SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE L’ASSEMBLÉE DU CLERGÉ DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS, AUX ÉTATS GÉNÉRAUX QUI DOIVENT ÊTRE CONVOQUÉS PAR ORDRE DE SA MAJESTÉ (1). Le clergé de la sénéchaussée de Bazas, frappé des malheurs de l’Etat et touché jusqu’au fond de l’àme des peines qu’ils causent à notre monarque, se proposant d’entrer dans les vues paternelles de Sa Majesté demande que par préférence Rassemblée de la nation s’occupe des moyens de rétablir l’ordre dans toutes les parties de l’Etat. 1° Le clergé de la sénéchaussée de Bazas est prêt à faire les plus grands sacrifices pour concourir à cette grande œuvre. Il offre d’abandonner tous les privilèges pécuniaires et de soumettre tous ses biens à toutes les impositions comme tous les autres sujets de Sa Majesté ; il demande que ses impositions soient égales à celles de tous les autres citoyens, et que l’équilibre soit établi entre les différents ordres. 2° Si l’imposition qu’il supporte actuellement se trouvait surpasser en proportion celle des autres sujets, il ne demande aucun soulagement. 3° Ecartant ainsi tout ce qui pourrait être suspect des vues intéressées, le clergé de la sénéchaussée de Bazas doit réclamer avec autant de force que de respect pour le Roi, la conservation de ses formes, et la liberté de s’assembler. 4° Le clergé régulier et séculier de la sénéchaussée de Bazas réclame la conservation de ses propriétés, des droits, honneurs, prérogatives et distinctions dont il a toujours joui et qui font partie de la constitution française. Le clergé fait la même réclamation pour les propriétés, droits et prérogatives de l’ordre de la noblesse; il demande qu’il n’y soit porté aucune atteinte. 5° Le député du clergé doit faire tous ses efforts pour conserver l’administration paternelle et bienfaisante de ses décimes , 6° Le clergé de Bazas présume trop de la justice du Roi pour craindre que Sa Majesté adopte jamais les principes qu’un précédent administrateur de finances avait avancé dans la première Assemblée des notables sur la nature des dettes du clergé et la manière de les acquitter. 7° Le clergé de Bazas ose représenter au Roi le danger auquel est exposée la religion catholique et l’Eglise de France, particulièrement par l’édit des non catholiques ; il supplie très-humblement Sa Majesté de vouloir interpréter par une déclaration authentique, conformément aux remontrances de l’assemblée générale du clergé de l’année dernière, plusieurs dispositions de cet édit. 8° Le clergé joint ses vœux à ceux de tout le royaume pour que les Etats généraux veuillent bien solliciter une loi du prince qui supprime la mendicité en France. La nécessité de cette loi (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'empire. est trop connue pour faire mention des motifs qui la rendent indispensable. 9° Le clergé de Bazas est si convaincu de l’utilité des assemblées provinciales qu’il est plein de reconnaissance envers Sa Majesté qui a bien voulu étendre cette faveur à la province de Guienne. 11 lui tarde de jouir de ce bienfait et supplie les Etats généraux, d’en accélérer le moment le plus tôt qu’il sera possible et de prendre pour modèle de son organisation le plan des Etats généraux. 10° Le clergé croit les circonstances favorables pour inviter les Etats généraux à prendre en considération l’éducation publique et à former un plan général auquel fussent assujettis tous les collèges, dont les meilleurs auraient besoin d’une grande réforme. 11° Le clergé de Bazas, se livrant aux mouvements de son zèle pour l’intérêt de la religion et de l’Eglise, supplie Sa Majesté de vouloir bien rétablir les conciles provinciaux, comme le moyen le plus efficace de faire revivre l’esprit et la discipline ecclésiastique. 12° L’administration de la justice étant un des objets qui intéressent tout le royaume, le clergé de Bazas pense qu’il est digne du zèle des Etats généraux de s’occuper des moyens qui peuvent la rendre plus prompte et moins dispendieuse. 13° Le clergé de Bazas gémit depuis longtemps sur le sort des curés à portion congrue ; il demande avec d’autant plus de confiance que le gouvernement vienne à leur secours, que Sa Majesté, touchée de leur état, a rendu en 1785 un édit que le défaut d’enregistrement a rendu sans effet. 