BAILLIAGE DE BESANÇON. CAHIER Des pouvoirs et instructions donnés au député du clergé du bailliage de Besançon aux Etats généraux de 1789 (I). Le clergé du bailliage, de Besançon désirant donner au Roi, à la nation et à la province en particulier, les preuves les moins équivoques de son zèle pour la religion et pour les intérêts de la patrie et de son vœu pour la prospérité générale du royaume, a chargé son député de porter au pied du trône et de la nation assemblée l’expression de ses sentiments. Le député peindra à l’auguste chef de la monarchie, tels qu’ils sont gravés dans tous nos cœurs, notre amour pour sa personne sacrée, notre attachement inviolable aux lois fondamentales du royaume et notre vive reconnaissance pour la justice que Sa Majesté vient de rendre à ses peuples en rétablissant les assemblées de la nation. Il n’oubliera pas que les membres du clergé attachés spécialement au service des autels, n’ont point d’intérêts plus chers que ceux dv. la religion, et qu’il doit se défendre avec autant de zèle que de courage, mais il se souviendra que ses commettants sont des citoyens ; que les besoins de l’Etat sont urgents et que, dans ce moment comme dans tous les autres, le clergé croit donner l’exemple du plus entier et du plus généreux dévouement. 11 ne prendra aucune délibération avant que le gouvernement n’ait avoué et reconnu les articles suivants, tendant à maintenir la religion et à assurer la liberté et la propriété des citoyens de tous les ordres et de tous les états. 1° Le gouvernement s’engagera, par un serment solennel, à protéger et à défendre la religion catholique, apostolique et romaine, et à ne pas permettre que les non catholiques, de quelque secte qu’ils soient, ne puissent jamais exercer en France le culte public de leur religion. 2° Le retour périodique des Etats généraux tous les trois, quatre ou cinq ans, dans la forme que les Etats généraux Fixeront eux-mêmes la tenue prochaine. 3° L’établissement d’Etats particuliers dans chacune des provinces suivant la forme qui sera jugée la meilleure par les Etats généraux, d’après les vœux combinés des différentes provinces. 4° L’impôt, quelle qu’il puisse être, ne sera consenti, que pour trois, quatre ou cinq ans, c’est-à-dire pour le temps qui s’écoulera d’une tenue d’Etats à une autre, et on ne pourra dans la suite imposer ou emprunter sous quelque prétexte que ce soit, sans y être autorisé par les Etats généraux, tous les impôts et tous emprunts devant être déclarés nuis, s’ils ne sont point revêtus de cette autorisation. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 5° Les ministres seront responsables aux Etats généraux de l’emploi des impôts et des emprunts qui auront été consentis. 6° L’impôt consenti et réparti entre les provinces par les Etats généraux sera perçu par les Etats particuliers de chaque province, de telle sorte que chacun, de quelque Etat qu’il soit, paye à propm tion de ses faculiés, et que nul fonds ne sorte des provinces qu’au préalable le payement de toutes leurs dépenses intérieures ne soit assuré. 7° Aucune loi générale pour le royaume n’aura de force qu’après avoir été consentie par les Etats généraux ; nulle loi particulièie à une province n’y sera obligatoire qu’après avoir reçu la sanction des Etats de cette môme province. Avant de consentir ces lois, les Etats pourront prendre l’avis des cours, mais le consentement des Etats une fois constaté, les cours ne pourront en refuser l’enregistrement, réservant à Sa Majesté, dans l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, de statuer sur les difficultés qui pourraient survenir et objets instants qui seraient à régler par les déclarations et lettres patentes seulement et s’en rapportant à la sagesse des Etats généraux pour donner à ces actes, de concert avec le Roi, la sanction nécessaire. 8° L’abolition de l’usage odieux des lettres de cachet, dont un si grand nombre d’honnêtes citoyens ont été les victimes. Les Etats généraux aviseront aux moyens à indiquer à Sa Majesté pour maintenir la "tranquillité publique et pour sauver l’honneur des familles. 