16 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. leur de la religion a chargé ses apôtres et leurs successeurs d’aller et d’enseigner ; il leur a laissé le soin d’établir des chaires de la loi dans tel ou tel lieu, par conséquent de contribuer à établir les chaires... {On murmure...) Lorsque l’histoire de tous les temps et de tous les lieux... (Les murmures redoublent.) On veut l’exécution des décrets de l’Assemblée... Je sais très bien qu’il doit vous paraître simple que l’Assemblée ait le droit d’envoyer des pasteurs dans tel ou tel lieu; mais si elle croit qu’elle a ce droit et que ses décrets s’exécutent, pourquoi répandre la discordre dans tout le royaume?... O11 me dit, dans mon voisinage, que si la sanction du pape, passez-moi ce mot, n’est pas arrivée, c’est la faute des évêques qui s’y sontoppo-sés. Si la discussion ne tient qu’à cela, la discussion est lime; l’Assemblée n’a qu’à prier le roi d’écrire au pape. {La très grande majorité de V Assemblée s'agite et murmure.) Je sais que vous avez tous les moyens de coaction ; mais, d’un côté, si l'Eglise vous montre le texte précis, de l’autre vous serez bien aise de répondre d’une manière terrible et déconcertante. Celui qui montre une difficulté qui tient à son devoir doit indiquer aussi le moyen de la lever; si l’on adopte ce qui vous est proposé, vous mortifierez des gens de bonne foi, et c’est un supplice d’appesantir son bras sur l’homme vertueux. {Une partie de la droite applaudit). Deux moyens se présentent pour lever la difficulté; l’un, sévère et quelquefois injuste, établit et interprète ce principe. {Nouveaux murmures.) Je ne puis répéter à tout moment, et je vous prie, M. le président, de m’ubtenir du silence. Le premier concile œcuménique, celui de Nicée, vous le dit en termes précis; et quel évêque peut aller contre le concile de Nicée, dent tous les jours nous répétons le symbole? Vous prétendez que tout prêtre, tout évêque reçoit, par sa seule consécration, une mission générale sur tous les chrétiens. Le concile de Trente a défini le contraire; au delà de l’ordre, il faut la mission pour tel endroit. Et quand les évêques disent qu’il faut cette mission, ils ne disent pas que le peuple ne peut pas élire. Si les évêques disent la vérité, il faut s’humilier et se taire devant elle; s’ils se trompent, il faut ouvrir les livres saints, et montrer aux évêques qu’ils réclament une autorité que le Maître ne leur a pas donnée. Pourquoi ue pas s’entendre, lorsqu’on devrait tous être d’accord? {On murmure.) Que veut l’Assemblée? discuter une question presque métaphysique, cela n'en vaut pas la peine. {Les murmures redoublent. — Plusieurs voix : La paix I la paix!) Je veux la paix, et, si mon opinion est un moyen de discorde, je descends de la tribune. L’autre, doux, légal, honnête et religieux. Choisirez-vous le premier? J’en doute. Vous avez vu réunir des diocèses, des abbayes; depuis cent ans aucune contestation ne s’est élevée àcetégard : il n’y a pas eu d’obstacles pour les rois, et vous voulez que ces obstacles ne s’abaissent pas devant l’Assemblée nationale, et vous voulez que le pape ne soit pas effrayé par la crainte du schisme!... On me dit que je suis maladroit d’avoir nommé le pape. {La partie gauche murmure.) Je serais bien plus maladroit à sa place; car je déclare que je ferais tout ce que vous me demanderiez. Je conclus à ce que M. le président se retire par-devers le roi pour le prier de prendre les formes légales pour faire exécuter les décrets relatifs à la constitution civile du clergé. Je ne sais si ma proposition sera adoptée; mais je dé-[26 novembre 1790.) sire, si vous la rejetez, que ce refus ne vous laisse aucuns regrets. M. Camus. Je demande la parole. M. Pétlon monte à la tribune. Divers membres , à gauche, demandent le renvoi à demain. Le renvoi à la séance de demain au soir est prononcé. La séance est levée à 10 heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790. Considérations sur les limites de la puissance spirituelle et de la puissance civile, par M. de Fontanges, archevêque de Toulouse , député à l’Assemblée nationale. Ce n’est point par l’autorité des siècles précédents, que j’enlreprends de fixer les limites qui doivent régir les hommes dans l’ordre delà religion. Nous vivons dans un temps, où ce qui s’est fait avant nous en impose peu a nos lumières vraies ou prétendues. C’est par la raison, et d’après les notions des droits des hommes en société, que nous voulons juger les questions du droit public, et non par les pensées et par les exemples des hommes qui nous ont précédés. Quoique éloigné de croire que cette route mène plus sûrement à la vérité, je ne crains pas d’examiner, par les seules lumières de la raison, l’influence que doit avoir le pouvoir legislatif sur la religion. Toute nation, réunie en société, doit avoir une religion; c’est le bien nécessaire de toute association politique. Il est, en effet, de toute évidence que les lois et la morale, sans lesquelles nulle société ne peut exister, trouvent dans la religion un appui et une force que rien ne peut suppléer; et qui s’unit parfaitement à tous les motifs qui attachent les