14° Les curés de la sénéchaussée de Bazas gémissent principalement de voir leurs confrères réduits à la simple portion congrue, dans une véritable souffrance qui devient tous les jours plus forte à raison de la cherté des denrées et l’augmentation du prix de toutes les dépenses; ils demandent qu’il soit adjugé par le gouvernement une portion plus forte que celle qui leur est déjà attribuée et qui soit suffisante ; ils demandent que celle des vicaires soit augmentée à proportion, et que cette augmentation soit à la charge de chaque décimateur, proportionnellement à ce qu’il retire des dîmes, les règlements particuliers réservés. 15° L’édit du Roi de 1568 qui supprime les no-vales a toujours été regardé par les curés comme leur étant extrêment nuisible; l’idée de leur faire un meilleur sort paraît avoir servi de prétexte à l’édit ; l’effet de cet édit les ruine et leur ôte les faibles ressources que les revenus des dîmes de leurs propres paroisses leur offraient. Les curés demandent lajrévocation de cet édit, et que désormais ils puissent jouir tant des novales anciennes dont ils étaient en possession avant l’édit, que de celles qui ont été ouvertes depuis et qui le seront à l’avenir. 16° Le sort des curés infirmes ne mérite pas moins l’attention du gouvernement que celle de leurs confrères. On demanderait qu’il fût trouvé un moyen pour les soutenir dans leur vieillesse et leurs infirmités, surtout quand, réduits à la por- [États gên. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Basas.) 207 tion congrue, la rétribution qu’ils en retirent est insuffisante à leurs besoins; ils mettent dans la même classe les ecclésiastiques du diocèse qui , ne vivant que dans les places d'un revenu très-médiocre, sont exposés dans leur vieillesse à une indigence humiliante. 17° Il y a dans la sénéchaussée plusieurs paroisses qui ont des annexes; souvent ces annexes ne sont pas desservies par des vicaires à raison de la rareté des prêtres ; les curés demandent ou qu’il soit établi des vicaires dans les annexes, ou que la rétribution en soit adjugée au curé comme faisant double fonction. 18° Les curés de la sénéchaussée de Bazas se plaignent de ce que dans leurs affaires particulières on leur défend de s’assembler comme n ayant aucune existence légale. Les soupçons injustes qu’on veut former sur leurs desseins les humilient; ils ne respirent que le respect pour le Roi, ils ne travaillent que pour le bien de la nation, ils désirent le soulagement des peuples; il est juste qu’ils veillent à leurs affaires générales et parti-lières. Ils demandent donc une existence légale et le pouvoir de s’assembler toutefois en assemblées particulières, quand leurs affaires l’exigeront et d’avoir un syndic de leur ordre dans le diocèse qui les défende et se charge de leurs intérêts. 19° L’ordre des curés ,a toujours été regardé comme le second dans l’État ecclésiastique. Pourraient-ils ne pas exprimer leur douleur de ce que dans les assemblées générales et particulières du clergé, dont ils ne sont pas formellement exclus, ils n’y sont cependant jamais appelés? Ils demandent "que leur ordre soit plus considéré, et que comme il s’agit presque toujours dans les assemblées générales et particulières des intérêts qui les concernent, il y soit toujours appelé un député de leur ordre et de chaque diocèse. 20° Les corps religieux demandent avec instance la révocation de l’édit qui règle la profession des jeunes religieux à l’âge de vingt et un ans ; ils se plaignent de ce que par une suite de cet édit, leurs cloîtres deviennent déserts, ils sont persuadés qu’ils trouveraient de meilleurs sujets et qu’ils seraient plus utiles, s’ils pouvaient les former dans un âge plus flexible. Ils supplient donc les Etats généraux de fixer la profession religieuse à l’âge de dix-huit ans. 21° Enfin, tout le corps du clergé de Bazas, tant séculier que régulier, entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, laisse aux Etats généraux à décider si les suffrages se compteront par ordre, ou par tête. MANDAT DE LA NOBLESSE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS, A M. DE P1IS, GRAND SÉNÉCHAL, SON DÉPUTÉ AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DU ROYAUME (1). La noblesse du Bazadois, réunie par les ordres du Roi, et animée du zèle que la gloire et l’honneur perpétuent avec le nom français, publie avec confiance ses supplications devant la nation assemblée. Ce moment de triomphe pour l’Etat qui va se régénérer, en est un bien grand pour le prince qui cherche, dans le rappel de la constitution, le bonheur des peuples qu’il gouverne. Après avoir reconnu l’importance des pouvoirs à accorder à son député aux Etats généraux qui seront tenus à Versailles le 27 avril 1789, la no-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. blesse du Bazadois a unanimement résolu et arrêté, que telle que puisse