour de la vertu, l’attachement aux principes de la morale, de la raison, la haine des tyrans et des préjugés, il vive éternellement dans nos cœurs et dans celui de nos enfants régénérés par une éducation républicaine. Nous voulons mériter de porter le nom d’Emile que vous nous avez donné; nous voulons que les leçons d’un grand homme ne soient point vaines parmi nous : nous voulons que l’image d’un philosophe tout occupé du bonheur de ses semblables, frappe sans cesse nos esprits et appelle sans cesse à l’imitation de ses exemples. L’imitation des grands hommes est la meilleure manière de les honorer. L’imitation des grands hommes produit l’enthousiasme de la vertu; cet enthousiasme est le caractère du républicain et nous avons juré de mourir ou de vivre sous la République)'(l). (Applaudi.) Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au Comité de salut public (2) . 24 Le citoyen Joseph-François Lescalle, de Roquefort, département des Landes, fait don à la patrie d’une pension de 407 liv. 2 sous, que lui avoient acquise ses services militaires, et en dépose le brevet. Mention honorable, insertion au bulletin, et le renvoi au Comité de liquidation (3) . 25 Une députation de la Société populaire des Tuileries, vient à la barre exposer les motifs qui avoient porté les citoyens de cette section à se réunir en société : leur premier but étoit (1) Adresse signée Ploven (présid.), Gouffe (secrétaire) . (2) P.V., XXXVII, 210. (3) P.V., XXXVII, 210. Bln, 25 flor. (suppP). d’anéantir le fédéralisme, et de s’instruire par la lecture des lois; leur point de ralliement étoit la Convention et le Comité de salut public; mais comme les Sociétés sectionnaires pourroient ralentir la marche du gouvernement révolutionnaire, ces citoyens ont arrêté la dissolution de celle qu’ils avoient formée (1). L’ORATEUR de la députation: Citoyens Législateurs, Une grande révolution s’était opérée le 31 mai. Les mouvements de fédéralisme qui s’étaient manifestés sur les différents points de la République et avaient donné lieu à cette mémorable journée, avaient éveillé le zèle de tous les bons citoyens. Us se rappelèrent alors le droit de se réunir en Sociétés populaires et les sections des Tuileries conçurent et réalisèrent le projet d’en établir une au sein de laquelle ils pussent surveiller les ennemis du bien publie. Notre première idée a été de rejeter toute espèce d’association qui peut tendre au fédéralisme que nous voulions combattre. Nous n’avons point voulu nous isoler. Nous avons laissé à tous les bons citoyens de quelque section qu’ils fussent, la liberté d’être admis parmi nous, et notre règlement renferme une disposition particulière à cet égard. Notre Société n’a présenté qu’une réunion de frères et d’amis occupés à se surveiller eux mêmes, et nous ne nous sommes jamais permis d’exercer aucun droit qui pût être une infraction aux loix générales de la République, et une atteinte à la souveraineté du peuple. Nous n’avons point influé sur la délivrance ou le refus des certificats de civisme parce que nous connaissons le droit des autorités constituées à cet égard et que nous avons toujours été persuadés que c’était au peuple en masse à prononcer sur le civisme de ceux qui en réclamaient un témoignage. Nous n’avons point influé sur les délibérations de l’assemblée générale, ni sur le choix des nominations aux places dont elle pouvait disposer. C’est au sein de notre Société qu’a pris naissance l’idée de l’établissement des fêtes à la Raison qui, dès le mois de brumaire dernier, ont été instituées dans notre section. Le monstre de l’athéisme n’y a jamais eu d’accès; le premier ouvrage qui a paru a été une hymne à l’Etre suprême qui depuis a été chantée en chœur par tous les citoyens à l’ouverture de chaque fête décadaire. Nous avons armé et équipé un cavalier qui est actuellement au nombre des défenseurs de la patrie. Enfin nos séances étaient destinées uniquement à nous éclairer, à lire les loix, et à applaudir, soit aux actions mémorables des héros de la patrie, soit aux travaux de la Convention nationale. La Convention nationale, le Comité de salut public, voilà quel fut toujours notre point de ralliement; ces noms n’ont jamais été prononcés parmi nous qu’avec respect; et nos procès-ver-(1) P.V., XXXVH, 210. Bin, 26 flor.; Audit, nat., n° 599; Ann. patr., n° 499; J. Sans-Culottes, n° 454; C. Eg., n° 635; Feuille Rép., n° 316; J. Paris, n° 500; J. Perlet, n° 600; M.U., XXXIX, 413; J. Mont., n° 19; J. Lois, n° 594; J. Matin, n° 693; J. Sablier, n° 1318; Mess, soir, n° 635.