hommes à l’observation de leurs devoirs. La religion, sous le point de vue de son utilité, ne peut donc échapper à l’intérêt du Corps législatif. Cette vérité est encore plus certaine, s’il s’agit de donner des lois à une nation, qui a déjà une religion qu’elle croit bonne, sainte, et la seule qui lui soit permis de suivre. Le législateur serait insensé s’il entreprenait de la changer dans des points importants, et au moins imprudent, si sa conduite, ou ses lois, prouvaient son indifférence pour elle. L’opinion des peuples, en matière de religion, mérite toujours le respect de ceux qu’ils chargent de leur donner des lois, ou de réformer celle qui les ont régis. La nation française suit et professe Ja religion catholique depuis quatoi ze siècles. Quelque effort qu’on ait fait, dans les derniers temps, pour affaiblir son attachement pour elle, et même pour la rendre indifférente à toute religion, c’est une vérité de fait, que la très grande partie des individus qui la composent, a, sinon le même zèle et la même piété que nos pères, du moins une égale opposition à tout changement en matière de religion, et un respect, non moins grand pour [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] ses dogmes et pour sa morale. Il s’y trouve encore des classes entières qui ne se doutent pas même des efforts qui ont été faits pour la détruire. La religion en France ne peut donc pas être étrangère au Corps législatif. Non seulement il ne doit pas la contrarier par ses lois, mais il doit la protéger et la conserver précieusement, comme l’institution la plus chère aux peuples, et comme le plus puissant des moyens de rendre les lois respectables à leurs yeux par le sceau qu’elle leur imprime. Elle seule est capable de mettre à la portée de tous les esprits les véritables principes de la morale, et d’en faire une règle sûre de conduite pour tous les hommes, en les appuyant sur des bases inébranlables. Mais les lois, qui concernent la religion, demandent de la part du législateur une grande circonspection. Il est, sans doute, des points sur lesquels elle est soumise à son pouvoir, mais il en est d’autres auxquels il ne peut atteindre, et qu’elle seule a le droit de régler. Les bornes se découvrent d’elles-mèmes, s’il s’agit d’une religion que l’Etat n’a pas adoptée. Tout ce qui sort des limites de la conscience, est exclusivement du ressort de la puissance publique; elle peut tout interdire à ceux qui la professent, hors leur croyance qu’il serait encore plus extravagant que tyrannique d’entreprendre de violenter. Mais il n’en est plus ainsi, lorsqu’il est question d’une religion qui, comme la catholique en France, est la religion de l’Etat, et se trouve paria même avoir des rapports essentiels et nécessaires avec l’ordre social. Toute religion a ses dogmes, ses lois, son gouvernement et ses ministres, reconnus par tous ceux qui en font profession; c’est une véritable société qui, comme les nations elles-mêmes, a son organisation, sans laquelle (die ne saurait subsister. Mais un principe général est que cette espèce d’empire n’a nulle force extérieure par lui-même; il est, pour ainsi dire, invisible par sa nature, comme la conscience sur laquelle il s’exerce. La persuasion est le seul lien qui garantit l’obéissance, et tous ceux qui exercent quelque pouvoir au nom de la religion, ne peuvent exiger aucune soumission qui ne serait pas volontaire. Tant qu’une religion, n’est point la religion nationale, la religion de l’Etat, son empire, sur ceux qui la professent, ne sort pas de ces limites. Ëlieconserve ses lois, sa police, son gouvernement, essentiels à toute société; mais ces lois, cette police, ce gouvernement sont intérieurs, et n’ont aucuu effet au dehors. C’est ainsi que la religion chrétienne a existé pendant trois cents ans; c’est ainsi que la religion catholique existe en Angleterre, et dans les pays protestants; et c’est ainsi que les religions non catholiques doivent exister en France. Mais, si elle est devenue religion de l’Etat, alors elle est reconnue par la loi et protégée par elle. Le pouvoir civil imprime à ses lois, à ses dogmes, à ses rites Je respect que l’opinion des hommes attache aux choses saintes; il connaît ses ministres, il les fait respecter, il veille à leur subsistance, il ieur attribue des honneurs, des distinctions, des prérogatives qui se concilient avec la sainteté de leur état, et qui sont propres à les rendre plus vénérables aux yeux des peuples; il leur accorde mê 11e assez de confiance, pour les rendre, dans certains cas, les organes des lois. 11 prête son appui à la religion , pour maintenir son gouvernement et sa police, en tout ce qui n’est pas contraire au bien de l’Etat, lre Série. T. XXI. 17 mais il n’entreprend pas de lui dicter ni ses dogmes, ni ses lois. Le pouvoir qu’elle a de déterminer les uns et de faire les autres, tient à son essence, et ne dépend nullement de sa qualité de religion de l’Etat. Elle l’a et l’exerce, lorsqu’elle n’est que tolérée, et même quand elle est persécutée. Elle n’est pas moins indépendante, parce qu’elle est devenue religion de l’Etat; ce qui lui donne droit de réclamer l’intervention de la puissance civile, et impose à celle-ci l’obligation de veiller à l’observation extérieure de ses lois, et à la défense de ses dogmes; mais il ne saurait atténuer le pouvoir exclusif qu’elle a sur l’un et sur l’autre. 