être la manière particulière de penser de son député, il sera rigoureusement astreint à se conformer aux ordres exprès qui lui seront expliqués ci-après, et ne pourra être d’un avis différent, lorsque le sien sera requis aux Etats généraux, puisque c’est notre vœu commun et unanime qu’il a la commission d’exprimer. Gomme aussi il demeure chargé, en son honneur et conscience, de poursuivre, sans délai et avec persévérance, tout ce que nous croyons utile au maintien de notre constitution monarchique, à la gloire de la justice du Roi, à la durée de l’empire, â la liberté individuelle et au bonheur de la nation. Ne pourra, néanmoins, notredit député, se retirer des Etats généraux avant leur clôture, en troubler ou arrêter les délibérations par son opposition ni protestations, mais seulement présenter avec fermeté nos doléances, nos vues pour le bien commun, les défendre par tous les moyens que la vérité fait ressortir, nous en remettant au surplus à ce que décidera la majorité de nos frères, les députés de notre ordre des autres provinces du royaume, qui réunissent à des lumières supérieures le même amour pour la patrie. A ces fins notre député est contraint d’opiner constamment pour : 1° Que les trois ordres réunis aux Etats généraux opinent séparément, seul moyen de conserver la liberté et l’influence de chacun d’eux, forme que nous ont transmis nos pères et qu’ils avaient établie sans doute parce qu’ils prévoyaient les maux que nous craignons ; sans préjudice de consentir à la formation des bureaux des trois ordres pour la préparation des matières et jamais pour leur décision. 2° Que les impôts ne peuvent être établis ni perçus légalement, que par l’octroi libre de la nation assemblée en Etats généraux, ainsi que Sa Majesté l'a reconnu elle-même ; et qu’à l’avenir ils seront répartis sur toutes les propriétés mobilières et immobilières des individus des trois ordres, sans qu’aucun privilège puisse en dispenser ou en exempter. 3° Que le domaine de la couronne, grevé d’une substitution perpétuelle, est inaliénable, et que non-seulement on ne peut acenser ni aliéner les portions qui sont encore entre les mains du Roi, mais que c’est une vérité sacrée que Sa Majesté doit être réintégrée, sans délai, dans toutes les parties qui ont été vendues par ses prédécesseurs, ou concédées à quelque titre que ce soit. Nous avons d’autant plus de satisfaction à professer cette doctrine, qu’elle est née avec la royauté parmi nous, et qu’elle a été réclamée par toutes les assemblées de la nation. 4° Demander un compte exact de l’état actuel des finances du royaume, et de ne voter pour l’impôt que lorsque la quotité en aura été démontrée par l’évidence du besoin, ainsi que les emprunts qui ne pourront être faits que par la nation assemblée ; que, de plus, l’impôt sur les propriétés foncières soit seul et unique, lequel tiendrait lieu de tailles, capitation, vingtièmes, sans préjudice de faire concourir les fortunes mobilières par une perception préalablement déterminée dans les Etats généraux. 5° Que toutes les distinctions et prérogatives des deux premiers ordres, autres que l’affranchissement des impôts et le concours à toutes les dépenses publiques, subsisteront dans leur intégrité, non-seulement comme une propriété à la- [États gên. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Basas.) 207 tion congrue, la rétribution qu’ils en retirent est insuffisante à leurs besoins; ils mettent dans la même classe les ecclésiastiques du diocèse qui , ne vivant que dans les places d'un revenu très-médiocre, sont exposés dans leur vieillesse à une indigence humiliante. 17° Il y a dans la sénéchaussée plusieurs paroisses qui ont des annexes; souvent ces annexes ne sont pas desservies par des vicaires à raison de la rareté des prêtres ; les curés demandent ou qu’il soit établi des vicaires dans les annexes, ou que la rétribution en soit adjugée au curé comme faisant double fonction. 18° Les curés de la sénéchaussée de Bazas se plaignent de ce que dans leurs affaires particulières on leur défend de s’assembler comme n ayant aucune existence légale. Les soupçons injustes qu’on veut former sur leurs desseins les humilient; ils ne respirent que le respect pour le Roi, ils ne travaillent que pour le bien de la nation, ils désirent le soulagement des peuples; il est juste qu’ils veillent à leurs affaires générales et parti-lières. Ils demandent donc une existence légale et le pouvoir de s’assembler toutefois en assemblées particulières, quand leurs affaires l’exigeront et d’avoir un syndic de leur ordre dans le diocèse qui les défende et se charge de leurs intérêts. 