9° Nul citoyen, de quelque ordre qu’il soit, ne pourra être jugé en ce qui concerne son honneur, sa fortune ou sa vie, que par les tribunaux avoués de la nation, et l’usage des connaissances extraordinaires et des évocations sera entièrement aboli, sauf pour les évocations, dans les cas de l’ordonnance. Après que ces articles auront été reconnus et rédigés en une charte signée, scellée et publiée de la manière la plus authentique, charte dont il sera reconnu que les rois devront jurer à leur sacre l’observation, le député présentera les articles suivants qu’il est chargé d’appuyer et de soutenir. Art. 1er. Il lui est enjoint de réclamer vivement, et avec tout le zèle qu’autorise une juste demande, le maintien de la religion dans toute sa pureté; il représentera au Roi que l’article le plus essentiel de la capitulation qui a réuni la province à la couronne, concerne la religion ; qu’il y a été expressément et formellement promis, par les rois ses prédécesseurs, de ne jamais souffrir qu’aucune secte contraire à la religion catholique, apostolique et romaine ne s’introduisit dans la province ; il appuiera ses réclamations de celles du parlement de Franche-Comté, qui a rejeté l’édit des non catholiques comme contraire à nos privilèges et capitulations ; il demandera que cet édit ne soit plus présenté à l’enregistrement et que les articles 12, 13 et 14 de la déclaration du 14 mai 1724 334 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Besançon.] continuent à être exécutés ; en conséquence, qu’on ne puisse être admis en aucune charge de judi-cature, même dans les places de maire, échevins et autres officiers des hôtels de ville, soit qu’ils soient érigés en titre d’office, ou qu’il y soit pourvu par élection ou autrement, ensemble dans celles de greffiers, procureurs, notaires, huissiers et sergents de quelque juridiction que ce puisse être, et généralement dans aucun office ou fonction publique, soit en titre ou par commission, même dans les offices de la maison de Sa Majesté des maisons royales, sans avoir obtenu préalablement du curé de la paroisse sur laquelle on demeure, une attestation de bonne vie et mœurs, ensemble de l’exercice actuel de la religion catholique, apostolique et romaine. 11 demandera enfin que les non catholiques soient exclus de tout enseignement public et particulier • qu’ils ne puissent avoir place dans aucun bureau, administration, soit des hôpitaux, soitdes collèges, ou autres écoles publiques, et qu’à la mort de chaque ministre protestant dans les quatre terres et dépendances, il lui soit substitué tin ministre catholique. Art. 2. Qü’indépendamment de la publication des bans dahs les lieux de domicile de fait et de droite en conformité de l’ordonnance, elle sera encore faite dans les lieux d’origine, tant pour les majeurs que pour les mineurs. Les curés tiendront registre de tous les bans qu’ils publieront, registres qui seront signés par les parties ; on y insérera les noms des parties et ceux de leurs parents. Art. 3. Le clergé du bailliage de Besançon renonce à tous privilèges pécuniaires, et demande que pour Légalement de l’imposition, les rôles soient communs aux trois ordres de l’Etat. Art. 4. Les ecclésiastiques et réguliers imposés comme le reste des citoyens, participeront aux avantages des communautés, en proportion de leur quote-part de l’imposition. Art. 5. Dans les cas où les assemblées du clergé de France n auraient pas lieu, à raison de l’égalité des impôts et de l’uniformité de la répartition, Sa Majesté voudra bien permettre tous les dix ans un concile national et un concile provincial tous les trois ans, pour le maintien de la religion, de la discipline et des mœurs. Art. 6. L’amélioration du sort des curés qui a déjà fixé à différentes époques, l’attention du Roi, doit être mise de nouveau sous les yeux de Sa Majesté et de la nation pour être 1 objet dé la mesure la plus prompte , la plus utile et la plus raisonnable -, cette amélioration , que la charité réclamerait pour le besoin des pauvres quand le désintéressement des pasteurs s’obstinerait à se taire, sera, de la part de Sa Majesté, un véritable soulagement pour son peuple, Soit par les moyens qu’elle fournirait aux curés de le secourir dans ses besoins et ses infirmités, soit par la suppression totale du casuel forcé qui fait aujourd’hui une portion considérable du revenu de la plupart des curés avec laquelle cependant ils ne peuvent guère, et sans laquelle ils ne peuvent rien. Cependant le casuel aura toujours lieu jusqu’à ce qu’on soit parvenu à faire des fonds pour rendre meilleur le sort des Curés. Art. 7. On pourrait assigner en dédommagement aux curés de campagne, indépendamment du produit des fondations, une portion congrue de 1,200 livres et 400 livres en sus pour un vicaire à celui qui aurait deux églises à desservir. Art. 8. L’ordinaire diocésain sera prié d’accorder deux vicaires aux curés chargés d’une succursale dont les paroissiens excéderont le nombre de mille cinq cents communiants ; ceux-ci par conséquent toucheraient 800 livres en sus de leur portion congrue. Art. 9. L’ordinaire serait également prié de donner à tout curé desservant une seule église, mais dont la paroisse comprendrait huit cents communiants, un vicaire, et deux si le nombre des communiants excédait dix-huit cents, avec la pension fixée dans l’article qui précède. Art. 10. Un curé dont la paroisse contiendrait six cents communiants seulement, mais qui serait divisée en plusieurs villages ou hameaux distants d’une demie-lieue de l’église aurait également un vicaire; il en serait de même des curés dont les paroissiens sont épars et éloignés de l’église et du presbytère, en quelque nombre que fussent les communiants. Art. 11. Les curés seront tenus de prélever sur la pension de lehrs vicaires, 100 livres d’honoraires pour chacun d’eux. Art. 12. Il serait à propos que les Etats généraux engageassent les évêques à reunir les villages ou hameaux qui sont très-éloignés du chef-lieu de leur paroisse à la cure qui en serait la plus voisine. Art. 13. Il conviendrait de fixer aux curés des villes qui n’ont pour dotation que le casuel ou des fonds d’un modique rapport, l’union de bénéfices simples en proportion du nombre des paroissiens et des charges des curés. Art. 14. Les vicaires en chef, c’est-à-dire ceux qui résident ailleurs que chez les curés des mères paroisses, auront une portion congrue de 600 livres. Art. 15. Dans tous les cas, les curés dont le revenu ne serait pas suffisant, conserveraient leurs fonds curiaux: on évaluerait le produit annuel de ces fonds, et on ne ferait qu’y ajouter la somme qui doit compléter l’apportionnement des curés. Art. 16. Il est plusieurs moyens de fournir à cette augmentation de portion congrue; on trouverait pour elle des ressources abondantes dans le revenu des premières années de vacances des abbayes et prieurés, si le Roi jugeait à propos d'en ordonner le séquestre pour un temps, dans le produit dés chapelles de nomination ecclésiastique et de celles qui seraient de nomination royale, de tous les bénéfices simples qui n’exigent ni service personnel ni résidence, dans le sixième des revenus de toUte abbaye ou prieuré depuis 4,000 livres jusqu’à 10,000 livres de rente, dans le quart des bénéfices ndn évêchés, depuis 10,000 livres jusqu’à 30,000, et dans le tiers depuis 30,000 et au-dessus, mais après la mort des titulaires actuels seulement, et s’il arrivait qu’on obligeât dans la suite les religieux suffisamment rentés de remplir quelques collèges, ce qu’on prend aujourd’hui sur les revenus des jésuites pour les pensions des professeurs actuels serait également employé au supplément des portions congrues. Art. 17. Les fonds qui résulteraient de toutes ces sommes partielles seraient déposés dans la chambre interraédiairedesEtats provinciaux, pour être distribués annuellement à chacun des curés qui seraient dans le cas d’y participer, en préférant d’abord les curés dont les paroisses payent la portion congrue et