11 existe donc dans toute religion un pouvoir qui a le droit de faire des lois, sur tout ce qui concerne les devoirs religieux. Ce pouvoir, qui tient à son essence, est, par sa nature, indépendant du pouvoir civil, en ce sens, qa’il ne tire point comme lui son origine du peuple, et qu’il s’exerce directement sur la conscience qui est hors de Faction de la puissance temporelle. Dans la vraie religion, c’est Dieu même qui a conféré médiate ment ou immédiatement ce pouvoir à ceux qui en sont revêtus ; dans les fausses religions, l’opinion lui attribue la même origine. Il réside, suivant la religion catholique, dans les pasteurs, et il leur a été transmis au moyen d’une succession non interrompue par les apôtres, qui la tenaient eux-mêmes de Jésus-Christ. Chaque pasteur y participe, plus ou moins, dans l’étendue du territoire qui lui est assigné, et il l’exerce pour le bien spirituel des fidèles, non souverainement et arbitrairement aux règles générales, établies par l’Eglise, et sous l’inspection de ses supérieurs, dans l’ordre hiérarchique. Dans les principes de la religion catholique, ce n’est que par le corps des pasteurs unis au souverain pontife, que le pouvoir de régler tout ce qui tient à l’ordre religieux peut être exercé dans toute sa plénitude parce que, suivant les promesses de Jésus-Christ, c’est cette seule grande corporation qui a le droit de déterminer, d’une manière infaillible, le vrai sens de la doctrine qu’elle veut enseigner aux hommes, et de leur tracer des règles de conduite, toujours conformes à la raison éternelle. Partout où la puissance civile ignore, méconnaît ou usurpe le pouvoir qui appartient essentiellement à la religion catholique, elle n’est pas, ou elle cesse d’être la religion de l’Etat; et alors elle rentre dans la classe de ces religions que les gouvernements souffrent dans leurs territoires, mais qu’ils ne connaissent que pour les défendre de la persécution. Je suis loin de penser que l’Assemblée nationale de France veuille en venir à cette terrible conséquence, elle n’en a ni le droit ni le pouvoir. La nation entière a exprimé son vœu, pour que la religion catholique soit de nouveau solennellement déclarée la religion de l’Etat; ses représentants ne peuvent pas en exprimer un autre. Voilà le point fixe d’où il faut partir; la religion catholique est en France la religion nationale, la religion de l’Etat ; il ne dépend de l’Assemblée nationale, ni de la changer, ni de cesser de la reconnaître, sous cette qualité. C’est une conséquence nécessaire, qu’elle reconnaisse en môme temps le pouvoir indépendant et essentiel, qui, dans cette religion, fait des lois sur tout ce qui tient à l’ordre religieux. Le Corps législatif ne peut ni l’usurper, ni se l’assujettir. Tant que les lois religieuses n’excèdent pas les 2 18 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] limites de la conscience, tant qu’elles n’intéressent pas la propriété ou la liberté du citoyen, tant qu’elles sont étrangères à ses devoirs civils, elles ont, par le seul pouvoir dont elles émanent, toute la force dont elles sont susceptibles. Le Corps législatif lui-même leur doit le respect et l’obéissance. Mais, lorsque, par leur objet, il devient nécessaire de les combiner avec les devoirs ou les droits des citoyens, ou lorsque leur exécution exige une force autre que celle de la conscience, le pouvoir religieux ne suffit plus. Il a besoin du concours de la puissance temporelle; elle vient à son aide, non pour détruire, ou pour s’arroger le pouvoir qu’il a d’imposer de véritables devoirs, mais pour joindre son autorité à la sienne, soit en permettant et en approuvant la promulgation, l’observation et l’exécution des lois religieuses, soit en les adoptant et en les mettant au nombre des lois civiles que la force publique est chargée de faire exécuter. Ces principes qui sont fondés sur l’essence des choses , et qui s’appliquent à toute religion, vraie ou fausse, qui a la qualité de religion de l’Etat, conduisent à cette conséquence évidente, que la question sur les bornes du pouvoir religieux et du pouvoir civil, ne peut avoir lieu que lorsqu’il s’agit de matières qui ont rapport, eu même temps, à l’ordre religieux et à l’ordre social; et que, dans ce cas, ils doivent, sans s’anéantir réciproquement, concourir pour atteindre le même but. Ce concours est sans doute un problème politique, difficile à résoudre, parce que les dépositaires des deux pouvoirs sont des hommes souvent égarés par les passions; parce que les limites qui séparent les sphères de leurs actions sont quelquelois des nuances légères; parce qu’eniin il n’est point d'autre pouvoir eu ce monde qui ait le droit de les juger et L’autorité de se faire obéir. Il n’est cependant pas impossible d’assigner quelques bornes, qu’il ne leur est jamais permis de passer. Deux choses sont à considérer dans la religion : ses dogmes et sa discipline. Il ne peut y avoir de doute sur le