19° L’ordre des curés ,a toujours été regardé comme le second dans l’État ecclésiastique. Pourraient-ils ne pas exprimer leur douleur de ce que dans les assemblées générales et particulières du clergé, dont ils ne sont pas formellement exclus, ils n’y sont cependant jamais appelés? Ils demandent "que leur ordre soit plus considéré, et que comme il s’agit presque toujours dans les assemblées générales et particulières des intérêts qui les concernent, il y soit toujours appelé un député de leur ordre et de chaque diocèse. 20° Les corps religieux demandent avec instance la révocation de l’édit qui règle la profession des jeunes religieux à l’âge de vingt et un ans ; ils se plaignent de ce que par une suite de cet édit, leurs cloîtres deviennent déserts, ils sont persuadés qu’ils trouveraient de meilleurs sujets et qu’ils seraient plus utiles, s’ils pouvaient les former dans un âge plus flexible. Ils supplient donc les Etats généraux de fixer la profession religieuse à l’âge de dix-huit ans. 21° Enfin, tout le corps du clergé de Bazas, tant séculier que régulier, entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, laisse aux Etats généraux à décider si les suffrages se compteront par ordre, ou par tête. MANDAT DE LA NOBLESSE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS, A M. DE P1IS, GRAND SÉNÉCHAL, SON DÉPUTÉ AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DU ROYAUME (1). La noblesse du Bazadois, réunie par les ordres du Roi, et animée du zèle que la gloire et l’honneur perpétuent avec le nom français, publie avec confiance ses supplications devant la nation assemblée. Ce moment de triomphe pour l’Etat qui va se régénérer, en est un bien grand pour le prince qui cherche, dans le rappel de la constitution, le bonheur des peuples qu’il gouverne. Après avoir reconnu l’importance des pouvoirs à accorder à son député aux Etats généraux qui seront tenus à Versailles le 27 avril 1789, la no-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. blesse du Bazadois a unanimement résolu et arrêté, que telle que puisse être la manière particulière de penser de son député, il sera rigoureusement astreint à se conformer aux ordres exprès qui lui seront expliqués ci-après, et ne pourra être d’un avis différent, lorsque le sien sera requis aux Etats généraux, puisque c’est notre vœu commun et unanime qu’il a la commission d’exprimer. Gomme aussi il demeure chargé, en son honneur et conscience, de poursuivre, sans délai et avec persévérance, tout ce que nous croyons utile au maintien de notre constitution monarchique, à la gloire de la justice du Roi, à la durée de l’empire, â la liberté individuelle et au bonheur de la nation. Ne pourra, néanmoins, notredit député, se retirer des Etats généraux avant leur clôture, en troubler ou arrêter les délibérations par son opposition ni protestations, mais seulement présenter avec fermeté nos doléances, nos vues pour le bien commun, les défendre par tous les moyens que la vérité fait ressortir, nous en remettant au surplus à ce que décidera la majorité de nos frères, les députés de notre ordre des autres provinces du royaume, qui réunissent à des lumières supérieures le même amour pour la patrie. A ces fins notre député est contraint d’opiner constamment pour : 1° Que les trois ordres réunis aux Etats généraux opinent séparément, seul moyen de conserver la liberté et l’influence de chacun d’eux, forme que nous ont transmis nos pères et qu’ils avaient établie sans doute parce qu’ils prévoyaient les maux que nous craignons ; sans préjudice de consentir à la formation des bureaux des trois ordres pour la préparation des matières et jamais pour leur décision. 2° Que les impôts ne peuvent être établis ni perçus légalement, que par l’octroi libre de la nation assemblée en Etats généraux, ainsi que Sa Majesté l'a reconnu elle-même ; et qu’à l’avenir ils seront répartis sur toutes les propriétés mobilières et immobilières des individus des trois ordres, sans qu’aucun privilège puisse en dispenser ou en exempter. 3° Que le domaine de la couronne, grevé d’une substitution perpétuelle, est inaliénable, et que non-seulement on ne peut acenser ni aliéner les portions qui sont encore entre les mains du Roi, mais que c’est une vérité sacrée que Sa Majesté doit être réintégrée, sans délai, dans toutes les parties qui ont été vendues par ses prédécesseurs, ou concédées à quelque titre que ce soit. Nous avons d’autant plus de satisfaction à professer cette doctrine, qu’elle est née avec la royauté parmi nous, et qu’elle a été réclamée par toutes les assemblées de la nation. 