au-dessous de cent écus seulement. Art. 18. L’avantage des peuples sollicite la résidence des commendataires dans leurs bénéfices et celle des évêques dans leurs diocèses. Art. 19. Toutes les cures devraient être mises au concours, ou du moins les patrons laïques et [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Besançon.] §3o ecclésiastiques des cures ou ceux qui les résignent, devraient être astreints à ne choisir que parmi les vicaires admis an concours. Art. 20. Sa Majesté sera suppliée de ne donner les bénéfices de nomination royale qu’au mérite et à la pluralité des suffrages d’un comité de prélats reconnus pour savants et vertueux, qui veilleraient et. feraient veiller sur la conduite des aspirants ; le défaut de talent et de mœurs deviendrait une exclusion pour les évêchés surtout. Art. 21. Gomme une partie des religieux travaille au salut des âmes et qu’une autre partie emploie souvent la portion la plus considérable de ses revenus au soulagement des pauvres, à l’exercice de l’hospitalité, et que les uns et les autres contribuent ainsi que les religieuses à l’édification publique, il faut demander la conservation de chaque ordre ; mais comme il est constant que le changement dans les mœurs peut en exiger dans quelques portions du régime monastique, le député ne se refusera pas à l’établissement d’une commission momentanée, pour aviser, pendant la tenue des Etats généraux, aux modifications que chaque institut pourrait recevoir pour, en s’écartant le moins possible de l’es-rit des fondateurs, appliquer chaque ordre à un ut d’utilité publique. A.rt. 22. Que tous les gens de mainmorte soient maintenus dans leurs possessions telles qu’elles se comportent actuellement, et qu’on leur permette d’échanger leurs fonds contre d’autres de même valeur, et de construire et reconstruire sans payer les droits d’amortissement. Ils désireraient aussi qu’il leur fût libre de placer en rentes sur les particuliers leurs économies et les remboursements qui leur sont faits; le fisc y gagnerait davatitage, par la raison que les droits de contrôle seraient bien plus fréquemment payés. Art. 23. Le produit des 2 sols pour livre de la vente des bois des bénéficiers et des communautés du comté de Bourgogne sera versé dans la caisse de la commission intermédiaire, pour être distribué, suivant sa destination, aux besoins des communautés religieuses de filles de la province ; l’excédant, s’il s’en trouve, sera employé au soulagement des indigents ou des communautés frappées d’incendie, de grêle ou d’autres sinistres. Art. 24. Les collèges seront toujours soumis à l’inspection de l’évêque diocésain, et on suppliera Sa Majesté de donner suite au projet de réforme de l’éducation dans les universités et dans les collèges. Art. 25. Les professeurs ecclésiastiques qui auront enseigné autant d’années qu’on en exige ordinairement de service pour que les vicaires soient admis au concours, seront habiles à posséder les bénéfices clers, s’ils ont exercé le saint ministère avant qu’ils fussent appelés daüs les collèges ou pendant qu’ils y résidaient. Art. 26. Le député ecclésiastique du bailliage de Besançon consentira à ce qu’avec l’égalité de norii-bre, le tiers ait aussi dans les Etats généraux l’égalité des suffrages, en matière d’imposition, de législation et d’administration et que les voix soient comptées par tête et non par ordre, soit qu’on opine les trois ordres réunis; mais les matières de religion et de discipline ecclésiastique étant du ressort du clergé, le clergé aura son vœu séparé sur ces objets, sur lesquels les autres ordres ne pourront jamais lui faire la loi. Art. 27. Et comme on désire Je vœu de chaque province sur la forme de ses Etats particuliers, le député demandera que les Etats du comté de Bourgogne aient la même organisation que celle qui vient d’être indiquée pour les Etals généraux, sans avoir égard à aucun plan contraire. Art. 28. 