dogme. Le Corps législatif n’a pas la prétention en France de faire des articles de foi, ni de disputer à l’Eglise’ catholique le droit de déterminer ce que les fidèles doivent croire. Ainsi l’Eglise est parfaitement libre et indépendante du pouvoir civil dans tout ce qui concerne les dogmes et l’enseignement de la foi. Il ne faudrait cependant pas conclure de ce principe, que les ministres de l’Eglise, considérés d’une manière isolée, ou même qu’une école de religion, peuvent impunément enseigner toute espèce de doctrine, sans que le pouvoir civil ait le droit de s’y opposer. Des ministres isolés, des écoles de religion, ne sont pas l’Eglise. Leurs opinions peuvent être erronées ou dangereuses pour l’ordre social; et, dans ces deux cas, le pouvoir civil peut et doit les réprimer, et s’adresser à l’Eglise pour les faire déclarer contraires à la foi, si ce moyen est nécessaire pour en arrêter le cours. Mais ces opinions, cet enseignement de quelques pasteurs de l’Eglise, ou de quelque école, ne doivent pas être confondus avec les dogmes et l’enseignement de l’Eglise catholique ; c’est-à-dire avec la foi et l’ensemble de la doctrine que professe et enseigne le corps des pasteurs, réunis avec leurs chefs. Cette foi, cette doctrine est la révélation elle-même, dont ils ont été constitués par Dieu même les gardiens et les interprètes infaillibles. Le pouvoir civil ne peut exercer aucun empire sur ce dépôt sacré, la soumission et le respect sont les seuls sentiments que les souverains eux-mêmes doivent montrer. La discipline de l’Eglise a plus de rapport que la foi avec l’ordre public des sociétés et présente par là plus de points susceptibles de l’influence du pouvoir civil. Par sa nature, elle tient moins à l’essence de la religion et peut se prêter aux diverses modifications que le bien des sociétés exige. Il est sans doute impossible de conserver une religion sans un régime quelconque. Puisqu’elle est faite pour les hommes, elle ne peut être purement spéculative. Elle doit avoir un rite, des ministres, des pratiques extérieures, et par conséquent des lois d’après lesquelles tous ces différents points soient dirigés. Mais ces lois ne sont pas tontes également importantes, égalemen t essentielles à ses yeux. Il en est qui tiennent à sa nature même, qui sont la suite nécessaire de ses dogmes et qui ont la même stabilité qu’eux. Ainsi, dans la religion catholique, la défense du divorce, l’obligation de la confession, la hiérarchie des pasteurs, etc., ne peuvent pas plus cesser d’être des lois de l’Eglise, qu'un article de foi cesser d’être enseigné par elle; et par une conséquence nécessaire, il est des points de discipline pour lesquels elle est aussi indépendante du pouvoir civii, que pour sa doctrine. Tout gouvernement qui la reconnaît pour religion de l’Etat, doit admettre aussi les lois essentielles qui la régissent, comme il admet le symbole qui contient ses dogmes. Il ne peut ni les changer, ni cesser de les protéger. Mais il est encore d’autres lois, qui, moins liées à l’existence même de la religion, peuvent être modifiées suivant le génie des peuples et la nature des gouvernements; et c’est ici, à proprement parler, où commence l’influence du pouvoir civil sur la religion et le besoin qu’elle a du concours des différents magistrats, dans lesquels résident les pouvoirs qui régissent ces sociétés. Les lois qui ne sont pas la suite des dogmes de la religion catholique, sont de deux classes différentes. Ou elles sont universelles dans toute l’Eglise et sont une partie essentielle de son régime et de son gouvernement, ou elles sont de simple police et d’une importance seulement secondaire. Ges premières sont presque comme les lois fondées sur les dogmes mêmes, absolument indépendantes du pouvoir civil, qui, en adoptant la religion catholique comme loi de l’Etat, l’a adopté avec son régime et le gouvernement qui lui est propre et par conséquent avec tout ce qui s’y trouve essentiellement lié. Si cependant il est quelques-unes de ces lois dans lesquelles le pouvoir civil croit apercevoir des inconvénients, il peut en demander le changement à l’Eglise universelle qui seule a droit d’y consentir, ~et il doit avoir assez de confiance dans sa sagesse pour ne pas contrarier, par de nouvelles instances, la décision qu’elle aurait cru devoir porter. Les lois religieuses que j’ai appelées secondaires, et qui sont de simple police, sont aussi indépendantes du pouvoir civil, dans ce sens, qu’il ne lui appartient, ni de les changer, ni de les faire; mais elles ont besoin et de sou approbation et de sa protection, lorsqu’elles ont des rapports avec l’ordre social. Il a le droit alors d’examiner, si elles ne lui sont pas opposées, de les rejeter et d’en défendre l’exécution , s’il les trouve contraires à la liberté, à la propriété ou aux droits civils des citoyens. Pour développer davantage ces principes , je vais les appliquer à quelques exemples. La défense du divorce est une loi fondée sur les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] dogmes de l’Eglise catholique ; c’est un article de foi défini par le concile de Trente, que le vrai sens de la