4° Demander un compte exact de l’état actuel des finances du royaume, et de ne voter pour l’impôt que lorsque la quotité en aura été démontrée par l’évidence du besoin, ainsi que les emprunts qui ne pourront être faits que par la nation assemblée ; que, de plus, l’impôt sur les propriétés foncières soit seul et unique, lequel tiendrait lieu de tailles, capitation, vingtièmes, sans préjudice de faire concourir les fortunes mobilières par une perception préalablement déterminée dans les Etats généraux. 5° Que toutes les distinctions et prérogatives des deux premiers ordres, autres que l’affranchissement des impôts et le concours à toutes les dépenses publiques, subsisteront dans leur intégrité, non-seulement comme une propriété à la- 268 [États gén. 1789. CahiersJ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bazas.l quelle aucune puissance sur la terre ne peut porter atteinte, mais encore parce qu’il est de l’esseace du gouvernement monarchique qu’il y aild es distinctions d'état, pour maintenir la règle dans les esprits, et conserver la subordination dans les procédés et la conduite de tous les hommes. 6° Que les décisions des présents Etats généraux ne pourront lier ni engager la nation que jusqu’à la suivante assemblée générale, de manière que le retour périodique desdits Etats généraux soit déterminé et reconnu publiquement comme une loi fondamentale du royaume ; Et nous déclarons que nous ne nous tiendrons pas pour engagés par des octrois indéfinis pour la durée et la quotité. 7° Sa Majesté sera suppliée de retirer les édits désastreux du 8 mai 1788 *, d’ordonner en conséquence qu’ils seront raturés sur les registres des différents tribunaux dans lesquels ils ont été transcrits, de manière qu’il n’en demeure aucune trace, afin que la postérité ignore les maux qui nous ont menacés. Sera également suppliée Sa Majesté d’agréer que, sur la requête des Etats généraux et à la diligence de son procureur général, les criminels auteurs et instigateurs de ces innovations, soient poursuivis devant la cour des pairs ou tout autre tribunal compétent, jusqu’à arrêt définitif, ainsi que cela s’est pratiqué à l’égard du chancelier Poyet et autres. 8° La liberté individuelle de chaque citoyen étant une propriété aussi certaine et plus précieuse encore que les biens, Sa Majesté voudra bien renoncer à l’exercice des lettres closes, ordres arbitraires de ses ministres ; renouveler les ordonnances du royaume, qui défendent d’y adhérer, et permettre qu’à l’avenir il n’en sera fait aucun usage que pour éloigner de sa personne royale, ou des lieux de son habitation, ceux qui auraient le malheur de lui déplaire, ou encore par forme de correction, sur la demande des parents ; mais dans tous ces cas aucun individu ne pourra être renfermé dans une forteresse ; et si la sûreté publique exige l’arrêtement de quelque citoyen, les préposés de l’administration le feront remettre incessamment, avec les charges parvenues à leur connaissance, à la disposition des tribunaux ordinaires pour être jugé suivant les lois. Sa Majesté sera egalement suppliée de modifier l’ordonnance criminelle qui, sans égard pour la liberté naturelle ni la dignité de l’homme, permet à un juge seul, dans les tribunaux inférieurs, de prononcer sur la liberté des citoyens ; et d’ordonner qu’à l’avenir les informations seront publiques, et qu’aucun décret de prise de corps ne pourra être décerné, sans que le juge soit assisté d’un gradué, le nom duquel il sera tenu d’exprimer dans le décret. 9° D’accorder à la province de Guienne, comme à toutes celles du royaume, des Etats provinciaux ou particuliers, auxquels seront renvoyées priva-tivement l’assiette et répartition des impôts, dont lesdits Etats seront chargés de faire remettre le montant, sans frais, dans le trésor royal ; et les fonds qui seront levés pour les dépenses publiques demeureront à leur entière et libre disposition, sans que, sous aucun prétexte, ils puissent en être distraits ; comme aussi lesdits Etats provinciaux auront seuls la connaissance et la décision de toutes les discussions qui pourraient survenir sur ces différents objets. 10° Lesdits Etats provinciaux de Guienne seront composés des députés des trois ordres de chaque sénéchaussée, formant actuellement la généralité de la Guienne, et chaque sénéchaussée y enverra un nombre de députés proportionnel aux impôts qu’elle aura à supporter, parce qu’il est juste que le pays qui fournit le plus à la cause commune ait aussi le plus grand nombre de représentants. On pourrait y admettre des députés particuliers des villes de Bordeaux et Bayonne, les deux seules de la province qui fassent le commerce extérieur. 