11 insistera sur ia nécessité des assemblées des bailliages pour connaître sans incertitude le vœu de la nation, vu que tous les individus de chacun des ordres ont droit d’y opiner, soit par eux-mêmes, soit par les représentants librement élus par eux, et il votera pour que les assemblées soient déclarées constitutionnelles. Art. 29. Il demandera expressément la tenue des assemblées bailliagères, soit pour choisir les députés de la province aux Etats généraux, députés qui, dans aucun temps, ne seront nommés dans les Etats de la province, soit pour l’élection de tous les membres sans distinction qui doivent former l’assemblée des Etats provinciaux. Art. 30. La commission intermédiaire des États provinciaux, composée moitié d’ecclésiastiques et de nobles, moitié de gens du tiers-état, aura seule le droit de répartir les impôts dans la province* sera chargée d’en faire le recouvrement, de viser et d’arrêter les comptes des communes, de statuer sur les corvées et tous travaux publics, d’autoriser les communautés aux réparations et constructions nécessaires et d’en faire l’adjudication par elle-même ou par ses préposés. Art. 31. Ce ne sera que d’après l’avis d’une commission intermédiaire que les communautés présenteront requête au conseil du Roi pour obtenir la permission de vendre leurs quarts de réserve. Art. 32. La commission intermédiaire aura la police du commerce des grains dans la province; elle pourra en permettre l’exportation ou la défendre et jugera s’il ne sera point à propos d’ordonner l’établissement de greniers économiques. Art. 32 bis . Cette même commission sera comptable aux Etats provinciaux suivants. Art. 33. Bans le cas où la nation, de concert avec le Roi, ordonnerait la suppression de la vénalité des charges, elles ne pourraient être remboursées qu’en suite de la démission des titulaires ou de leur mort. Art. 34. La réformation des lois est urgente ; que la justice soit moins dispendieuse, le Gode civil plus simple et plus expéditif, le Code criminel plus humain, leCode forestier plus conséquent et plus clair que l’ordonnance de 1669 Art. 35. Que la même peine soit infligée aux gentilshommes et aux, roturiers coupables des mêmes crimes, en décollant un roturier criminel, on atténuera peut-être le préjugé affreux qui étend sur toute une honnête famille l’infamie d’un scélérat qu’elle aura eu le malheur de voir naître dans son sein, et dans le cas où le même supplice pour les mêmes crimes rie serait pas suffisant poüf éteindre un préjugé si odieux, les Etats généraux aviseront avec Sa Majesté aux moyens les plus prompts de les dissiper, ainsi que de changer et commuer la peine du barinissement ét de prévenir l’établissement des gens sans aveu dans les villes et les campagnes. Art. 36. Pour détruire l’usage barbare du duel, si contraire auxlois divines ethumaines,il suffirait peut-être de priver de leurs places, de déclarer infâmes ou de flétrir de quelque manière que cé fût tous les duellistes. , Art. 37. Suppression de tous les tribunaux des eaux et forêts ; les juges des seigneurs y suppléeraient, puis, par appel, les officiers des bailliages et sénéchaussées, et les cours souveraines dans tous ies cas qui excéderaient la compétence des bailliages. Art. 38. Que les officiers municipaux soient 336 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Besançon.] librement élus par les communes et pour un temps illimité; qu’ils ne soient point trop nombreux et qu’ils rendent compte annuellement de leur administration en présence des communes assemblées ou d’un nombre suffisant de notables députés par elles, si mieux on n’aime que le compte soit rendu à la chambre intermédiaire. Art. 39. Les inconvénients de la liberté de la presse ne seront jamais balancés par les avantages; dans le cas néanmoins où elle serait autorisée, ce ne pourrait être qu’avec toutes les réserves qui mettraient à couvert la religion, les mœurs, l’honneur des citoyens et la tranquillité publique; les auteurs ainsi que les imprimeurs et libraires en seraient responsables et chaque ouvrage porterait le nom de son auteur. Art. 40. Le vœu de la chambre est que l’impôt sur les propriétés