doctrine évangélique et apostolique, sur l’indissolubilité du mariage, est qu’il ne peut être dissous dans aucun cas, pas même dans celui d’adultère (1). Non seulement le pouvoir législatif ne peut pas abroger cette loi faite par un pouvoir différent du sien, mais encore, il ne peut pas cesser de la reconnaître et de la faire observer en France; parce que le législateur ne peut pas permettre ce qu’il sait être contraire à la religion de la nation. Or, cette religion, dont il ne peut méconnaître l’autorité, enseigne qu’il n’v a point de cas où le divorce ne. soit contraire à la doctrine de Jésus— Christ, le législateur est donc obligé de conserver la loi qui le défend, et de la faire observer. H en est de même de toutes les autres lois qui ont pour fondement les dogmes de cette religion. Elle les porte avec elle partout où elle pénètre. Le gouvernement qui l’adopte, les adopte aussi, et met au nombre de ses lois civiles tout ce qui tient à l’ordre social. Celui qui refuse de les insérer dans son code, refuse en même temps de la reconnaître en même temps comme religion de l’Etat, et c’est seulement dans ce cas, que, déchue de celte prérogative, l’obligation qui résulte de ces lois est renfermée dans la conscience. Le célibat des prêtres est une autre loi de l’Eglise, mais d’un ordre différent. Elle n’a pas, comme le divorce, un dogme pour fondement, mais elle fait partie de son régime et de son gouvernement. Elle est presque aussi ancienne, qu’u-niversellement suivie et pratiquée. Il ne s’agit pas ici d’examiner ses avantages et ses inconvénients, non plus que les motifs de l’Eglise en l’établissant. C’est un point de fait qu’elle existe dans toute l’Eglise catholique, depuis quatorze ou quinze siècles. C’est une vérité, non moins certaine, que l’Eglise a eu le pouvoir de rendre cette loi , parce qu’il est de l’essence de tonte société d’avoir une autorité suffisante pour faire toutes les lois qu’elle croit propres à sa meilleure organisation. L’Eglise catholique n’a pas eu besoin pour cola du concours du pouvoir civil. En établissant l’obligation du célibat pour les prêtres, c’est leur conscience qu’elle a liée, et c’est par des peines purement spirituelles qu’elle a sanctionné sa loi. Tout cela n’est pas du ressort de la puissance temporelle, et jusque-là l’Eglise a pu et dû agir sans elle. Mais son intervention est devenue nécessaire pour donner des effets civils à cotte loi, et forcer à son observation ceux que le frein de la conscience n’aurait pas arrêtés. Le pouvoir religieux ne pouvait aller jusque-là, et c’est du pouvoir civil seul, qu’elle a emprunté cette nouvelle force. A-t-il pu, a-t-ii dû, dans l’origine, refuser son concours? ce sont des questions presque oiseuses, auxquelles la réponse est facile. C’est avec la loi du célibat des prêtres, que la religion catholique est devenue eu France la religion de l’Etat. Cette loi fait partie non seulement du régime particulier de l’Eglise de France, mais de l’Eglise universelle, qui la prescrit, comme un point important et capiial de son gouvernement. La puissance temporelle n’a pu ni dû la contredire par des lois contraires, ni même refuser de concourir, par une intervention spéciale, (1) Si quis dixerit Ecclesiam errare cum docuit et ducet juxta evangelicam et apostolicam doctrinam, propter adulterium, matrimonii vinculum non posse dissolvi ......... anathema sit. Cau. 7, sess. 24. 19 à son observation. Car si elle avait pu la contredire par des lois contraires, elle aurait prétendu faire cesser l’obligation de conscience qui résulte d’une loi de religion, ce qui est contradictoire avec la croyance à cette religion; et si elle avait pu refuser de la faire observer par l'intervention de la force qui lui appartient, l’Eglise, qui n’en a aucune pour se faire obéir dans une matière de ce genre, aurait cessé dès lors de se regarder comme la religion de l’Etat� dans un pays qui aurait refusé d’admettre le régime qu’elle a cru devoir adopter. Qu’est-ce, en effet, pour elle que le privilège d’être religion de l’Etat, si elle ne trouve pas, dans le pouvoir civil, la protection dont elle a besoin pour faire observer les lois qu’elle croit nécessaires à son gouvernement? La puissance temporelle a donc dû en France, comme dans tous les pays catholiques, mettre au nombre des lois civiles, la loi religieuse sur le célibat des prêtres. Aussi l'a-t-elle fait, et on ne trouve pas une époque dans laquelle elle ait cessé de concourir à son observation. Peut-elle à présent retirer ce concours, et déclarer, qu’à l’avenir les lois civiles permettront le mariage des prêtres? Non. Parce que la loi religieuse qui les a défendus a été l’exercice légitime d’uoe autorité reconnue dans toute religion qu’on croit vraie, d’imposer des devoirs, et de faire des lois qui obligent la conscience. La loi du célibat des prêtres catholiques, pour être en contradiction avec les lois civiles d’un Empire, n’en existe pas moins, tant que l’autorité qui l’a faite ne l’a point rétractée. Elle lie la conscience, et le Corps législatif lui-même ne peut méconnaître cette obligation, sans cesser de croire à cette religion. Les prêtres sont