11° Puisque l’ordre ecclésiastique doit former une partie intégrante des Etats provinciaux, il sera arrêté et convenu que la masse d’impôts et de charges publiques que cet ordre devra supporter, sera fixée et réglée, ainsi que celle des autres ordres, dans l’assemblée générale desdits Etats provinciaux ; car sans cela sa présence et son vœu deviendraient inutiles, et peut-être dangereux dans la discussion d’intérêts qui ne le regarderaient pas. Et comme l’entretien des bâtiments et lieux consacrés au culte divin, est une charge commune à tous les citoyens, l’ordre ecclésiastique, à l’avenir, en supportera sa part contingente, de quelque manière que ses impôts soient répartis. 12° Sera suppliée, Sa Majesté, de supprimer entièrement tous les bureaux des traites et tous les privilèges locaux, destructifs du commerce et de la circulation, ainsi que les dons gratuits des villes, charges odieuses à toutes les classes de citoyens. La noblesse du Bazadois, considérant de plus combien le poids de la gabelle est onéreux pour les autres provinces, quoiqu’elle en soit rédimée , supplie Sa Majesté d’en ordonner l’abolition dans toute l’étendue du royaume. 13° La noblesse du Bazadois, considérant qu’il serait inutile d’augmenter les revenus de l’Etat, s’ils (levaient être livrés à la déprédation , demande que tous les ministres, chacun dans leur département, rendent à l’avenir un compte exact des dépenses faites par eux et de leur application, les en déclarant responsables ; lequel compte sera rendu public chaque année par la voie de l’impression, nous en remettant d’ailleurs à nos frères de l’ordre de la noblesse, pour étendre et modifier cet article suivant qu’ils le jugeront convenable. 14° Déclare ladite noblesse qu’elle proteste contre toute délibération décidée aux Etats généraux, si les voix y sont recueillies autrement que par ordre. 15° Et pour tous les objets non prévus par nos ordres ci-dessus, nous nous en remettons à la discrétion et probité de notre mandataire, étant persuadés que, jaloux de conserver l’estime qui lui aura mérité notre choix, il se conformera, autant qu’il lui sera possible, à l’esprit du présent mandat, et nous lui confierons tout le pouvoir qui réside en nous pour traiter de la situation et restauration des finances, accorder des subsides, concourir à toutes les lois nécessaires pour assurer le bonheur du souverain et de la nation , enfin ménager les intérêts de la grande famille avec économie et prudence. Tels sont les objets que la noblesse du Bazadois soumet à la décision des Etats généraux ; elle attend tout d’une nation qui, pour détruire l’arbitraire, rappelle son antique constitution, et marche vers la liberté sous les auspices de son roi. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bazas. 20Q CAHIER DU TIERS-ÉTAT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS. Nota. Nous n’avons pu nous procurer encore le cahier du tiers-état de Bazas : nous l’insérerons lorsqu’il nous sera parvenu. CAHIER DES PLAINTES, DOLÉANCES ET RÉCLAMATIONS FORMÉES PAR L’ASSEMBLÉE DU TIERS-ÉTAT DE LA VILLE ET JURIDICTION DE LANGON (1). Le tiers-état de la ville et juridiction de Langon, régulièrement assemblé conformément aux ordres du Roi et de l’ordonnance de M. le grand sénéchal du Bazadois du 23 févrierdernier, charge ses représentants de porter au pied du trône les sentiments de la plus vive reconnaissance pour la bonté paternelle du Roi qui, entièrement occupé du bonheur de ses peuples, leur accorde la grâce de concourir au salut de l’Etat, à la gloire de son souverain et à la plus grande perfection de toutes les parties de l’administration; les exhorte à se pénétrer dans l’assemblée des Etats généraux de cet esprit de sagesse, de douceur et de mansuétude qui inspire l’amour de la patrie et qui, ne faisant de toute la nation qu’une seule famille, calmera les sollicitudes du souverain en opérant le bonheur de ses sujets. Lesdits députés aux Etats généraux sont priés de vouloir, pour le bon plaisir du Roi, y traiter dans l’ordre ci-dessus indiqué les articles suivants : Art. 1er. Le retour périodique des Etats généraux tous les cinq ans dans la meilleure forme qui pourra être reconnue par l’assemblée. Art. 2. Que les délibérations seront prises par ordres réunis, et les suffrages comptés par tête. Art. 3. Que les sujets du Roi ne puissent être emprisonnés ou détenus par aucun motif ou sous aucun prétexte, qu’en vertu des lois du royaume