foncières soit unique et réparti proportionnellement à ces mêmes propriétés. Art. 41. Dans le nombre des propriétés foncières, il serait juste de comprendre les tailles sans redevances seigneuriales, bois, parcs, enclos, vergers, châteaux et les promenades qui les avoisinent. Art. 42. Une partie de l’impôt doit être jetée sur le commerce et l’industrie, mais le simple journalier ne paraît point être dans le cas de rien payer. Art. 43. Il conviendrait d’imposer le luxe, les carrosses, les meutes de chiens, les laquais superflus, etc. Art. 44. Le député demandera que, par une loi spéciale, le prêt à intérêt soit autorisé au taux du prince. Art. 45. Il demandera aussi que les rentes dues par le Roi sur les salines de Franche-Comté, à plusieurs corps et particuliers, à cause des ventes qu’ils ont laites à nos anciens souverains de portions des mêmes salines ou de droits sur icelles, soient payées à l’avenir dans les provinces comme elles l’ont toujours été jusqu’à ce dernier temps, et qu’on ne retienne plus sur les arrérages aucun vingtième ni sol pour livre , vu qu’ils proviennent de capitaux qui sont le prix d’immeubles vendus et non payées. Art. 46. Que la caisse des bois des bénéficiers et communautés ne soit point transférée hors de la province. Art. 46 bis. Que la mainmorte personnelle n’ait pas lieu dans aucune partie du royaume. Art. 47. On pourrait même détruire la mainmorte réelle sans blesser la loi sacrée de la propriété ; les bénéficiers et les corps ecclésiastiques et réguliers affranchiraient leurs mainmortables, moyennant le cens d’un sol par journal de terre sur les fonds qui composent leur seigneurie, et si les seigneuries laïques n’adoptaient pas cette manière, ils pourraient se réserver des cens et des lods sur les fonds qui leur seraient échus et les vendre en franchise, mais on laisserait toujours aux communautés la liberté de s’affranchir ou de rester dans la condition mainmortable. Art. 48. Le droit de retenue exercée dans le comté de Bourgogne est devenu mal à propos un objet de commerce ; cependant, comme depuis un temps immémorial les seigneurs sont en possession de ce droit, on ne pourrait, sans les indemniser les restreindre aux conditions du retrait lignager. Le député n’adoptera aucun plan à cet égard que le droit de propriété ne soit sauf. Art. 49. Puisque les habitants des campagnes ont joui paisiblement de leurs forêts depuis plusieurs siècles, on doit regarder cette longue possession comme un titre de propriété légitime ; le député demandera en conséquence la suppression de l’édit du triage qui y donne atteinte, et sollicitera une loi précise qui abroge les articles 4 et 5 du titre XXV de l’ordonnance de 1669. Art. 50. Les amendes prononcées pour délit commis sur les fonds des seigneurs seront àleurs profits, mais on prélèvera sur celles qui proviendront des mésus ou délits faits sur les biens des communautés ou des particuliers, les frais de justice et le gage des gardes, ces deux objets payés moitié par les seigneurs, moitié par les habitants ; le surplus sera employé au soulagement des pauvres ou à la fabriqué des paroisses. Art. 50 bis. Gomme l’administration des amendes est presque toujours un fléau pour les habitants des campagnes, le député insistera pour qu’il soit défendu aux seigneurs de les affermer et pour qu’on suive à l’égard de ceux-ci la rigueur des ordonnances quand ils se permettront des actes de chasse, les fruits pendants. Art. 51. 11 serait bien à désirer que le régime de l'armée fût rétabli tel qu’il était avant 1762 et qu’on cessât d’enlever pour le tirage des milices, à l’agriculture et aux arts, des hommes utiles et nécessaires pour le soutien des familles d’artistes et de cultivateurs. Art. 52. Sa Majesté sera priée de subsitituer à l’ordonnance qui exclut les plébéiens des places militaires, une loi moins contraire aux intérêts du tiers-état. Art. 52 bis. Elle voudra bien donner suite au travail commencé depuis plusieurs siècles pour égaler en France les poids et mesures. Art. 52 ter. Elle sera également suppliée de proscrire les loteries du royaume et d’y interdire tous bureaux de loterie étrangère sous peines de fortes amendes contre les contrevenants. Art. 53. L’humanité et l’amour du bien public sont deux motifs aussi pressants, l’un que l’autre, d’engager les Etats généraux à supprimer la mendicité par telles voies qu’ils jugeront les moins onéreuse à l’Etat. Clos et arrêté le 16 avril 1789. Signés sur la minute G.