les ministres essentiels de cette religion; elle ne peut exister sans eux. La nation qui l’adopte, en adopte aussi les ministres; ils ont des devoirs, des obligations et des fonctions attachées à leur état, qui leur sont prescrits par le pouvoir religieux inhérent à l’Eglise catholique. Les lois qui les déterminent, et l’obligation de les observer, suivent les ministres de la religion partout où ils existent. Ils y sont soumis par le plus impérieux des motifs, celui de la conscience. Tant que la puissance civile les reconnaît comme ministres de la religion qu’elle adopte, elle connaît aussi les lois auxquelles ils sont assujettis, et elle sait, qu’ils ne peuvent les enfreindre, sans trahir leur conscience. Elle ne peut donc ni les abolir, parce qu’elles émanent d’une autre autorité que la sienne, ni en dispenser, parce que son pouvoir ne s’étend pas sur les consciences , ni en autoriser l’infraction , parce que ce serait approuver la violatiou d’un devoir. Le célibat est une de ces lois à laquelle l’Eglise a soumis tous ses ministres. En France, le pouvoir civil connaît cette loi et l’obligation de conscience qui en résulte, pour ceux qu’elle regarde; il ne peut donc pas approuver les mariages des prêtres par une loi qui y attacherait les effets civils. Car ou il croirait par cette loi nouvelle avoir anéanti la loi religieuse du célibat, ou il ne cesserait pas de croire qu’elle subsiste encore. Dans le premier cas, il s’arrogerait un pouvoir qu’il n’a pas; dans le second, il approuverait l’infraction d’une loi dont il reconnaîtrait lui-même l’existence. La loi religieuse du célibat des prêtres catholiques est donc indépendante du pouvoir civil sous deux rapports : le premier, parce qu’il ne peut ni l’abroger, ni la changer; le second, parce qu’il doit concourir à ce qu’elle soit observée, en 20 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] tout ce qui est de son ressort, Il en est de même de toutes les autres lois religieuses qui sont des parties importantes du gouvernement de l’Eglise universelle, et qu’elle a cru devoir établir pour le maintien de son régime. Si cependant le pouvoir législatif reconnaît dans quelques-unes de ces lois générales des inconvénients, que les changements amenés par le temps, dans les mœurs, dans les opinions, dans les climats, rendent assez graves, pour que l’observation en devienne trop difficile, il peut et il doit recourir à l’autorité qui les a faites, pour lui en demander l’abrogation. Celle-ci, toujours dirigée dans sa conduite par une sage condescendance, peut et doit se rendre à ses représentations. C’est précisément en cela que consiste la différence entre les lois fondées sur les dogmes, et celles qui sont de pure discipline. Celles de la première classe ne peuvent être changées par l’Eglise elle-même, et la puissance civile doit s’y soumettre ou renoncer à la religion catholique. L’Eglise, au contraire, a un pouvoir absolu sur les autres et peut les faire céder aux circonstances qui en exigent le changement. Enfin, il en est d’une troisième classe, sur lesquelles la puissance civile a encore plus d’influence, ce sont celles qui ne tiennent que d’une manière secondaire au régime de l’Eglise catholique. Je prends pour exemple les lois religieuses, qui concernent les ordres monastiques. Comme ministres de l’Eglise, les religieux ne sont pas nécessaires au culte ; sous le rapport de chrétiens plus réguliers, leurs obligations sont les conseils et non les devoirs de l’Evangile. Ainsi, ils ne tiennent ni à l’essence de la religion, ni à la nature du gouvernement de l’Eglise. Mais ces institutions, étant purement religieuses, c’est au pouvoir religieux à faire des lois qui déiermi-nent leur manière d’exister. Si ces lois, si cette manière d’exister n’avaient point de rapports avec l’ordre social, la puissance temporelle ne devrait point y intervenir, mais, si les ordres monastiques ne peuvent point exister sans former des sociétés politiques, s’il y a des effets civils, attachés à leurs obligations, le concours du pouvoir civil devient nécessaire, parce que sans lui nul corps politique ne peut exister, parce que lui seul peut attacher des effets civils à des lois religieuses. De là, suivent deux conséquences évidentes. La première, que nul ordre religieux ne peut s’établir dans un Etat, sans l’intervention de la puissance temporelle. La seconde, qu’elle conserve toujours la liberté de les supprimer. Et, en effet, pour qu’un ordre religieux cesse d’exister dans un Etat, ii suffit que la puissance civile ne veuille plus qu’il forme une société politique, et que ses obligations religieuses aient des effets civils; or, le pouvoir temporel est, toujours libre de retirer son intervention sous ces deux rapports. L’existence des ordres religieux ne tient ni aux dogmes, ni au régime de l’Eglise d’une manière nécessaire : elle peut donc exister meme comme religion de l’Etat sans cet accessoire; et le pouvoir civil pourrait, sans cesser de la regarder comme telle, anéantir les ordres religieux. C’est ici le lieu de faire une observation importante sur la différence du pouvoir que l’autorité civile peut exercer à l’égard