consenties aux Etats généraux et qu’aucun citoyen ne puisse être enlevé ou soustrait à la ju7 ridiction de ses juges naturels. Art. 4. Qu’aucune partie des propriétés des sujets du Roi ne puisse leur être enlevée par des impôts, s’ils n’ont été préalablement consentis dans l’assemblée des Etats généraux. Art. 5. Que Sa Majesté sera très-humblement suppliée de refuser à tous ministres, grands seigneurs, gens en place ou autre personne quelconque l’usage abusif des lettres de cachet qui sont communément employées à vexer les bons, assurer l’impunité aux méchants, éluder la justice des lois, et rendre l’autorité odieuse. Art. 6. L’abolition de toute commission particulière, évocation au conseil et renvoi devant les tribunaux ordinaires de toutes les causes civiles et criminelles qui sont ou peuvent être actuellement pendantes devant des juges de commission. Art. 7. Qu’aucune loi bursale, qu’aucun emprunt direct ni indirect ne puissent être établis sans l’autorité du prince et le consentement des représentants de la nation dûment enregistrés dans les cours supérieures du royaume, qui seront chargées spécialement d’y tenir la main et de poursuivre comme concussionnaires tous novateurs à cet égard. Art. 8. Que tous les impôts actuellement subsistants soient abolis. Art. 9. Autorisons nos représentants aux Etats (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. généraux de délibérer sur les subsides et de procéder à la création de nouveaux impôts, selon les besoins de l’Eiat, après avoir supplié Sa Majesté de leur faire communiquer le tableau exact et détaillé de ses finances et après avoir pris une connaissance approfondie du montant du déficit et de ses véritables causes, établir sous une forme plus claire, plus simple, d’une répartition plus égale et d’une perception plus facile et moins onéreuse tous les impôts qu’ils jugeront convenables pour rétablir l’équilibre dans les finances, assurer la tranquillité du monarque et le bonheur de la nation. Art. 10. Que les ministres, les tribunaux et aucun des sujets du monarque ne puissent violer les lois impunément. Art. il. Que les ministres du Roi soient à l’avenir responsables de l’emploi des sommes confiées à leurs départements. Art. 12. Que tout ministre accusé de prévarications ou abus d’autorité, pourra être cité au Parlement, les pairs y séant, pour que son procès lui soit fait. Art. 13. Qu’il soit accordé à la presse une liberté indéfinie, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages et de répondre personnellement lui ou l’auteur de tout ce que ces écrits pourraient contenir de contraire à la religion, à l’ordre général, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. Art. 14. Demander une meilleure forme pour l’instruction de la justice civile et criminelle, abréger les procès par des formes plus courtes, plus sagement établies, travailler à la réforme du droit français et du droit romain, en établissant des lois plus conformes aux temps, aux localités et aux mœurs. Art. 15. Demander la suppression de tous les privilèges exclusifs. Art. 16. Accorder au commerce la suppression de toutes les entraves, telles que les péages, les douanes intérieures, ainsi que tous les mêmes droits inconnus dont l’obscurité est impénétrable aux yeux les plus clairvoyants. Art. 17. Le tiers-étal désire qu’il plaise à Sa Majesté d’accorder aux Etats généraux du royaume, qu’il ne sera procédé à la création et établissement d’aucun impôt, qu’aprè3 avoir préalablement et définitivement réglé ou statué sur les objets ci-dessus énoncés, entendant que l’impôt ne pourra être établi pour un temps illimité, que le terme de l’octroi ne puisse excéder l’intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à la suivante, et qu’il soit également et uniformément réparti sur tous les ordres du royaume sans distinction. Art. 18. Les abus inouïs qui se sontglissés dans l’impénétrable dédale du contrôle des actes, les extensions et interprétations arbitraires des ordonnances et du tarif suscitent les réclamations du tiers-état de concert avec toute la nation pour qu’il soit procédé, sous le bon plaisir du Roi, à des règlements clairs, positifs et précis qui ne laissent aucun moyen aux préposés de profiter de l’ignorance des redevables et de l’avidité des percepteurs. Art. 19. Les pays de taille réelle présentent des exemples d’égalité, d’uniformité de répartition des impôts qui pourraient servir de modèle au régime désiré par le tiers-état. Art. 20. Que toutes les provinces du royaume soient mises en pays d’Etats, conformément a ceux du Dauphiné, tant