-J.Ev. du Rosy, président ; l’abbé Marelier de Verchamp, commissaire; Millot, chanoine de Sainte-Madeleine, commissaire; le professeur Ballet, commissaire ; Demandre-Ucre de Saint-Pierre, commissaire; Jean-Claude Bailly, curé de Misérey, commissaire ; Jean-Baptiste Serebou,curé de Vurev, commissaire; dom Breuillot, bénédictin; commissaire; François Cornibert minime, commissaire, et Denis Grappier, secrétaire. INSTRUCTIONS GÉNÉRALES. Le député • du clergé de Besançon prendra connaissance des dettes de l’Etat et assurera la dette nationale; mais il cherchera tous les moyens d’en diminuer l’intérêt sans manquer à la foi publique; il votera pour ouvrir de nouveaux emprunts destinés au remboursement de ceux qui seraient trop onéreux, si mieux n’aiment les créanciers de l’Etat réduire l’intérêt qui leur est dû au même taux que serait celui des nouveaux emprunts. Il sera autorisé à consentir un emprunt pendant le terme des Etats généraux prochains, si les besoins de l’Etat l’exigent. Il votera pour le rétablissement de l’ordre et de l’économie dans toutes les parties de l’administration et sollicitera vivement la suppression de toutes les places inutiles, la réduction des traitements trop avantageux, la diminution des pensions, la suppression même de celles qui auraient été obtenues sans titre. [Étals gén. 1789. Cahier*. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 11 votera également sur les changements à faire dans le mode et la quotité des impôts, n’en accordant point sans nécessité et préférant toujours ceux qni pèseront le moins sur la classe la plus indigente et dont la perception sera la moins dispendieuse. 11 votera sur les affaires de douanes, sur les gabelles, sur la plus abondante distribution du sel et sur son prix, sur l'administration et l’aménagement de forêts, sur l’aliénation que le Roi a fait de ses domaines, sur leur mauvaise administration et sur les contrats passés entre le Roi et les engagistes, sur les échanges où Sa Majesté a été lésées et en particulier sur la convention ruineuse pour la France faite avec le prince deMont-béliard, le 21 mai 1786, dont il demandera expressément la révocation, sur tous les objets enfin qui intéressent la chose publique. Comme on ne peut pas tout réformer à la fois, et qu’il est bon cependant de préparer les réformes, il concourra à nommer une commission pour réformer les lois civiles et criminelles et autres abus d’administration dans tous les genres. Le travail de celte commission sera rapporté aux Etat généraux suivants. Le député représentera qu’il serait à propos de fixer à un an, après les Etats généraux de 1789, une autre tenue d’Etats généraux extraordinaire pour y terminer les opérations qu’on ne pourra qu’ébaucher à l’assemblée prochaine. Sur tous ces objets, le clergé du bailliage de Besançon s’en rapporte aux lumières et au patriotisme de son député, l’autorisant à opiner comme il lui paraîtra le plus convenable, mais n’entendant point lui donner pouvoir de concourir à nommer une commission intermédiaire des Etals généraux. Cette commission serait dangereuse, puisqu’un petit nombre pourrait en abuser contre les droits de la nation; elle serait inutile puisque, dans le fait, le Roi a l’administration générale et que Sa Majesté coniîera aux Etats provinciaux l’administration particulière des provinces et aux tribunaux l’administration de la justice. Gependanton pourrait nommer une commission pour l’emploi des emprunts destinés au remboursement des dettes trop onéreuses à l’Etat. La même commission serait chargée et responsable des fonds destinés à