du célibat des prêtres catholiques. L’un et l’autre sont prescrits par les lois religieuses qui obligent en conscience; l’un et l’autre n’ont d’effets civils que par l’intervention du pouvoir temporel, qui a regardé comme nul tout mariage contracté par un prêtre catholique, ou par un religieux engagé par la profession solennelle. Cependant le pouvoir civil peut, sans le concours de l’Eglise, non pas délier les religieux de leurs engagements, mais déclarer que les vœux qui seront faits à l’avenir n’ôteront plus la liberté de contracter des mariages valides aux yeux de la loi, tandis qu’il ne peut pas cesser de faire intervenir cette même loi, pour interdire les mariages des prêtres catholiques. La raison de cette différence est que la profession religieuse n’étant pas nécessaire à la religion catholique, le pouvoir civil peut déclarer qu’à l’avenir, il ne connaîtra plus de vœux religieux; dès lors, ceux qu’on pourrait faire, seraient ignorés par la loi, et l’obligation qui en résulterait, resterait circonscrite dans les limites de la conscience. 11 en serait de ces vœux comme de ceux qui ont été connus jusqu’ici sous le nom de vœux simples ; la loi civile n’empêche pas, et ne peut empêcher ceux qui les ont faits, de les enfreindre, parce qu’ils lui sont inconnus. Mais il n’en est pas de même des prêtres catholiques : ils sont essentiels à la religion, qui ne peut exister sans eux. Tant que le pouvoir civil la reconnaît comme religion de l’Etal, il sait nécessairement qu’iis en sont les ministres, et il connaît la loi qui les oblige au célibat. Il ne peut donc ni les eu dispenser, ni cesser d’en protéger l’observation. Mais, si ces principes prouvent l’autorité absolue du pouvoir civil sur l’existence politique des corps religieux, la rigueur des conséquences qui en dérivent, ne s’étend pas jusqu’ à en conclure que la puissance temporelle peut arbitrai rement dépouiller de leur état les religieux qu’elle trouve existant, ou révoquer les lois, qui les ont considérés comme tels. Le pouvoir civil ne peut supprimer un ordre religieux qu’en déclarant qu’à l’avenir les lois religieuses, qui lui sont propres, n’auront plus d’effets civils et seront à ses yeux comme n’existant pas. 11 ne sera plus tenu ni de les protéger ni d’en empêcher l’infraction, parce qu’il cessera de les connaître, et si un individu promettait encore de les suivre, sa conscience serait le seul garant de l’exécution de ses promesses, ii serait toujours regardé comme libre par la loi civile, qui ne verrait dans lui que le citoyen. Mais il n’en est pas ainsi des individus que le pouvoir civil trouve religieux, lorsqu’il prononce la suppression de l’ordre auquel ils se sont attachés sous la protection des lois. Ils ont le droit de conserver leur état jusqu’à leur mort, il n’y a que la force arbitraire, qui paisse ie leur ôter. Bien plus, la loi est toujours obligée de protéger leurs obligations religieuses et d’en empêcher l’infraction, parce qu elles ont été contractées sous son au tomé, et qu’elle ne peut ni ignorer, ni cesser de reconnaître que ce sont peureux de véritables obligations de conscience. Si donc elle approuvait que ces individus cessassent de les observer, die se rendrait elle-même complice de leur par j ure. It y a une grande distinction à faire entre ce que peut le Corps légistatif, en matière de religion, et ce qu’il lui convient de taire. C’est la nature et l’essence des choses qui fixent les limites de son pouvoir. Mais la conscience de ceux qui l’exercent, la prudence, l’intérêt de la société, l’opinion des peuples, leurs préjugés môme, si on veut, sont autant de conseillers qu’il doit interroger, avant d’ordonner de3 changements en matière de religion, même dans les points où 21 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 novembre 1790.] il n’a pas besoin du concours du pouvoir religieux. Cette règle que la sagesse prescrit à tout législateur, est applicable à tous les pays, où il existe une société, et par conséquent une religion nationale ; mais bien plus encore à la France, qui a le bonheur de professer la seule religion véritable. Ce serait une grande et fatale erreur, de confondre nos institutions religieuses avec nos institutions sociales. L’Assemblée nationale s’est eu permis d’anéantir presque toutes celles-ci, et d’en substituer d’autres, dont elle attend le bonheur et la régénération de la France. La nation jugera si elle a excédé le pouvoir qu’elle lui avait confié : le temps et l’expérience apprendront si elle l’a exercé utilement. Mais le pouvoir, qui a établi nos institutions religieuses, ne réside pas même dans la nation. L’Assemblée nationale ne peut donc ni Jes renverser, ni les changer; et quelle que soit la puissance qu’elle s’attribue, on doit lui dire, qu’il est des limites, en matière de religion, qu’elle ne peut franchir, et des bornes qu’il est de son devoir de respecter. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790. Lettre de M. l’Évêque de Nantes à MM. les recteurs et ecclésiastiques de son diocèse. A peine, nos très chers coopérateurs, goûtions-nous le bonheur de nous trouver réunis à vous, et au milieu des fidèles de notre diocèse, r objet continuel de notre attachement le plus vif, quedes circonstances nouvelles sont venues nous conseiller une seconde absence : nous nous flattons cpiVUe ne sera pas longue; nous espérons voir bientôt se dissiper l’erreur qui l’a occasionnée et que noas pourrons, incessamment, sans obstacle, céder au désir qui nous rappelle sans cesse vers vous. Mais dans cet intervalle, quelque court qu’il soit, il est possible qu’une fausse renommée ou des relations inexacte?, aient altéré la vérité des motifs qui nous oui éloigné : ii est possible que vos âmes aient été contristées, que l’inquiétude règne dans vos esprits : dès lors, c’est un devoir pour nous de vous instruire, nous le devons an soin de notre réputation, à la dignité de notre ministère, pour votre consolation, et l’édification du troupeau que la Providence nous a confié, lorsqu’elle a dit : « Altendile vobis et universo gregi, « inquo vosspiritus sancius posuit Episcopos regere « Ecclesiam Dei (1). » Nous ne voulons donc pas, nos très chers coopérateurs, vous laisser ignorer aucun des faits qui se sont passés pendant notre séjour à Nantes ; et c’est avec tonte la simplicité de la vérité que nous vous les exposerons. Le 5 de ce mois, M. le procureur général syndic du département nous avait fait faire une signification par le ministère de deux notaires, tendant à nous demander nos résolutions, relativement à l’organisation civile du clergé : le mercredi 17, nous lui fîmes notifier notre réponse ; elle a été imprimée ; elle vous est sans doute connue. Le lendemain, jeudi 18, une députation composée de plusieurs membres réunis du département, du district, de la municipalité, du club, dit des amis de la Constitution , et de la garde nationale, se présenta pour nous renouveler la demande de notre consentement à la suppression de plusieurs églises paroissiales de la ville, et de leur réunion à la cathédrale. Conséquemment aux principes consignés dans notre notification du 17, et dans une lettre adressée à M. le procureur général syndic, en date du 16 octobre dernier, nous répondîmes que les chapitres des églises cathédrales tenaient à la discipline générale de l’Eglise, qu’elle-même les a revêtus et investis de la juridiction épiscopale, pendant la vacance des sièges, pour gouverner les diocèses ; que l’autorité seule, qui a donné ces pouvoirs, peut les ôter, avec les formes canoniques, et les transmettre à d’autres ; qu’il n’est point en la puissance d’un évêque particulier, qui, à lui seul, n’est point l’Eglise, de faire un pareil changement que, par conséquent, une administration purement civile et temporelle ne pourrait pas en avoir plus le droit et le pouvoir, qu'elle n'a celui de donner la mission pour V administration des sacrements ; qu’au surplus, il était notoire que Sa Majesté s’était adressée, sur un objet aussi essentiel, au pape, chef visible de l’Eglise, et nous insistâmesà demander qu’on attendit sa décision. Nous voudrions vous taire, nos chers coopérateurs (mais la vérité nous le défend) qu’il nous fût témoigné de l’improbation sur ce recours au pape, chef visible de l’Eglise ; qu’on se permît de nous accuser d’être parjures et de violer nos serments ; que nous eûmes besoin de rappeler que, lorsque nous prononçâmes notre serment civique devant la municipalité de Nantes, nous exemptâmes formellement et textuellement tout ce qui pourrait avoir rapport aux principes sacrés de la religion, et qu’alorsmême plusieurs membres de la municipalité manifestèrent la même exception. Nous pouvons donc vous dire, a ver-l’apôtre des nations, écrivant aux Corinthiens (1) ; igitur et si scripsi vobis non propter eumqui fecit injuriant, sed propter eum qui passus est , sed ad manifestanclam sollicitudinem nos tram quant habemus pro vobis. Et, en effet, nos chers coopérateurs, quand nous n’avons pas cru les intérêts de notre sainte religion compromis, n’avons-nous pas été les premiers à vous donner l’exemple de la soumission la plus entière à toutes les lois de l’Etat? Oui, nous vous le donnerons toujours l’exemple de cette soumission, de cette obéissance aux puissances de la terre, que nous ordonne l’Evangile, dont nous sommes les ministres, dans ce qui ne sera pas contraire aux ordres de Dieu. Parce que toute puissance vient de Dieu, et que celles qui existent ontété établies par lui (2). Qui resistilpo-testati, Dei ordinationi resistit... Non est enirn potestas nisi à Deo, quæ aulemsunt, à Deo ordinaire sunt. Nous vous adjurons donc, au nom de Dieu, de dire si nous vous avons jamais enseigné une autre doctrine ; nous vous adjurons vous tous, fidèles de notre diocèse; nous vous adjurons vous, en particulier, membres de la députation du jeudi matin , 18 de ce mois, de dire s’ii est sorti de notre bouche un seul mot qui soit contraire à ces principes ; si nos réponses n’ont point respiré uniquement la douceur et la modération, et si elles ont exprimé autre chose que la distinction nécessaire entre la paissance spirituelle, la puissance civile et temporelle, et la soumission resta) Ch. X, v. 18. (2) Saint Paul ausc llom., ch. XIII, v. 1, 2. (1) Actes des Apôtres , ch. XXIV, v. 28.