pour une plus exacte répartition des impôts, que pour une meilleure administration civile et politique ; cette demande est 270 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Séaéchaassée de Bazas. d’autant plus fondée pour la province de Guienne que c’était sa constitution primitive. Art. 21. Le cri de la justice, celui de l’humanité et le vœu général de la nation sollicitent instamment pour une plus égale distribution des biens ecclésiastiques; la modicité des revenus de la plu ¬ part des curés, surtout des congrués, qui sont les véritables pasteurs , les met dans la malheureuse impuissance de secourir la portion la plus indigente et la plus utile de la nation ; on pourrait faire verser dans leurs mains une partie des revenus. Les abbayes et les prieurés sont trop amplement dotés, possédés ordinairement par des gens peu utiles au service de la religion. Art. 22. Le tiers-état ne cessera de réclamer contre la multiplicité des droits grèveux, dont a joui jusqu’à présent la noblesse, comme les droits de fouage, banalité, corvée, prestation, etc., etc. Art. 23. Réclamation du tiers-état pour pouvoir être admis selon le mérite et les talents à toutes les places civiles et militaires. Art. 24. Que toutes les villes et communautés jouissent du droit de nommer à leur choix leurs officiers municipaux, syndics et trésorier, et qu’elles restent nanties de la libre disposition de leur revenus, comme plus capables d’en connaître l’emploi, sans que, sous quelque prétexte que ce puisse être, aucune personne qualifiée puisse en prendre la manutention ou connaissance, autrement que du consentement de leur communauté. Art. 25. Représenter à MM. les députés de la nation les malheurs dont elle est menacée par l’abandon des cultivateurs, qui s’efforcent, depuis longtemps et sans cesse, de se soustraire aux soins de la culture, ce qui menace du double inconvénient de la disette des bras et de la superfluité des ouvriers de tout état dont regorgent les manufactures et les grandes villes, et qui ne trouvant pas à s’occuper, infestent les grands chemins, dévastent les villes et les campagnes, se livrent à la malheureuse industrie de la contrebande, ou par un choix qui n’est pas moins funeste, vont par émigration porter chez nos voisins une industrie acquise à nos dépens : une modération dans la capitation, l’immunité de la corvée et l’exemption de la milice, seraient peut-être des appâts suffisants pour les retenir. Art. 26. La dépopulation des campagnes, la défection des paysans et laboureurs ont évidemment deux causes principales bien dignes d’être prises en considération par l’assemblée générale : le luxe qui enlève à la terre un grand nombre d’ouvriers, fait aussi dans cette classe, comme dans celle des consommateurs un grand nombre de célibataires, d’où résulte la nécessité de bonnes lois somptuaires par lesquelles on mette à un prix auquel ne puisse atteindre la classe malheureuse du peuple, les jouissances que la mode et l’opinion ne devraient créer que pour arracher à l’avarice des riches un superflu dont ils ne savent pas faire un meilleur usage. Art. 27. Que la livrée, cette cohorte d’hommes également avilis par leurs emplois et leur oisiveté, qui par malheur est l’élite de ce que les campagnes produisent d’hommes forts et vigoureux, la livrée est sans contredit la portion la plus inutile, la plus à charge et la plus perverse de toute la nation ; ces hommes que le luxe et l’orgueil consacrent à leur cortège, restent le plus ordinairement célibataires, ou ne prennent en se mariant que des professions encore plus funestes ou plus scandaleuses que ne l’était leur nullité. Une loi qui imposerait des taxes très-chères sur la livrée permettrait de faire aux habitants des campagnes des relâchements qui, en les dédommageant de l’inégalité des fortunes et des conditions, restitueraient à la culture et à la société des citoyens utiles. Les soussignés chargent MM. les députés aux Etats généraux de demander et d’insister sur l’établissement des principes rappelés ci-dessus, et les réformes pareillement ci-dessus énoncées; et sur les autres points de bien et d’ordre public, les députés pourront faire tout ce qu’ils estimeront en leur âme et conscience devoir concourir au bonheur de la patrie, ceux qui les nomment ne devant pas douter que des hommes chargés de cet honorable fardeau ne soient toujours dirigés par la justice, la modération, la fidélité envers le Roi, le respect des propriétés, l’amour de l’ordre et la tranquillité publique. Fait et arrêté en l’hôtel commun de ladite ville de Langon le 4 mars 1789.