l’amortissement particulier de la dette nationale. Il demandera que, conformément à ce qui s’est passé en 1784, les Etats assistent par députés au conseil du Roi lorsqu’on y examinera leurs cahiers et que les députés pris dans chaque ordre y soient en même proportion qu’ils ont été convoqués aux Etats généraux. Il demandera également que les Etats ne soient dissous que lorsque les cahiers auront été répondus. INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES A LA PROVINCE. Le député ecclésiastique du bailliage de Besançon demandera que le clergé de Franche-Comté ne puisse être chargé des dettes contractées par le clergé de France. Il fera son possible pour que la province continue à payer l’impôt dans la même proportion qu’elle le paye aujourd’hui relativement aux autres provinces. Il veillera à ce qu’il ne se décide rien de contraire au droit dont jouissent les Francs-Comtois de ne pouvoir être traduits devant d’autres tribunaux que ceux de la province, et il en sollici tera au besoin la confirmation, sans préjudice néanmoins de l’évocation dans les cas del’ordon-lre Série. T. II. [Bailliage de Besançon.] 337 nance, mais en demandant que ce soit à Dijon plutôt qu’à Metz ne fût-ce qu’à raison de la proximité. Il sollicitera la continuation des travaux pour rendre le Doubs navigable, et comme la province a contribué à la dépense des autres canaux navigables du royaume, il demandera que toutes les autres provinces contribuent à celui-ci. On s’en rapportera à la prudence du député pour demander en faveur de la province un plus grand nombre de députations. Le clergé du bailliage de Besançon en abandonnant une partie des privilèges de la province, n’a d’autre intention que de contribuer par ce sacrifice à un nouvel ordre de choses propre à ramener partout la paix et la félicité publique; mais si les autres provinces n’apportaient pas aux Etats le même patriotisme, ou si les Etats généraux ne tendaient pas à ce but si désiré, le député déclarera qu’il réserve expressément et en entier les privilèges et immunités du clergé de Franche-Comté et de la province. Enfin, il se concertera avec les députés de tous les ordres des provinces d’Alsace, 4e Lorraine et des Trois-Evêchés sur le reculement desbarrières et avec les députés des autres bailliages du comté de Bourgogne pour tous les objets omis et non suffisamment expliqués dans le présent cahier et instructions. CAHIER De la noblesse du bailliage de Besançon. Nota. Il nous a été impossible jusqu’à ce jour de trouver ce cahier: nous le donnerons plus tard si nous parvenons à nous le procurer. CAHIER GÉNÉRAL Des demandes , plaintes et doléances, dressé par le tiers-état du grand bailliage de Besançon, pour être porté et présenté an Roi et a l'assemblée des Etats généraux et libres de la nation française indiquée au 27 du présent mois par la lettre de convocation du 24 janvier (1). DE LA CONSTITUTION NATIONALE ET PROVINCIALE. Art. 1er. Le nombre des députés du tiers-état aux Etats généraux, sera toujours égal, au moins, à celui des deux premiers ordres réunis, et seront toutes délibérations prises par tête et non par ordre. Art. 2. Aucun impôt, quelque légal qu’il soit, et quelle qu’en soit la nature, ne sera continué, établi ni perçu que du consentement de la nation assemblée aux Etats généraux, et il en sera de môme des emprunts. Art. 3. Les lois générales du royaume ne pourront être établies que du consentement de la nation assemblée en Etats généraux, et quant aux lois particulières aux provinces, elles ne pourront être portées que du consentement des Etats provinciaux . Art. 4. Les Etats généraux s’assembleront, au moins tous les trois ans ; en cas de mmorité du Roi, les députés qui auront composé la dernière assemblée, seront tenus de se rendre dans le mois au lieu de leur dernière séance, pour délibérer sur l’administration du royaume Art. 5. Aucun impôt ne pourra être accordé pour plus de trois années et ne pourra, après ce (1) Nous publions c«s cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 22